Chapitre 4
Les examens se déroulèrent exactement comme prévu : sur des roulettes.
J'eus beau me réveiller avec une bonne migraine le lendemain, une douche fraîche et j'allais mieux. Je ne cessais de me dire que le bac n'était pas la fin du monde, et à force de me le répéter, je finis par le croire.
Nala passa ses épreuves avec son je-m'en -foutisme habituel. Et j'étais sûre que ses notes avoisineraient les miennes, en plus ou en moins bien.
Une fois la semaine d'examens derrière moi, je pus enfin souffler. C'était délicieux de savoir qu'on avait deux mois pour ne rien faire.
Dès les premiers jours de fortes chaleurs en juillet, Nala, Dylan et moi partîmes à Lacanau, pour deux semaines.
Nous avions loué un bungalow non loin de la plage, dans un camping trois étoiles et nous passions nos journées au bord de l'eau, ou dans les petits villages de bord d'océan. Nous nous achetions des tas de bracelets d'été et quelques cartes postales, pour faire plaisir à nos parents.
Ça me faisait du bien de m'éloigner de la maison. J'aimais mes parents de tout mon cœur, mais parfois l'ambiance y était trop monotone. Avec Dylan et Nala je n'avais pas une minute pour m'ennuyer.
On s'amusait comme des fous. Le temps, qui semblait être avec nous, ne nous fournit que du soleil toute la première semaine.
Je réussis même à dorer légèrement ma peau blanche, sans trop la brûler. Le dixième jour, alors que je bronzais, allongée sur le ventre, Nala me secoua le bras.
-Ça te dirait une glace ? Et après on va piquer une tête ? J'en ai marre de m'exposer au soleil. Si ça continue, je vais ressembler à un morceau de charbon. Et après on ne me verra plus en pleine nuit. Je mourrai écrasée par une voiture.
Je ris en secouant la tête.
-OK pour la glace.
Dylan qui somnolait depuis une demi-heure, leva la tête et posa ses yeux verts sur nous.
-Hein, quoi ? Qui va où ?
Il avait le teint hâlé et sa chevelure s'était éclaircie avec le soleil, faisant ressortir l'éclat de ses yeux. Et étant donné qu'on passait la majeure partie de notre temps sur la plage, j'avais largement eu le temps de faire le point sur ses muscles.
RAS de ce côté-là, ça n'avait pas changé depuis l'année dernière, mis à part que ses tablettes de chocolats étaient plus prononcées.
Parfois, j'enviais Nala d'avoir un Apollon pareille à ses pieds.
-Lou et moi on va chercher une glace. T'en veux une ?
Dylan fit une moue boudeuse.
-Mais euh ! Pourquoi est- ce que vous ne me prévenez jamais quand vous faites des trucs ensemble ! Je veux en être aussi !
Nala roula des yeux.
-Dyl', on va marcher cinquante mètres pour acheter des cônes à la fraise, on part pas à la conquête du Graal.
-Bon OK, répondit-il sans beaucoup insister et en reposant sa tête sur la serviette. Rapporte-moi un cône au chocolat, bébé. Et fait peur à la vendeuse, histoire qu'elle m'en mette plus qu'aux autres, OK ?
Nala s'esclaffa.
-Si tu veux un résultat efficace, ramène plutôt tes six abdominaux devant le stand. Tu verras si tu ne l'auras pas, ton surplus de chocolat.
Dylan papillonna des paupières avec malice et Nala et moi partîmes vers le stand en riant.
Au bout d'une vingtaine de mètres, alors que j'étais en train d'expliquer à Nala qu'il fallait faire attention à ses pieds lorsqu'on allait à la méditerranée, à cause des vives, de petits poissons venimeux enfouis dans le sable, elle s'arrêta net, l'air songeur.
Elle mit une main sur son ventre plat et musclé et finit par poser les yeux sur moi.
-Lou, je voulais te demander...
-Oh mon Dieu, la coupai-je, affolée, Lionne Noire ne me dis pas que tu es enceinte !
Elle se figea, comme transformée en statue de glace, puis ouvrit d'énormes yeux horrifiés.
-Quoiiiiiii ?? Mais d'où tu vas chercher ça, Lou ? Dis pas des trucs pareils, ça va me porter la poisse ! Bien sûr que non je ne suis pas enceinte ! Pourquoi tu me poses une question aussi flippante ?
Je louchai avec insistance sur la main posée sur son nombril et elle suivit mon regard.
-Ben... ton attitude bizarre et ton air dans les nuages étaient légèrement suspects, vois-tu.
Elle retira vivement la main de son ventre et l'agita comme pour chasser ma remarque.
-Pfff, mais non, si tu m'avais laissée finir je t'aurais expliquée ! Je voulais juste te demander si tu m'accompagnerais me faire un tatouage, ou un piercing, je ne sais pas encore. J'ai vu un gars qui faisait les deux un peu plus loin, dans une rue touristique. Et ses dessins étaient vraiment pas mal. Je pensais genre à un soleil autour du nombril, ou alors un piercing au nombril... ou les deux. »
Je soupirai de soulagement.
-T'es vraiment trop folle ma pauvre, tu m'as fichue une de ces trouilles !
Elle grimaça.
-A qui la faute, hein ? C'est pas moi qui ai les idées mal placées !
-C'est juste que je m'inquiète pour toi, répliquai-je en haussant les épaules avec innocence. Et puis si tu t'abstenais, comme moi, tu n'aurais pas à flipper sans arrêt.
-D'une, je ne flippe pas sans arrêt, dit-elle en comptant sur ses doigts, de deux c'est impossible parce que je louperai le truc le plus fun que Dieu nous ait offert, et de trois on n'a pas fini de discuter de mon nombril.
Je ris.
-Bon, mais pourquoi est-ce que tu me demandes ? Tu fais ce que tu veux, et bien sûr que je veux bien t'accompagner.
Nous avions reprit notre progression vers le stand.
-Ben... hésita-t-elle en étudiant ses ongles. C'est qu'en fait je ne voulais pas que tu fasses QUE m'accompagner...
Ce fut à mon tour de freiner brusquement.
-Comment ça ? demandai-je avec méfiance.
Elle haussa les épaules, comme si elle n'avait pas d'idée précise.
-Je me disais que peut-être on pourrait se faire un tatouage toutes les deux. Ou un piercing toutes les deux. Au même endroit. Ça serait trop cool, on serait encore plus proches !
Je n'en croyais pas mes oreilles. Elle voulait que moi, la Sainte-ni-touche, je me fasse tatouer le cuir ? Mais j'allais certainement tourner de l'œil avant même que le tatoueur ait sorti l'aiguille de son emballage ! En plus, j'étais sûre que j'aurais l'air totalement ridicule avec la peau trouée ou tatouée. Ça n'allait pas du tout avec mon style.
Je secouai catégoriquement la tête.
-Non, hors de question.
Nala, en mode chiot labrador, joignit les mains et me fixa avec un regard suppliant.
-Alleeeez ! Je serais tellement contente qu'on se fasse ce délire ensemble ! On n'a jamais fait de trucs comme ça encore, toi et moi ! Sérieusement, ça me rendrait super heureuse, on serait de vraies sœurs jumelles de cœur !
-Mais mes parents vont me tuer s'ils le remarquent ! M'exclamai-je en signant énergiquement. Et ta mère à toi, d'abord, elle en pense quoi ?
Nala leva les yeux au ciel d'un air dramatique.
-Elle s'en fiche, tant que je ne me mets pas à ressembler à Marilyn Manson. Et bien sûr que non, ils ne te tueront pas. D'une part il y a de fortes chances qu'ils ne s'en rendent même pas compte, d'autre part si tu dis que c'est moi qui t'ai obligé à le faire, ils béniront immédiatement ce tatouage. Peut-être même qu'ils le vénéreront.
-Ha ha. Très drôle, bougonnai-je. Et d'abord qui a parlé de tatouage ? Peut-être que je préfère le piercing !
Nala poussa un hurlement certainement strident, parce que des dizaines de personnes autour de nous sursautèrent et braquèrent un regard paniqué dans notre direction.
-Alors tu es d'accord ? me demanda-t-elle en m'agrippant par les épaules. On fait ça ensemble ?
Je soupirai, vaincue.
-Oui, puisque tu y tiens autant. Mais je te préviens, je ne fais pas de piercing au mamelon ou de tatouage sur les fesses, compris ?
Elle gloussa d'excitation et me prit dans ses bras.
-Allez viens ma vieille, il faut qu'on aille chercher ces glaces avant que Dylan ne craigne qu'on se soit noyées et n'appelle les garde-côtes.
Mon Dieu, mais dans quoi me suis- je embarquée ? eu-je le temps de marmonner intérieurement. Nala les bons coups, tu parles ! Voilà que j'allais me retrouver avec un dessin tatoué sur la peau, pour le restant de mes jours. Une décision à ne pas prendre à la légère, normalement. Mais là non. Deux minutes et Nala m'avait corrompu.
Je n'avais plus qu'à m'acheter une personnalité, pensai-je amèrement.
***
-Ouïïïaaaaïïe ! Sam, t'avais dit que ça piquerait à peine !
Nala grimaçait alors que le tatoueur s'activait sur son bas-ventre.
Nous avions mangé notre glace une heure et demi plus tôt, mais Nala était tellement pressée qu'elle avait fait sauter l'étape baignade.
Elle nous avait traînés, Dylan et moi, jusqu'à ce fameux tatoueur. On avait à peine eut le droit de protester pour renfiler nos vêtements. Enfin en ce qui me concernait, car Dylan préférait marcher dans le village avec son short de bain Billabong, et on ne pouvait pas le condamner pour ça.
Quand on avait un corps comme le sien, on ne pouvait que le dévoiler aux yeux des autres.
Enfin bref, nous finîmes par arriver devant une boutique flanquée d'une enseigne, écrite en lettres taguées : « Chez Sam, tatouages artistiques et piercings ».
-Super original, marmonna Dylan.
-La ferme Dyl', elle en jette son enseigne, c'est juste que t'es jaloux.
J'avais du mal à suivre leur échange, alors qu'ils étaient de profil.
Nous restâmes un moment devant la boutique, sans oser nous avancer. Je sentais une boule se former au creux de mon estomac au fur et à mesure que les secondes s'égrenaient, et j'avais de moins en moins envie de m'aventurer à l'intérieur.
Nala ne me laissa néanmoins pas le temps de me dégonfler.
-Bon ! On n'est pas ici pour regarder voler les oiseaux, allez suis-moi Lou.
Je déglutis et la suivit à l'intérieur.
Au moment où elle poussa la porte, j'imaginai un petit carillon, prévenant le vendeur que des clients étaient entrés dans la boutique. Mais peut-être que je me faisais des illusions. Le carillon ne me semblait pas être très indiqué dans un salon de tatouage.
Plusieurs cabines composaient la pièce de taille moyenne, et je regrettai de ne pas avoir un tout petit peu d'ouïe, car j'étais sûr qu'on pouvait percevoir le bruit des appareils à tatouer derrières ces cabines. Des gens étaient sûrement en train de se faire dessiner sur la peau, ou de se la trouer.
Immédiatement, l'idée me parut beaucoup, beaucoup moins exaltante.
De suite à notre droite se trouvait un genre de comptoir pour régler. Un homme d'une trentaine d'années se trouvait derrière. Il tamponnait des feuilles blanches à une vitesse fulgurante, et mit un temps fou à lever les yeux vers nous.
Un sourire moqueur s'épanouit sur son visage.
-Aah ! Sûrement mon rendez-vous de 16h00. T'es Nala, non ?
Mes yeux étaient rivés sur ses bras depuis qu'ils étaient tombés sur sa carrure massive. On ne voyait même plus la peau, tant les tatouages y étaient nombreux et complexes.
Un anneau étaient passé sur sa lèvre inférieure et une ribambelle de clous dépassait de toute la longueur de son oreille gauche.
Si la perspective d'avoir un piercing ou un tatouage m'était moins agréable qu'avant depuis que nous avions franchi cette porte, la vue du type me coupait définitivement l'envie qui me restait.
-Ouais, c'est moi. Y a une raison pour laquelle tu me regardes comme si j'étais une demeurée ? Parce qu'avant que tu dises quoique ce soit je préfère te prévenir que ton look à la Cure n'inspire pas vraiment la crédibilité non plus. Après je dis ça pour te rendre service, hein ?
Le type la toisa un moment et Nala haussa un sourcil. La tension commençait à devenir insoutenable quand celui que je supposai être Sam sourit à nouveau, avec plus de chaleur cette fois.
-Tu me plais, toi. Bon allez, toi et ta copine suivez-moi dans cette cabine.
Dylan, qui n'avait pas paru une seule seconde intimidé par ce moment de malaise, bailla à s'en décrocher la mâchoire avant de s'affaler sur un des canapés de la pièce.
-Sonne-moi quand tu as fini. Moi je vais terminer la sieste que tu m'as forcé à interrompre.
Je secouai la tête, amusée, et attrapai Nala par l'épaule, plus sérieuse.
-Je rêve ou tu avais réservé pour nous deux ? Depuis combien de temps ?
Nala fit une moue incertaine avec ses lèvres.
-Hum... cinq ou six jours. Je savais que tu allais accepter.
Puis après m'avoir lancé un sourire rayonnant, elle entra dans la cabine que nous désignait Sam. Je n'arrivais pas à en croire mes yeux. J'aurais été hyper en colère si je n'avais pas autant la trouille.
Sam nous fit choisir un tatouage parmi un catalogue qui me sembla interminable. Nala me laissa le choix du dessin et l'endroit où on se le ferait tatouer. Je choisis le bas-ventre car personne ne devinerai sa présence, sauf si je me mettais en maillot de bain, ce qui n'arrivait qu'en présence de mes amis.
Le choix du dessin fut plus compliqué.
Je tournai longuement les pages, jusqu'à trouver un petit modèle qui m'interpella. C'était un tout petit oiseau, un colibri, croqué en plein vol. Il était d'un bleu éclatant et le détail de ses plumes duveteuses était assez impressionnant.
Je désignai le tatouage à Sam.
Il se pencha et observa le dessin, semblant calculer le temps qu'il lui faudrait pour le faire.
-Celui-là ?
Je hochai la tête.
Il se tourna vers Nala, décontenancé.
-Elle est muette ta copine, ou quoi ?
-Dans le mille, mon pote, sourit Nala, moqueuse.
Sam ouvrit de grands yeux surpris.
Je me tournai à mon tour vers ma meilleure amie en soupirant.
-Il m'a l'air super malin, ton tatoueur. J'ai trop envie de le laisser colorier définitivement sur ma peau, là tout de suite
-Qu'est-ce qu'elle a dit ? Demanda Sam en fronçant les sourcils.
-Que t'avait l'air super doué et qu'il lui tardait de te voir à l'œuvre. Et moi aussi je dois dire. Qui commence ?
-A toi l'honneur Lionne Noire, la raillai-je.
Elle s'assit dans le fauteuil en feignant l'indifférence, mais ses mains tremblaient. Elle était fébrile. D'excitation ? D'appréhension ? Allez savoir...
Je m'installai sur un tabouret et calai mon menton dans mes mains, un sourire sur les lèvres.
-Aïïeuuuh !
Sam tatouait la peau de Nala depuis une demi-heure. Et vu la tête qu'elle faisait, ça n'avait rien d'agréable. Mais la vue de son visage décomposé était trop drôle et m'empêchait de penser que ça serait bientôt à mon tour de grimacer.
-Mais quelle chochotte, s'esclaffa Dylan.
Il nous avait rejoints une dizaine de minutes plus tôt, alerté par les gémissements de Nala. Du coup on était deux à se bidonner.
-Tu m'étonne mec, heureusement que je suis habitué à voir les meufs pleurnicher quand je les pique.
Ou plutôt trois. Sam rigolait bien aussi.
-Oooh ! Vous avez finis, là ? Je vous signale que je suis présente...aïe ! Arrêtez de parler de moi à la troisième personne, comme si j'étais pas là, hein ?
Je me penchai pour observer le tatouage. La peau autour du tatouage était rouge et irritée. Les traits noirs et bleus n'étaient pas encore très nets et j'eus du mal à le trouver aussi beau que sur le catalogue. J'espérais que le résultat serait meilleur une fois le dessin terminé.
-Ça donne quoi ? me demanda Nala en soulevant légèrement la tête pour essayer d'apercevoir le dessin.
-Arrête de bouger, je vais te louper, protesta Sam.
-C'est super beau, lui mentis-je en souriant.
-Enfin, ça a plutôt l'air d'une grosse tâche d'encre dégueulasse, commenta Dylan avec une grimace de dégoût.
Sam releva la tête.
-C'est à peine une esquisse du résultat final, bouffon, grogna-t-il.
Dylan haussa les épaules et chercha des yeux un endroit où poser ses fesses.
-Lou, tu veux pas me laisser le tabouret et t'asseoir sur un de mes genoux ?
Je me levai et souris à Nala d'un air moqueur.
-Ah ben il est beau ton rugbyman ! Même pas fichu de rester debout dix minutes.
Nala ricana.
-T'as raison, ouais. Franchement des fois il me fait honte.
Je ris. En me tournant vers Dylan, je remarquai qu'il me considérait en plissant les yeux.
-Qu'est-ce que tu viens de lui dire ? J'ai pas bien vu.
Dylan ne comprenait pas toutes les subtilités de la langue des signes, mais depuis deux ans que je le côtoyais, il ne cessait de s'améliorer.
-Rien, répondis-je en souriant malicieusement.
Il s'assit et tapota son genou en me faisant signe de s'y installer.
J'obtempérai sans quitter des yeux le dessin qui progressait sur la peau de Nala.
-Ça a l'air de prendre forme, remarquai-je.
-Qu'est-ce qu'elle a dit ? Demanda Sam à Nala.
-Qu'apparemment la grosse tâche dégueulasse commence à ressembler à quelque chose, traduit-elle, méprisante, plus à l'intention de Dylan qu'au tatoueur.
Sam était en train de terminer les contours de l'oiseau et le contraste avec la peau sombre de Nala était d'une grande beauté. je me demandais en revanche si le bleu se verrait bien.
Comme s'il avait lu dans mes pensées, Sam commenta :
-Ta peau est trop foncée,si je fais l'intérieur du colibri en bleu, ça fera effectivement tâche. je te conseil plutôt de ne garder que le contour.
-OK, pas de problème, grimaça Nala, trop heureuse à mon avis d'apprendre que la douleur serait abrégée plus tôt que prévue.
Sam leva brièvement les yeux vers moi et sourit.
-Toi, par contre il va te falloir souffrir jusqu'au bout.
Je plissai les paupières d'agacement.
-Lionne Noire, est-ce que tu peux expliquer à ton pote qu'il peut garder ses remarques pour lui, et que s'il se tait je pourrais profiter du spectacle en toute tranquillité ?
-Elle a dit quoi ? questionna Sam, en gardant les yeux rivés sur son ouvrage.
-Simplement de te la boucler, traduisit Nala avec un air faussement indifférent.
Je ris et sentis Dylan faire de même.
Il y eut une dizaine de minutes durant lesquelles plus personne ne dit un mot. Même Nala supportait les piqûres sans broncher.
Sam se redressa d'un coup en s'étirant.
-Voilààààà. Il ne me manque plus qu'à fignoler le bec. Ça ne prendra pas très longtemps.
-J'espère, je commence à avoir des fourmis dans les jambes.
Dylan ajouta quelque chose à l'intention de Nala, que je ne pus lire, et celle-ci grogna :
-Oh la ferme, Dyl'.
Encore plusieurs minutes s'écoulèrent et Sam finit par reposer son instrument de torture.
-Tu peux aller regarder le résultat dans la glace, près du rideau de la cabine, dit Sam.
Nala, seulement couverte de son maillot de bain, se dirigea vers l'endroit que lui avait désigné le tatoueur. Elle ouvrit grand la bouche. Je la rejoignis aussitôt et l'imitai.
-Ouah ! C'est super beau ! T'as fait un trop bon choix, ma vieille. L'oiseau est super bien fait, merci Sam. Bon par contre la peau autour ça ne fait pas terrible. J'espère qu'elle va s'apaiser rapidement.
Nala hocha la tête et repartit vers le fauteuil où elle était allongée.
-Ouais, vas-y.
Je me demandai ce que Sam lui avait dit, lorsqu'il appliqua une crème, de la vaseline devinai-je, puis un gros pansement.
« Bon, tu appliques cette crème sur le tatouage plusieurs fois par jour et tu NE T'EXPOSE PAS AU SOLEIL. Si jamais tu le fais quand même, ce que je te déconseille fortement, tu mets de l'écran totale sur le tatouage et tu le couvres avec quelque chose, un vêtement, une serviette, ce que tu veux. Pas de bain ni de piscine pendant un mois, encore moins d'eau de mer. Sinon il risque de perdre de son éclat. Pour qu'un tatouage reste beau, il faut l'hydrater. Est-ce que je te note tout ça où tu vas réussir à retenir ? demanda Sam en souriant d'un air moqueur.
-Ha ha, très drôle, marmonna Nala. Bon ben c'est finit les baignades, commenta-t-elle, déçue.
Je me tournai vers Dylan qui s'apprêtait à répondre :
-Parle pour toi, ma vieille. Moi j'ai pas de tatouage à protéger et il me reste trois jours de dorage de pilule. Je compatirai, promis.
Nala leva les yeux au ciel.
Sam me regardai avec insistance. Je ne compris pas ce qu'il voulait au début.
-Hum, je pense que c'est ton tour, non ?
Toute la bonne humeur que j'avais accumulée jusque-là s'évapora comme par magie. Avant de changer d'avis, et me maudissant d'avoir promis à Nala de ne pas me dégonfler, je m'avançai vers la table.
Je quittais mes vêtements, m'allongeai dessus et déglutit avec difficulté.
-Bon, je vais commencer par te faire le dessin au feutre et...
Sam s'interrompit et leva la tête en fronçant les sourcils.
-Qu'est-ce qui se passe encore ? grommela-t-il entre ses dents.
Il sortit de la cabine en trombe et j'interrogeais Nala du regard. Elle haussa les épaules en signe d'incertitude.
-Je ne sais pas, quelqu'un vient de l'appeler par son nom.
Sam revint aussitôt, l'air énervé.
-Ça craint, je suis désolé, mais j'ai carrément une urgence. Un mec que j'ai tatoué hier matin vient de revenir avec une grosse bavure. Merci l'effet eau de mer. Je vais essayer de rattraper ça. Je vais devoir laisser Théo s'occuper de toi à ma place.
Il se tourna vers le rideau entrouvert.
-Théo !
Nala protesta.
-Hé, c'est pas cool, Sam ! J'avais réservé pour nous deux ! En plus c'était toi que je voulais, pas un type dont je ne connais même pas le potentiel.
Sam leva les yeux au ciel en rassemblant quelques affaires à lui.
-Théo est très doué, tu ne verras même pas la différence.
Un mouvement près du rideau attira mon attention. Une forme se mut à l'intérieure de la cabine.
Lorsque mes yeux s'arrêtèrent sur son visage, mon sang se glaça dans mes veines. Mon cœur fit un bond prodigieux, avant de se figer net, comme le temps autour de moi, me sembla-t-il, comme tout.
Je reconnaissais le fameux Théo. Il avait hanté mes pensées ces trois derniers mois et ma chambre était remplie de ses portraits.
C'était le métis. Le sauveur du tramway.
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