Chapitre 51


|| Attention : ce chapitre peut heurter la sensibilité de certains. Il contient des scènes choquantes. Je suis responsable de ce que j'écris, pas de ce que vous lisez. L'histoire étant placée en mature, pas besoin de la signaler. Bonne lecture ! ||






- Tu vas où, maman ?


Soen trottine vers sa mère. Elle est en train d'enfiler ses chaussures.


- A mon travail.


Elea se penche pour prendre son fils dans ses bras. Soen entoure son cou en affichant une mine inquiète.


- Pourquoi si tard ? murmure-t-il. Je veux pas que tu partes...


Il plonge son visage dans la chevelure brune de sa mère.


- Ça va aller, mon amour. Je serai là demain matin, comme d'habitude. Papa va s'occuper de toi.


Soen se met à trembler contre la poitrine de sa mère. Elea ne le remarque pas. Elle reposa son fils sur le sol. Cependant, Soen ne veut pas s'éloigner et s'agrippe à la jupe de sa mère. Quelques larmes commencent à s'accumuler au coin de ses yeux.


- Qu'est-ce qui t'arrive ? dit Elea en soupirant. Ce n'est pas la première fois que je te laisse voyons. Aller, mon ange. Je vais être en retard.


Elle se penche et dépose un baiser sur la joue grassouillette de Soen. Elea s'en va ensuite.

Une fois la porte claquée, les tremblements de Soen se font plus forts. Il court vers sa chambre sans se retourner. Il tombe une fois. Ses jambes sont frêles, elles supportent mal son poids léger. Ses mains et ses genoux claquent sur le carrelage. Pourtant, il ne pleure pas. Il se relève et repart.

Soen referme la porte de sa chambre derrière lui. Le cœur battant, il ne prend pas la peine de mettre son pyjama. Il est dix-neuf heures. Soen se réfugie sous sa couverture. Il sait que cela est vain, mais il le fait quand même. Son bouclier n'est qu'un écran de fumée. Il peut bien tenter de faire rempart, cela ne fonctionnera pas. Cela ne fonctionnera jamais.

Puis Soen les entend. Ces sons, ces bruits qui le répugnent déjà. Il ne s'est encore rien passé. Personne marche vers Soen. Personne entre dans sa chambre. Personne avance dans sa direction. Personne pose sa main sur sa couverture. Sa fausse protection. Et quelle protection...

Personne, c'est lui.

C'est ce qu'il représente pour Soen.

Pourtant, il est petit. Mais il comprend. Il a trois ans. Et il comprend.

La couverture glisse lentement au-dessus de la tête de Soen. Ses épais cheveux bruns sont dévoilés. Quand ses yeux terrorisés rencontrent ceux de son géniteur, il sent l'envie de vomir monter en lui. Il veut recracher cette souffrance qu'il ne devrait pas connaître.


- Lève-toi, Soen.


Son nom sur ses lèvres, dans sa bouche. Soen veut s'enfoncer dans son matelas. Il ne veut pas se lever.

Sezer Gelbero est Personne.

Ce n'est pas son père, il s'agit uniquement de l'homme qui lui a donné la vie. Soen ne le voit pas ainsi. Pourtant, il est obligé de l'appeler « papa ». Il n'aime pas.

C'est parce qu'il y pense que Soen secoue la tête. Il ne veut pas se lever.

Immédiatement, le regard de Sezer se noircit. Il lève une de ses mains et Soen se terre un peu plus dans son lit.

Peur, peur, peur, peur. Vomir. Peur.

Les pensées de Soen ne parviennent plus à être cohérentes.

Sezer baisse sa main afin de saisir le col du tee-shirt de l'enfant. Il le tire hors du lit et le jette au sol.


- Quand je te dis de venir, tu viens ! hurle-t-il.


Les yeux de Soen se mouillent de larmes. Il ne dit rien, il ne bouge pas. Alors Sezer s'accroupit immédiatement devant lui et le prend dans ses bras.


- Mon cœur, mon bébé, tu ne tiens plus sur tes jambes ? Pourquoi tu es tombé ? Aller, viens.


Soen ne parle toujours pas. Il se contente de se relever et de saisir la grande main que lui tend Sezer. La sienne est si petite qu'elle semble être emprisonnée. Les doigts de son géniteur couvrent les siens.

Ils se rendent dans la cuisine. Soen lâche Sezer et se précipite vers le placard pour sortir les assiettes.


- Mets-les dans le salon.


Soen acquiesce simplement. Il s'enfuit presque de la cuisine pour rejoindre l'autre pièce. Leur maison est située en campagne, à l'extérieur de Paris. Elle est assez grande pour trois et Soen l'aimait beaucoup... avant.

Soen pose les assiettes sur la table et repart chercher les couverts et son verre. Il sait que Sezer prendra de l'alcool. Il en prend toujours. Et quand il boit, Soen a peur. Soen a toujours peur. Mais pas seulement quand il boit.

Soen s'assoit à l'autre bout du canapé, à l'opposé de celui qu'il doit appeler « papa ». Seulement, cela ne semble pas être l'avis de Sezer qui l'attrape et le cale entre ses jambes. Soen se sent mal. Il a l'impression que Personne est partout. Il est emprisonné.

La télévision est allumée. C'est un film pour adultes. Sezer ne met pas de dessins animés. Il pense que cela empêche le développement de l'intelligence chez l'enfant. Soen ferme les yeux pendant toute la durée du film. Mais Sezer ne le saura pas. Il veut également se boucher les oreilles, sauf qu'il ne peut pas. Et Sezer ne le saura pas non plus.

Le générique de la fin du film retentit dans la pièce. Soen n'a pas touché à la pizza commandée par Sezer. Il ne peut rien avaler. Il peut seulement vomir.

Soen s'approche du bord du canapé pour descendre. Cependant, la main grasse de l'homme le retient. Le petit frissonne, il tremble. Il ne tombe pas. Sezer a bu. Soen sait ce qui va se passer. Les choses vont commencer.

Recommencer.


- Pourquoi tu restes en tee-shirt ? demande Sezer. Il fait chaud, nous sommes en été. Allez, enlève-le.


Soen ne dit rien, ne bouge pas. Il se contente de fixer un point invisible devant lui. Impatient face au manque de réponse, Sezer s'énerve.


- Tu n'en as pas besoin ! Retire-le tout de suite ! crie-t-il.


Soen sursaute. Apeuré, le petit garçon retire son vêtement. La fraîcheur de la pièce le frappe immédiatement. Il se met à gigoter, il tremble plus fort. Sezer pose ses mains sur les hanches de Soen qui s'arrête. L'adulte le hisse sur ses genoux pour lui faire face. Soen garde la tête baissée. Sezer lui relève.


- Allons, mon bébé. Détends-toi.


Sezer repose Soen sur le canapé, juste à côté de lui. L'homme prend et allume une cigarette. Ils restent en silence un moment. L'enfant ne supporte pas l'odeur. Il ne pense pas la supporter un jour.


- Approche, reprend Sezer.


Soen le regard longuement. Il hésite, puis secoue la tête. Le regard de Sezer se noircit encore. Soen se tasse sur lui-même, mais cela ne sert à rien. Personne obtient toujours ce qu'il veut. Le petit ne peut pas se défendre.

Sezer écrase sa cigarette sur le torse fin de Soen qui lâche un grand cri. La brûlure est atroce. Il a l'impression que la douleur se répercute sur chaque parcelle de sa peau. Quelques larmes roulent le long de ses joues.


- Tu ne me réponds pas ! hurle-t-il.


Il assène une violente gifle sur la joue de Soen. Son visage part sur le côté. Choqué, il écarquille les yeux. Il sent une goutte de sang perler sur sa lèvre. Il est légèrement sonné par le coup. Soen commence à pleurer. Immédiatement, Sezer se penche pour le câliner.


- Hey... Soen, non... Ne pleure pas, s'il te plaît... C'était... c'était un accident, pas vrai ? Toi et moi on le sait... Aller... Ne pleure plus...


Soen renifle. Sezer lui caresse doucement le visage. Soen se débat faiblement pour échapper à l'emprise de l'homme. Cependant, Sezer le tient un peu plus fort contre lui.


- Qu'est-ce qui t'arrive, mon cœur ?


Il se recule pour observer Soen.


- Tu me sembles bien énervé. Tu veux que papa te calme comme il le fait d'habitude ?


Sezer pose avec une tendresse écœurante sa grande main sale sur la petite cuisse de Soen. Son envie de vomir revient, ses poils se hérissent sur ses bras.

Quand Soen se couche ce soir-là, il y repense. Parce qu'il sait que demain soir, les choses seront similaires. Ou peut-être différentes. Du moins, c'est ce qu'il aimerait. Mais les questions seront inlassablement les mêmes.


- Tu vas où, maman ?

- A mon travail. Papa va s'occuper de toi.


Papa s'occupe toujours de lui.

Un peu trop, parfois.

Souvent.

Trop, souvent.

Pourtant, il est petit. Mais il comprend. Il a trois ans.

Et il comprend.




« J'étais un enfant. » - Soen

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