Chapitre 3
Louis:
Lundi 3 Septembre 2018:
Assis en classe, je sens encore les regards de mes camarades se retourner sur moi. Je me suis installé tout au fond de la salle. Je n'ai jamais été aussi pressé de voir Mr Jonhsens arriver. Je me force à garder le message de Hugo dans la tête, pour ne pas partir en courant. Je ne veux pas le trahir.
Le reste des élèves rentrent peu à peu. Il y en a beaucoup que je ne connais pas. Ou que je n'ai pas pris le temps de connaître. Je me fige en voyant le garçon des toilettes rentrer à son tour.
Nos regards se croisent mais je détourne vite les yeux. Encore son foutu sourire sur le visage. Je fixe mon bureau. Le raclement de la chaise à mes côtés me fait légèrement sursauter. Tout le monde m'a toujours fui, alors qui voudrait être vu avec moi ?
Je fais l'erreur de tourner la tête sur ma droite. Il n'a pas fait ça bordel ! Qu'est-ce qu'il vient foutre ici ? Pourquoi s'est-il assit à cette place ? Je le fusille des yeux. Il ne semble pas vexé, il me sourit encore.
- Je ne veux pas te faire peur, je veux m'assurer que tu vas mieux, me dit-il gentiment.
C'est quoi son problème ? On ne se connait pas. Ce n'est pas parce qu'il m'a aider à faire passer ma crise, que je lui dois quelque chose. Surtout, je ne veux pas de sa pitié.
J'entends plusieurs fille le saluer en gloussant comme des dindes. Des mecs lui serrer la main et lui parler de foot.
- Tu veux pas te mettre vers nous plutôt ? lui demande un gars comme si je n'étais pas là.
- Non, je suis très bien ici, répond-t-il sèchement.
Je sens ses yeux me brûler la peau. Je pourrais être vexé de la réflexion de son pote mais cela ne m'atteint même pas. Notre prof d'anglais finit par pénétrer à son tour dans la salle. Tous les élèves rejoignent leurs places.
Mr Jonhsens nous sort son speech de début d'année. Je l'écoute d'une oreille discrète. Il nous présente le programme, il nous explique notre examen d'anglais de fin d'année. Il nous fait passer une feuille de renseignement.
J'en ai déjà ma claque. Je récupère un stylo et commence à remplir le papier. Je bloque quelques instants sur le numéro à prévenir en cas d'urgence. Je ne mettrais pas mes parents. Nous nous sommes pas parlé depuis des semaines, ils sont autant à la ramasse que moi. Si le lycée devait les appeler, ils ne seraient pas apte à répondre au téléphone. Après une courte hésitation, je note le numéro d'Hayden.
- Tu n'as pas répondu à ma question, reprend mon voisin de table.
Je fais claquer ma langue contre mon palet, pour bien lui montrer mon agacement. Je relève mes yeux vers lui. Je le vois lire ce que j'écris sur la feuille. Ça va, je ne le dérange pas ? Je pose ma main droite sur le papier pour le cacher pendant que j'écris, étant gaucher.
- Tu ne veux pas parler ? continue-t-il en murmurant.
Le regard que je lui lance est assez évocateur. Son sourire ne vacille pas une seule seconde. Maintenant, je remets son visage. Il fait partit de l'équipe de foot du lycée. Aryn me l'avait montré de loin lors d'un match. D'après lui, c'est l'un des rares joueurs à être gentil.
Qu'est-ce qu'un populaire, membre de l'équipe de foot, peut bien me trouver ? Qu'il me foute la paix et me laisse dans ma bulle. Je ne veux pas d'ami.
Je ne sais pas pourquoi mais la liste de Hugo me revient en mémoire à ce moment précis. Je lutte pour chasser ses images de ma tête. Je serre mon stylo entre mes doigts, qui commencent à trembloter.
Le deuxième point de la liste apparait dans mon esprit.
2. Fais-toi des amis.
- Louis ? m'appelle sa voix.
Comment il connait mon prénom ? Surpris, ma tête pivote toute seule vers lui. Délicatement il met sa main sur la mienne. C'est là, que je remarque que je tremble pour de bon. Au contacte de sa peau, un courant électrique ma traverse. Je retire ma main rapidement.
- Est-ce que tu veux sortir de la classe ? me propose-t-il d'une voix tendre.
Je secoue négativement la tête, trop perturbé par ce que son touché m'a provoqué pour répondre. Son sourire est encore plus radieux. Même si je n'ai pas ouvert la bouche, j'ai communiqué avec lui, pour la première fois.
Nous rendons les feuilles à notre prof. Il reprend son discours, en insistant bien sur le fait, que cette année est décisive pour notre avenir. Je hais ce mot, avenir.
Mon portable vibre une fois de plus dans la poche de mon pantalon. J'attends que Mr Jonhsens se retourne pour noter les livres que l'on va devoir lire durant l'année, pour le prendre. Mes pères de substitution m'ont harcelés de message. Je lis le dernier.
<Gabriel>:
« S'il-te-plait Louis,
réponds à mon mari avant
qu'il ne débarque au lycée
pour voir si tout va bien.
Il s'inquiète pour toi. »
J'ai envie de soupirer mais je me retiens. Leurs considérations me touche. Je me frotte les yeux pour empêcher mes larmes de couler. Et merde, j'ai oublié que je portais mes lentilles. Je cligne plusieurs fois des yeux pour tenter de les remettre en places.
Je vais dans la conversation avec Hayden. Il m'a envoyé une vingtaine de messages depuis tout à l'heure. Vingt ! Je m'en veux de le laisser comme ça. Ils sont les seuls à s'occuper de moi depuis le départ de Hugo. Les seuls que je supporte. Je finis par lui répondre.
<Moi>:
« Désolé, je suis en cours.
Ça peut aller...
C'est dur mais je fais avec.
Ne vous inquiétez pas pour moi.
Profitez de votre entrée à la fac. »
Je range mon portable. L'homme à ma droite observe tous mes faits et gestes. Je le sens me regarder constamment et c'est assez perturbent.
Je souffle de soulagement en entendant la cloche sonner la fin de l'heure. Je prends tout mon temps pour ranger mes affaires. Je préfère sortir le dernier.
- On se voit plus tard, me dit l'homme à côté de moi.
Je l'ignore en attrapant mon sac. Une fois tous les élèves partient, je me lève.
- Louis, je peux te parler s'il-te-plait ? me demande la voix de mon professeur.
J'hésite à accepter, parce que je sais très bien ce qu'il souhaite me dire. Malgré tout, Mr J. a toujours été un bon enseignant et présent pour nous. Il a été là, l'année dernière lorsque je lui ai parlé du cancer de Hugo. Doucement je hoche la tête.
Visiblement ravis de ma décision, il me fait un signe de la main pour que je m'assois sur la chaise en face de son bureau. Je prends place en mettant mon sac sur mes genoux.
- Je voulais te dire, commence-t-il hésitant et plein de prudence. Nous sommes tous là pour toi si tu as besoin. Tous les professeurs te soutiennes. Personne ne peux imaginer la peine que tu ressens. N'hésite pas à nous faire savoir si tu ne te sens pas bien et que tu veux sortir, ne le comprendrons. Tu n'es pas tout seul Louis.
Automatiquement ma vue se bouille. Quelque part, je suis touché par ses paroles. Quelque part tout au fond de moi, je suis rassuré de ne pas être seul. Quelque part, ça fait du bien de se savoir soutenu.
- Si tu as besoin de parler, nous sommes là, enchaine-t-il. Tu peux aller voir n'importe quel professeur, notre porte sera toujours ouverte. Surtout ne te renferme pas. Je conçois que c'est encore trop tôt pour t'en parler mais tu faisais partit du club de journalisme l'année dernière et ce serait dommage que tu arrête. D'après ton professeur de littérature, tu as un vrai don pour ça.
Il s'arrête de parler et me fixe, attendant une réponse de ma part. Je me racle la gorge plusieurs fois.
- Me...merci, je... je verrais... plus tard pour... heu... le club, je dis en bégayant, la voix éraillée, d'être restée silencieuse pendant si longtemps.
- Bien entendu, tu as tout le temps qu'il faut pour réfléchir, rien ne presse.
- Je peux... y aller ?
- Oui.
Je me lève et met la lanière de mon sac sur mon épaule. Mr Jonhsens me lance un dernier sourire de réconfort avant que je sorte de la classe.
Je me dirige vers ma salle d'histoire. Ma deuxième matière principale pour mon examen. Je vais être un peu en retard. Je tape à la porte et attend que la voix de ma prof me dise d'entrer.
Tous les élèves se tournent vers moi. Génial. Je n'ai pas le temps d'ouvrir la bouche que ma prof me coupe.
- Je t'en pris, vas t'assoir Louis, me coupe-t-elle.
Je vois clairement dans son regard de la pitié. Autant Mr J. était compatissant, elle non. Je sais que c'est humain de réagir comme ça, seulement j'ai envie qu'on arrête. Je jette un bref coup d'oeil à la classe. L'homme des toilettes ne semble pas être dans ce cours.
Je m'installe à un bureau vide. Je ne veux pas de voisin. Anna qui est assise un peu plus loin, me fait un signe de la main.
J'ai promis à Hugo de suivre sa liste. Alors je vais renouer avec elle. Juste Anna. Je ne me sens pas à l'aise avec les autres. Je ne suis pas encore prêts à parler à d'autres personnes. Déjà, je ne sais pas m'exprimer sans bégayer sauf avec Hayden et Gabriel.
****
Toute la journée s'est passé de la même façon. En classe les profs m'observaient comme si j'allais m'effondrer à tout moment. À plusieurs reprise, j'ai failli partir mais je sais que j'aurais déçus Hugo si j'avais craqué.
Alors j'ai tenu bon. Ça a été la journée la plus longue de ma vie et savoir que ça va être comme ça pendant des mois, me déprime encore plus. Je ne sais pas où je vais puiser la force pour continuer à avancer. Parce que je n'en ai plus.
Le gars des toilettes a ré-essayé de venir me parler mais il s'est heurté à un mur à chaque fois. Je refuse de tomber dans son piège. Je ne le ferais pas. Je n'ai pas besoin de faire sombrer quelqu'un avec moi dans ma chute.
Je suis resté seul. Pour manger, je me suis enfermé dans une salle de classe vide. J'avais besoin de calme. J'avais surtout besoin de pleurer, laisser libre court à mes émotions.
Le médecin qui s'est occupé de Hugo, m'a dit un jour « la douleur ne disparaitra jamais vraiment, tu apprendras juste à vivre avec ». Il a raison. J'ai perdu une partit de moi-même, je ne serais plus jamais comme avant. Je ne sais pas comment faire et je ne suis pas sûr de le vouloir.
Je refuse de vivre comme si l'absence de mon frère n'était pas une déchirure. J'ai la constante impression qu'on m'arrache le coeur à main nue. C'est comme si je mourrais moi aussi, à petit feu.
- Louis, attends, s'écrit une voix masculine que je commence un peu trop à connaitre.
Je me fige dans les escaliers. Je pensais que j'allais être enfin tranquille. Les cours sont terminés et je m'apprêtais à rentrer chez moi. Je me retourne lentement, le gars qui me colle depuis ce matin arrive à ma hauteur.
- Je sais que tu n'as pas envie d'entendre ce que je vais te dire mais je le fais quand même. Tu m'as fait peur ce matin, j'ai cru que tu étais en train de mourrir. Oui on ne se connait pas mais ça ne m'empêche pas de m'inquiéter pour toi. Je préfère te prévenir tout de suite, je n'abandonnerais pas. Tu auras beau me repousser encore et encore, je reviendrais. Je ne vais pas te lâcher.
Il reprend sa respiration après sa longue tirade. Il me regarde droit dans les yeux. J'avale difficilement ma salive. Je ne m'attendais pas vraiment à ce qu'il me dise une chose pareille.
Je croise mes bras sur ma poitrine comme une protection contre lui. Je ne veux plus m'attacher à personne. C'est prendre le risque de la perdre et de souffrir. Et je ne veux plus souffrir.
- Voilà c'est dit. Tu n'es pas obligé de répondre, je voulais seulement que tu sache à quoi t'attendre. On se voit demain.
Il me sourit, sincèrement, encore. A cette vue, mon coeur loupe un battement. J'ai envie de le croire mais quelque chose me bloque. Je le regarde faire demi-tour et repartir dans le lycée.
Je cours presque pour rejoindre la rue. Hugo voudrait que je me confie à quelqu'un. Il voudrait que je m'ouvre aux autres. Je ne l'avouerais jamais mais j'ai besoin, un besoin presque vital, qu'une personne me prenne dans ses bras.
MlleLovegood
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