Kuro
Il se faisait harceler.
C'était un grand mot, " harceler ".
Ça pouvait être tout, comme ça pouvait n'être rien.
Cette annonce eut l'effet d'un choc comparable à une bombe, une explosion de révélations, et il fallut cette déclaration pour que les pièces du puzzle forment quelque chose de précis.
Tous ces petits incidents s'emboitèrent les uns aux autres jusqu'à me révéler l'assommante vérité :
Len vivait le plus atroce harcèlement que j'avais pu connaître.
Je redoutais n'avoir aperçu que la surface de ce désastre.
- Quand ? Depuis quand ? Osai-je demander alors que Len préférait m'ignorer dans sa musique.
Il m'embrassa. Je ne voulais pas de ce baiser, je voulais des réponses !
L'aura sinistre autour de lui, n'était-elle liée qu'à sa maladie ?
Les rires des filles en classe, étaient-ils du à un acharnement insensé ?
Sa solitude sur le toit, n'était-ce qu'une envie de sa part, ou une véritable fuite ?
Cela ne servait plus à rien de se poser des questions, j'avais ma réponse.
Len souffrait bien plus qu'on le laissait paraître.
* * *
- Bonjour, ô celui qui a oublié mon existence pendant les vacances ! S'exclama Maxence en voyant mon arrivé.
- J'ai une vie autre que mon PC et les sorties kebab/alcools à 2h00 du mat'.
- Ah oui ? Et qu'as-tu fait alors ?
- La première semaine j'ai pollué l'Espagne de mes cigarettes et de bières, et j'avoue avoir un peu maté.
- Touristes ou espagnoles ?
- Touristes, c'est pas mon délire les femmes pulpeuses.
- Au moins on se disputera pas pour une gonzesse.
- Et la seconde semaine je suis sortie en ville.
- Tout seul ?
Je ne savais pas quoi faire, mais surtout, quel mensonge adopter.
- Hum.. Non pas vraiment.
Une pensée me traversa.
Je devais soutenir Len. Je devais faire connaître le merveilleux garçon qu'il était aux yeux de tous.
- Ah, Ah, je savais que tu étais de ceux à organiser des petits coups en douce. Karim et moi sommes honnêtes au moins en matière de fille, si tu veux être respecté il va falloir que tu fasses de même.
Puis une seconde pensée trancha la première : Je n'étais pas courageux.
- Ouais..
- Alors, elle vient d'où cette fille ?
- Tu la connais pas, elle ne vient pas de ce lycée.
- Oh, elle vient d'où ?
- Elle travaille. Elle n'est plus au lycée.
- Et.. Elle ressemble à quoi ?
- Blonde, pas très trapue ni souriante.
- C'est pour ça que tu traînes de temps en temps avec la petite Léa ?
- Comment ça ?
- Léa semble correspondre à tes critères. Maxence me fit un regard perverti.
Je faillis m'étouffer avec ma fumée de cigarette tant l'hypothèse était absurde.
- Moi ? Attiré par Léa ? Jamais de la vie !
Sans m'en rendre compte nous étions déjà arrivés au lycée. Karim ne tarda pas à nous assaillir, et Maxence eut le malin plaisir de divulguer ma " nouvelle conquête ". Digne de lui, Karim me bassina de questions et rependit la nouvelle à qui voulait bien l'entendre ; Maxence était fier de son coup.
Je n'avais plus qu'à espérer que l'annonce ne remonte pas jusqu'à Len, ni qu'il se méprenne.
J'avais eu de la chance, Len n'était pas là aujourd'hui.
Ni les jours suivants.
Finalement, cette chance s'était métamorphosée en malheur.
Les premiers jours, je l'avais laissé en paix, il était peut être juste malade, et un Len malade devait être bien plus désagréable que d'habitude.
Trois jours passés, je commençais à paniquer. J'avais beau me dire que c'était une maladie coriace, une part de mon esprit craignait le pire.
Le regard de certains avait même changé. Eux aussi savaient que le pire pouvait arriver.
Une semaine bourrée d'angoisse passa. Pas une seule fois je ne m'étais pas imaginé les pires scénarios, même si ma raison me traînait de force à l'excuse de la grippe ou la gastro.
Arrivé au week end, je décidai de l'appeler.
Et bien sûr, Len ne serait pas Len s'il répondait aux appels et textos à la première tentative.
J'avais tenté, encore et encore, encore et encore, mon espoir trouvait vie dans n'importe quoi, je prenais la pluie ou le bruit de la chasse d'eau comme un signe qu'il me répondrait, j'en restais éveillé des nuits.
* * *
- Bin dis donc Nader, on envoie chier ses camarades ?
J'étais seul, au terrain vert. Même Maxence ne venait plus avec moi, j'étais bien trop désagréable. Le stress me changeait.
- Tiens donc, Oliver, tu ne m'avais pas du tout manqué.
Un immense sourire ourla ses lèvres avant de s'appuyer contre le même arbre que moi.
- J'ai trouvé le moyen de moyenner pour me passer de ton cul pendant les vacances.
- Ah ouais ? J'en ai rien à foutre. Va répandre ta gay attitude plus loin.
- Wouah, sexy le bad boy Kuro.
- Je me contente de te détester.
- Tu n'es pas crédible.
Je me retenus de rétorquer, sachant que rien ne pouvait faire taire cette tête de noeud. Je devais me contenter de l'ignorer, et il sortira de ma vie comme il en était venu : Vite fait.
- Ton petit vautour n'est pas là, dit-il, les yeux vers le toit.
Je restai muet, il allait bien finir par partir.
- Plus d'une semaine ça commence à tourmenter les esprits à la mauvaise conscience, poursuivit Oliver.
- C'est que tu t'y connais toi, en mauvais esprit.
Merde j'avais craqué !
- C'est pas faux. C'est que ça m'excite, la tourmente.
Oliver était un mystère sur pattes. Il se baladait dans le lycée, ses jolis cheveux châtains clairs au vent, son regard glacial qui flânait à propager rumeurs sur son dos. Et c'était qu'il aimait ça, ce con.
- Laisse-moi tranquille, tu veux ? Je me reculai un peu plus.
- Oh, voyons, ne recommence pas ce petit jeu avec moi. On se voit ce soir après les cours ?
Je dus faire preuve d'une grande force mentale pour ignorer cet être abjecte à mes côtés.
Je jetai ma cigarette, fou de rage, et pris à grandes enjambées la direction de la cour principale.
- Minute papillon. Il s'était emparé de mon bras.
À la simple idée de savoir que ses mains, répugnantes, n'avait ne serait-ce qu'effleurer mes vêtements, que sa voix pédante et ses manières dégueulasses m'avaient saisi, la pression céda, mon corps entier put se relâcher et manifester avec haine et dégoût toute la répartie que je voulais lui infliger.
- Tu m'as frappé. Oliver rit.
- Je... Fous-moi la paix.
- Régler ses problèmes par la violence, que c'est immature. Tu me fais bien rire. Il continuait de rire, toujours plus supérieur.
Je partis. Je pensais ne pas avoir encore réaliser les conséquences de mon acte.
- Il m'a fallut 3 fois, 3 fois pour comprendre qui tu es et qui tu étais. Il m'a fallu 3 fois pour avoir autant d'emprise que je veux sur toi. Ça ne sert plus à rien de se battre. Car il m'a fallu 3 fois pour savoir à quel point tu te sens responsable du malheur des autres.
Oh non, je n'avais pas compris qui était Oliver jusqu'à ce jour.
- Et tu ne voudrais pas qu'il arrive du tord à tes proches.
- Tu es cinglé.
- Je sais, tu me l'as déjà dit. Alors, ne t'avise plus de me résister, car ça pourrait très..très.. très mal se passer.
- Kuro ?
Je me retournai. Léa se tenait toute intimidée entre les arbres. Je la trouvais radieuse, sans ses airs rachitiques et ses cheveux fillasses.
- Je..Je pourrais te parler après les cours ? Demanda-t-elle.
La sonnerie retentit.
Oliver m'envoya un baiser avant de partir ; Léa en resta déstabilisée, alors que moi j'étais juste désespéré.
- Ouais, t'inquiète, je t'attendrai.
* * *
- Bon, autant aller dans le vif du sujet : J'ai peur que Len se soit suicider.
Non. Ce n'était pas possible. Je le voyais encore rire et sourire avec moi, nous nous souhaitions un bonheur partagé.
- Non, non, c'est pas possible.
- Et pourquoi ça ne le serait pas ?
- Mais enfin Léa, comment peux-tu..
- Parce que je suis réaliste, Kuro. Len a un rapport étrange avec le suicide, et je.. C'est possible.
- Non, tellement de choses sont différentes à avant.
- Comment ça " à avant " ? Tu n'étais pas là avant, répliqua-t-elle, abrupte.
- Désolé de ne pas avoir connu Len à l'aube de sa naissance, mais je pense le connaître suffisamment pour affirmer que les choses ont changé.
- Il y a deux mois je t'ai demandé qui il était et tu avais tout faux.
- Et bien je me suis trompé ! Ça arrive à tout le monde de se tromper. J'ai été assez présent pour Len pour te dire à toi, à Karl, où à n'importe qui que j'ai le droit de faire partie de sa vie.
- Tu n'as pas conscience de-...
- J'ai parfaitement conscience de ce que ça implique !!
Quelques élèves se retournèrent sur moi. J'attendis que l'attention se dissipe.
- Je suis au courant de la souffrance que ça implique, tous les efforts à mettre en place pour ne pas craquer psychologiquement, repris-je. Mais à force de me répéter ça à tout bout de champ, vous avez peut être oublier de dire ce qui vous accroche à un gars comme lui.
- C'est juste pour lui éviter un énième abandon.
- Je pense que tu devrais plus insister sur le fait qu'il soit sincère, plein de bonne volonté, curieux et cultivé. Que violent, désagréable et insociable.
- Je.. Arrête de me donner des leçons, je sais ce que je fais.
- Sans vouloir te vexer, ça ne l'aide pas vraiment.
- Je l'ai bien plus aidé que n'importe qui !! Elle cria, les larmes yeux, démunie.
Ma remarque l'avait blessé droit au coeur, je regrettai, je faisais de la peine à n'importe qui. J'aurais mieux fait de me taire.
- Mais tu as raison, je me concentre trop sur le négatif, alors que Len est quelqu'un de bien, avoua-t-elle, penaude. Il faut dire que j'ai toujours peur de me rater, j'ai peur pour lui. C'est pour ça que je pense qu'il a pu se suicider.
- Allons le voir, ensemble, pour clarifier certaines choses. Après tout, nous sommes liés par le même pacte.
Je secouai ma main pour y faire référence.
Elle me sourit. Ça faisait du bien, un monde de sourire.
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