Kuro
Mon père était sorti affreusement gêné du rendez-vous, il ne s'était jamais livré de la sorte et je crois bien qu'il ne recommencera pas avant belle lurette.
Alors que je traînais sur Internet, faisant par de mon attente larmoyante à Len, tel une femme au foyer qui attendait le retour de son mari alcoolique, je finis par recevoir l'appel de mon dit mari pour proposer un bowling.
Quel ne fût pas ma déception quand je sus la présence de la petite chieuse - Avec tout l'amour que je portais à Léa-.
Tant pis, c'était une occasion pour passer la journée, nous n'étions que la deuxième semaine de juillet et pourtant je m'ennuyais déjà.
- Tu sors ? Interrogea d'une voix douce ma tante qui traînait à la maison pour se donner du courage à finir ses plans.
- Ouais, je vais au bowling avec des amis.
- Tu as assez d'argent ?
- Pas assez pour un paquet de clopes en tout cas, ris-je, ce qui provoqua un haussement de sourcils de ma tante.
- Tu parles d'un fumeur, t'en fumes pas plus de cinq par jour, tu fais ça juste pour passer le temps.
- Tu m'incites à fumer plus ?
- Va-t-en avant que je te frappe !
Je ris et pris la porte en vitesse, heureux de reprendre un train de vie bien plus apaisé.
Nous nous étions rejoints directement devant le bowling, je voyais déjà au loin une Léa toute excitée qui portait un énorme jupon rose visible à des kilomètres avec un Len tellement recroquevillé qu'il aurait pu se confondre avec un poteau.
On prit une piste, coincés entre des grandes familles heureuses d'être en vacances, avec un fond sonore de mauvaise qualité coupé toutes les demi-heure pour une chanson de bon anniversaire de Patrick Sébastien, avec une climatisation bruyante et peu utile au-dessus de nous.
- Oh regardez ! S'enjoua Léa une fois arrivée sur la piste. On doit se prendre en photo !
Len sembla bien plus se décomposer à cette nouvelle, alors qu'il était déjà déconfi.
- Il faut faire des grimaces ! Kuro c'est toi le premier !
Elle me poussa devant l'objectif et je fis un doigt d'honneur à la caméra, bien décidé à ne pas être ridicule. Léa me frappa en signe de déception et passa à son tour, tirant la langue avec un double menton, les doigts joints de sorte à mimer une pénétration.
- Len ! A toi !
Il se leva d'un pas las, bien moins motivé que lorsqu'il me l'avait proposé, et se dirigea vers l'objectif en tirant une gueule pas possible.
Juste histoire de rendre la photo attrayante - et juste pour cela - j'attendis que le compte à rebours s'enclenche pour lui planté un baiser sur la joue.
Il se liquéfia, tout cramoisi devant la photo et j'avouais être tout aussi mal à l'aise.
Et bien-sûr Léa ne se gêna pas de crier, de répéter que " nous étions trop mignons " et de bien faire comprendre à toute la salle que notre relation était " bien mieux que celle d'un yaoi ".
- Je vous ai défoncé mouahah ! S'exclama-t-elle dans de grands gestes.
- Bravo, bravo, maintenant tais-toi.
- Tu veux que je me taise parce que tu es frustré que j'ai gagné.
- Non ! Et puis comment je pouvais m'attendre de perdre face à vos bras de squelette hein ?
- N'importe quoi mes bras ne sont plus du tout maigres.
Elle subit une rafale de regards noirs de notre part.
- Et ce n'est pas que dans les bras, il y a dans la stratégie aussi, informa Len.
- Tu insinues que je suis stupide ?
- Tu l'es, répondit Léa.
- Je me défends juste.
Je le pris par derrière, par dessous les bras pour le porter comme un enfant, sous ses vulgaires plaintes et les rires de Léa, afin de le diriger comme il me plaisait. On avança ainsi jusqu'à un petit coin d'herbe avant de s'écrouler au sol, et Léa décida de nous écraser comme vengeance à être mise de côté.
- Le pacte tient toujours ? Demanda-t-elle soudain alors qu'elle s'était écroulée sur Len et moi.
- Je suppose. Ne pas mourir c'est cool.
- Tu as encore envie de mourir ? Et sa question était générale.
- Non, répondis-je, consciencieux. J'ai un merveilleux petit-ami, des amis cools, et ça va mieux avec mon père.
Len sourit timidement, Léa afficha un visage satisfait comme amusé.
- Moi non plus, j'aimerais bien savoir si je suis capable de vivre d'autres trucs que.. perdre du poids et me détester.
Je lui jetais de l'herbe dans les cheveux, mais au fond je me sentais bizarre de tenir autant à une fille étrange comme elle. Je ne la connaissais pas tellement, surtout à travers les dires de Len, mais il suffisait de la voir sourire, d'entendre ses mauvaises blagues, de savoir à quel point elle était dévouée et attentionnée, qu'on ne pouvait que l'aimer.
- Moi non plus je ne veux pas mourir, avoua enfin Len. Je tiens à trop de choses ici, j'ai trop de choses à rattraper.
On se regarda tous.
C'était un sentiment de paix, de joie, de bienveillance. Le monde semblait meilleur.
Nous étions ressortis vainqueurs de ces sept derniers mois.
* * *
De : Numéro inconnu
À : Kuro
Rejoins-moi devant le lycée.
Il ne fallait pas d'indice, pas de suspense à deux balles, ce numéro inconnu était parfaitement connu, ça ne pouvait être que lui : Oliver.
Je m'étais trituré les méninges pendant un bon quart d'heure tandis que Len et Léa discutaient sur le trajet du retour. Puis mon merveilleux petit ami s'enquit de mon état, et il ne m'en fallut pas plus pour sourire jusqu'aux oreilles.
- Ça ne va pas ? Avait-il demandé d'une mine inquiète adorable.
- J'ai reçu un message d'Oliver.
Il parut réellement réfléchir à la situation, et le savoir si impliqué me mettait du baume au coeur : J'avais espéré si longtemps une relation comme celle-ci, je m'étais tellement battu.
Léa demanda à son tour d'être informée et Len n'hésita pas à expliquer les grandes lignes de la situation " Kuro a eu du chantage sexuel de la part d'Oliver mais ça n'a été que des menaces. Tu sais ça a parlé de ça un moment au lycée. " Ça me faisait bien chier de savoir que le lycée entier était au courant de ça, heureusement, mise à part la petite crise de Célia pendant le bac blanc, tout s'était bien passé.
Et puis Len aurait pu apprendre entre deux les notions de honte et d'intimité.
- Oh, je ne pensais pas que c'était vrai, s'exclama Léa, et du coup tu penses qu'il va réaliser ses menaces ? Après tout, il risque de partir à l'université d'ici quelques temps non ?
- Je ne sais pas. Je ne sais même pas dans quoi j'ai été impliqué.
Len prit ma main pour prouver son soutien.
- Moi je te conseille de l'ignorer le plus possible, il lâchera l'affaire. Après tout, si son but c'est de baiser, il trouvera bien quelqu'un d'autre, conseilla-t-elle.
- Non, j'ai déjà essayé de l'ignorer ça ne fonctionne pas, il vient juste me voir pour me mettre toujours plus de pression. Je vais y aller.
Léa poussa un soupir de mécontentement, peu rassurée de ma démarche. Len ne broncha pas, le regard porté vers le paysage qui défilait.
- Rentre vite, grogna-t-il avant que nos chemins se séparent.
- Oui.
J'hésitais à l'embrasser, le monde aux alentours me mettait plutôt mal à l'aise, au final il passa une main sur ma joue et partit.
* * *
- Fous-moi la paix. Tu m'as fait chier pendant trois mois pour que dalle, maintenant ça suffit.
Oliver sourit, termina sa clope et s'avança vers moi d'un pas nonchalant.
Nous nous étions retrouvé devant un immeuble peu rassurant, tagué et décrépit de tous les côtés, prêt à s'effondrer au moindre coup de pied d'un petit con un peu trop con.
- Je voulais baiser avec toi, clama-t-il dans le plus grand des calmes, sans même cet air supérieur qu'il avait l'habitude de porter.
- Et tu n'as pas réussi, fous-moi la paix maintenant.
- Je m'en fichais bien de ton consentement. Tout était déjà prévu pour le chantage parfait.
Ses mots étaient si horribles et malsains et pourtant une pointe d'amertume glissait sur sa voix.
- Il s'est passé pleins de trucs qui m'ont retardé. Je devais te baiser à ma fête.
J'hésitais entre me casser une bonne fois pour toute, ou rester écouter pour ma curiosité.
- Quand tout le monde était parti, c'était ça le deal. Mais j'ai pas pu. Je me suis dit que c'était juste passager, une soirée où j'avais juste envie d'être seul.
J'en avais rien à foutre.
- J'ai réessayé. J'ai bien vu que ton point faible c'était ce petit pd blond. Mais..
Il détourna le regard. Je n'avais jamais vu Oliver dans un tel état. Il était si normal... Un peu sentimental, quelques regrets placés dans sa voix, une honte de ses sentiments, cependant la volonté de s'exprimer à une personne de confiance.
Je me dis qu'il était bien désespéré pour se confier à moi.
- Je te laisse tranquille. J'vais bien me trouver un autre gars à baiser. Je voulais juste te dire que t'avais de la putain de chance. Donc casse plus les couilles à personne avec tes plaintes.
Il me fit un doigt d'honneur et partit vers une belle voiture blanche, à priori la sienne.
Je ne racontais plus toutes les fois où il m'avait lancé des regards, proposés des rendez-vous, clamer des menaces à tout va, et au final il venait s'expliquer qu'il n'avait rien pu me faire, qu'il ne me ferait plus rien, et qu'il reprenait sa vie de connard sans moi.
J'aurais pu être violer, cette idée me donnait le tournis tant elle paraissait si irréelle, son monologue ne m'avait en aucun fait remettre en question mes jugements sur ce bâtard.
Je savais qu'il allait me rester en tête, que j'allais sûrement le croiser dans un article de journal.
Je me demandais bien ce qu'il voulait dire dans " Je n'ai pas réussi. ".
Dans tous les cas, c'était fini.
Oliver était un bien trop gros connard pour compter dans l'histoire.
* * *
J'avais refait l'amour avec Len.
La deuxième fois n'avait absolument rien à voir avec la première, mieux maîtrisée, plus animée, néanmoins les sentiments restaient les mêmes et ses yeux d'une lueur nouvelle gardaient la même beauté.
Mais si je devais bien dire une seule chose qui différait de la première à la seconde fois, c'était bien que cette fois-ci toute ma famille avait été mise au courant.
Alors que je sortais jeter le préservatif et son emballage, vêtu d'un unique boxer, Sacha surgit du bureau, mon père non loin.
Ce fut un très long moment de quelques secondes de honte et de panique.
Je finis par réagir en bondissant jusqu'à la salle de bain et m'y enfermer à double tour, sous le fou rire agaçant de Sacha, et je n'osais même pas imaginer la réaction de mon père.
Une fois débarrassé des preuves, j'étais resté cloitré derrière la porte sans trouver le courage de rejoindre ma chambre, - Len devait sûrement se demander ce que je branlais - pour finir le courageux mais surtout je-m'en-foutiste Len frappa à la porte, prévenant ainsi qu'ils étaient en bas, qu'ils avaient fait tout un tas de sous-entendus devant lui et que je pouvais enfin le rejoindre sans crainte.
J'ouvris en vitesse la porte et l'attirai à l'intérieur ; il était déjà tout habillé mais mon envie de lui ne diminuait pas pour autant.
Je le trouvais beau à tout instant, pour moi chaque occasion était bonne pour lui rappeler à quel point je tenais à lui et son précieux et si fragile sourire.
On s'embrassa sur un je t'aime à peine prononcé.
- J'ai pas envie de te quitter, avouai-je mon corps contre le sien.
- On est déjà mi-juillet, j'ai assez embêté ton père et ta tante. Et puis je ne pouvais pas rester éternellement ici.
- Je sais tout ça. Mais quand même.
Il me sourit tendrement.
- Allez habille-toi. Je dois aller au bureau des assistantes sociales avec ma mère, ma sœur et Meiko.
- Ça va aller ?
- Je l'espère.
Je le retins avant qu'il ne descende manger.
- Souviens-toi que je t'aime et que je suis pas le seul.
- Bien-sûr.
Il afficha un grand sourire à l'arrière goût pourtant amer. Il appréhendait ce rendez-vous qui clôturerait à jamais le rôle parental de Meiko sur la fratrie, il me l'avait expliqué au détour d'une conversation. Dès que le rendez-vous se terminera il pourra définitivement emménager chez sa mère et changer de lycée. Heureusement qu'il restait dans les alentours...
J'avais peur pour lui, certainement pas autant qu'il avait peur pour lui-même.
- Tu devrais sortir voir des gens. Ce n'est pas parce que tu as l'habitude de les laisser partir que tu ne peux pas essayer de t'y attacher, me conseilla Len avant de se décider à descendre manger.
Il n'avait pas tord comme il n'avait pas raison.
Oui je me mettais un maximum de barrière pour éviter d'avoir une bande, de m'imposer dans un groupe ou encore de poser les mots amis sur ceux que je côtoyais en l'espace de quelques mois.
Non, je ne me forçais pas à ne pas m'attacher aux lieux et aux personnes, j'étais de nature bien trop sentimental, j'accordais immédiatement de l'importance aux choses.
J'irais voir le groupe parce que je les aimais déjà, j'irais les voir non pas pour tisser des liens avec eux mais bien pour profiter des derniers instants avant la rentrée de Septembre.
Mon père ne m'avait pas encore parlé d'un quelconque déménagement, étonnant par ailleurs.
Irons-nous dans le Sud-Est de la France, nous n'y avions encore jamais mit les pieds. Ou bien irions-nous de nouveau en Suisse ou à la frontière germanique ?
- Kuro ?
Mon père était sur le point de partir avec Sacha - sûrement un rendez vous d'affaires - et Len mangeait son omelette dans la cuisine.
- J'ai oublié de te dire... Il afficha un timide sourire tout en lançant un regard confiant à ma tante. Nous ne déménageons pas avant longtemps.
- C'est vrai ? Soufflai-je, le cœur prêt à exploser de bonheur.
- Nous avons réfléchi avec ta tante, et nous pensons que c'est mieux de reprendre un train de vie sédentaire.
- Ça pourrait nous aider à nous trouver un conjoint aussi, histoire de caser toute la famille, ironisa Sacha.
Je souris à m'en arracher les joues, c'était trop beau pour être vrai, je n'étais même plus sûr de comprendre parfaitement tout ce qu'il se passait autour de moi.
Je débordais tant de bonheur que je voulais sauter et crier partout.
Len ne comprennait rien aux enjeux et se contentait de sourire face à mon comportement.
- Bon, allons-y, lança mon père à ma tante.
- Merci.
Ils me sourirent et entamèrent le pas.
- Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter cela dis-moi ?
Len haussa les épaules.
- J'ai toujours été si lâche. Il s'est passé juste six mois. J'ai fait quoi ?
- Je dirais... qu'au lieu d'être caché derrière nos mal êtres, toi, moi, Léa, on a juste réussi à donner le meilleur de nous-mêmes en l'espace de quelques temps. Et ça a fait des miracles.
- Toi aussi tu te posais la question hein ?
- Oui.
Il débarrassa son assiette, m'accorda un chaste baiser sur la joue et parti avec un air terrifié en direction du lieu de rendez-vous.
- Comme si il suffisait d'être soi-même pour que tout s'arrange.
* * *
De : Kuro
À : Maxence
Je reste au lycée pour mon année de terminale. Un kebab pour fêter ça ?
De : Maxence
À : Kuro
Vas-y. J'invite d'autres personnes ?
De : Kuro
À : Maxence
Invite juste Karim, il se chargera tout seul d'amener du monde. Qu'on le veuille ou non.
De: Maxence
À : Kuro
C'est vrai mdr.
On se retrouva à cinq devant l'église pour le kebab. Maxence avait répondu présent en premier, fidèle à lui d'être un bon élève tout comme un bon ami; les invités de Karim s'incrustèrent par la suite, Célia et Céline qui n'avait visiblement rien d'autre à faire et vu leur tête déconfite en nous voyant Maxence et moi, Karim avait du leur promettre autre chose. Et enfin celui qui se faisait attendre arriva.
- Bon on va se le bouffer ce kebab ?
- Tu m'avais dit qu'il y avait Oliver, s'indigna Célia.
- Parce que tu m'as cru ?
On s'échangea tous les trois un rire complice.
- Allez on y va.
Le petit groupe me suivit, on commanda tous la même chose sauf Céline qui devait apparemment perdre du poids. - Je m'étais mit à penser à Léa et sans le vouloir une remarque du genre " Tu es belle comme tu es" m'avait échappé. La petite brune serait fière d'entendre ça-
Céline fut lourdement draguée par Karim qui avait prit ma phrase comme exemple de séduction, Célia mangeait dans son coin les yeux sur son téléphone.
- Céline part en Septembre, fit remarquer Maxence les yeux sur les deux adolescents.
- De toute façon il ne compte pas faire d'elle son grand amour.
- Ça c'est sûr. Hum...Et toi ? Tu m'avais parlé d'une fille non ?
- Euh..
- Tu vas pouvoir la voir souvent si tu restes ici.
- Ouais euh..
" Être soi-même fait des miracles " hein ?
Qu'est-ce que ça m'apporterait de dire que je sortais avec un garçon hormis insultes ou blagues de mauvais goût ?
Quel miracle il pourrait bien avoir ?
Célia avait levé les yeux de son portable, elle qui devait savoir comme Oliver savait, ce duo de vautours répugnants.
- En fait j'ai trouvé quelqu'un d'autre.
- Ah ouais ? T'as de la chance, moi je trouve personne, à croire qu'être beau ne suffit pas, rit-il.
- Il te manque de la stupidité, lâcha Célia froidement.
- Bref, Maxence se retint de rire, cette personne ? Tu sors avec ?
- Ouais.
- Kuro sors avec quelqu'un ?! S'écria Karim qui avait abandonné toute idée de séduire Céline.
- Quel est le nom de l'élu ?
- Elle a des gros seins ?
- C'est un garçon.
Les regards se figèrent. Les voix se turent. Célia laissa entre-appercevoir un sourire. Karim avait perdu le sien.
Je ne savais même plus pourquoi j'avais fait ça. J'étais tellement con. Je m'étais mené à ma propre perte. J'allais crever sous les insultes, reprendre le flambeau du souffre douleur du lycée. Qu'avais-je fait ?
"Être soi-même fait des miracles"
- Et c'est quoi son nom ? Demanda soudain Maxence.
- Tu es gay ?! S'émerveilla Céline.
- Du coup pas de gros seins.
Je mis un certain temps avant de réaliser que.. Et bien qu'ils n'en avaient rien à faire que je sorte avec un garçon.
- Ça vous dérange pas ? Que.. garçon ?
- L'homophobie c'est si 2015, clama Céline qui s'était collé à moi depuis.
- Alors c'est qui ?
- C'est privé désolé.
- Ouais les filles, c'est un secret entre meilleurs potes, les vagins ne sont pas de mise.
Céline me supplia de divulguer l'identité de mon petit-ami, tandis que Karim se chargeait de nous trouver une planque dans le cimetière pour discuter en paix.
Célia convaincu son amie de finir de manger et de nous laisser.
On se partit à la hâte derrière l'église.
- Le truc c'est que c'est pas n'importe quel garçon, avouai-je terriblement embarrassé sans même savoir ce que je faisais.
- C'EST OLIVER ! S'exclama Karim.
- Non !
- C'est un prof ?
- Maxence t'es sérieux ?!
- Allez dis.
Je pris mon courage à deux mains, une respiration tremblante et à trois je me lançai :
- C'est Len.
- Len... Aishi ?
Maxence resta de marbre alors que Karim se décomposait sans avoir l'air d'accepter le prénom que je venais de prononcer.
- Tu peux pas sortir avec lui, affirma-t-il.
- Ce que veut dire Karim, se rattrapa tout de suite Maxence, c'est qu'il est pas..comme tout le monde.
- Mais même t'as vu sa gueule ?! Il est maigre et bizarre, on dirait même pas un mec.
- Karim. Arrête.
J'avais envie de pleurer. De les frapper. De crier que ce n'était que des connards prétentieux. De fuir très loin et de regretter mes choix.
Comme d'habitude.
Mais à quoi bon insulter et frapper tout ceux qui ne l'acceptaient pas ? Ils étaient bien trop à l'avoir harcelé pendant des années de toute façon.
À quoi bon fuir ? Je l'avais dit.
Et je venais de comprendre pourquoi.
Je voulais les considérer comme des amis pour une fois. Espérer ressentir à nouveau ce sentiment de " meilleurs potes ".
Mais si ce n'était pas mes scarifications ou mes humeurs moroses, c'était désormais mes choix sentimentaux qui posaient problème aux autres.
- Vous savez il a changé, bredouillai-je faiblement.
- Ça me fait bizarre de t'imaginer avec lui mec.
- Karim ta gueule.
- Non, allez-y, -ma voix chancela dans des tons larmoyants- dites ce que vous avez à dire sur le malade mental du lycée hein !
Karim me fixait sans faillir, presque à me défier de qui aura les meilleurs arguments pour ramener l'autre à la raison. Il n'avait pourtant pas l'air malveillant dans ses dires.. juste surpris. Voire inquiet.
Maxence lui, bien plus discret et bien moins bagarreur, essayait de calmer les tensions tout en gardant une certaine distance.
- Bordel mais c'est comme si tu te mettais en couple avec un triso ! Tu mérites mieux !
- N'importe quoi !
- Kuro, prononça fermement Maxence au point de nous taire tous deux. Len a un problème pas vrai ?
Sa voix ne portait pas de jugement. Elle était ferme et posée, moi qui n'avait connu Maxence que nonchalant, ça me foutait froid dans le dos.
En même temps les élèves de ce lycée ne sont pas élevés par n'importe qui...
- O-Ouais..
- Il est pas facile à aborder hein ? Il est violent.
- C'est vrai mais-...
- Écoute je ne sais pas, et Karim non plus, ce qui t'as poussé à aller parler à un gars avec un sérieux problème et antipathique mais... Il y a forcément des raisons. On ne tombe pas amoureux par hasard d'un gars comme ça hein ?
Karim hocha la tête, l'air plus compréhensif.
Moi je tentais de cacher mes sourires, mes sourires qui voulaient leur dire merci, leur déclamer comme c'était incroyable de l'aimer, que je voulais qu'ils se parlent et que l'image néfaste que Len avait au sein du lycée disparaisse.
- N'empêche tu fais chier, râla Karim, maintenant toutes les filles vont se jeter sur toi pour avoir leur meilleur ami gay.
Je ris, mal à l'aise.
- Rejoingnons les filles.
- Les gars, une dernière question.
Ils se tournèrent vers moi.
- Je sais que c'est Célia qui dirige le harcèlement contre Len. J'ai rien fait au début mais-...
- On sait pour la plainte. Je pense qu'on va aller au tribunal et plaider coupable avec Amaury, expliqua Maxence, au début on comptait juste se faire petit jusqu'à la fin mais...
- Mais il a porté plainte quand même. Et pour qu'elle soit retenu même contre l'avis du principal ça ne doit pas être une plainte minable sur quelques rires dans le fond d'une classe.
- On n'est pas les pires hein, se défendit Karim, on l'a jamais frappé ou insulté directement.
- Vous n'êtes pas obligés de faire ça. Len porte plainte avant tout pour ne pas rester invisible. Rester l'image que les autres ont de lui.
Maxence laissa apparaître un timide sourire qui convaincu Karim à faire de même.
Ils m'avaient compris, m'avaient écouté et me soutenaient.
J'avais des amis.
* * *
- Devinez qui vont rester un trio soudé tout le long de l'année ?
- On est dans la même classe ?!
- À votre avis ?
- Ton suspense ne sert à rien Karim, les listes de classes sont juste derrière toi. Allez bouge, tu bloques la vue, grogna Maxence en reculant loin de l'attroupement.
- Je suis une vue magnifique !
On se dirigea vers l'arrière cour pour fumer - rejoint par Karim - nous regardions les petits nouveaux se perdre à l'intérieur de l'immense établissement et riions déjà devant la promo que faisait Célia pour sa fête de bienvenue.
- Toujours à fumer vous hein ?
- Je ne fume pas moi, commenta Karim.
- Ouais mais toi tu fumes des joints.
- Qu'est-ce que tu viens faire là ? Tu n'es pas occupée avec ton association illégale ? Demandai-je.
Léa s'indigna faussement et prit place à nos côtés contre le grillage.
Léa s'était décoloré les cheveux en violet cette année, et ça faisait bien six longs mois que sa silhouette rachitique avait disparu, laissant place à des jolis formes et un nouveau regard porté sur une jeune fille bien plus souriante.
Il paraîtrait même qu'elle ait retrouvé une situation amoureuse.
- Mon association n'est pas complétement illégale. J'ai le droit d'aider mes camarades, c'est juste que ça doit rester secret. Première règle du Fight club : on ne parle pas du Fight club.
- Tu devrais y participer au lieu de te plaindre, c'est cool. Et il y a des gays que tu pourrais aider.
- Maxence a raison.
- Je vous l'ai déjà dit, je ne veux pas me coltiner les problèmes des autres. Je veux que mon année de terminale se passe bien.
- Tu as juste du mal avec le recul professionnel, assura-t-elle d'une manière on ne peut plus sérieuse.
- Comment va Len ? Il t'a donné des nouvelles ? Demanda Maxence.
- Ça se passe bien, apparemment il s'est fait un ami..je crois ?
- Hein ?
- " J'ai aidé un gars qui s'est fait insulté maintenant il m'apprécie. Super. " Ça a l'air ironique.
- Ça l'est, affirma Léa.
- Faudra qu'on le voit un de ces jours pour lui dire que se faire des amis c'est positif, rit Karim.
La sonnerie retentit.
Notre premier cours était du français, le cours favoris de Léa, pas le mien.
On se dirigea tous vers la salle, avec une certaine appréhension au ventre de s'imaginer cette dernière année de lycée.
On traversa la cour d'un pas presque assuré, parce que nous nous sentions à notre place parmis ces dizaines d'élèves qui fourmillaient de partout, parce que nous savions que cette dernière année nous allions l'achever à être nous-mêmes.
On entra dans le bâtiment A, au tour d'une intersection on apperçut un Karl intimidé par nos sourires, une Célia ravie d'être devenue la reine du lycée depuis le départ d'Oliver.
Une fois dans la classe on se sentit fin prêt à accueillir la nouvelle année, à voir se dessiner un avenir et accepter un passé.
- Bonjour à vous, je suis Mme Perrin pour les nouveaux, ce premier trimestre nous allons aborder...
C'était reparti pour une année de vie.
Bzz bzz
De : Len
À : Kuro
Je t'aime bon courage ^^
J'étais malade de lui.
Malade de vivre.
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