Chapitre 34
Soen était sur son téléphone. Il consultait le site du collège d'Ethan. Il cherchait le niveau de son petit frère afin de trouver la photo de classe et, ainsi, découvrir le nom des trois personnes qui avaient osé lever la main sur lui. Néanmoins, Soen n'eut pas le temps de les découvrir car des coups furent frappés contre la porte. Il alla ouvrir.
- Amédéo !
Amédéo se tenait sur le pas de la porte, un petit sourire gêné aux lèvres. Il avait une main sur sa nuque. Il posa immédiatement son regard sur Soen quand il le vit.
- Salut !
- Je ne m'attendais pas à te voir, dit honnêtement le chanteur.
- Je m'en doute bien... Je voulais simplement te revoir. Tu me manques, tu sais ?
Soen pinça les lèvres. Il ne savait pas quoi répondre à cela. Leur histoire avait duré si peu longtemps que Soen ne le voyait pas plus que comme un simple ami. Comprenant le malentendu, Amédéo écarquilla les yeux et leva les mains en l'air :
- Tu me manques... mais uniquement en tant que potes, rien d'autre.
Amédéo continua de balbutier des excuses quant à leur relation passée. Soen allait l'inviter à entrer, plutôt que de le laisser se confondre en excuses sur le palier, quand une ombre attira son regard, derrière Aémédo. Malgré lui, son cœur se réchauffa doucement. Soen reporta son attention sur son vieil ami.
- Je suis désolé, mais il va falloir que tu t'en ailles... dit poliment Soen. J'ai un souci avec Ethan.
Amédéo acquiesça et se retourna. Il haussa un sourcil en reconnaissant celui qui se tenait en retrait.
- Et un invité apparemment... Je vous laisse. A bientôt, Soen. Tu passeras le bonjour à Faël, Alanis et Maëva pour moi.
Soen hocha la tête et Amédéo partit. Soen se décala ensuite pour laisser passer son invité. Il referma la porte derrière eux et ils se rendirent dans le salon. Soen détailla le visage du nouvel arrivant un court instant. Il n'avait pas changé en deux semaines. Etant tous les deux en vacances, ils n'avaient plus l'obligation de se voir. Et Soen n'était pas du genre à envoyer des messages ou à prendre des nouvelles...
- Alors... pourquoi tu m'as appelé ? demanda finalement Neven au bout de longues secondes.
Le silence était devenu pesant. Soen se racla la gorge.
- Pour Ethan.
Neven attendit patiemment que Soen poursuivre son explication.
- La fois où j'étais... à bout de nerfs et que je lui ai fait peur, tu lui as parlé et l'a calmé. Je ne sais pas comment tu as fait. Toujours est-il que tu as su trouver les mots justes pour réussir à le réconforter.
Soen baissa la tête un court instant, avant de la relever. Il soupira doucement.
- Ethan est harcelé à l'école depuis la maternelle. A chaque fois, ses camarades de classe le poussent, le frappent, l'insultent... et j'en passe. Il n'a pas d'ami... Du moins, il n'en n'avait pas jusqu'à très récemment. Carl est la seule personne gentille avec lui. Il l'apprécie énormément. Tout à l'heure...
Il passa une main dans ses cheveux déjà ébouriffés avant de poursuivre :
- Il était en train de se faire tabasser par trois gars de sa classe. Je l'ai récupéré dans un état lamentable. Il a crié que...qu'il souhaitait mourir. Je ne sais pas quoi faire pour l'aider... Putain, je crains vraiment comme frère...
Soen se frotta le visage en soupirant encore. Avec hésitation, Neven posa timidement sa main sur le genou du chanteur. Il se tendit immédiatement suite à ce contact. Cependant, il ne dit rien. Le calme était revenu dans la pièce. Finalement, Neven se leva et se dirigea vers la chambre d'Ethan. Il entra à l'intérieur et referma la porte.
Soen l'avait suivi. Il distingua encore quelques sanglots de la part de son frère, ce qui lui arracha le cœur. Il resta dans le couloir, adossé au mur, les bras croisés sur son torse et la tête basse. Dure vie...
***
- Entrez, monsieur Richards.
Soen se leva rapidement de sa chaise, comme s'il était monté sur des ressorts. Il fonça droit dans la pièce adjacente. Après s'être assuré que plus personne ne pouvait le voir et le reconnaître, il retira sa capuche de sa tête et ses lunettes de soleil. Il s'en fichait d'avoir l'air ridicule. Le principal était que personne ne le reconnaisse. Soen s'assit sur la chaise située face à l'unique bureau. Une petite plaque dorée était posée juste au bord. « Docteur Anderson » y était inscrit.
Le Docteur Anderson prit place devant lui. Avec lenteur, il récupéra le dossier de Soen auquel il n'avait pas touché depuis plusieurs années. Il le relut brièvement. Après quoi, il releva la tête vers son patient.
- Comment allez-vous depuis la dernière fois où nous nous sommes vus ? commença le psychologue.
Soen ne répondit que par un grognement rauque. Ses bras sur sa poitrine montrait sa position fermée et peu encline à la discussion. Le Docteur Anderson fit doucement rebondir son stylo sur son bureau.
- Pouvez-vous me parler un peu d'Elea ? reprit-il.
Soen souffla. Il regarda partout autour de lui. La pièce était assez spacieuse et très lumineuse. Là où ils étaient, face à la porte, se trouvaient le bureau ainsi que plusieurs étagères contenants des tas de dossiers. De l'autre côté, il y avait une petite table entourée de quelques fauteuils. Plusieurs jeux et feuilles de dessin se trouvaient tout près, dans des caisses ou déjà posés sur la table. Soen connaissait bien cet endroit pour y avoir beaucoup trop mis les pieds à son goût. Le Docteur Anderson était quelqu'un de réputé, Soen savait que plusieurs célébrités étaient déjà venues le voir.
Soen soupira encore. Cela l'énervait plus qu'autre chose de devoir revenir ici. Il savait pertinemment que c'était lui qui avait demandé ce rendez-vous à sa mère, il devait régler ses problèmes. Si seulement tout n'était pas aussi compliqué...
- Je ne vois pas beaucoup maman... marmonna-t-il, la tête baissée sur ses chaussures. Elle est toujours occupée avec Ethan ou alors elle travaille...
- Que fait-elle comme travail ?
- Elle cumule deux boulots. Caissière et serveuse... Du coup, elle n'est là ni la journée, ni la soirée. Si ce n'est pas elle, c'est moi qui surveille Ethan. Ou alors il le fait lui-même...
- Avec vos concerts, vos interviews, les tournées... Ethan doit passer pas mal de temps seul. Comment gère-t-il cela ?
Soen poussa encore un long soupir. Il repensa alors à hier soir, l'état misérable dans lequel il avait trouvé son petit frère. Heureusement, peu après l'arrivée de Neven ses sanglots avaient cessé. Soen n'avait pas entendu ce qu'ils s'étaient dit, mais il n'avait pas tardé à entendre le rire d'Ethan. Cela lui avait fait plaisir. Neven avait été très gentil avec son frère. Il lui était sincèrement redevable. Après presque trois heures d'intense conversation, Ethan avait rouvert la porte et avait sauté dans les bras de Soen. Tout était bien qui finissait bien.
- Il a du mal. Même s'il ne le montre pas toujours, je sais qu'il se sent malheureux, délaissé. Je ne sais pas quoi faire pour l'aider.
- Ce n'est pas votre rôle de l'aider, vous le savez. Vous avez assez de vos soucis pour ne pas avoir à le faire.
Soen, piqué au vif, s'énerva. Il se redressa vivement sur sa chaise. Il avait levé les yeux vers le Docteur Anderson, les sourcils froncés.
- Si, c'est mon rôle ! Je suis son grand frère ! Je dois être là pour lui ! Si ma mère n'est pas là, c'est à moi de le faire ! s'écria-t-il.
Le psychologue nota quelque chose sur sa feuille, tout en reprenant la parole :
- D'accord. Et que pensez-vous de votre relation avec Ethan ?
Soen se radoucit immédiatement. Il mordilla l'ongle de son pouce, le regard de nouveau baissé, cette fois-ci sur ses cuisses.
- A cause de mon travail, nous nous sommes éloignés. Il ne semble pas m'en tenir rigueur.
- Ethan tient à vous, fit remarquer le Docteur Anderson.
Soen acquiesça.
Ils continuèrent de discuter de l'environnement de Soen. D'Elea, d'Ethan, de Faël, de Maëva, d'Alanis, d'Amédéo... même Neven eut droit à son petit commentaire. Le chanteur n'avait jamais autant parlé de sa vie et encore moins à un rendez-vous avec son psychologue.
- Neven est... spécial, réfléchit Soen, je ne me suis jamais rapproché aussi rapidement de quelqu'un. Même Faël et Twill ont dû attendre plus longtemps pour réussir à m'approcher sans problème. Alors que j'étais petit.
- Pouvez-vous me donner trois mots qui caractérisent Neven ?
Soen réfléchit un court instant, puis répondit :
- Têtu... patient... et gentil.
- Pourquoi ?
Soen souffla. Il se gratta la tête.
- Têtu parce que j'ai beau être désagréable avec lui ou le repousser, il persiste à vouloir m'approcher. Patient, justement à cause de cela. Il ne se décourage pas.
- Il ne se décourage pas peut-être parce qu'il tient à vous ? dit le Docteur Anderson.
Soen haussa les épaules tout en secouant la tête. Il reprit l'ongle de son pouce entre ses dents pour le mordiller à nouveau. Soen s'était déjà posé cette question à plusieurs reprises, mais la même réponse persistait : qu'est-ce que Neven en aurait à faire de lui ? Et puis même, qu'est-ce que lui en aurait à faire de son assistant, tout simplement ?
- Je ne sais pas.
- Et pourquoi est-il gentil ? poursuivit le psychologue.
- Parce que c'est ce qu'il est, s'agaça Soen, il sourit tout le temps, il est attentionné, à l'écoute, même avec Ethan... Ce garçon ne peut pas être méchant, ce n'est pas possible.
Un fin sourire se dessina sur les lèvres du Docteur Anderson. Il jeta un petit coup d'œil à l'horloge, en face de lui. Deux heures s'étaient déjà écoulées depuis le début du rendez-vous. Le psychologue y mit un terme et quand Soen s'en rendit compte, il en fut plus qu'étonné. Il ne pensait vraiment pas avoir autant parlé.
En sortant du cabinet, de nouveau sa capuche et ses lunettes de soleil pour le cacher, un seul mot résonnait dans son esprit.
« Je suis apaisé. » - Soen
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