Kuro
- Je vais baiser avec toi avant la fin de l'année, déclara Oliver, assis sur la banquette, l'air beaucoup trop sérieux.
* * *
Il y avait bien-sûr une explication logique à tout cela. Enfin, peut être juste une explication.
Plusieurs jours s'étaient déroulés après notre pacte. Léa avait réussi à surpasser les 100 calories par jour, m'avait informé Len, et apparemment, ça devait être une bonne nouvelle.
À cette annonce, je m'étais mit à douter sur mon alimentation, qui consistait à un banquet à 16h, et des pâtes au fromage le soir.
Je finissais par ne plus m'intéresser au groupe, et ces personnes qui me semblait sympathiques avaient retrouvé cette ennuyante présence.
Seul Maxence restait celui qui fumait avec moi sur le chemin du lycée, qui quittait PUBG pour faire des coloriages magiques, qui construisait des pénis sur Fortnite, où qui ne pouvait s'empêcher de dire ce genre de blagues beaufs que personne ne ferait. Maxence se fichait de tout et de tout le monde. Et quelque part, ça me rassurait.
Notre silence si significatif à Len et moi s'était dissipé, il avait abandonné sa fonction. Maintenant, le toit connaissait une ère nouvelle, il voguait sur nos rires et nos baisers. Le ciel était de plus en plus beau.
Je n'avais pas reparlé à Léa de notre conversation houleuse devant le lac. Elle se battait déjà au quotidien contre ses propres démons, elle avait le droit d'exploser sans réfléchir. Un peu comme je le faisais tout le temps.
Cependant, mon histoire ne pouvait pas ainsi se terminer. C'était impossible. D'ailleurs, aura-t-elle une fin un jour ? Est-ce qu'un jour je pourrais être fier de poser le mot fin sur cette étape de ma vie ?
C'était décidément plus fort que moi de me poser des questions. Bien entendu, ce genre de question sans réponse directe.
Sur ce, voici l'explication.
Oliver posa sa main sur mon épaule, et je compris son identité dès la seconde où nos corps étaient entrés en contact. Je le détestais. Je ne voulais pas de lui dans ma vie.
- Ton cul m'avait manqué, dit Oliver, amusé tel un fou qui contrôlait ses victimes.
- Pas le tien, grognai-je, et résistai à ses serres plantées dans mon épaule.
- Oh tu parles de mes fesses ! Elles sont honorées.
Il me tourna violemment vers lui.
- Viens chez moi.
- Pour que tu me séquestres à nouveau ?
- Je ne t'ai pas séquestré.
Il soupira, en prenant mes mots comme exagérés. Nous étions deux adolescents consentants à échanger sur des sujets psychologiques dans un endroit fabuleux.
- Tu. Es. Un. Putain-...
- De sex-symbole, je sais.
Il porta une main à son coeur, ironiquement narcissique.
- Tu es un dingue. Sublimé d'une merde manipulatrice.
Je lui lançai un regard des plus mauvais.
- Charmant. J'avais peur d'être une merde tout court.
- Je ne t'aime pas, ok ? Je m'en fiche de ton charisme, de ton argent, ou de combien de cul tu défonces par mois ! D'ailleurs, je serais très surpris de voir comment réagirais tout le lycée en apprenant que le parfait Oliver Thomas est gay ?
- Je sais pas et je m'en fous.
J'étais quelque peu déstabilisé devant l'indifférence d'Oliver à ce coming out menacé. Pour moi, ébruiter une telle rumeur retournerait les cerveaux de tous, remonterait peut être jusqu'au principal, les rumeurs deviendraient lynchages immondes, et la popularité chuterait violemment, Oliver adulé pourrait devenir Oliver le pédé.
Alors que j'étais angoissé à l'idée de me dire, rien qu'à moi-même, que j'aimais un garçon, Oliver se fichait de clamer haut et fort qu'il baisait des adolescents par plaisir.
Non, pas d'amour romantique pour les demoiselles.
Pas d'accessoires de cuirs pour les idiots.
Juste Oliver, qui se fichait de tout.
- Je fais ce que je veux avec mon corps.
Il étira un long sourire, ses doigts descendirent le long de mon torse, et pris de dégoût, je reculai.
Sentir un désir hypocrite caresser mon corps, les frissons de répugnance lézardèrent sur ma peau, c'était horrible. Personne n'avait le droit de m'imposer des émotions, je me gâchais assez ma vie à moi seul.
- Fais ce que tu veux avec le tien, mais laisse le mien tranquille.
- Arrête de faire comme si tu avais confiance en toi, clama Oliver d'une voix impassible, hautaine.
Le business, la fortune et les hommes sans compassion avait déteint dans sa voix. Elle était fatale.
- Arrête de me faire chier.
Je m'éloignais pas à pas. Il ne me suivait pas.
- Tu fuis encore !
Il avait raison.
Ou tord.
Je ne savais plus.
Je pouvais bien connaître la nature de ma fuite, mes raisons tout à fait évidentes, il y avait cette voix. Cette voix qui déformait la réalité, en inventait trois ou quatre, me laissait avec tous ces hypothétiques scénarios, et puis toutes les options désastreuses me paralysait. Je devais en choisir une.
Pour me consoler, je choisissais la pire, pour éviter d'être déçu. Souvent ça fonctionnait. Parfois, non.
- On a intérêt à boire cette fois-ci. Et je ne fous pas les pieds dans ta chambre, stipulai-je, courroucé contre mon choix.
- Je te paies un verre. T'as quel âge ?
- 16 ans.
Il déduisait des informations avec facilité et n'avait pas conclut mon âge. Une énigme.
- Tu fais plus vieux. Laisse-toi pousser la barbe la prochaine fois.
Impossible, ma barbe était bicolore.
On prit la direction d'un bar/pmu vêtuste, les vitres couvertes de posters ou de recherches d'employeur, la façade verte faisait peine à voir, le nom glorieux de Chez Maurice s'était effacé avec les années - Ça donnait ez Maur'ce -. La porte grinça à notre entré, et Oliver s'installa, pas du tout chamboulé par les vieux empattés aux moustaches farfelues qui buvaient un café devant les courses de chevaux, en discutant politique, comme quoi le président était fainéant. Ce genre de personne existait, dans le Nord profond et solitaire.
- Tu restes ici. Une bière ?
- Une Grimbergen ambrée.
Il fit une moue décomposée, atrocement drôle.
- Une Leffe.
J'étouffais un rire, après avoir compris qu'il n'y avait qu'une seule sorte de bière ici. Oliver sourit fièrement, et partit prendre commande.
Oliver avait de quoi plaire. Sa silhouette élancée faisait ravir un nombre croissant de filles, sa peau lisse, faite de pierres de Lune, délicate et froide. Ses cheveux châtains clairs adoucissaient la pâleur de ses attraits. Le pire, c'était son regard.
- Je t'ai vu sourire. Ton sourire n'a rien d'exceptionnel, fais la gueule, c'est mieux, dit-il, deux bières en main.
- Sarcasme ? Je fis mine de ne pas apprécier son caractère.
- Peut-être. J'ai mon propre langage.
- Ah oui ? Je pris ma pinte.
- Tout le monde a son propre langage, tu sais. Ton vautour ne te l'a pas dit ? Il chuchota, sans que je comprenne pourquoi.
- Mon... Mon quoi ?
- Len. Il observe les autres depuis le toit. Je l'ai vu, je suis intelligent, moi.
- Ah oui, désolé je pensais que tu étais con.
- C'est pas grave.
Il marqua une pause. Il observa les alentours, regarda sous son verre, inspecta sous la table, puis planta ses yeux dans les miens.
Ses yeux voulaient mourir dès l'instant qu'ils s'ouvraient. Le temps d'un clignement, ils fanaient et renaissaient comme le printemps, quand venait le temps de voir le monde. Ce cycle immuable était magique à voir. Regarder une fleur bourgeonner pour mourir, et renaître.
- Nous aussi on a notre langage, murmura Oliver, le second degré.
- Tu es tout seul à parler second degré. Tu es vraiment con, tu viens d'inspecter une table.
- Peut être que ton mec vautour nous écoute.
- Arrête avec ces conneries.
- Parle-moi de Len. Il posa son menton dans l'arc de ses mains, amusé.
- Pourquoi ?
- Au plus j'aurais du mauvais, au plus j'apprécierais te souiller. Je vais baiser avec toi avant la fin de l'année.
- Tu fais ça avec chaque garçon ?
- Non. Que ceux d'ici. Il y a des nouveaux régulièrement, ce lycée est une poule aux œufs d'or.
- Et souvent c'est quoi, le mauvais ?
- Des erreurs du style " J'aurais pas du abandonner machin " ou des complexes, parfois une haine envers quelqu'un. Ce mauvais est bien plus exploitable avec ma bite qu'avec un psy.
- Très bien. Je ne pourrais jamais m'y faire, tout le monde ici est dingue.
- Parle-moi de Len.
- Encore une question.
- Sale PD, tu fais chier. Il resta immobile quelques secondes. Mais attend je t'insulte de ce que je suis et de ce que tu es. Il s'émerveilla. C'est génial comme insulte.
- Bref. Je bus une grande gorgée de bière, juste pour oublier que j'étais en tête à tête avec un fou. Est-ce possible que les gens possèdent trop de mauvais ? Tellement qu'ils sont... Inexploitables.
Il réfléchit d'une tête volontairement étrange.
- Une fois, un gothique foutrement sexy, genre bassin étroit et-...
- Oliver.
- C'est important. Ses fesses étaient sublimes. Mais il se scarifiait. À le retrouver en sang dans ma baignoire. Je ne pouvais pas l'aider. Je suis égocentrique, pas empathique. Je n'ai pas accepté aller plus loin. Il s'est suicidé.
Il raconta le tout de manière distante, comme si ça ne le concernait pas. Et le plus important était l'étroitesse de son bassin ?
- Tu aurais pu le renvoyer à quelqu'un ! Il mettait sa vie en danger !
- Je ne suis pas Sainte Thérèse. Qu'il se trouve lui-même de l'aide. Je n'ai rien avoir avec ça. Il finit sa bière, entièrement indifférent.
- Je ne veux pas parler à une ordure pareille.
Ses yeux se fermèrent. Une mort éphémère les abaissèrent, en un nuage de poussières le bleu de l'iris reprit vit.
- C'est bête, mais il se figure que tu n'as pas le choix.
Il écrasa ma chaussure. Est-ce que je voulais vraiment m'embarquer dans cette affaire ? Est-ce que je voulais passer ce pacte ? Quelque part, j'étais déjà certain qu'une partie de mon âme était entre les mains de ce monstre.
- Maintenant... Il se ferma dans une posture sombre, intransigeante. Parle-moi de cette sous-merde qui te sers de petit-ami.
Personne n'avait pu déclencher cette haine identique que je ressentais vis à vis de moi.
Moi qui pensait ne jamais haïr autant un être autre que moi, je venais de comprendre mon erreur.
J'étais capable de vouloir blesser, tuer, souhaiter la souffrance dans la pourriture de son esprit à quelqu'un d'autre.
Cet individu en question était l'immonde Narcisse, visage pur et l'âme sale, Oliver Thomas, 1A.
Je me levai d'un geste sec, hors de moi. Les yeux ridés des buveurs mécontents me jugèrent. Oliver rit de la situation, encore persuadé de la contrôler. Même dans un état de rage intense, j'avais la faible impression qu'il me tirait de ses fils.
- Tu n'as aucun mérite à ce que je te parle d'une personne bien plus extraordinaire qu'un lâche dans ton genre !
- Tu n'es pas crédible mon pauvre. Il se leva de manière nonchalante.
- Tu me dégoutes.
- Tu dis ça à en perdre la voix, mais tu te retrouves à boire une bière avec moi.
Cette fois-ci, les discussions des hommes avaient reprit sur notre altercation. Ils s'expliquaient sur la décadence de notre génération. Ça me fit rire intérieurement, parce que oui, cette génération était mal foutue. Mais par eux.
- Je sais, je fais des choix de merde.
- Baiser Len est un choix de merde ? Il ricana.
- Je ne baise pas Len. Je l'aime. Moi j'aime les gens un minimum.
- Pff. Il rit un instant, et mit fin aux discussions avoisinantes en apportant la note. Les gens disent qu'on a besoin d'amour pour vivre. Moi je pense qu'on a surtout besoin d'oxygène.
Il se dirigea vers la porte, arborant toujours un sourire triomphant.
- Kuro, je fus ravi d'obtenir de nouvelles informations sur toi. A la prochaine fois !
- Il n'y aura pas de prochaine fois !
Mais il était déjà partit.
Je quittai à mon tour le bar/pmu, honteux de m'être donné en spectacle de la sorte, ainsi que d'être tomber dans le piège de ce monstre.
J'avais besoin...
De quoi avais-je besoin ?
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