Chapitre 9 | 1

"Hands the gun, heart the wire,

My finger runs the blade

But I can't feel the pain,

The darkness runs through my veins."

Welcome To My World – Tommee Profitt ft Lyra. (En média).


Après avoir passé près d'une heure à errer de voiture en voiture avec un bout de tissu opaque sur le visage, les deux molosses qui m'accompagnent se stoppent enfin. Concentré sur ma respiration difficile sous le sac en nylon noir, je ne parviens pas à anticiper le geste violent qui me propulse vers l'avant, et m'écroule sur ce qui ressemble à de la moquette. Mes côtes me lancent, mais je ne dis rien, je reste focalisé sur mes tentatives d'analyses de l'endroit dans lequel je me trouve. Un bureau, on est dans un bureau. Le canon de l'arme qui m'a tenu compagnie tout le trajet se redépose sur ma peau pour m'ordonner de me lever. Docile, je me redresse en tentant de toutes mes forces de contenir mes gémissements alors que des gouttes de sueur dégoulinent le long de mes tempes. J'étouffe, là-dessous, putain.

Une main algide se referme durement sur ma nuque et me force à faire plusieurs mètres avant de disparaître au même moment que le pistolet qui soutenait ma tempe. Un silence glaçant s'empare de la pièce jusqu'à ce que je perçoive un bruissement face à moi. Quelqu'un approche. Mes muscles se tendent un par un alors que je sens la chaleur un corps à quelques centimètres du mien. On me retire ce que j'ai sur le visage d'un seul coup, et une vive lumière blanche m'aveugle. Le temps que je reprenne contenance, Lola me scrute de la tête aux pieds, un sourire satisfait plaqué sur le visage. Même avec ses boots aux allures militaires presque plates, elle me dépasse facilement d'une tête.

— Lève les bras, me somme-t-elle.

Submergé de souvenirs, je ferme les yeux en la voyant me retirer mon haut encore et encore au fil des années. Comme à son habitude, elle attrape le bas de mon débardeur, puis le fait passer au-dessus de ma tête pour faire un pas en arrière et passer en revue chaque parcelle de ma peau. Ses prunelles sombres se baladent sur toutes les traces d'encre, toutes les cicatrices, toutes les marques visibles qui parsèment mon torse. Rien ne leur échappe.

— Ah... West Hutchins... murmure Lola en caressant mon épaule.

Ses doigts parcourent mon épiderme un instant, puis s'arrêtent sur l'hématome bouillant de mon flanc droit. Son sourire s'agrandit.

— Ça faisait longtemps, non ? On se retrouve comme au bon vieux temps...

Ses griffes s'approchent dangereusement de l'élastique de mon boxeur à peine dissimulé par mon jean délavé, et un frisson désagréable me détruit l'échine. Hors de contrôle, mon esprit se fait engloutir par l'image des douches de la prison alors que les mains calleuses de Bellick remplacent la finesse de celles de Lola. Un spasme de dégoût me secoue, et j'inspire un grand coup comme si ça avait une chance de faire disparaître ce porc de mes pensées. Les dents serrées, j'ai l'impression de me noyer dans les horribles sensations qui me reviennent par vague, ce qui semble réjouir mon interlocutrice.

— Pourtant il aurait mieux valu pour toi que cette rencontre n'ait pas lieu, tu ne crois pas ? Je n'aime pas faire le sale boulot, tu le sais, West. N'est-ce pas ? susurre-t-elle en appliquant une pression non-négligeable sur mes côtes blessées.

Une complainte sourde que j'aurais préféré réussir à contenir s'échappe de ma gorge et la douleur s'intensifie quand les ongles experts de ma patronne s'enfoncent un peu plus dans ma chair brûlante. Je me mords l'intérieur de la joue pour rester le plus impassible possible mais mon corps, ce traître, s'affaisse malgré lui. L'air ravi de Lola pique ma fierté à vif, mais je ne réagis pas. Il ne faut surtout pas que j'explose. Bien décidé à me maîtriser, j'expire longuement par le nez en m'accrochant au regard baigné de supplication de Wayne. Il me suppliait de ne pas m'en aller. Je dois sortir d'ici vivant, je ne peux pas l'abandonner une deuxième fois. Une puissante amertume s'infiltre dans mes veines. Je me hais. Je me hais d'être la cause de toute cette détresse. Les poings serrés à m'en faire mal, je me mets à penser que Lola devrait y aller plus fort. Elle devrait me faire chialer de douleur. Je mérite d'être puni pour tout le mal que je fais autour de moi.

— Mais tu m'avais tellement manqué... Il fallait bien que je trouve un moyen de te revoir, craché-je avec une insolence que je n'ai pas l'habitude d'avoir envers elle.

Les traits de ma patronne se crispent, puis s'assombrissent. Sans que je n'aie le temps de comprendre comment, un révolver apparaît dans sa main libre, et la crosse de ce dernier s'écrase contre ma blessure avec hargne. Un cri m'arrache la gorge alors que mes genoux cèdent. Plié en deux par la décharge électrique déchirante qui me parcourt l'abdomen, je m'effondre sur la moquette grise.

— Les règles étaient simples, il me semble, reprend-elle avec flegme. Je te donne de la drogue, et toi, tu la vends. Tu as fait ça toute ton enfance, ça ne devrait pas être trop compliqué.

Lola s'accroupit devant moi, attrape mon menton et le tire vers elle d'un mouvement brusque. Exactement comme elle le faisait quand j'étais petit. Une demi-douzaine de flash-back s'immisce dans mon esprit et le passé m'avale en un claquement de doigts. Je me revois encore, agenouillé sur le sol à sangloter alors qu'elle tenait mon menton pour que je la regarde dans les yeux. Après m'avoir puni, elle me rabâchait sans cesse les modalités du règlement que j'avais enfreint, comme si elle voulait que j'intègre les informations plus vite. Je n'avais que douze ans et déjà, elle usait de la force pour me dompter.

— Et, comme dans mon enfance, tu vas me tabasser pour me faire comprendre les clauses du contrat ? demandé-je d'une voix enrouée sans pour autant dissimuler mon sarcasme.

Cynique, ma patronne se met à rire puis passe une main dans ses cheveux courts et sombres. Elle lâche mon visage, se redresse, tire sur son tee-shirt échancré pour le remettre en place puis fait un signe à ses deux cerbères. Les armoires à glace se dirigent dans ma direction, me chopent par les bras et me relèvent sans ménagement tandis qu'une morsure violente me déchire le ventre. Calme-toi, respire. Ne laisse pas la souffrance te faire perdre pied. Désormais immobilisé, je suis Lola d'un regard méprisant.

— C'est une idée tentante, crois-moi, mais je te connais bien mieux qu'Eleanor, mon cher West. Je ne vais pas faire les mêmes erreurs qu'elle. M'en prendre à toi ne m'aiderait pas à te faire obéir ; ça a fonctionné un temps, quand tu étais plus jeune, plus influençable... sauf que maintenant, les coups ne te font plus aucun effet. Tant qu'ils te sont destinés, en tout cas.

Une lueur indescriptible illumine ses traits, et je serre les dents. Cet éclat de confiance m'inquiète, j'ai l'impression qu'il annonce une catastrophe que je ne pourrais comprendre qu'une fois qu'elle aura tout ravagé. Lola soupire avec ostentation, puis s'assoit sur le bureau d'un blanc immaculé qui se trouve juste derrière elle.

— Je connais bien des manières de te faire craquer, mon petit Prodige. C'est moi qui t'ai formé, souviens-toi.

Tendu à l'extrême, je lutte contre les heures que j'ai passées en tête-à-tête avec elle et qui se rallument une à une dans mon esprit. On dirait qu'elles cherchent à me rappeler que je n'ai aucune chance contre cette femme. Que je suis à sa merci depuis la seconde où je l'ai recontactée. Devant mon silence angoissé, Lola ricane.

— Tu ne croyais quand même pas que je t'avais fait venir ici sans t'avoir prévu un petit cadeau de bienvenue ?

Je ferme les yeux et mon stress augmente encore d'un cran. Le visage de Wayne apparaît derrière mes paupières closes et mon cœur disjoncte. Non, pas ça. À Eleven Stars, mes faits et gestes étaient surveillés de près, tout le monde a eu vent de ma relation particulière avec Gueule d'Ange, le petit nouveau. Lola n'a certainement pas fait exception à la règle, et elle est loin d'être idiote. Elle sait que je tiens encore à lui, et elle est bien consciente qu'il est beaucoup plus fragile et accessible que Gale. C'est une cible idéale. En l'atteignant lui, elle me détruit moi sans prendre le moindre risque. C'est tout à fait son genre.

— Allons, allons, ne fais pas cette tête... Tu n'aimes pas les surprises ? renchérit-elle, infantilisante.

— Il n'y a pas grand-chose que j'aime chez toi ou chez ta famille adoptive foireuse, lâché-je avec plus de dédain que prévu.

Furieuse, ma patronne bondit de son perchoir pour m'envoyer son poing dans la mâchoire. Peu surpris, je crache un rire caustique en repensant à toutes les fois où elle s'est entraînée avec moi.

— Jolie droite. Tu t'es améliorée depuis que je t'ai appris à frapper convenablement.

Lola me fusille d'un regard menaçant que je soutiens malgré la peur sourde qui bat toujours dans mes tempes.

— Comment est-ce que tu peux parler de Gambino comme ça ? s'indigne-t-elle. Je te signale que sans lui, ton petit cul crasseux serait resté enfermé au pensionnat du New Jersey avec ton meilleur copain, Rodolphe Robinson.

Touché.

— Je dois être le pire des ingrats, t'as raison, marmonné-je en réprimant un frisson à l'évocation de l'épisode le plus sombre de mon existence. C'est vrai que sortir d'un trou à rats où je me faisais défoncer la gueule pour finir dans un endroit où on me tabassait pour que j'obéisse, ça a été l'opportunité de ma vie.

Ma patronne souffle, puis lève les yeux au ciel. Mon comportement semble l'exaspérer, pourtant elle ne se met pas en colère comme Eleanor l'aurait fait. Son manque de réaction me perturbe. Il me déstabilise tellement que j'en viens à me demander si elle n'a pas compris que même moi, je ne crois pas au moindre mot qui s'échappe de ma bouche. J'ai beau essayer de me convaincre qu'Eleven Stars a détruit plus de choses qu'elle n'en a construites, je n'arrive pas à me sortir du crâne l'idée que cette entreprise m'a sauvé. En faisant de moi un criminel, Gambino m'a sorti de l'enfer. En me formant à la violence, Lola m'a aidé à ne plus en avoir peur. En m'intégrant dans leur monde sanglant, ils m'ont extirpé d'un système qui était en train de me broyer.

— Alors pourquoi est-ce que t'as fait des pieds et des mains pour revenir, le Prodige ? T'en avais marre que personne ne soit là pour te botter le cul, peut-être ?

— Tu sais exactement pourquoi je suis là, grincé-je.

— Mais tu es venu pleurnicher dans mes jupons tout seul, West. Je ne t'ai obligé à rien.

Je baisse la tête. Elle a raison, elle ne m'a pas forcé la main. Je suis là par choix.

Deux coups résonnent dans la pièce et Lola se retourne en même temps que je me concentre sur l'entrée. Un homme musclé apparaît dans l'embrasure de la porte, surplombant notre patronne de toute sa hauteur.

— On a ce que vous vouliez, madame, annonce-t-il d'un ton grave alors qu'un autre plus aigu s'énerve derrière lui.

La voix exige qu'on la relâche, elle s'impatiente, elle geint mais elle est encore trop lointaine pour que je sois en mesure de la reconnaître.

— Bien. Amenez-la ici. Et faites-la taire ! admoneste Lola.

Son chien de garde hoche la tête, puis fait demi-tour. La porte se referme dans un bruit sourd, j'entends le type grogner sur la furie qui ne décolère pas, et quelque chose claque. Un gémissement éclate, la voix s'estompe. Mon cœur bat la chamade ; la voilà, ma surprise. Est-ce que c'est Ginny que j'entends se débattre ? Ou bien Jess ? Non, impossible. Ils n'iraient pas jusqu'à New York dans le seul but de me menacer, ce serait trop risqué. Alors à qui peut bien appartenir ce timbre clair ? Mon estomac se retourne alors que le visage de Sky clignote dans mon esprit. Non... Pas ça. Pas elle.

— On dirait bien que ton petit cadeau est arrivé, le Prodige, s'amuse Lola en tapant sur le verre sablé qui nous sépare de ses larbins.

Les molosses entrent dans la pièce avec une fille qui se débat énergiquement contre leur poigne de fer. Malgré le sac qui recouvre son visage et qui rend sans doute l'oxygène inaccessible, l'inconnue tire sur ses bras frêles, balance ses jambes effilées dans tous les sens, tortille son corps tout menu sans jamais s'arrêter. Après quelques secondes à l'observer s'étouffer sous le textile, Lola le lui retire d'un coup sec puis dépose son arme sous le menton de sa victime pour qu'elle arrête de gesticuler. Ses cheveux auburn recouvrent la moitié de ses traits, pourtant la colère s'enflamme quand même dans ma poitrine. Je connais cette fille. Elle et son blouson en cuir bleu, elle et son étrange intérêt pour moi, elle et son audace... Putain, mais comment ils l'ont trouvée ?

— Toi ?! m'insurgé-je, foudroyant la petite amie de Wayne du regard. 


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Salut tout le monde, comment ça va ? 

De mon côté, je fais pas mal de bêta, ça avance, les livres devraient bientôt sortir, j'ai trop hâte de pouvoir vous en parler et de vous bombarder sur les réseaux, tellement je suis fier de bosser sur cette saga avec la ME et l'autrice. J'espère que ça vous donnera envie d'acheter les bouquins et de découvrir le dernier tome (ou les 3 tomes si vous connaissiez pas). En tout cas moi je vous le dis, ça vaut le coup d'attendre. Cette expérience avec une ME et une autrice plus expérimentée que moi est vraiment épanouissante, j'apprends plein de choses sur moi, sur l'écriture, sur ma propre plume, sur la construction d'un récit, c'est hyper enrichissant. 

À côté de ça, je fais de la bêta et encore plus de bêta sur une autre petite histoire qui pourrait un jour sortir sur Wattpad, mais rien n'est sûr. En tout cas c'est une expérience différente, mais tout aussi enrichissante. Et puis à côté j'avance bien sur Je N'ai Plus Peur, il ne me reste plus qu'une partie et j'ai terminé le chapitre 13. J'essaie de prendre un peu d'avance pour pouvoir toujours vous proposer les chapitres en temps et en heure ici. Mais en tout cas, ça avance et on arrive très bientôt aux derniers chapitres réécrits. À partir du chapitre 11, ça redevient des chapitres complètement inédits (et je recommence à stresser, aha !).


Bref bref, en attendant tout ça, let's talk :

J'ai attendu SI LONGTEMPS pour avoir vos réactions sur la phrase de West, que je suis incapable de ne pas vous poser de question dessus : Qu'est-ce que vous pensez de ce qu'il a dit, du fait qu'il ait fait ça par choix ? 

Et Liv, alors, qu'est-ce qu'elle fait là ? Pourquoi elle ? 

On fait enfin la vrai connaissance de Lola, elle vous inspire quoi ? Elle vous paraît si dangereuse qu'elle n'a été décrite ou pour l'instant ça va ?

Et la musique, alors ? On revient aux bases avec Tommee Profitt, ça vous plait ? 


Voilà, c'est tout pour moi. On se retrouve samedi pour la suite. 

Je vous souhaite une belle fin de journée, les potes.

Prenez soin de vous. 

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