Soen attrapa la bouteille d'eau que Faël lui tendait en le remerciant rapidement. Il en but les trois quarts, avant de s'essuyer la bouche du revers de la main. Il s'enfonça un peu plus dans le canapé défoncé en gémissant de bien-être.

- On l'a fait, les gars ! s'exclama Maëva en sautillant joyeusement sur place.

Soen souleva une paupière, amusé par son comportement. Toutefois, il ne laissa rien paraître, comme d'habitude. Il grogna quand elle se laissa tomber à ses côtés.

- C'était orgasmique ! renchérit Alanis.

Il tapota son menton en faisant mine de réfléchir.

- Non, se reprit-il en secouant la tête, c'était même meilleur.

Soen se redressa en entendant Faël et Maëva éclater de rire.

- Cela vous dirait d'aller dans un bar pour fêter ça ? proposa Alanis.

Tous acceptèrent, sauf Soen.

- Pas pour moi. Je vais rentrer et bosser sur d'autres chansons.

Il se frotta doucement la gorge. Elle était légèrement douloureuse.

Soen se leva, récupéra sa veste et salua ses amis avant de sortir. Les mains enfoncées dans les poches de son pantalon et ses pas faisant craquer la neige lui évoquaient un sentiment de déjà vu. La lune était déjà haute dans le ciel. Il était sorti par derrière, ne souhaitant pas voir sa mère et Ethan pour le moment. Il avait besoin de se retrouver seul pour réfléchir.

Soen avait les yeux levés vers le ciel, la tête perdue dans les étoiles. Il s'était senti incroyablement léger lorsqu'il s'était retrouvé sur scène. Chanter ses compositions dans un garage avec ses amis était une chose, le faire devant un public en était une autre. Ses textes révélaient une partie de lui. C'était intime, d'un certain côté.

Soen reporta son attention devant lui en entendant quelqu'un maugréer à voix basse. Il plissa les yeux. En faisant attention, il remarqua un type dont la silhouette lui sembla étrangement familière, à peine éclairée par la lumière des lampadaires. Soen ne pouvait distinguer son visage, celui-ci étant baissé vers le sol. Néanmoins, il avait l'impression d'avoir déjà vu ce bonnet quelque part.

Voyant que ce type fonçait droit sur lui, Soen arrêta de marcher. Il refusait de se décaler. Ce garçon n'avait qu'à regarder autre chose que ses pieds !

- ... pauvre con !

Ce fut tout ce que Soen entendit avant que la voix de cet inconnu ne soit remplacée par un gémissement de douleur. Il recula d'un pas. Le type l'avait heurté de plein fouet, mais cette fois-ci n'était pas tombé. Il releva la tête vers lui. Son visage était figé dans un rictus énervé.

- Vous pourriez faire attention ! s'exclama-t-il, sur les nerfs.

Il recula alors d'un pas en voyant Soen. Sa bouche s'entrouvrit. Soen, quant à lui, haussa les sourcils.

- C'est toi qui m'as foncé dedans à ce que je sache, rétorqua-t-il sèchement.

Soen n'avait pas de temps à perdre avec des vouvoiements inutiles, sachant qu'il était très certainement plus vieux que cet inconnu. Il allait le contourner, mais l'autre l'en empêcha. Soen ne cacha pas son air agacé.

- Quoi ?

- Est-ce que vous êtes...

- J'ai d'autres choses à faire.

Soen s'éloigna pour de bon. Il n'était décidément pas très doué en relations humaines.

***

Une fois arrivé chez lui, Soen s'enferma dans sa chambre où il s'allongea sur son lit. La tête enfoncée dans son coussin, il soupira longuement. Il resta quelques minutes dans cette position, avant de récupérer son téléphone. Sa mère lui avait envoyé un message pour savoir où il était. Soen lui répondit qu'il était déjà rentré. Il se rendit ensuite sur les réseaux sociaux sur lesquels il était inscrit. Il grimaça en voyant le nombre de notifications. Soen ne les regarda pas. Il se contenta d'aimer la photo d'Amédéo et celle de Maëva, puis éteignit son portable.

Le garçon souffla encore un coup. Il se leva et se rendit dans la salle de bains où il prit une longue douche froide. La fraîcheur de l'eau frappant sa peau nue lui permettait de se détendre davantage. Soen repensa alors au type qu'il avait recroisé dans la rue. Il ne l'avait pas très bien vu, mais le peu dont il se souvenait lui rappelait un air incroyable niais et enfantin. Soen ne savait pas pourquoi il avait eu l'air aussi surpris en le voyant, ces deux fois.

Il secoua la tête ; c'était ridicule. Pourquoi Soen gardait-il en mémoire ce genre de rencontres insignifiantes ? Ce n'était pas son style de surcroît.

Soen entendit la porte d'entrée s'ouvrir et se refermer. Il coupa l'eau de la douche, avant d'en sortir et d'enfiler sous-vêtement et survêtement. Il décida de rejoindre sa famille pour passer le reste de la soirée.

Toutefois, alors que l'adolescent atteignait la moitié des escaliers, il entendit la voix de sa mère à moitié camouflée dans le couloir. Elle était au téléphone.

- Je sais que vous tenez à voir Soen, entendit celui-ci, mais lui ne le souhaite pas.

Le principal concerné fronça les sourcils. A en juger par le ton utilisé et le fait que sa mère ne tutoie pas son interlocuteur, Soen comprit - avec soulagement - que ce n'était pas son père. Cela devait très certainement être le Docteur Anderson...

- Ecoutez Docteur - Soen s'en doutait -, je ne peux pas forcer mon fils à y aller. Surtout pas après la dernière crise qu'il a faite dans votre cabinet.

Soen grimaça. Il était vrai que sous le coup de la colère, certaines de ses réactions pouvaient être trop excessives. Il entendit soudainement Ethan appeler Elea.

- Excusez-moi, mais je vais devoir vous laisser. Il est tard. Bonne soirée, Docteur.

Soen attendit plusieurs secondes avant de terminer de descendre les escaliers. Sa mère était encore dans le couloir, la tête baissée. Soen s'approcha d'elle. Il avait beau ne pas montrer ses sentiments, voir la peine qu'il provoquait à Elea le blessait.

En entendant des pas, celle-ci releva la tête vers son fils, arborant un faux sourire.

- Tu passes la soirée avec nous ? demanda-t-elle.

Soen se contenta d'acquiescer, avant de rejoindre le salon.

« Je suis agacé. » -Soen