I
"Louis ne supporte pas les coquilles." fit-il remarquer, en retirant délicatement un petit morceau collé à son oeuf dur.
"Tu l'as répété un milliard de fois..." soupira Gemma.
Harry ne tint pas compte de ce commentaire, il écrasa le jaune à l'aide du dos de sa fourchette et la passa sur sa langue. Louis n'aime pas les coquilles, se répéta-t-il.
"Du thé ?" demanda Anne tandis que Harry dégustait le fond de sa tasse.
"Oui, s'il te plait."
Elle lui obéit et ouvrit la bouche pour une nouvelle question.
"Reviendras-tu le week-end prochain ?"
Avalant un autre morceau de blanc d'œuf, il s'essuya la bouche avant de répondre.
"Non, je ne veux pas laisser Louis seul."
Un rire secoua Gemma et elle lança sa tête vers l'arrière. Son frère lui lança un regard interrogateur.
"Tu ne le connais que depuis 3 semaines et te voilà obsédé par lui. Qu'est-ce qui t'arrive ?"
Cette question fut accompagnée d'une expression qui prétendait déjà connaître la raison mais qui attendait juste une confirmation.
Harry ignora également cette question.
"Tu nous le présenteras quand ?" ajouta-t-elle, suivi d'un clin d'œil.
"Gemma s'il te plaît." l'interrompit Anne.
Il termina sa deuxième tasse de thé et se prépara à s'en aller. Sa maman lui tendit sa joue pour qu'il y dépose un baiser.
Il s'approcha de sa sœur pour lui dire au revoir et au dernier instant elle lui murmura à l'oreille : "Et la prochaine fois, tu nous raconteras votre première rencontre."
Il ne dit rien et regarda sa montre à la place.
"9 heures 35"
"Et tu prends ton train à..."
"10 heures 43"
Il enfila son manteau et promis à sa maman de l'appeler au moins 2 fois par semaine, pour l'informer de sa santé. Elle le serra dans ses bras et lui demanda de passer le bonjour à Louis.
Il prit le bus et se rendit à la gare. Dans le train, les dernières paroles de sa sœur retentirent dans son cerveau.
Et la prochaine fois, tu nous raconteras votre première rencontre.
Il rêvassa en essayant de reproduire cette scène dans sa tête.
Louis arriva quelques jours après la rentrée de septembre. Il ne l'avait jamais vu, probablement car leurs orientations n'étaient pas similaires ; d'ailleurs, il ne lui avait jamais posé la question.
Louis était simplement apparu, et la place qu'il occupait dans la vie de Harry avait progressivement grandi, jusqu'à ce qu'il n'entende que lui, ne voit que lui, ne ressente que lui. Il avait parfois l'impression de le posséder en lui.
Il s'était levé un jour et un garçon se trouvait dans le salon. Étrangement, il ne manifesta aucune peur et quant au garçon, il ne parut ni surpris, ni désolé.
"Bonjour." dit Harry mais ce bonjour consistait plus en une question qu'une salutation.
"Je suis Louis." répondit l'autre tout simplement, en le regardant de ses gros yeux bleus.
"Et que faites-vous ici ?"
"J'habite ici."
"Oh vous êtes donc mon colocataire..."
Aucune réponse ne lui parvint pendant quelques secondes et ensuite une faible voix lui répondit.
"J'habite ici."
Et il prit cela comme une confirmation.
"Je pensais pourtant que personne ne s'était présenté avant la date limite..."
Il s'approcha du garçon et lui tendit la main, pour le saluer véritablement et aucune autre question ne lui fut posée.
Il avait innocemment accepté ce petit étranger dans sa vie.
Les jours passaient donc sans retour et parallèlement, la présence de Louis se faisait de plus en plus intense. Cette intensité était particulière : elle ne concernait pas l'appartement, Louis ne touchait à rien. Il était présent aux côtés de Harry et commentait chacune de ces paroles sans toucher à autre chose.
Les matins, il se levait toujours avant Harry, même si celui-ci était un lève-tôt. Son lit était toujours fait, comme s'il ne s'était jamais posé dessus, et la chambre toujours rangée.
Il s'habillait de vêtements qui s'accordait à l'humeur de Harry. Quand Harry était triste, le hasard dressait Louis de noir. En période de stress, Louis était vêtu d'un bleu profond. Chaque fois qu'il révélait ses craintes à sa maman au téléphone, Louis revenait vert pâle. Et cela se répétait chaque jour.
Louis ne déjeunait jamais avec Harry. Il le suivait à table mais ne mettait rien en bouche. Harry avait insisté de nombreuses fois, il avait même placé des couverts, une assiette et un verre pour le jeune garçon mais celui-ci ne les avait jamais touchés. Il s'asseyait simplement près de Harry et le regardait avaler tout un tas de nourriture, en discutant amicalement avec lui. Louis n'était pas gros non plus, il était même incroyablement maigre, ce qui avait supprimés ses doutes et étonnements, et il s'était dit que Louis n'aimait juste pas déjeuner.
Harry quittait toujours la maison plus tôt que Louis pour aller en cours. Il lui souriait gentiment et ils se disaient à tout à l'heure. Harry savait que Louis avait autant hâte de le revoir que lui.
Quand il rentrait chez lui, son ami de chambre était déjà placé sur le divan, les yeux fixés sur la porte. Harry se demandait parfois pourquoi il ne l'ouvrait pas quand il sonnait mais se retenait de lui poser la question, craignant le mettre mal à l'aise. Peut-être avait-il juste une phobie ?
Le soir non plus il ne mangeait pas. Harry le forçait à avaler quelque chose mais il refusait à chaque fois. Harry lui demandait s'il avait mangé à midi et il lui répondait oui, et ça le rassurait suffisamment.
Ils passaient le reste du temps ensemble. Le petit ami de chambre accompagnait Harry dans toutes ses activités dans la maison et cela lui plaisait assez bien. De plus, leurs opinions sur des sujets de discussion divergeaient très rarement, ce qui rendait les discussions très plaisantes et agréables.
Harry s'habituait doucement à la présence de ce petit être. Sa substance occupait parfaitement le moule de Harry.
Il se rendit soudain compte que ses pensées l'avaient transporté jusque devant sa porte et il tourna hâtivement la clé dans la serrure pour retrouver au plus vite Louis qui se trouvait probablement dans le salon. Un sourire se dessinait sur ses lèvres.
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