Compagnon d'autolyse. (15)
Je me sens tellement seule que c'en est une torture. J'ai besoin d'extérioriser cette douleur, cette absence qui pèse dans mon âme.D'abord, je me suis mise à hurler. Avec un peu de chance, cette fichue baraque n'est pas si loin de la civilisation humaine. Je crie encore et encore à m'en décrocher les poumons. Je supplie qu'on me sorte de là, j'appelle au secours en vain. Au début, j'ai même espoir de voir une tête apparaître à la fenêtre alors qu'elle est à plusieurs mètres du sol. Je perds le sens des réalités. Vu que ça ne fonctionne pas, je lance toutes les insultes et gros mots que j'ai pu entendre dans ma vie.
Quand c'est trop douloureux pour continuer, parce que ma voix refuse de sortir tant ma gorge est enflée, je balance tout ce que j'ai sous la main. J'ai même lancé un de mes précieux verres, l'envoyant se briser contre un poteau. Dans ma crise de folie, je crois avoir planté une fourchette dans mon oreiller. En tout cas, son rembourrage est éparpillé tout partout. Les peluches de polyester voltigent comme la neige qui tombe au-dehors, c'est un vrai bordel.
Dans ma folie, j'ai visiblement dû marcher sur du verre brisé. Quand je marche, je laisse de petites tâches rouges. Finalement, ça m'amuse et je trace de petits chemins en tournant autour des poteaux. Mais soudainement, j'ai trop mal pour continuer, comme si mon cerveau venait enfin d'analyser la sensation qu'il ressentait depuis plusieurs minutes. La douleur. N'ayant rien de mieux à faire, je me penche pour enlever les micros bouts de verre qui sont restés plantés dans ma voûte plantaire.
Je me retrouve assise au milieu de la ouate déniapée et je me demande pourquoi est-ce que je suis là. J'envisage même de me pendre avec ma housse de couette. C'est risible car maintenant que j'ai vraiment fait le nœud coulant, je réalise qu'il n'y a pas d'endroit où l'accrocher. J'ai bien un tonneau à faire tomber, pourtant. Seulement, je n'ai rien pour faire tenir ma corde de fortune.
Alors je reste là, au milieu de la pièce, en pull et en collants avec ma tentative de suicide au bout des doigts. Et tout ce qui me reste, ce sont mes larmes. Alors je pleure, encore et encore. Je me recroqueville et serre le drap entre mes bras, la joue posée sur le béton froid et sans couleur.
La nuit passe et mes yeux sont secs. Je n'ai toujours pas bougé d'un seul centimètre. Une sixième journée file déjà, le soleil entame sa lente course, indifférent à mon malheur. Je commence à avoir envie d'aller aux toilettes, mais je préfère me rendormir. Puis je me réveille et je me force à traîner mon misérable corps jusqu'aux sanitaires. Après coup, je me dis qu'au moins ça m'aurait occupée, de nettoyer mes salissures. La prochaine fois, je vais peut-être me faire dessus, histoire de m'occuper les mains et d'avoir un but.
Je retourne dormir contre mon doudou d'autolyse, le nœud contre le creux de ma poitrine, et j'espère que je vais finir par ne plus entendre mon ventre qui grogne. Je n'ai aucune envie de manger et je parviens à forcer mon corps à entrer dans une nouvelle phase de sommeil. Quand je ne dors pas, je reste allongée sur le dos et je fixe le plafond. Ce sixième jour ne semble jamais finir. Depuis combien de temps suis-je allongée là ? Une demi-heure ou trois heures ? Je n'en ai aucune idée, j'attends que le ciel s'assombrisse pour que je puisse le deviner.
Je perds espoir, je perds pied et je me perds en introspection. Je me mets à détester la musique en même temps qu'elle me manque. C'est elle qui m'a amenée jusqu'ici, c'est de sa faute si je n'ai plus que ma voix pour entendre des mélodies. Mais cette voix, elle ne veut plus sortir. Ma gorge me brûle à chacune de mes notes.
Ici, les jours paraissent tellement plus longs. Oui, si je compte bien cela ne fait que six journées. J'ai l'impression qu'il s'est déroulé une demi-année. Je suis prête à tuer pour avoir une conversation, avec n'importe qui. Même si je suis presque muette. Ou avoir de la compagnie, même avoir un cafard à apprivoiser me tente pas mal. Mais l'endroit est à l'abri de toute sorte d'infiltration. Je n'ai même pas vu de mouches. En même temps, il y en a peu en hiver... il y a juste quelques plaques de filtrations en haut des fenêtres et dans la salle de bain.
J'ai aussi essayé de crier dans cette dernière mais le silence a répondu, me faisant comprendre que je suis encore plus isolée que je ne pensais l'être.
J'accepterai le diable sans concession. Si ce détraqué est prêt à me livrer au roi des démons, je serai même ravie de lui rendre ce service, si j'avais une garantie de son existence. Mieux vaut côtoyer le pire des monstres que de passer une heure de plus dans cet endroit démentiellement solitaire !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top