Kuro
- Je t'aime, Kuro.
- Je t'aime, Len.
Commença alors l'histoire de notre amour tandis que celle de notre " autre chose " s'achevait.
Je ne savais pas quoi faire. Quoi penser.
Que devrais-je faire lorsqu'un minuscule garçon blond, les yeux bordés de larmes, s'endormait dans mon lit ?
Mes draps étaient sales, pleins de sang et de transpiration. Ma chambre était détruite, j'avais mal aux bras, au coeur, à la joue droite. Len giflait fort.
J'étais assis par terre, les genoux contre ma poitrine, les yeux perdus dans la pièce. Mes lèvres étaient encore endormies et chaudes, beaucoup trop sensibles pour des lèvres. Elles étaient comme un gâteaux moelleux qui sortait du four, elles avaient ce sentiment nostalgique et enfantin, et je me sentais con de comparer mes lèvres à un gâteau.
Je regardai Len.
Putain.
Putain.
Je rangeai le désordre à mes pieds juste pour penser à autre chose, mais je pouvais espérer autant que je le voulais, le baiser revenait dans mon esprit. Il était là, il existait.
Je ne pouvais pas m'enfermer dans ma bulle de mauvaises pensées, dans mon mensonge, rien ne pouvait effacer la panique au fond de mon estomac, les frissons d'excitation qui fourmillaient dans mes bras et mes jambes, la chaleur qui bouffait mes joues - et mes lèvres -.
Quelque chose avait-il vraiment changé ?
Len était toujours Len.
Mon père était toujours enfermé dans son bureau, ma tante endossait beaucoup trop de rôles.
Léa était toujours une petite garce.
Rose était toujours cette adolescente que je ne connaissais pas très bien, hormis peut être son côté trop tactile.
Oliver était toujours un sociopathe.
Karl avait toujours disparu de ma vie.
Célia était toujours aussi superficielle.
Et Kuro ?
Est-ce que j'étais "toujours" ?
Les cicatrices creusait mon corps dans tous ses recoins, elles fendaient toujours ces veines qui avaient le malheur de donner vie à un cerveau défoncé. Elles brûlaient aussi fort qu'une pensée éphémère, qui à la manière d'une balle de plomb, traverse rapidement le crâne mais l'explosait en ridicules morceaux de chair. Ma peau était toujours la toile sanglante d'un peintre dépressif, imprégné de cette sale odeur de tabac et de larmes.
Le nœud de questions et de regrets me rendaient toujours aussi muet, distorsionnait mes mots, mes sentiments, éructait une sorte de : je suis désolé d'être venu au monde.
Mon cœur était encore enveloppé dans une douleur persistante, un petit monstre dévorant les douces paroles d'une tante bienveillante, d'un professeur trop impliqué, d'une Léa un peu chiante et du garçon épuisé dans mon lit.
Est-ce que ce putain d'adolescent dépressif, coupable et beaucoup trop pleurnichard avait changé ? Est-ce qu'il était à la hauteur d'être le protagoniste de sa propre vie ?
Définitivement, non.
Je savais que demain matin sera le même soleil, le même chemin, la même montagne de pensées.
Je savais que peu importe les distractions, les compliments, les rires, je me retrouverais sur ce toit et je devrais affronter mes sentiments. Et ce n'était pas comme si j'avais le choix, parce que je savais aussi qu'il me prenait un élan d'espoir, de positivité. Alors qu'avouer mes pleurs, avouer ma culpabilité, avouer à quel point j'étais déglingué n'avait pas été fait depuis des années.
Je croyais que le plus effrayant sur ce toit ce n'était pas l'indication INTERDIT, ni Len, ni ce silence gênant. C'était moi qui pleurait en disant que je voulais danser sous la pluie.
Je regardai Len une seconde fois.
Bordel, que devais-je faire ?
Appeler Rose me semblait être la meilleure option.
Mais alors que je réfléchissais sur quoi faire avec un potentiel amour homosexuel, je réalisai qu'il savait qui j'étais.
Il connaissait ce secret naturel que j'en avais presque oublié l'existence lorsque j'étais avec les autres.
Il avait vu mes bras, ce geste débile de séparer sa peau, le cadavre en réanimation qui bougeait tel un zombie en criant son amour comme une andouille. J'étais dans une putain de merde si il le répétait à quelqu'un.
Tout le monde me jugerait, que ce soit une considération de fou, de mépris, ou cette fausse pitié qui me rabaisse à un pourcentage dans une étude sur Zone interdite. Et en plus j'aimais une bite. Une statistique de plus !
Putain.
- Kuro... Marmonna une voix grave depuis le lit.
- L-Len !... Tu es réveillé ! Ça tombe bien parce qu'il est 18h et tu n'as d'autorisation pour squatter mon lit, et-...
- Léa va mourir.
Peut être que j'étais un protagoniste à la hauteur de mon histoire, ou un témoignage parfait pour Zone Interdite, vu que quelque chose avait changé.
* * *
Tut ! Tut ! Tut !
Un jour, je devrais changer cette sonnerie cardiaque.
Alors que j'étais face à mes cernes et aux boutons pivoines sur mon front, de la mousse blanche autour des lèvres, les pensées avaient commencé à m'envahir.
Pour tout dire, elles étaient déjà présente lorsque les rayons du soleil perçaient dans la chambre, et que j'entendais les pas de mon père dans l'escalier. Mais la pression de ne pas arriver en retard me forçait à lever le pas.
Peut être était-ce le pouvoir du dentifrice trop mentholé, ou juste ma sale gueule, dans tous les cas j'étais devant mes choix de la veille.
Non pas ceux de quoi faire avec Len, puisque sa sœur était venue le récupérer.
Demander de l'aide, ou me suicider.
Et j'étais de nouveau effrayé à l'idée de mourir, de laisser derrière moi des plans inachevés, aucun projet accompli, aucune propriété, même pas une lettre de suicide étudiée dans les classes de 5ème.
Et à qui demander de l'aide ?
J'avais cru comprendre une réponse à cette question dans le monologue amorphe de Len.
*Flash Back*
- Léa va mourir.
- Quoi ? Je redressai la tête, interloqué.
- Elle m'a donné ton adresse. Elle m'a dit que j'étais amoureux. Elle m'a aussi dit que j'étais gay.
Mon visage vira au rouge. Probablement. Très probablement.
- Elle a dit que tu étais un gars bien. Léa a tout fait pour qu'on soit ensemble. Comme je suis avec elle.
- C'est parce qu'elle est sympa, non ? Questionnai-je, non sans dissimuler une peur insensée par la conclusion de Len qui allait tomber.
- Elle sait qu'elle va mourir.
- Pourquoi elle mourrait ?
Il se leva. Il était redevenu ce garçon froid, les traits effacés par cette insensibilité incrustée au visage. Il renvoyait à nouveau cette animosité.
- C'est Léa. Léa aime mourir.
Il prit son sac de cours, il me regarda.
- Ma soeur va venir me récupérer, je vais l'appeler.
- Je comprends rien à ce que tu as dis.
- Comme souvent.
Il déverrouilla son téléphone, presque indifférent à ma présence.
Je ne savais plus quoi dire. Il appela sa sœur, la conversation fut courte, il ne se donna pas la peine d'expliquer, il semblait se foutre des émotions de son aînée.
- Hum... Léa elle... Elle ne va pas mourir hein ?
- Je ne sais pas. Je ne sais pas la faire vivre. Personne ne sait le faire. Mais toi, tu peux essayer.
- Mais je ne sais rien d'elle.
- Tu sais tout d'elle.
Et par je ne sais quelle magie, un silence vint persuader Len de sortir de la chambre, puis de la maison, sans aucune permission.
Je ne savais pas si il fallait rester par terre à réfléchir, ou courir après lui pour au final se prendre un : "T'es con." dans la face.
Alors j'allumai Cradle of Filth, sûrement parce que la voix âpre résonnait similaire à ma souffrance, ou juste que la blonde était assez divertissante pour tuer mes pensées.
*Fin du Flash Back*
Ce matin, j'étais parti en cours avec plus d'appréhension et d'anxiété qu'en général. Est-ce que Léa répondrait à l'appel en cours de Maths ? Est-ce que Len aurait répendu des rumeurs sur mes cicatrices que je daignais à cacher, ou sur ma faiblesse émotionnelle ? Est-ce que Maxence sera là pour discuter avec moi des filles qui ne nous intéressaient pas, ou dire des blagues que personne ne comprenait ? Est-ce que cette fausse stabilité se brisera ce matin ?
- Yo, Mister Négatif ! Ou aussi joueur-à-Fortnite pour mon plus grand malheur ! Lança Maxence, un ignoble sourire aux lèvres.
- Aurais-je un nouveau surnom chaque matin ? Comme c'est mignon tu t'attaches à moi ! Je ris.
- C'est ça, ignore ma question sur tes goûts de jeux vidéos en mettant des sous entendus sexuels entre nous.
On riait naïvement, et cette pseudo amitié semblait juste tenir sur une brindille, mais j'étais tellement soulagé de l'entendre rire et me parler.
En arrivant devant les grilles, Karim quitta le groupe de filles et nous rejoignit comme à son habitude. Maxence rentrait dans son jeu d'hypothétique séducteur, jusqu'à briser ses espoirs. Et moi j'observais ces scènes avec un faux sourire, parce que j'aimerais participer mais la petite voix dans ma tête répétait "Non.".
Et soudainement, je surpris deux yeux bleus pastels m'observer d'une manière étrange. Ça m'avait plus, d'être regarder, même si il semblait mourir de l'intérieur et il était juste bizarre. J'avais de la valeur. J'existais dans un regard.
Ça avait eu le mérite de casser le "Non." de la négativité au moins une fois.
Oui, je pouvais être important.
Léa était présente en cours.
Elle semblait être la même petite limande arrogante, éloignée de la foule avec son groupe d'amies. Rien d'anormal.
Il y avait ce gros, grand, immense, vaste silence entre moi et Len.
Alors, quoi, rien n'avait vraiment cessé de fonctionner ?
- Est-ce qu'on est un couple ? Questionna Len, brutalement, juste avant la sonnerie.
Putain.
À moi de choisir si ma vie devait être différente.
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