Cette journée de repos hier m'a fait du bien. Ne pas voir la tête d'Irène, son sourire faux ni entendre son rire forcé, ne m'ont pas manqué.

À peine ai-je commencé ma journée que je la vois déjà tenter de draguer un homme. Elle ne perd pas de temps !

Parfois je me dis qu'elle doit vraiment être déprimée pour se ridiculiser à ce point. Certains hommes ne sont vraiment pas respectueux avec elle et pourtant elle se rabaisse exprès, elle veut vraiment essayer de leur plaire et ça va vraiment trop loin... Et après quand je tente de la raisonner c'est moi qui prend tout dans la gueule, devant tout le monde.
Et oui... On a beau travailler dans une bibliothèque, cela ne l'empêche pas de crier de temps en temps... Je me demande vraiment comment le conservateur a pu garder une telle employée dans un tel endroit. Peut-être qu'elle le drague aussi, j'en sais rien.

~

Peut-être suis-je devenu fou, obsédé, peut-être, mais j'ai vraiment besoin de la revoir juste une fois.
Je retente alors ma chance aujourd'hui, espérant ne pas recroiser la pot de colle.

« - Bonjour Monsieur, puis-je vous ai... Oh, c'est vous. »

Oui, c'est moi.
Je souffle un bon coup, déjà saoulé d'être tombé sur la seule personne que je ne voulais pas croiser. Elle n'a pas l'air méchante, c'est vrai, mais je ne l'aime pas, enfin je n'aime pas son comportement, c'est comme ça.

« - Je n'ai pas besoin d'aide, merci. »

Je la contourne mais elle se met devant moi pour me bloquer le passage. Je sens la colère monter petit à petit mais je me contrôle.

« - Êtes-vous sûr ? Je connais cet endroit comme ma poche, ainsi que toutes les personnes qui y travaillent.

- Il se pourrait alors que vous puissiez m'aider. »

Son sourire s'allonge mais je sais que ce ne sera pas pour longtemps... Désolé mademoiselle, mais tu n'es pas le centre du monde, en tout cas pas du miens.

« - C'est une jeune femme assez belle, plutôt de taille moyenne, aux cheveux ondulés.

- Oh, vous a-t-elle déjà rencontré ?

- Oui, une fois. »

La pauvre se met à rougir, pensant vraiment qu'il s'agit d'elle-même.

Et c'est alors que je la vois, ma brunette, debout en face de moi tout au fond de la salle, rangeant quelques bouquins sur les étagères.

« - D'ailleurs je la vois. »

La petite blonde suit mon regard avant de fondre en larmes.

« - Mais vous n'avez pas honte de jouer ainsi avec les femmes ! Vous n'êtes qu'un pervers, un manipulateur, un obsédé sexuel ! Dégagez ! »

Je tente alors de la calmer, non sans m'en vouloir énormément. J'avoue avoir joué un peu trop avec le feu et je ne pensais pas autant la blesser.

Ses cris suscitent la curiosité des quelques lecteurs présents qui n'hésitent pas à se lever pour venir voir ce qui se passe.

« - Mais arrêtez, mon Dieu, arrêtez ! C'est quoi tout ce grabuge ?! Irène, dans mon bureau ! Et qu'on me fasse sortir cet individu.

- Je m'en charge.

- Merci Coralie, appelez la sécurité s'il vous cause du soucis. »

Coralie... C'est donc son nom. Aussi beau qu'elle.

« - Venez. »

Elle se dirige vers la sortie et je la suis, un peu secoué par les évènements mais heureux de connaître enfin son nom.

~

« - Non mais c'est quoi votre problème ?! Vous lui avez fait quoi pour la mettre dans un état pareil ?

- Je suis désolé, vraiment, j'étais juste venu hier pour... chercher quelque chose, et elle m'a clairement dragué et là encore elle l'a fait et, même si au fond j'en étais flatté, je n'ai pas apprécié certains de ses comportements et je voulais lui faire comprendre que je n'étais pas attiré par elle.

- Et j'imagine que vous ne l'avez pas fait de manière subtile. »

Je ne répond pas, sachant très bien que ce n'est même pas une question. Effectivement j'ai honte de m'être conduit comme un enfant, je vaux mieux que ça.

« - Vous lui présenterez mes excuses les plus sincères. Je ne pensais pas à mal.

- Vous en faites pas, elle s'en remettra. Et honnêtement je vous comprends un peu, elle est parfois difficile à vivre. »

Elle baisse alors le regard pour fixer ses pieds. Je rêve où elle vient de se confier à moi ? C'est un bon début.

« - Dîtes... Vous avez dit être venu chercher quelque chose, vous parlez d'un livre ? »

Elle ne relève toujours pas la tête et je comprends où elle veut en venir...

« - Pas vraiment non, plutôt une personne que j'avais envie de revoir. Et maintenant que c'est le cas, j'aimerais bien lui proposer de venir boire un verre avec moi.

- Je pense qu'elle sera d'accord, en particulier si cette fois ce n'est pas sur votre lieu de travail.

- Chez moi ça vous irez ?

- Peut-être bien. »

Cette fois-ci elle me regarde dans les yeux et je vois bien à quel point elle est gênée. Je la trouve alors vraiment courageuse de dépasser ce manque apparent de confiance en elle pour tenir une telle discussion avec un inconnu.

« - Ce soir vous êtes libre ? »

Cette fois-ci elle ne répond pas et je pense deviner pourquoi.

« - C'est un peu précipité, je sais, et vous avez le droit de refuser.

- Non, ce soir c'est très bien.

- Alors voilà mon adresse. »

Je m'empresse de la noter sur un morceau de papier puis lui souhaite une bonne journée. J'ai alors hâte et en même temps je reste sceptique : peut-être bien qu'elle me posera un lapin.

~

Une fois la journée terminée, je m'empresse de rentrer chez moi. Je n'ai pas recroisé Irène et je me demande donc si elle ne serait pas rentrée chez elle.

Féline vient se frotter à moi et j'hésite à partir. Cela me fait mal de la laisser encore toute seule.

Mais après lui avoir donné à manger, je vais dans ma chambre et réfléchis à ce que je pourrais bien porter. Simple ou chic ? Je ne sais pas trop... C'est mon premier rencard depuis des années et j'avoue que cela me fait vraiment bizarre... Mais j'ai promis, à moi et à mon meilleur ami, de reprendre ma vie en main et ne pas refuser les avances d'un homme qui me plaît est déjà un grand pas, il ne faut pas que je recule maintenant.

Je sors quelques robes de mon armoire, dont une noire descendant jusqu'aux genoux et laissant le dos nu. C'était la préférée de Diego... Je m'empresse alors de la ranger puis en sors une autre, ample et rouge bordeaux. Ça fera l'affaire. Plus qu'à trouver des collants et mes bottines et je pourrais y aller.
Je passe d'ailleurs peu de temps à faire mon maquillage, n'ayant jamais vraiment beaucoup aimé cette activité. Un peu de rouge à lèvres et de mascara et me voilà fin prête !

J'embrasse ma chatte - je parle bien de Féline - avant de monter dans ma voiture.

J'entre l'adresse dans le GPS et me réjoui de constater qu'il n'habite pas en centre-ville, mais plutôt dans un endroit réputé calme pour cette ville.

Je vérifie de n'avoir pas oublié mon téléphone et qu'il soit bien chargé. Mais je me sens soulagée de voir que je ne suis pas imprudente à ce point. Si le moindre problème m'arrive, j'appelle la police. J'ai d'ailleurs déjà envoyé l'adresse à mon meilleur ami, je sais qu'ainsi il sera plus rassuré et moi aussi.
J'ai peut-être l'air d'une parano ainsi mais au moins je me sens plus en sécurité, et c'est ce dont j'ai besoin.

" Tiens-moi au courant quand tu repars, et si dans deux heures je n'ai toujours pas de nouvelles je te jure que je viens et que je défonce sa porte.

Haha, ne te fais pas trop de soucis non plus, je suis sûre que ça ira. En tout cas j'ai un bon pressentiment.

Tant mieux alors. Mais surtout n'hésite pas à m'appeler, même en plein milieu de la nuit, même si c'est juste parce que t'as croisé un rat. Je suis là pour toi.

Merci...

Mais c'est normal ma belle. Allez, vas-y et profite bien ! Tu me raconteras ;)

C'est promis :) "

Je souffle un bon coup avant de démarrer en cette nuit d'automne.