Len
De : Rose
À : Len
On se retrouve près du rond-point ? Je ne serais pas avec Meiko tkt
J'étais affreusement stressé.
J'avais beau tenter de concentrer mon regard sur les doux traits de mon amoureux endormi, ou mon attention à combien d'étoiles il y avait sur sa guirlande lumineuse, mes pensées s'obstruaient bien vite de toute une angoisse et une appréhension hallucinante.
Je n'imaginais pas un scénario particulier, je ne m'amusais pas particulièrement à décompter toutes les mauvaises choses qui pourraient arriver, non, mais je savais que ça allait être éprouvant.
Comme lorsque je devais passer un couloir avec des harceleurs ou me changer en sport : Je ne craignais pas le pire et pourtant j'étais bouffé par le stress.
Je n'avais plus ce vieux réflexe malsain, une fois ma chambre verrouillée, où je laissais aller les ravages de l'angoisse sur mon corps, tremblant par les larmes, par la peur que tout se reproduise le lendemain, parce que j'étais seul, que je pensais qu'un Doliprane ou un Paracétamol pouvait me soigner de la solitude et du harcèlement.. parce que je ne comprenais rien à ce qu'il m'arrivait lorsque je verrouillais la porte.
Maintenant que j'étais la plupart du temps entre les mains de Kuro, que j'arrivais à comprendre que mon mal de ventre était parce que j'avais peur, mon mal de cœur parce que j'aimais, mon mal de crâne parce que ma situation me pesait, c'était.. tellement plus facile.
Je lui disais que j'avais peur, et il me serrait dans ses bras, me soufflait à l'oreille qu'il savait, qu'il était là, et comme je le savais avec moi je me sentais invincible.
Mais là, je n'allais pas poser une plainte, je n'allais pas passer un couloir, je n'allais pas confesser mon amour.
J'allais revoir Meiko.
C'était pire que tout.
Kuro me fit signe depuis son balcon lorsque l'heure du rendez-vous fût venue.
Son sourire était rassurant.
Pas assez pour faire semblant que je n'allais pas la revoir.
- Len ! Ça fait si longtemps ! S'enjoua Rose en me sautant dans les bras, un énorme sourire plaqué à la face.
- À moi aussi tu m'as manqué..
- J'ai fait mes demandes pour la fac, j'ai plus qu'à attendre les réponses.. j'ai hâte !
- Je crois en toi.
Elle me lâcha, me dévisagea d'un sourire satisfait, presque fier.
- Tu as tellement changé.
- Tu n'arrêtes pas de me le dire, j'ai compris, me plaignai-je d'un faux air blasé.
- Il est 10h08. Il faut y aller.
- Meiko..? Osai-je insinuer, sans parvenir à cacher la peur dans ma voix.
- Elle est déjà dans la salle d'attente. Elle aussi, elle panique un peu, tu sais. Ce n'est pas tant qu'elle regrette de t'avoir mis à la porte mais..je ne sais pas. Il y a quelque chose, dans son regard, qui me dit que-..
- Je ne veux pas en entendre plus sur elle, tranchai-je avant d'emboîter le pas.
La porte du bâtiment social apparût bien vite dans mon champ de vision, les plaques des professionnels plantées fièrement au mur, les familles qui repartaient bredouille de l'endroit, parce qu'ici on y vient exposer sa vie et accepter sa sentence.
- Bonjour, vous avez rendez-vous ?
- Oui, à 10h15 avec Mme Dechazel.
- Aishi ?
- Hum... Oui.
- Vous pouvez patienter sur votre droite, votre assistante sociale viendra vous chercher.
Meiko était là, elle m'avait entendu répondre oui à son nom de famille, un air fermé au visage, tout un dossier de documents entre les mains.
Elle n'avait pas changé d'un cheveux. Toujours son carré, son maquillage distingué avec son rouge à lèvres, toute de noir vêtue.
Je connaissais tellement cette femme avec qui j'avais vécu presque toute ma vie, mais maintenant nous devions agir comme deux parfaits inconnus.
- Bonjour.
- Bonjour.
Je ne pensais pas qu'elle allait m'adresser la parole, ne serait-ce que pour un bonjour.
Rose arriva sur mes talons, tenta un sujet de conversation pour nous réunir tous les trois, mais c'était peine perdue, nous n'avions jamais vraiment été un trio.
Bien vite, l'attente s'envenima.
- Bonjour, salua ma mère avec l'air le plus stricte et sinistre dont j'avais pu la connaître.
- Salut ! Lança ma sœur, pas vraiment perturbée par l'aura que renvoyait notre mère.
- Bonjour..
Meiko ne broncha pas, sortit même son portable pour éviter tout contact avec elle.
L'ambiance était tendue au possible, les deux femmes ne semblaient pas se connaître de l'extérieur et pourtant je ressentais un conflit constant entre les deux. Sans ni se parler, ni se regarder, elles se détestaient.
- J'ai eu un appartement, m'informa ma mère, il est juste à côté de Lille, pas loin de Montebello. C'est dans un quartier pas très calme, mais l'immeuble est très entretenu.
- Entretenu par des dealers, oui, tiqua Meiko.
- Hum.. en attendant je n'ai que quelques meubles, lits, tables et deux chaises. On pourra aller tous ensemble acheter le reste de l'immobilier !
- Tu fais pitié, se moqua Meiko ouvertement.
- Désolée si mon bonheur te dérange, Meiko.
- On pourra aussi y aller ensemble, il nous faut un nouveau meuble télé de toute façon, tenta Rose en vain.
- J'en ai ma claque de ta vie, Victoire, reprocha furieusement Meiko. J'en ai aussi rien à foutre de ta réussite dans la vie, donc par pitié, ferme ta gueule.
- Excuse-moi de m'organiser à construire un foyer avec mes enfants.
- Oh tu veux vraiment la jouer sur ce ton là ? S'emporta-t-elle, un sourire pétrifié de dégoût et de colère qui déformait son visage. Tes enfants ?
- Oui, mes enfants. Mes enfants que j'ai porté neuf mois dans mon ventre, mes enfants qui vont porter mon nom, mes enfants-...
- Tes enfants que tu as abandonné !
Victoire se crispa sous ses dires, seules de pauvres larmes animaient ses traits figés, sa gorge qui s'était nouée pour ne plus laisser passer aucun mot.
- Comment peux-tu..?
- Comment je peux ?! J'ai assumé tes responsabilités à ta place ! J'ai élevés comme tu le défends si bien tes enfants ! Et maintenant que tu es là, tu viens détruire les efforts que j'ai fait pour toi ! Pour eux !
- Tu n'étais pas obligée..
- Victoire tu étais ma meilleure amie.. je voulais qu'on se marie en même temps, qu'on soit enceinte en même temps, qu'on deviennent voisines et qu'on adopte toutes les deux un bichon frisé. Je-...
- Excusez-moi ?
Ma mère et ma mère adoptive pleuraient toutes les deux lorsque l'assistante sociale arriva. Rose était même sur le point de les rejoindre alors qu'elle écoutait le monologue nostalgique de Meiko.
Je fus le premier à suivre celle qui allait déterminer mon avenir.
Victoire me suivit, intimidée, suivie de près par une Meiko trop fière pour assumer ses larmes et une Rose toute perdue.
On entra dans le bureau, l'assistante sociale nous demanda d'expliquer brièvement la situation et personne ne sut quoi dire.
Parce que tout le monde était en tord et personne ne savait ce qui était le mieux à faire.
- Nous..nous sommes ici pour organiser une audience pour me restituer les droits parentaux de Len.
- Est-ce que tout le monde ici est d'accord pour ça ?
Personne ne se prononça, au grand damne de ma mère.
- Très bien.. je vais vous expliquer en quoi ça implique tout de même, peut-être que ça permettra à tout le monde de se faire un meilleur avis sur la question. Après le mieux serait qu'on retrace un peu votre histoire, d'accord ? Il n'y a pas de père ?
- Non.
- Très bien. Pour vous restituer le droit parental, madame, il vous faudra vous présenter au tribunal de grande instance et défendre vos droits et les intérêts pour Len. Sachant que dans votre cas, votre retrait du droit parental est partiel, car vous êtes autorisé à avoir plusieurs rapports dans la vie de votre fils, y compris votre avis et autorisations.
- J'ai eu un droit parental sur Rose et Len, c'est quoi le deal ? Je partage mes droits avec Mme Kent ?
- Non. Si le juge estime que madame peut reprendre ses droits, il vous retirera les vôtres. Mais la possibilité n'est pas totalement à exclure. Maintenant que Len a 16 ans, il prendra en grosse partie la responsabilité du choix. Comme il est assez âgé pour être indépendant, il semblerait que..
- Vous insinuez que retrouver mes droits seraient.. inutile ? S'indigna ma mère.
- Eh bien vos revenus financiers sont moyens, vous venez récemment de déménager dans la région, il est clair que vos avantages en terme d'administration ne sont pas égaux à ceux de Madame Aishi.
Meiko afficha une mine supérieure mal dissimulée. Ma mère enserra d'une poigne agacée son sac à main, sans vraiment trouver d'arguments en sa faveur.
Après tout, elle voulait reprendre son droit sans raison apparente, juste parce que ça semblait faire partie de son plan dans le but de s'insérer dans nos vies.
Elle était bien gentille et de bonnes attentions notre mère, mais à quoi elle s'attendait au juste ?
- Len, m'interpela Victoire, c'est quoi ton avis là dessus ?
- Je...
Encore ces regards. Cette pression. Ce regard. Si clair, elle avait mes yeux, elle avait ce regard que je n'en pouvais plus de supporter, celui qui ordonnait d'obéir, " sois un bon garçon et tais toi ".
- J'ai besoin de sortir.
Je n'en pouvais plus.
- Len !
Je ne pouvais plus tenir ses chaînes et ses poids encore longtemps, le nouveau Len ne supportait pas cette vie.
- Len ?
- FOUTEZ-MOI LA PAIX !
Elles étaient toutes en face de moi.
Les femmes de ma vie, hein ?
Une jolie blonde, une asiatique flegmatique, une femme à sourires.
- ALLEZ TOUS VOUS FAIRE FOUTRE !
- Len tu baisses d'un ton tout de suite ! Cria Meiko.
- Ne lui donne pas d'ordre ! S'empressa l'autre mère.
- PUTAIN MAIS TAISEZ-VOUS !
- Len !
- Tu es une horrible mère, Meiko !
- Je sais, merci, on me l'a assez fait remarquer, pesta-t-elle, un regard noir pour ma mère.
- Mais toi aussi, Victoire-maman.
- Je sais...avoua-t-elle toute timide et désolée.
- Meiko, dis-je assez fermement pour attirer sa fierté mal placée. Je me souviens plus des fois où tu nous hurlais dessus parce qu'on ne t'avait pas assez rendue fière que les fois où on passait nos journées à manger des glaces dans des parcs. Mais je me souviens de ça aussi. Je me souviens aussi de la mère formidable que tu as été. Ou est. Je ne sais pas.
Elle détourna le regard, sans transparaître d'émotion positive. Et pourtant..
- Tu sais.. je t'ai beaucoup rabaissé à un petit garçon mal élevé et malade. Mais, elle me regarda, quand je te regardais, quand je te regarde, je vois un incroyable garçon courageux. J'ai voulu t'aider. J'ai voulu que tu m'aimes. Mais c'était si compliqué, Len.
- Je sais.
- Tu me fais vivre un enfer et après tu me dis que tu es.. un homosexuel.
- Tu es sérieuse ?! S'époumona Victoire.
- Laisse-la parler ! Hurlèrent en chœur ma sœur et moi.
- Tu ne sais pas me dire si tu vas bien mais tu t'enfermes dans ta chambre pour pleurer. Tu ramènes des bonnes notes et des blessures de l'école. Je ne te comprends pas. Et quand tu me dis que tu aimes les hommes, je ne te comprends pas non plus. J'ai payé des médecins, des psychiatres, pour que tu viennes m'expliquer ce qu'il se passe chez toi.. et tu n'es jamais venu. Qu'est-ce que je devais faire pour comprendre ? J'ai été si mauvaise que ça comme mère pour ne pas comprendre ?
- Je te demande pardon.
- Quoi ? S'étouffa ma mère.
- Pourquoi voyons ? Pouffa Meiko d'un triste sourire.
- Tu as été là pour moi. Et je ne t'ai jamais remercié pour cela. Je suis désolé de t'avoir fait attendre si longtemps pour que je t'explique. Que je t'explique que moi-même je ne comprends pas. Pourquoi j'ai tant de mal à savoir que je n'ai pas un rhume mais un mal de cœur. Pourquoi les gens me détestent comme je respire. Pourquoi j'ai envie d'embrasser une personne qui se trouve être un homme. Mais ce n'est pas grave. Il faudra que je vive pour trouver une réponse.
Elle pleurait. C'était si rare qu'une femme comme elle se laisse aller aux larmes.
Mais elle avait compris, et comprendre lui donnait une sensation d'émotions tellement explosives qu'elles lui donnaient des crampes d'estomac à en vomir. Vomir d'avoir compris oh mon dieu tout ce que j'avais vécu.
Mais aussi.
" vivre "
Elle m'avait ramassé dans ma chambre, à moitié mort, j'avais voulu mourir, j'avais voulu arrêter une bonne fois pour toute cette merde, j'avais voulu savoir ce qu'était la différence entre vivre et mourir.
Et je lui disais que ce genre de scène n'allait plus jamais exister.
- Len.. tu sais, j'ai compris, confia ma mère.
- Arrête de tout faire pour être une mère parfaite. T'as abandonné tes gosses, bien plus longtemps que tu n'aurais du. T'as pas assumé échouer une fois dans ta vie et tu n'as pas cessé de fuir. Tu es faible.
Elle se racla la gorge, bien surprise de recevoir le discours le plus tranchant. Un peu hypocrite, pauvre maman..
- Je connais des gens comme toi. Ils sont faibles. Mais pas lâches. Tu es revenue, venue assumer à quel point tu as été une horrible mère. Mais tu as retardé les foudres longtemps, n'est-ce pas ? Les courriers pour ne pas que je t'appelle. Les envois depuis la poste pour éviter que je ne te retrouve. Et tu as tout fait si vite, pour ne pas être à la traîne. Être une meilleure mère que Meiko hein ? Ça paraît facile. Je ne veux pas retirer le droit parental de Meiko. Tu as compris mes troubles et tu n'es pas homophobe ? Bien. Tu n'as pas vécue avec moi pendant 12 ans. Tu n'as pas vécue à mes côtés les pires moments de ma vie. Mais...
Elle soupira d'un espoir désespéré.
- Regarde comme tu m'aimes. Ça suffit emplement à être une bonne mère, tu sais ? Je suis fière d'avoir une mère comme toi. Mais arrête de te mettre en tête que tu dois remplacer Meiko. Pitié. Allons tous ensemble manger une glace dans un parc, et commencer une meilleure vie hein ? Je n'en peux plus de vivre dans un conflit perpétuel.
Meiko hocha la tête, remise de ses émotions contrairement à ma mère qui pleurait en silence.
Décidément, j'avais un super pouvoir pour faire pleurer les gens.
- Considère-moi comme une amie et pas une rivale, proposa-t-elle à ma mère, un charmant sourire aux lèvres.
- Bravo, lui chuchota-t-elle, une pointe d'admiration dans la voix.
C'était à la fois déstabilisant et apaisant que la situation se dénoue, que le monde entier comprenne.
Ça ne changera pas forcément l'esprit borné des racistes et des homophobes.
- Retournons conclure ce rendez-vous.
Ça ne réglera pas tous les problèmes de la Terre, sûrement que d'autres incompréhensions risquent d'apparaître.
- Au revoir mesdames, monsieur.
Mais il y aura forcément quelque chose qui aura changé, lorsque le monde comprendra la situation.
- Bon, je préfère ne pas participer à ta sortie au parc avec les glaces, ajouta Meiko, mais merci. Et bon courage.
- On se revoit au déménagement de maman ?
- Oui. À toi aussi, Meiko.
Et le monde sera meilleur.
* * *
- Alors ça y est ? Soupira Kuro, face à mon sac fait et bouclé, au vide de ma présence qu'il affrontait.
- Je ne m'en vais pas à l'autre bout du monde, le rassurai-je en lui déposant un baiser sur la tempe.
- Mais tu ne seras plus là. Ni chez moi, ni au lycée. Comment je vais vivre sans voir ton visage tous les jours ?
- On fera des Skype ?
Pas vraiment convaincu, il me prit dans ses bras d'un air totalement désespéré et épuisé, comme s'il vivait la plus dure épreuve de sa vie.
Je savais qu'il avait horreur des adieux, des au revoir, lui qui l'avait tant répété au cours de sa vie.
Mais tout de même, je n'étais qu'à un quart d'heure de chez lui.
- Tu vas me manquer..
- Kuro tu exagères.
- Moi j'exagère ?! S'offusqua-t-il. Je n'aime pas l'idée de devoir s'organiser pour se voir ! Moi je veux te voir dès que j'en aurais l'envie. Je ne veux pas te quitter.
- Et tu pourras. Un petit trajet en bus/métro et tu es chez moi. J'habite à l'appartement 43.
- Mais si ta rentrée se passe mal ? Si tu te fais de nouveau harcelé ? Et si-...
- Super encourageant comme discours.
- Non, Len, désolé, reprit-il plus calme, avant de m'inviter à nous asseoir sur son lit. Ce que je veux dire c'est que.. j'ai peur. De te perdre. D'être impuissant. Je n'ai rien pu faire pour t'aider parce que j'étais le petit nouveau, et je ne veux pas que cette situation se reproduise ! Je veux être là pour toi.
- Mon amour, il suffit que tu m'aimes pour que je le sache.
Il vira furieusement au rouge, détourna son regard tout penaud pour cacher sa face cramoisie.
- J'ai dit que j'étais en couple avec toi.. bredouilla-t-il.
- À qui ?
- Maxence. Karim. Céline. Ça va sûrement se répandre dans tout le lycée.
- Je vois. Tu as peur qu'il t'arrive quelque chose ?
- Non.. À vrai dire, ils aimeraient même organiser une sortie tous ensemble. Pour comprendre.
- Comprendre quoi ?
- Que tu mérites d'être aimé comme tout le monde.
- Je vois.
Je me levai, pris mes affaires en précipitation, prêt à sortir de la maison.
Qu'est-ce qu'il racontait ? Faire en sorte que les autres m'aiment alors que je m'étais habitué depuis tant d'années à ce qu'on me déteste ?
C'était ridicule. Profondément ridicule.
Ce n'était pas à lui de décider de mes fréquentations ou de comment régler mes problèmes.
Il n'avait pas pu m'aider à arranger mon harcèlement ? Et bien tant mieux.
Je ne voulais pas qu'on subisse avec moi pour m'aider.
Pas après tous les efforts que je faisais pour me faire pardonner de mes tords et de la souffrance que j'avais infligé aux autres.
- Len ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Ça ne te plaît pas ce j'ai fait ? S'enquit Kuro d'une petite voix.
- Qu'est-ce qu'il t'a prit de faire une connerie pareille hein ?
- Ce n'est pas une connerie ! Si ..?
- Je porte la poisse à tous ceux qui m'approchent. Tous ceux qui ont un lien de près ou de loin avec moi vivent une scolarité d'enfer. Dans un sens négatif.
- Mais enfin..les choses sont entrain de changer. Je voulais faire ça pour changer moi aussi. M'attacher à des gens pour de bon.
- Et pour cela tu devais leur dire que tu sortais avec moi ?! M'emportai-je, d'un ton bien plus sévère.
- Oui ! Affirma Kuro, qui cria encore plus fort.
- C'est stupide !
- En quoi c'est stupide de t'aimer ?!
- Parce que je ne suis pas normal !! Je viens de te le dire !
Il me gifla avant de me planter un baiser sur mes lèvres.
- Tu n'as pas fait tout ça pour continuer à dire des conneries pareilles.
- Ce ne sont pas des conneries, Kuro..
- S'il te plaît. Si tu ne le fais pas pour toi, fais le pour moi : rencontre-les, tu vas voir, ils sont prêts à te comprendre. Je veux avoir des amis, des amis qui me comprennent et m'acceptent. Et pour moi, ça passe par accepter et comprendre qui j'aime.
Ah la la, ses yeux sombres étaient bien trop irrésistibles pour que je reste cramper sur mes positions égoïstes.
Je l'aimais tellement.
- Je ne veux juste pas que tu souffres par ma faute, avouai-je un peu intimidé.
- Ce ne sera pas de ta faute, mais à cause de la stupidité des autres. Len, tu n'es pas responsable de tous les malheurs du monde.. dit-il, une caresse sur ma joue pour appuyer ses propos.
- C'est toi qui dit ça ? Ironisai-je, en référence à sa culpabilité pour la mort de sa mère.
- Je crois que je n'ai pas de raison de m'en vouloir. On ne peut en vouloir à personne même.. confessa-t-il, un ton amer dans la voix.
- C'est super ce que tu dis là.
- J'aimerais te retourner le compliment, tu sais.
- Je vais faire un effort, conclus-je enfin. Pour toi. Et peut-être aussi pour moi, un peu.
- Merci.
Il m'embrassa le front, puis les lèvres, et j'aurais tout donné pour que ce baiser dure éternellement. Que mon monde ne soit plus que ses lèvres contre les miennes, sont souffle et le mien, nos deux corps ensembles.
Sacha klaxonna depuis sa voiture pour nous presser le pas ; elle devait me déposer chez ma mère avant 12h.
- On se revoit quand ? Interrogea Kuro d'une voix plaintive.
- Le plus tôt possible. C'est encore les vacances, moi je ne pars pas.
- Demain ?
- Demain.
On se sourit mutuellement, main dans la main, jusqu'à la voiture de la tante à Kuro.
Lorsque le moteur gronda, il me prit un sursaut de panique, parce que je quittais ma bulle de réconfort, parce que je devais reprendre une vie normale et que je n'étais pas encore prêt à tout affronter.
Continuer de comprendre mes émotions avec le Dr. Delsert, faire valoir mon droit de vivre en défendant ma plainte, affronter une rentrée et la terreur que l'enfer recommence dans un nouvel établissement, assumer mon copain, reprendre un cours de vie que je ne connais pas encore tout à fait : Une vie apaisée.
On arriva vite devant l'immeuble.
Des jeunes en survêtements jouaient sur le parking, une grosse dame surveillait ses enfants jouer au ballon et un vieil homme promenait son chien.
Kuro hésita deux fois avant de me prendre la main.
Sa peur du jugement avait quelque peu déteint sur moi, car maintenant je faisais attention à ne pas être explicite en public. Je ne comprenais toujours pas pourquoi. Je me disais que ce n'était peut-être pas mon style de s'afficher en public. Ou que c'était les autres et leurs insultes le problème.
Peu importe, je préférais tout faire pour éviter que mon amoureux ne souffre et se sente rejeter.
- Bonjour ! Entrez, entrez ! Allez-y ! S'enjoua ma mère, qui s'était apprêtée d'une longue robe rose pâle, centrée à la taille par une fine ceinture.
Ma mère fut forte ravie de rencontrer un peu de la famille de mon petit-ami, ainsi que le petit-ami en question, son sourire était tel qu'il pouvait lui arracher les joues, lui tordre ses zygomatiques.
Elle nous fit une courte visite improvisée, un coup d'oeil à la cuisine où jonchait tout un bordel de casseroles, un autre à sa chambre pour nous donner un préavis de la mienne - c'était une surprise de découvrir ma chambre à ce qu'elle disait - et nous accueillit à bras ouverts dans le grand salon, avec vue sur le parc à côté du quartier HLM.
- Tu pourras suivre les trafics de drogues en direct, me glissa Kuro, amusé.
- Ça t'intéresse ?
- Bien sûr, on me surnomme Bob Marley dans le milieu de la beuh.
On rit, pas assez discrètement pour que notre comportement n'échappe aux cerveaux de comères qui nous entouraient.
- Regardez-moi ça, de vrais petits tourtereaux, s'attendrit ma mère, vous voulez quelque chose ? Eau ? Coca ? Whisky madame peut-être ?
La tante de Kuro hocha timidement la tête, accepta un verre d'eau gazeuse et lorsque ma mère fut parti, ne se gêna pas de lancer un regard à Kuro qui voulait dire " Des tourtereaux mais bien-sûr. Plutôt des chats en chaleur."
- Ton père ne devait pas venir ?
- Oh seigneur, c'est vrai que ta mère voulait organiser une rencontre. À quoi ça sert hein, on a dix-sept ans on ne va pas se marier.
- Tu ne veux pas te marier avec moi ? Demandai-je d'une fausse voix plaintive.
- Tu veux ?
- Non. Les mariages c'est que de la galère administrative.
- Moi j'aurais bien envie, murmura-t-il, ses doigts joints aux miens de sorte à imiter un couple de mariés.
Je pouffai pour feindre l'embarras, au même instant ma mère revint avec les boissons pour discuter de l'actualité politique mais aussi de la situation amoureuse de Sacha. - " C'est si dur de trouver un homme sérieux de nos jours, n'est-ce pas ? "
Puis l'absence du père de Kuro se fit ressentir.
- Votre frère ne devait pas venir aujourd'hui aussi ? Ce n'est pas que je veux presser les gens mais le repas va être prêt et-..
- Non, je comprends tout à fait. Je vais l'appeler, il doit être sur la route.
Sacha pressa le pas jusqu'au balcon, le portable contre l'oreille.
Kuro regardait la scène comme s'il en était victime, que la situation le frappait et l'insultait alors que son père avait juste un peu de retard. Il regardait sa tante appeler son père avec deux grands yeux paniqués comme si la situation était grave et importante.
- Ça va mon amour ?
Il sursauta légèrement.
- O-Oui.
- Ce n'est pas grave Kuro, que ton père ait du retard, ça arrive à tout le monde, rassura ma mère avec peine.
Il regarda ma mère comme si c'était la pire chose qu'il pouvait voir dans l'univers, comme s'il avait croisé un cadavre, qu'il avait vu la mort.
Ma mère se vexa et partit bouder dans la cuisine, sûrement persuadée que Kuro était un fils de riche mal élevé. Elle le lui pardonnera sûrement tout à l'heure lorsqu'elle saura sa situation de jeune garçon sans mère qui a vaincu une dépression. Ma mère s'attendrissait sur ce genre de choses.
- On dirait que vos rapports entre ma mère et toi commencent mal, ironisai-je pour tenter de dédramatiser la situation.
- Je suis désolé...
- C'est rien, c'est rien. Mais y'a un problème ? Je veux dire..ton père est juste en retard.
- Mais et s'il n'est pas juste en retard ? S'il lui ait arrivé un accident ? S'il est blessé sur la route sans moyen de nous joindre ? Et s'il n'en avait rien à faire de moi et qu'il était au bureau sans vouloir venir ?
- Kuro, prononça Sacha d'une voix calme. C'est con ce que tu racontes.
- Eum..
- C'est possible Sacha !
- Ton père a dit qu'il viendrait, il viendra. C'est tout. Ce qui est arrivé à maman ce jour-là ne recommencera pas je peux te le jurer.
- Ok..
Sacha s'était agenouillée face à lui, ils se parlaient front contre front et ses paroles contenaient une telle force qu'on ne pouvait que l'écouter et la croire.
Kuro ressemblait à un jeune enfant déboussolé qui avait juste besoin qu'on le rassure et qu'on lui promette qu'il ne sera plus jamais seul.
Je me demandais bien si j'étais capable de telles prouesses.
En tout cas moi j'y croyais : j'allais le rassurer dès qu'il en aurait besoin et veillerais toute ma vie qu'il ne se sente plus jamais seul.
On sonna à la porte.
Ma mère - qui avait tout écouté discrètement depuis la cuisine, je l'avais vu - s'enquit d'ouvrir la porte et d'accueillir avec son même sourire le père de Kuro.
Le père était un parfait hypocrite à complimenter l'appartement qui ne payait pas de mine et l'emplacement qui craignait clairement, mais bon, ça faisait plaisir à ma mère.
Kuro lui glissa un reproche " Tu aurais pu prévenir du retard. " auquel son père répondit du tac au tac " Pourquoi tu t'inquiètes pour moi maintenant ? " et il fallut distraire les deux hommes pour qu'aucun conflit n'éclate.
Infernaux, ces deux-là.
On mangea, le repas animé de questions en tout genre sur la vie des Nader et des Kent, mais aussi sur le couple de blondinets - nous - qui semblait être à l'honneur cet après midi.
C'était long, j'en eu vite assez qu'on pose tant de questions sur ma vie et je voulais tous leur crier à la figure que s'ils continuaient comme ça j'allais faire une crise d'angoisse entre le fromage et le dessert.
Kuro avait plutôt bien gérer l'interrogatoire, c'était un Dieu dans les civilités et toutes ces conneries autour.
Mais il y avait quelque chose autour de ce repas. Il y avait quelque chose dans les plats, dans le goût du repas. Il y avait quelque chose de chaleureux dans la pièce étroite sous les plats trop grands et les gens les uns sur les autres. Il y avait quelque chose dans les paroles des adultes, dans les réponses des adolescents. Il y avait quelque chose dans leurs sourires, dans leurs remarques, il y avait quelque chose que j'aimais dans les regards attablés.
Quelque chose de chaud, d'humain, de rassurant.
Un repas en famille.
- Bonne fin de journée. Et bon courage pour le déménagement surtout. Au revoir, au revoir Len.
- Merci, au revoir.
- Au revoir.
Ma mère me regarda, toujours avec un sourire aux lèvres, mais un sourire bien différent de celui qu'elle avait pu afficher devant la famille de Kuro, devant Meiko.
Elle tendit ses bras pour demander un câlin et je ne pus le lui refuser devant sa face épuisée, coupée par un sourire triste.
Elle poussa un long soupir, un râle, presque béat, écroulée contre moi.
Elle faisait ma taille, c'était humiliant quand je voyais Kuro bientôt rejoindre la grandeur de son père.
- C'est fini ? Demanda-t-elle.
- Le repas est fini, oui, ils sont partis.
- Non pas ça, sa famille était adorable c'était un super repas. Je veux dire...elle se redressa, tu es prêt à commencer une nouvelle vie avec moi à tes côtés ?
- On dirait qu'on va se marier à t'entendre, c'est bizarre.
- Désolée, je ne sais pas comment m'y prendre. Ce que tu as dit, au bureau des assistantes sociales, tu as raison. J'ai fait tout ça pour moi, pour me prouver que je vous méritais. Mais si vous dites que je n'ai pas besoin de faire tout ça..
- Bien-sûr que non.
- Alors j'attendrais juste que tu sois prêt à m'accepter dans ta vie. Tiens, c'est la clé de ta chambre. Tu pourras faire comme tous ces ados et t'enfermer dans ta chambre parce que je te casse les burnes. Et pour faire tes trucs-...
- Pas d'allusions je t'en prie. Et je ne veux pas de cette clé.
- Ah non ? Pourquoi ?
- Un jour tu comprendras et tu me remercieras d'avoir refusé cette clé. Bref, je vais découvrir cette fameuse chambre, conclus-je d'un ton un peu plus enjoué.
- Len ?
- Oui ?
Elle me serra dans ses bras et me relâcha aussi vite.
- On t'aime tous très forts. Peu importe combien de personne ont dit le contraire. D'accord ?
J'hochai la tête, un timide sourire qui se baladait sur mes lèvres. C'était une drôle de sensation d'entendre ces mots de la part de ma mère, une sensation chaude, tendre et pourtant quelque peu piquante. C'était une drôle de sensation d'entendre ces mots tout court d'ailleurs.
J'ouvris la porte de ma chambre sans pouvoir réfréner ce sourire qui pendait à mes lèvres.
Un nouveau lit, un nouveau placard, une nouvelle bibliothèque, un nouveau bureau. Cette chambre ne semblait cependant n'avoir rien de différent avec la précédente : Juste un peu moins de place et des meubles de premiers prix.
Mais il y avait ces photos que ma mère avait affiché aux murs, il y avait ces livres et mangas conseillés par Léa, il y avait un peu de tout le monde dans ma chambre qui avait été si longtemps si vide.
Je ne serais jamais seul.
Ce fut ce qui me donna encore bien plus envie de sourire, pour des décennies à venir.
* * *
Le monde avait reprit son cours.
Bien qu'il ne se soit jamais arrêté, bien que le temps ne nous avait pas attendu pour que nous puissions régler nos problèmes, il semblait cependant bel et bien reprendre un rythme routinier.
J'aurais pu vous raconter ce que je vous avais raconté il y a maintenant huit mois.
J'aurais pu vous dire que ma sœur m'hurlait de me réveiller, qu'en effet mon sommeil avait été mouvementé de cet abominable cauchemar de monstres obscures et de voix indiscinctes.
J'aurais pu vous dire que paf je m'étais effondré sur le sol, que maintenant j'allais traîner des pieds pour être présentable au lycée alors que tout ceci me semblait vain, vu que de toute façon j'allais être frappé par un de ceux qui me détestait à l'aveuglette ou que j'allais me bousiller tout seul parce que je me détestais tout autant.
J'aurais pu vous dire-..
- Len ! Tu vas être en retard pour ton premier jour ! Cria ma mère de l'autre côté de la porte de la salle de bain.
- J'arrive !
J'enfilai vite fait un t-shirt, me regardai dans le miroir sans voir aucune marque de coups sur moi, sans m'attacher les cheveux.
Hé oui, grand changement de cette rentrée, je m'étais coupé les cheveux, débarrassé avec de mon impression d'apparence féminine et de ce passé où je cherchais tant à disparaitre.
( Kuro n'avait d'ailleurs pas lésiné sur les critiques pendant les premières semaines, à se lamenter sur son sort. )
- Tu as tout dans ton sac ?
- Maman, je n'ai pas six ans.
- Ah bon ? Ce n'est pas ce que me dit ta facheuse tendance à être en retard et oublier de prendre tes affaires.
Ma nouvelle résolution était de ne plus prendre une pile de cahiers au hasard, d'avoir les bonnes fournitures aux bons cours. Alors que jusqu'ici je n'en avais que faire.
- Chacun ses défauts, répondis-je d'un sourire amusé.
- Que sous-entends-tu là, jeune homme ?
Je ris, elle me rejoignit, et sur ces bonnes paroles on ne perdit pas une minute de plus pour se diriger vers mon nouveau lycée.
De : Kuro
À : Len
Bon courage pour ta rentrée, amour. Je crois en toi.
Ce lycée n'avait quasiment aucune similitudes avec l'ancien.
Pas de grand terrain vert pour l'encadrer dans un environnement verdoyant, pas d'endroit pour s'isoler sous un arbre ou encore devant des parcelles d'eau, pas de décor de bureaux et de fleuves, pas d'accès au toit, pas de façade imposante de briques et de bois, pas d'immenses bâtiments, pas d'aile réservé à l'art ou la musique.
Un portail, deux gros cubes de béton qui surgissaient du sol, sous de grands arbres sans feuille. Une cour, au sol couvert de mégots de cigarettes ou d'emballages de gâteaux.
Les élèves n'avaient pas le même air accroché à la face, pas le même regard, ce regard de défi et de mépris, ce n'était que des adolescents qui n'avaient pas tous de grandes ambitions, certains qui n'étaient là que pour le bac, un groupe un peu rebel traînait dans un coin de rue, mais ce n'était que ça.
Pas une ordre de pestes, pas un tas d'apprentis hommes et femmes d'affaires.
- Ça va aller ? Tu veux que je vienne avec toi ? Tu es sur que tu ne veux pas d'aménagement ? On pourrait te donner un pass pour les couloirs ou-...
- Ça va aller, à ce soir.
Je partis d'un pas pressé, accordis à ma mère un léger sourire pour la rassurer, et rentrai au sein du lycée.
Personne ne vint m'accueillir.
On n'en avait que faire de moi, j'étais peut-être un nouveau, je n'étais pas le Messie, je n'étais qu'un gars banal.
Oui, banal.
La sonnerie n'attendit pas que je me familiarise aux lieux ni même que je me repère entre les salles et les couloirs, elle ordonna à tout le monde de rejoindre sa classe respective.
J'étais en salle A06. Il y avait deux bâtiments, sans compter le réfectoire, ça devrait le faire.
Non, ça ne l'avait pas fait, j'étais arrivé avec quelques minutes de retard, j'avais dû frapper à la porte, attirer les regards, attiser l'attention, et prendre une place au premier rang, dernière disponible.
La classe était immense et peuplée, bien plus qu'à l'ancien lycée où il n'y comptait qu'une vingtaine d'élèves. Là, il devait bien il y en avoir 35.
Le professeur se présenta lui et son programme, nous offrit un sac de pression pour le bac de cette année, et s'activa à débuter un nouveau chapitre.
J'avais passé l'heure à analyser tous les élèves, c'était plus fort que moi, je devais accumuler les informations.
- He-hey ..? Balbutia un garçon, à la fin du cours.
- Je n'ai pas le temps de discuter, on doit aller en Anglais, tranchai-je sans vraiment maîtriser mon ton un peu trop expéditif.
- Euh.. c'est juste que..
- Dépêche-toi, je ne veux pas à nouveau arriver en retard.
- La professeure d'anglais est toujours un peu à la bourre, calme toi, on n'est pas dans une course le nouveau, lança une autre élève.
- Ah mais c'est celui qui vient du lycée d'élite, monsieur le bourge, excusez-nous d'heurter votre personne, en rétorqua un autre.
- A-arrêtez.. bredouilla le premier.
- Ouais, arrêtez d'ouvrir votre gueule si ce n'est pour rien dire.
Je partis sans un mot de plus, j'espérais ne pas m'être fait d'ennemi.
J'avais semblait-il encore de grosses lacunes en sociabilité.
Mais à la fin du cours suivant, les trois revinrent vers moi.
- Alors tu.. tu.. Tu es nouveau ? Demanda timidement le premier.
- Len, je m'appelle Len. Je ne suis pas " le nouveau ".
- C'est chelou comme prénom, s'exclama alors la jeune fille.
- M-Moi c'est Eliott.
- Moi c'est Gabrielle.
- Comme si Gabrielle c'était mieux comme prénom, pestai-je.
- C'est ça, provoque, en attendant tu devras deviner mon prénom à moi.
- Tu t'appelles Lucas. La prof' a dit ton prénom.
Ces deux amis se moquèrent, Eliott d'un rire timide et Gabrielle d'un éclat franc.
- Oh non, Eliott est encore entrain d'entraîner un gars dans sa secte de pd ! S'écria un gars en passant, créant l'hilarité dans son groupe.
- Oh non, encore un bâtard entrain d'entraîner un troupeau de trou du cul dans sa secte d'autres bâtards.
Le garcon, comme les trois adolescents se turent.
Personne ne sut ni quoi dire ni quoi faire après mes dires, ils se regardèrent un instant pour s'accorder une trêve et affirmer que j'étais bel et bien fou.
Eliott s'enfonça dans le couloir et disparut, profondément embarrassé.
Son geste sembla éveiller ses amis qui, d'un seul coup, se mirent à fusiller le provocateur d'insultes en tout genre, certains que leurs paroles étaient un discours implacable.
La scène me fit sourire.
- Tu veux manger avec nous ce midi ? Proposa Gabrielle.
- Pourquoi pas ?
- Tâche d'éviter d'insulter tout le monde par contre, ironisa Lucas.
- J'essayerais.
De : Kuro
À : Len
Ça se passe bien ?
De : Len
À : Kuro
J'ai aidé un gars qui s'est fait insulté, maintenant on m'apprécie. Super.
Je ne savais pas trop si c'était positif, j'avais encore peur, je craignais encore le pire.
Mais..
Le sourire de Gabrielle, les remarques de Lucas, l'embarras d'Eliott.
J'aimerais que ces détails soient désormais des membres de ma vie.
- À demain Len !
- À-a demain ?
C'était décidément bizarre de se faire des amis, de lier des liens amicaux.
Kuro surgit de nul part et sa simple présence réussit à m'en faire oublier tout ce brouillon d'émotions que je ressentais après cette fatiguante rentré.
On s'échangea un regard, ce petit geste qui voulait dire " J'aimerais t'embrasser là maitenant. " avant de se prendre les mains, dans ce seul geste de tendresse et de réconfort qu'on s'accordait en public, sous peine d'attirer les regards.
- Comment vont mes homos favoris ?! S'exclama alors Léa, qui bondit sur nous pour nous écraser sous son étreinte.
- Arrête Léa, râla Kuro.
- Il a quoi à râler celui-là ? Si on ne peut même plus surnommer ses amis par leur sexualité, où va le monde ?
- Comment s'est passé ta journée ? Questionna Maxence, qui avait lui aussi surgit de nul part.
- C'était..intense. Et vous ?
- Oh si tu savais ! Il y avait tout un monde à l'association ! Se plaignit Karim, dans un lourd soupir.
- Et c'est tant mieux ! On n'a eu beaucoup de jeunes filles qui se faisaient harceler, mais on a eu aussi deux nouveaux bénévoles de l'ombre pour nous aider à conseiller. Le plus dur c'est les parties juridiques.
- Je suis content pour vous.
- Bon, c'est super, on a une scène entre amis, maintenant dégagez, grogna Kuro.
- Quoi vous voulez baiser peut-être ? Laisse-moi profiter de mon meilleur ami. Je ne le vois plus avec vos bêtises.
- Léa non ! S'exclama Maxence.
- Oh, Maxence veut à nouveau un récit sur la sodomie incestueuse ?
- Tais-toi !
On rit, sous les cris de douleurs de Maxence et ceux de plaisir de Léa.
J'aurais pu vous dire que je vivais dans un cercle immuable.
J'aurais pu vous dire que je me sentais affreusement seul.
J'aurais pu vous dire que j'avais l'habitude de souffrir.
J'aurais pu vous conter mes souffrances avec indifférence encore longtemps, j'aurais pu vous dire que Maxence et Karim me détestaient, que Kuro avait le cœur brisé par ma faute, que Léa était morte d'anorexie et que Rose avait coupé les ponts.
Mais c'était faux.
Alors je ne vous ai pas dit cela.
Je vous ai dit qu'il faut continuer de vivre.
Je vous ai dit qu'il faut croire aux autres comme il faut croire en nous.
Je vous ai dit que le bonheur se trouvait dans l'amour de soi et des autres, dans le soulagement d'être entouré quoi qu'il arrive.
Je vous ai dit que rien n'était perdu tant qu'on essayait au moins un peu.
On essayait de discuter avec le nouveau de la classe.
On essayait de ne pas fuir la foule.
On essayait de ne plus dissimuler ses sentiments.
On essayait d'accepter ce que l'on ressentait.
On essayait d'accepter ce que l'on était.
On essayait de dire aux autres qu'on tenait à eux.
Tant qu'on essayait de vivre.
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