Kuro
Rien n'est de ta faute, tu es le meilleur garçon du monde.
C'était tout ce dont j'avais besoin dans une pareille situation.
Où mes doutes devaient être appaiser pour s'éteindre à jamais, ou ma peur devait se taire à l'aide d'amour, où mon espoir avait besoin d'être raviver.
Toute cette lutte pour parvenir jusqu'à son coeur n'avait pas été vaine. Je pouvais enfin me soulager un peu.
Bien que notre combat pour rester en vie n'était pas terminé.
Nous avons par la suite expliqué à Len que Rose nous avait laissé entré ; il avait l'air troublé à son évocation.
Puis nous nous étions mit à nos devoirs respectifs, dans un faux silence qui nous désignait.
Parfois Léa m'insultait de débile et je répliquais, avant que Len ne nous fasse taire.
La fin de l'après midi arriva rapidement, et Len refusa de nous laisser partir si tôt.
Il savait que de toute façon seuls nos démons nous attendaient de pied ferme.
Léa parla un temps, de ces passions, réclama un baiser entre Len et moi qu'elle n'eut point, puis sur son souffle de désespoir bruyant qui voulait à tout prix témoigner son ennui, je conclus par un petit jeu.
- Encore ça ? Cracha Len.
- Toi et tes idées à la con, souffla Léa, comme une véritable soufflerie.
- Chut. Ça me permettra d'en apprendre plus sur vous.
Je pris un formulaire de questions à l'aveugle sur Internet et on y répondit tous à l'oral, bien que la motivation de certains ne fut pas au rendez vous.
Ça me permit de savoir tout un tas de choses ridicules sur chacun : leur signe astrologique, leur date d'anniversaire, leur plat favoris ou encore la dernière fois qu'ils avaient pleuré.
Même si ça, on le savait déjà tous.
* * *
La semaine recommença.
Les yeux braqués sur le portable qui sonnait, le dépit de ne pas avoir le courage de changer cette sonnerie.
Le regard sur mes scarifications, sur un portrait de ma mère, sur un verre de lait.
- On a un rendez-vous en fin d'après midi avec un psychologue, je viendrais te chercher, ne rentre pas à la maison, balança mon père, toujours sur un ton je-m'en-foutiste aromatisé aux cafés et au journal.
- C'est maintenant que tu me préviens ?! Et puis même, je veux pas y aller à ce rendez vous de merde.
Je pris mon sac, prêt à partir.
- Ce n'est pas toi qui décide ici.
- Ce n'est pas toi non plus.
J'enfilai mes baskets.
- Tu vas me parler sur un autre ton ! Son journal claqua contre la table.
- Quand tu seras un père, peut être que je t'obéirais.
Et dans un mouvement similaire à mon paternel, la porte claqua à son tour.
Je donnai un coup de pied dans le mur, et pris le chemin du lycée l'air frustré au visage.
- Bin alors on s'est levé du pied gauche Mr j'aime les demi filles, me salua Maxence, une clope en bouche.
- Me parle pas de ça. Et je n'aime pas les demi filles. Je n'aime plus les filles de toutes façon.
- Hein ?
- Laisse tomber.
- Hein ?
J'accélerai la marche, pressé de m'enfermer dans ma propre bulle de pensées, néfastes ou non, je n'en avais que faire. Je voulais juste ressentir librement.
- Hein ?
Je fus arrivé bien vite au lycée ; les grilles sombres et les briques piquèrent mon coeur, commencerais-je à m'attacher à ce lieu ?
Personne ne traînait dans le terrain vert mis à part quelques secondes, toutes les premières s'engouffraient par tas dans l'établissement pour se trouver dans la bonne classe à la bonne heure pour les examens.
Les terminales avaient leurs épreuves dans un autre endroit, et ce n'était pas plus mal. Ne pas voir Oliver était une bénédiction.
Len était déjà entré visiblement.
Voir sa bouille faire la gueule m'aurait fait sourire. J'avais peut être trouvé ma personne miracle.
Mon âme soeur.
- Alors, prêt pour les examens ? La voix de Célia vint déranger mes embarrassantes interrogations.
- Eum, je crois.
Je ne parlais pas spécialement à Célia. Son groupe sectaire de filles accros aux réseaux sociaux manipulateurs ne m'attirait pas. Célia semblait la plus sensée de ce ramassis de faces retapées au maquillage, toute fois. Parler avec elle était... Intéressant.
- Il ne faut pas être pessimiste voyons ! Elle me caressa le bras. En plus tu as l'air doué en Maths.
- Disons que je gère.
- Ah la la, quelle modestie. Elle fit mine d'être charmée. Moi je t'avoue que je redoute un peu.
- Pourtant tu es dans le classement de la classe.
- Ça ne m'empêche pas d'être stressée ! Je suis humaine !
- Ce que je veux dire.. C'est que tu n'as pas à t'en faire.
- On va assurer !
Elle tendit sa main, souriante, déjà si proche de moi. Je la lui serrais, pour nous encourager.
- Il paraît que tu traines avec Oliver. Son timbre s'alourdit.
- J'ai juste été à une de ces fêtes une fois.
- Il faut toujours que tu sois modeste.
- Je fais pas exprès. Je glissai un rire gêné.
- J'ai toujours été intéressée par Oliver.. Elle était inaudible.
- C'est normal, il est pas mal populaire.
- C'est plus que ça...
Elle était à mon oreille. Elle m'avait emprisonné des autres. Elle m'avait détourné de toute attention, il n'y avait qu'elle. J'eus un frisson.
- Je sais très bien que tu vas te faire perforer le cul si ce n'est pas déjà fait.
Personne ne l'entendait. Faisaient-ils exprès ? Où était-ce Célia qui donnait cette impression que rien ne se passait ?
- Donne moi des putains de photos.
Je ne pouvais plus parler.
- Sinon la sous merde qui te sert d'ami sur le toit risque de crever comme tout le monde le souhaite.
Nous étions déjà devant nos feuilles.
Ou déjà à l'extérieur du lycée.
Ou dans la voiture de mon père.
Ou dans la salle d'attente.
Dans quoi avais-je mit les pieds ?
* * *
- Je vous préviens, ce rendez-vous va être le premier et le dernie, déclarai-je, en sautant dans le fauteuil.
- C'est ce qui s'appelle être ferme, rit-il.
- Vous allez me demander comment je vais, me raconter ma vie que je connais déjà, parce que- hé, c'est ma vie, puis je vais vous dire : Je ne sais pas pourquoi je me scarifie. Et puis je vais refuser de revenir.
- Un seul rendez vous ne suffit pas à nous connaître.
- Pas selon mon père. Sur ce coup, je le remercie.
- Et sur les autres coups ? Il sourit, satisfait, et s'assit à son aise dans son fauteuil.
- ... Une vraie merde.
Il rit, sans retenu.
- Quelle franchise. Tu es toujours comme ça ?
- Non, pas vraiment. Mais comme je ne vais plus vous revoir.
- Pourquoi votre père est une vraie merde ?
Ça me faisait rire, ce terme en dehors de ma bouche. C'était.. vraiment plaisant.
- Parce qu'il n'en a rien à foutre de moi.
- Il vous a pourtant amené à ce rendez vous.
- On l'a obligé, l'hôpital l'y a contraint.
- Si l'hôpital n'aurait rien fait, il se serait passé quoi ?
Son ton ne me plaisait pas. Ce comportement à analyser, faire cette tête sérieuse et réfléchie ridicule qui pliait chacune de ses rides.
- Et bien, je ne vous aurez jamais vu de ma vie.
- Déçu ?
- Un peu.
Il rit. Il se fichait de mon comportement alors que je critiquais le sien. Mais c'était un psy, je n'étais qu'un dossier, qu'un cas, noyé dans des années de carrière et de " Comment allez-vous aujourd'hui ? "
- Et sur les autres plans ? Que serait-il arrivé ? Au lycée, dans votre vie familiale, sentimentale..
- Rien n'aurait changé au lycée. Personne ne remarque vraiment mes scarifications. Mon père aurait continué de m'ignorer et ma tante de s'inquiéter. Je ne sais pas si vous voyez de qui je parle-..
- On s'en fiche, parlez.
- D'accord... Je glissai un rire, plus ou moins déstabilisé. Et Len.. Je ne sais pas, on ne parle pas vraiment de ça.
- Len ? Quel drôle de prénom, vous vous êtes bien trouvés. Il rit de sa propre remarque. Qui est Len ?
- Jeeee...
La phonétique "e" resta pendue un temps à mes lèvres.
- Garçon ? Fille ? Autre chose ?
- Un garçon. Je comprenais pas ce qu'il se passait.
- Tu es en couple avec ce garçon ?
- Jeee..
- Ne recommence pas.
- Ouais.
- Un petit ami est triste quand son amoureux se fait du mal.
- C'est compliqué, vous ne comprendriez pas.
- Ne me sous-estimait pas. C'est nul de votre part.
- Nul ? Ses termes étaient absurdes.
- Et vos amis ?
- Je n'ai pas vraiment d'amis. Il y a bien le groupe avec Maxence et Célia, mais je ne sais pas vraiment comment ils réagiraient.
- Tu te fais embêter à l'école ?
- Non ! M'exclamai-je comme une évidence.
- D'accord, d'accord !.. Donc si je reprends, ça ne sert à rien de me voir ?
- Ouais.
- C'est pour ça que tu ne vas plus me voir, tu n'as pas besoin de moi.
- Exactement.
- C'est vrai qu'un garçon qui se scarifie et qui va à l'hôpital tous les deux semaines est un garçon qui n'a besoin de personne.
- J'ai besoin de quelqu'un. Mais pas de vous.
- Qui donc est mieux que moi ?
-... Mes joues chauffèrent petit à petit alors que son prénom se constituait. Len.
- On dirait un gamin à rougir ainsi.
- Je vous demande pardon ?!
- Pourquoi Len est mieux que moi ?
- Il est sincère.
- Je ne suis pas sincère ?
- Non, vous êtes rémunéré. Vous écoutez parler tout le monde. Je ne suis pas important, comme tous vos autres patients.
- Vous êtes important aux yeux de Len ?
- J'espère.
- Ça fait longtemps que vous le connaissez ?
- 6 mois.
- Et en six mois, une personne meilleure que moi n'a toujours pas réussi à arrêter vos scarifications ?
- Ça à un peu diminué.
- Et vos tentatives de suicide ? Vos crises ? Votre estime de soi ?
- Ça ne fait que 6 mois. Et puis lui aussi a des problèmes.
- J'ai aussi des problèmes.
- Ce ne sont pas les mêmes.
- Dites-moi Kuro, Len ne vous incite pas à vous faire du mal, est-ce qu'il alimente vos pensées suicidaires ?
- Non !
- Moi, je peux vous apporter un avis extérieur à la situation, être logique et vous êtes sur que je ne suis pas impacté directement par la situation. Je ne vous jugerez jamais, je garderais secret. Je peux vous apporter des temps pour réfléchir et avancer dans le calme, sans le risque que vous vous en preniez à vous. Et Len que vous apporte-t-il ?
- Il me fait sentir important. Et... Je me fis rattrapé par ma gêne. Je soufflai un bon coup, hors de question que je me dégonfle de la sorte. Pour une fois. Vivant. Et heureux.
- Je pense que lui et moi ferions de très bons associés pour votre bien être. Vous ne croyez-pas ?
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