blé ou orge


Le blé, cette plante utilisée dans la nutrition depuis la nuit des temps. Son utilisation que je préfère est la bière. Nous sommes à la première semaine de la session d'Hiver. Je commence à être habitué au théâtre du jeudi soir, les jeunes de dix-sept ans qui essaient de passer avec leurs fausses cartes, les Dormans les laissent passer parce qu'au final ce sont eux qui consomment le plus. Les filles mettent leur costume moulant pour économiser face à des abrutis qui leur donnent des cadeaux sous forme de liquide coloré pour une danse et une chance de frôler leurs fesses ou leurs seins. Ça a toujours été comme ça et ça ne changera pas. Moi, je suis là pour observer. Je parle à deux, trois de mes connaissances, ils me proposent des trucs : j'accepte, je refuse, j'accepte. Bref, je flotte dans cette atmosphère d'un bar sombre avec des couleurs multicolores et de la musique à fond. Le plancher colle sous mes chaussures alors je reste assis au bar en regardant les jeunes filles profiter d'une jeunesse qui va s'envoler au bout de trois, quatre, cinq ans d'études selon l'alcool que tu prends tous les soirs.

J'ai arrêté de compter mes commandes. Mes amis sont venus et sont partis, je les ai perdus au final. J'étais à cinq verres il y a une heure je crois. C'était avant d'aller aux toilettes. J'ai vu la fille de mon cours de français, je lui ai fait un salut, mais elle était en train de mettre sa langue au fond de la gorge d'un gars. Un gars que je connais bien, trop bien, vraiment trop bien. Je ne sais pas pourquoi, le son de la musique se mélange à mon battement de coeur. Plus fort, plus vite, bienvenue dans ma pièce de théâtre où mon coeur s'est brisé au même moment que le bruit d'un verre sur le plancher. Je suis partie à courir dans un long silence sous le regard de tout le monde.

Vous savez que dans le mois de janvier, il fait froid et que ce n'est pas recommandé de marcher en ballerine dans la neige. Je m'en fiche de perdre mes pieds par des engelures, je me déteste. Je déteste rêver, je déteste me faire des histoires, je déteste être juste la bonne amie qui au final est là pour tenir les verres. Je ne suis qu'une ombre qui est destinée à disparaître dans l'oubli après un temps. Mon ventre me fait mal, je sens que je vais vomir. Je ne sais pas si c'est le stress ou l'alcool qui me donne la nausée. Je respire et j'attend que ça sorte. Je sais que vomir n'est pas bon pour les plantes, mais quand ça doit sortir, ça sort. Je m'assois un moment sur un banc enneigé et j'attends que ça sorte en prenant des grandes respirations, mais une main vient interrompre ce moment gênant.

– Ça va petite?

Je me retourne vers un vieux monsieur aux cheveux gris, les mains tremblantes sur sa canne. Je lui fais signe que oui. Il me passe son chapeau pour me le mettre sur la tête et il me demande:

— Qu'est-ce qu'une jolie fille comme toi fait seule au milieu de la neige ?

Je fais un grand soupir en résumant une situation floue :

— Je suis partie d'un bar sous un coup de tête.

Il me regarde avec un sourire. Il avoue:

— Tu ressembles à Cass, ma défunte femme. Elle se retrouvait toujours les pieds dans les plats pour rien, mais j'ai regretté de ne l'avoir pas demandée en mariage le premier jour que je l'ai rencontrée. C'est quand je ne m'y attendais pas qu'elle m'a embrassé pour la première fois. Je m'ennuie beaucoup d'elle. Je viens tous les soirs ici pour me rappeler le moment que je suis tombé amoureux d'elle.

Le vieux monsieur ne dit plus un mot en regardant au loin. Je fais un grand soupir en avouant ma faute:

— Je suis amoureuse d'un gars, mais je l'ai vu avec une autre. Je me dis que je m'emporte encore trop et que je devrais juste passer à autre chose. J'ai mal, je sens comme si le froid de l'hiver était dans mon coeur pour le geler complètement pour éclater en morceaux à tout moment. Je m'en fous de mourir de froid, en ce moment, je veux juste que cette douleur s'arrête.

Je commence à pleurer des rivières gèlent sur mes joues laissant des traits de cristal. Il sourit légèrement avec une trait que je connais. Il s'exprime de sa voix grave tremblante:

— Les amours de jeunesses ! Quel est ton nom ?

J'hésite un moment, mais son sourire me rassure comme si je le connais depuis toujours.

— Cassidy, mais les gens m'appellent Cass.

— Cassidy, un très joli nom, tu veux en parler un peu plus de toute cet histoire ? Des fois parler fait fondre la glace des coeurs.

Mes pieds et mes mains sont gelés. Mes larmes ont formé des cristaux de glace sur mes joues laissant un éclat sur mon visage sombre. Je sens que je dois juste parler.

***

Je l'ai rencontré à ma troisième année. J'ai dû faire une session de plus dans mon programme ; difficulté académique et abus d'alcool, bref la normale pour une fille comme moi. Je me retrouve dans le groupe plus jeune que moi, beaucoup plus jeune. Je ne lui ai jamais porté attention plus que ça, jusqu'au jour où j'ai craqué pendant un oral. J'ai entendu des murmures au fond de la classe ce qui m'a énervé plus que d'habitude surtout que je ne suis pas à l'aise devant les foules. J'ai crié au gars :

— Si tu as un truc à partager à la classe, fais-le maintenant ou feme-la.

Un grand silence est resté sur la classe. Mon exposé portait sur les cultures de céréales et j'ai parlé de la fabrication d'alcool de certaine. Après la classe, le gars est venu me voir et il m'a expliqué :

— C'est de l'orge pour la production de bière et non du blé.

J'ai rangé mes trucs vite fait et je lui ai répondu la rage dans les yeux :

— Les deux sont utilisés, en tout cas fous-moi la paix maintenant..

Je lui ai tourné les talons, mais je l'ai entendu dire :

— Tu devrais montrer que tu peux te défendre c'est adorable quand tu fais ça.

Je suis devenue rouge et mon coeur n'arrête pas de battre à mille à l'heure. Je n'ai pas compris ce qui arrive. Je n'ai pas voulu tomber amoureuse. Ce jour-là tout a changé.

D'habitude, les gens m'évitent et ça me va. Ce gars, lui, ne m'a pas laissée tranquille. Je n'ai jamais compris ses "Bonjours Cass", "Comment tu vas Cass ?" quand nous ne parlions pas avant cette journée. Je suis une personne avec une grande joie de vivre et on dirait que ça l'a intrigué. Il a essayé de me parler plusieurs fois, mais je ne sais pas pourquoi, je le repousse à chaque fois. J'ai peur que quelqu'un s'intéresse peut-être à moi ou de me faire des illusions. Mon cœur est juste un mélange d'émotions floues formant un chemin que je veux traverser les yeux fermés. Après un an, j'ai commencé à l'apprécier, même à m'ouvrir les yeux sur mes sentiments. Il a été là pour m'écouter et même avec mon attitude un peu spéciale, il est resté près de moi. Quand je suis arrivé de mes vacance de noël, il m'a demandé :

— Cass, est-ce que tu viens au bar jeudi soir ? Il y a un truc spécial de rentrée.

J'essaie de le regarder dans les yeux, mais il est si grand. J'ai le visage tout rouge que je cache dans mon casier avant de lui répondre serrant mes cahier dans mes bras pour essayer de rester normale :

— Oui.

— Cool, on se verra là-bas !

Je ne sais pas quoi répondre en le voyant s'éloigner. J'essaie de lui faire un signe de la main, mais il est déjà parti. Je prends la porte de mon casier et je me la frappe sur la tête laissant une grosse prune sur le front que je cache avec ma frange rousse. Je ne fais que me répéter que je suis une idiote d'avoir des sentiments pour lui quand je sais que je ne devrais pas ça ruinerait tout pour tout le monde. Je n'ai jamais pensé que ça pourrait être si dur de gérer des émotions. Je suis entrain de me noyer dans une illusion qu'il va un jour comprendre sans que je lui en parle. Je me fais des histoires en pensant que j'ai de l'importance pour lui, au final je suis ici avec le souvenir de lui qui embrasse une autre fille. Je suis en train de briser mon cœur glacé en mille morceaux dans ce parc en hiver. Je n'ai juste qu'à dormir dans cette illusion que je vais me réveiller dans ma chambre.

***

L'hiver, c'est triste, froid et mouillé. Mes larmes me réchauffent le temps de quelques secondes. J'ai mal, je veux que cette douleur s'arrête...

***

Il fait chaud. Ma tête me fait mal à chaque bip de la machine. Je rouvre les yeux tranquillement la lumière me fait mal et j'entends :

— Tu es vraiment stupide des fois Cass, tu ne me refais plus jamais ça. J'ai eu peur de te perdre.

Je ne lui réponds pas. Je fais semblant d'être encore endormie. Il me demande :

— Pourquoi tu es partie du bar hier ?

Je le regarde un moment dans ses beaux yeux noirs en essayant de ne pas rougir. Je dis d'un ton sec :

— Je me sentais seule.

Il prend ma main et il me dit :

— Tu n'es pas seule, je suis là avec toi, on est amis.

Les mots sont comme un poignard. Je ne veux pas pleurer en ce moment. Je souris et je lui fais signe que oui.

— Amis pour la vie.

J'ai croisé les doigts en pensant que ça changerait quelque chose sur la promesse.

***

— Cass, tu te rappelles de cette nuit où j'ai dû t'amener à l'hôpital parce que tu faisais de l'hypothermie ?

Je me retourne vers mon mari. Parfois, l'amour est plus compliqué que ce que nous croyons. Cette nuit-là, je n'ai pas su que tout est prévu d'avance et qu'il ne faut pas brusquer les choses.

— Je m'en rappelle, je t'avais vu comme tu es aujourd'hui.

Parce que le vieil homme que j'ai vu dans le parc ce soir-là a seulement été mon ami vieilli qui allait devenir mon mari. Le froid a seulement aveuglé de qui a été mon sauveur dans une pièce de théâtre glacée.

— Je t'aime depuis toujours Cass, mais tu ne le voyais pas.

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