Jack Frost éclata d'un grand rire lors qu'un porcelet entra dans la salle du trône d'Arendelle et choisit de s'élancer droit dans les jambes d'une jeune fille rousse qui passait par-là. Un cri aigu et une dégringolade plus tard, le porc léchait le visage de sa nouvelle amie, celle-ci peinant trop à retrouver ses esprits pour chasser l'animal.
Jack adorait quand les choses tournaient ainsi : stupidement spontanées. Et pour une fois, il n'y était pour rien.
L'animal venait tout simplement de tomber amoureux.
Le plus drôle était encore le visage de l'éleveur, tout raide dans ses meilleurs habits, venu quémander un arbitrage dans une querelle de territoire l'opposant à son voisin. Pétrifié de peur devant la reine.
Le visage marmoréen de celle-ci prit la peine d'accessoiriser d'un haussement de sourcil une expression impassible qu'elle adressa au paysan mortifié.
- Je suppose que vous ne voyez pas d'inconvénient à revenir un autre jour ?
- Non, bien sûr, bredouilla le propriétaire du cochon en maudissant intérieurement la bête par laquelle était advenu le courroux de la reine. Votre Excuse, je vous présente mes majestés pour vous avoir dérangé. Euh, pardon. Euh, je vais rentrer.
- Nous gardons l'animal, bien entendu.
- Hein ? Mais c'est une de mes meilleures bêt-... Euh, b-bien entendu, s'empressa d'ajouter l'homme en se dirigeant vers la sortie, aussi vite qu'il le pouvait sans courir.
La grande porte se referma derrière lui avec un claquement sourd.
- Qu'on attende un peu avant de laisser entrer le suivant, ordonna la reine. Combien me reste-t-il d'entretiens avant le déjeuner, s'il vous plaît ?
- Trois, Vôtre Majesté, indiqua obligeamment un homme droit dans ses bottes, brun de moustache et visiblement atteint du syndrome du balai rectal. Un couple voulant faire annuler son mariage, un commerçant que son apprenti détrousserait et enfin une vieille dame venant quémander la charité.
La reine soupira.
- Bien. Faites donc entrer le couple.
- Avec votre permission, Votre Majesté... que fait-on du cochon ?
- Ah, oui. Exact, fit-elle d'un air absent, comme si la présence d'un animal rose grignotant les tapis de sa salle du trône lui était indifférente. Anna ? appela-t-elle ensuite, et la jeune fille rousse, qui s'amusait avec son nouvel ami à quatre pattes, releva tête.
- Oui ?
- Cette bête semblant beaucoup t'apprécier, elle est désormais ton animal de compagnie. Tu t'occuperas d'elle correctement, n'est-ce pas ? Veux-tu bien l'emmener hors d'ici, s'il te plaît ?
La jeune fille disparut un grand sourire aux lèvres, emmenant son tout nouveau compagnon jouer au-dehors. Sa bonne humeur se communiqua même à la reine, qui ne retint pas un sourire détendu. La scène l'avait elle aussi amusée.
Elle se s'enfonça dans son trône, altière, prête à recevoir les suivants.
- Ah, et James ? Faites donc dédommager l'éleveur pour sa bête. La couronne n'est pas ingrate.
- Entendu, Votre Majesté, s'inclina monsieur-moustache – apparemment James – avant de s'éclipser lui aussi, tandis qu'était annoncée l'entrée du couple suivant.
Jack s'amusait décidément beaucoup à Arendelle. Dévasté par la perte du château de cristal, une œuvre d'art dont la composition lui était allée droit au cœur sans qu'il sût en saisir la raison, il avait d'abord pensé ne pas revenir dans ce pays.
Puis l'hiver était passé, rapidement, dans les principaux pays enneigés, lui laissant beaucoup trop de temps libre, à réfléchir. Chose qu'il évitait soigneusement de faire tant qu'il lui était possible.
Réfléchir signifiait se souvenir.
De boule à neige en boule à neige, il avait erré tant qu'il avait voulu, avait trouvé hilarant d'alimenter de nombreuses légendes urbaines en investissant des demeures prétendument hantées, il s'était même amusé à lancer une chaussure sur un président en exercice, juste histoire d'exciter un peu les foules – il avait toujours eu le sens du spectacle. Puis, un jour d'ennui, il avait tiré de sa poche la boule à neige volée à Nord. Mu d'un transport incontrôlable, il s'y était engouffré comme on s'engouffre dans une grotte pour échapper à un monstre.
A force d'arpenter Arendelle, il avait fini par repérer des têtes. Un grand montagnard à l'air un peu benêt accompagné d'un renne ; un boulanger particulièrement doué pour les tartes qui hurlait toute la journée ; une forgeronne maladroite avec les clients et redoutablement efficace avec les armes ; et même un étrange bonhomme de neige ayant pris vie, se baladant partout avec une expression niaise.
Et puis surtout : elle. Son joyau glacé avait abandonné son écrin de gel pour resplendir au sein d'un château plus conventionnel.
Car son diamant était reine.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top