Len
- TU AS BAISÉ !
Sans aucun doute, j'étais partie retrouvée la seule fille capable d'hurler une telle chose, à en faire peur à son chat.
- Je ne dirais pas ça.. Marmonnai-je profondément mal à l'aise.
- Oui, oui, "faire l'amour", je sais. Et alors ? Comment c'était ?
- C'était.. Eum.. bien ?
Elle éclata de rire avant d'attraper son chat pour lui forcer à lui faire des câlins alors que je jetais des regards paniqués partout dans la pièce.
- Dis-moi tout, déclara-t-elle, caressant son chat avec un faux air sinistre au visage.
- C'était bien... je veux dire, Kuro était si doux et.. Il savait bien s'y prendre mais...
- Mais se faire tripoter le cul c'est pas fun ?
À ses mots le chat s'enfuit en miaulant. J'aurais voulu faire de même.
- Moyennement, vers la fin ça été.
- Mmh.. Tu aimes Kuro n'est-ce pas ?
- Bien-sûr, c'est mon unique amour.
- Ne t'inquiète pas, ça va finir par devenir cool, sauf si tu n'aimes vraiment pas ça, mais dans ce cas c'est différent mais-...
- Léa. Je m'en fous de ton avis, je m'inquiète absolument pas pour ça, admis-je pour cesser ses exclamations intempestives.
- Alors pourquoi tu me le dis si tu ne veux pas mes avis d'une sagesse exemplaire ?
- Parce que tu es mon amie.
Elle ravala sa salive, sous le choc, les joues empourprées. Elle aurait pu fondre en larmes si elle aurait voulu, se jeter dans mes bras et me faire une interminable déclaration d'amour, parce que Léa était là définition même de l'excès, peut-être lunatique sur les bords.
Elle se contenta d'un timide sourire à mon égard, en recherche d'un moyen de relancer la discussion tandis que ses doigts trituraient sa robe.
- Oh tu sais ce que j'ai vu ?
- Non et je m'en fous.
Elle gonfla les joues de manière boudeuse.
- Tu ne viens plus me voir ces derniers temps, marquai-je.
- Tu sais, il y a eu les examens, puis tu es parti chez Kuro et les grandes vacances sont vite arrivées.
- Tu me manques, lui confiai-je sans vraiment être sur de la valeur de mes mots.
Il manquait quelqu'un sur le chemin du lycée, il manquait une note une fois les écouteurs dans les oreilles, il manquait un sourire derrière les rumeurs, il manquait un regard en passant la cour, il manquait des bavardages en cours, il manquait une présence alors que je marchais seul.
C'était une sensation peu certaine, une sorte de vieille impression qui laisse un goût amer en bouche.
- Oh Len ne dit pas de bêtise. Je ne t'ai jamais manqué. Même quand je voyais encore Thomas, même lorsque je séchais les cours. Tu passes le plus clair de ton temps avec Kuro et tout semble s'arranger.
- Et toi Léa ? Je te manque ? Questionnai-je sans prendre en compte le reproche.
- Tu ne devrais pas me manquer, elle haussa les épaules, mais ta sympathie de porte de prison me manque.
Je tentais un sourire, qui fut pour Léa une raison d'être bien plus dégoutée et sur la défensive.
- Je ne m'habitue pas à ce sourire.
- Il faudra, pourtant.
- Je ne comprends toujours pas tu sais. Ma compréhension des événements s'est arrêtée il y a bien longtemps, mais maintenant c'est pire.
- Tu crois que je comprends plus que toi ? Ris-je d'un ton bas. J'essaie de donner du sens à ce que je ressens, donner des mots à des ressentis, mais si ça trouve je me foire totalement.
- Alors pourquoi tu souris ?
- Parce que je comprends lorsque quelque chose m'apporte du bonheur. En tout cas du bien-être.
- C'est quoi le truc alors ? Ça y est tu es devenu parfaitement normal et l'amour a tout guéri ?
- Tu aimes Kuro ?
- J'sais pas trop. Il a un bon fond.
- Ce n'est pas Kuro qui m'a guéri. Et je ne suis même pas guéri. Parce que pour toi ça veut dire quoi être guéri ? Je continue de fuir la foule, de réfléchir à ce que je ressens, de me détester pour une tonne de raison, de me laisser disparaître. Mais est-ce que ça fait de moi quelqu'un de malade ?
- Tu es resté le même sur les questions en permanence, s'amusa Léa. Et je dirais que si tu ne souffres plus intensément et longtemps, tu es guéri ?
- Tu es guéri Léa ?
- J'ai repris du poids.
- Ce n'est pas ma question.
- Une anorexique qui reprend du poids est guérie non ?
- Pas forcément.
- Qu'est-ce que t'en sais toi ?
- Rien.
Elle se laissa aller à un léger rire, puis replongea son attention à sa robe.
Léa avait bientôt reprit la majorité du poids qu'elle avait perdu.
Ses cuisses se touchaient de nouveau, on ne voyait plus vraiment ses côtes, elle avait retrouvé un décolté et son visage avait reprit une adorable forme ronde.
- Je n'aime pas mon corps. Il n'a rien de précieux, d'aimable, il est juste un corps banal aux mauvaises formes. J'ai perdu la fermeté de me seins et mes hanches sont étroites, et mes fesses sont à la limite de la planche à pain.
- Alors pourquoi tu ne maigris pas ?
- C'est stupide mais.. j'aime manger. Il se passe pleins de trucs cools que j'avais oublié autour de la nourriture. On discute, on partage. Et parfois.. ça fait du bien de ne plus compter ses calories, de ne plus tenir un journal de bord, de chasser le moindre défaut. Et les gens ne me détestent pas plus pour autant. C'est bizarre. Je pensais que les gens m'aimaient plus parce que j'étais maigre.
- Tu savais que Karl est amoureux de toi ?
- Oui, depuis longtemps. Je l'ai utilisé. J'ai été une pute. Karl est quelqu'un de bien, je crois.
- Je crois aussi. Malgré ses coups pour se venger.
Un silence profita du moment pour créer une sorte de tension. Léa le brisa avec facilité.
- Je vais chercher à manger. Mais j'vais pisser avant.
Le temps qu'elle parte, je feuilletais quelques uns de ses yaoi, juste pour comprendre comment cela se passait là-dedans. J'en avais déjà lu un ou deux sous les ordres de Léa, mais je me rappelle avoir ressenti un profond détachement.
Cette fois-ci, je nous voyais Kuro et moi dans chaque personnage et situation.
Je sentais mon visage fondre sous la chaleur soudaine, et préférais me concentrer sur le chat qui dormait que sur des ébats sexuels.
Puis soudain un cri infâme déchira le silence de la maison, à m'en faire sursauter.
- OH MON DIEU ! Hurla au loin Léa.
Je me levais, prêt à intervenir. Les pas de Léa résonnèrent dans le couloir, et son visage figée dans la même expression de stupéfaction apparue dans l'entrebaillement de la porte.
Je m'attendais à tout. Même un dénis de grossesse.
- J'ai mes règles !
- Que ? Et ?
Je n'avais pas le profil de quelqu'un qui connaisse en particulier le corps féminin, et pourtant, vivre avec pour seul entourage une meilleure amie, une soeur et une mère adoptive pouvait prouver le contraire.
- Ça veut dire que mon corps a assez de nutriments pour s'occuper de mes ovaires. J'avais oublié ce que ça faisait d'avoir ses règles.
- Je suis content pour toi ?
- Regarde !
Elle brandit une culotte maculée d'une tâche rouge, heureuse.
Je me cachais les yeux, bien que cette vision d'horreur avait déjà été imprimée dans mon cerveau.
- Putain mais dégage avec ta culotte !
- Tu n'es pas content pour moi ? Je peux de nouveau enfanter.
- Dégage !
Elle partit dans un fou rire, et je finis par éclater à mon tour.
* * *
- Tu crois que je devrais arrêter de parler de sexe ?
Elle s'était avachie dans son lit, son chat qui jouait à attraper les pages qu'elle tournait de son manga. Moi j'envoyais des messages à Kuro qui avaient bien vite tourner à des plans secrets pour la soirée qui s'annonçait.
- Pourquoi tu devrais ?
- Ça me donne une image peu intéressante. Un peu comme un beauf qu'on évite d'inviter.
- Tu es une beauf qu'on évite.
- Sympa.
Je me tournai vers elle.
Elle boudait et avait arrêté de lire depuis bien longtemps pour continuer de jouer avec Lizzie - tel s'appeler son chat -.
- Léa, tu ne fais pas que parler de sexe. Tu élèves des problématiques là où les gens veulent juste s'amuser, tu es trop tactile avec les gens que tu veux frapper mais tu refuses les câlins, bref je ne vais pas lister qui tu es, tout le monde sait qui tu es.
- Depuis que j'ai prit du poids je ne sais plus qui je suis. Je ne suis plus maigre, alors je suis quoi ?
Je m'assis à ses côtés, ce qui fit fuir le chat. Léa m'insulta de nazi anti-chat et si la conversation n'était pas si sérieuse je me serais laissé rire.
- Tu penses que les gens t'aiment pour quoi Léa ?
Elle haussa les épaules, échangea des regards avec le vide puis osa répondre.
- Parce que j'étais mince.
- C'est débile.
- Mais je sais que ça l'est ! S'écria-t-elle véritablement désespérée. Mais je ne peux pas expliquer ça.. C'est différent quand on est mince. J'ai l'impression que le monde est meilleur, les gens sont plus sympas, je plais aux garçons et aux filles, j'attise de l'admiration et de la jalousie. Et je continue de maigrir parce que c'est tellement plaisant d'être toujours plus mince, et tellement terrifiant de prendre du poids. J'ai besoin d'être mince pour avoir confiance en moi.
Je réfléchis un instant.
Le fait de remarquer les changements positifs et moins abusifs dans son discours me fit sourire, et savoir que j'allais conseiller ma meilleure amie me donnait des frissons.
C'était pourtant si banal, si normal comme situation, mais ça représentait tellement.
- Tu as confiance en toi quand les gens te trouvent mince ?
- Oui.
- Tu ne crois pas que le monde te semble meilleur parce que dans ces moments là tu as confiance en toi ? Et non..parce que tu es...mince.
- Peut-être.
- Il y avait des jours où tu n'avais pas confiance en toi alors que tu étais mince ?
- Oui.. Je me sentais grosse. Et impuissante.
Je l'invitai à me faire un câlin, et l'invitation lui sembla si irréaliste qu'elle ne l'accepta pas. Elle posa simplement sa tête contre mon épaule, toute faible et anxieuse.
- Tu as toutes les raisons du monde d'avoir confiance en toi. Et être mince ou pas n'en ai pas une.
- Tu te souviens quand je me suis évanouie ?
- Oui.
- J'ai refait un malaise pendant une séance de sport. J'ai fait une pause et j'en ai profité pour me regarder dans le miroir. Je me suis vue et je me suis dit " En quoi ça me rend belle et unique ? " Les gens beaux et uniques ne le sont pas parce qu'ils contrôlent leur nourriture et parce qu'ils ont un corps aux mensurations d'un mannequin. Kuro est venu me voir le lendemain, simplement pour discuter du contrôle, et je lui ai demandé si j'étais unique. Après m'avoir titillé il m'a dit que je l'étais assez pour que toi tu m'aimes. Alors..
- Je t'aime parce que tu es drôle et intelligente et c'est principalement ce qui composent les " gens beaux et uniques " n'est-ce pas ?
Elle me sourit.
Elle n'avait pas encore tout à fait compris, mais quelque chose avait changé. Elle savait qu'elle était capable de s'aimer comme elle était.
- Ça te dit qu'on sorte avec Kuro ? Proposé-je.
- Où ça ?
- Un bowling ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top