Chapitre 8 | 3
"I'm so sick of this shit
Running through my head.
Maybe it's who I am,
And there's no more excuses."
Hate Myself – Arm The Witness. (En média).
— Putain, mais c'était quoi, ça ?!
La porte n'a pas le temps de claquer derrière moi que ma colère éclate déjà. Planté devant la table de la cuisine, Wayne lève un sourcil alors que sa copine le rejoint sans prêter attention à la haine pure que je lui envoie à la figure.
— Qu'est-ce que tu cherchais à faire au juste, Liv ? Tu voulais traîner West jusqu'ici pour marquer ton territoire, c'est ça ?
Tentant de calmer mes pulsions ravageuses, je m'appuie durement sur le meuble qui nous sépare. Sur la seule barrière physique qui m'empêche de péter les plombs et de faire voler ma rage à travers la pièce. Hébétée par la noirceur épineuse qui doit grandir dans mon regard, la cause de ma fureur n'esquisse plus le moindre mouvement. Elle reste là, à me dévisager comme si elle ne voyait pas ce qui pourrait bien poser problème. Comme si elle n'avait pas voulu faire de mal à West. Elle le fait exprès, c'est pas possible.
— Tu voulais prouver quoi, hein ? Que t'as un assez joli cul pour avoir réussi à foutre Wayne dans ton lit ?!
Mes mots cinglants dépassent ma pensée, Liv semble les recevoir comme de violentes gifles, pourtant ça ne m'atteint pas. Je ne parviens pas à avoir pitié d'elle après ce qu'elle a fait. Elle n'avait pas le droit de se servir de l'amour de West contre lui. Et puis je ne comprends pas pourquoi elle l'a fait venir ici, pourquoi elle s'est agrippée à son mec en fixant mon frère comme un ennemi à abattre. Après tout, Wayne n'avait aucun moyen de retrouver son amour perdu, elle n'avait aucune raison d'être jalouse. Alors pourquoi chercher à tout prix la confrontation ?
— Fais attention à ce que tu dis, Gale, crache Wayne.
Son ton glacial plonge la pièce dans un silence pesant, et il se place devant Liv avec un air protecteur. Mais pour qui est-ce qu'il me prend ? Il me croit quand même pas capable de violence envers elle ? Il peut pas penser ça, putain. Un flash de ma mère qui se précipite vers moi pour éviter l'assiette que mon vieux balance contre le mur me revient en mémoire et une puissante nausée me retourne l'estomac. Je ne suis pas comme ça.
— Que moi, je fasse attention à ce que je dis ? m'impatienté-je, la voix perdue entre l'amertume et la détresse. Mais putain, Gueule d'Ange, réveille-toi ! Tu l'as pas vue se coller contre toi en s'amusant à jauger West ?
Wayne fronce les sourcils, et je soupire. Bien sûr qu'il n'a rien vu, il était déjà submergé par l'océan dans lequel il n'a pas hésité à se noyer.
— T'as pas remarqué à quel point West était blessé et à quel point elle, elle était fière de sa connerie ?! Je veux bien plein de choses, Wayne. Je veux bien la tolérer, l'accepter, essayer de la comprendre, même, s'il faut, mais je la laisserai jamais faire du mal à mon frère gratuitement. C'est hors de question.
Liv s'apprête à m'envoyer une réponse houleuse à la figure, mais le timbre à la fois calme, implacable et dénué de la moindre émotion de son petit-ami la coupe dans son élan.
— Et je suis censé lui en vouloir d'avoir fait souffrir le pauvre petit West, c'est ça ? sourit presque Wayne, méconnaissable. Lui, il peut anéantir n'importe qui, mais s'il se prend le retour de bâton, c'est la fin du monde ?
Il marque un temps d'arrêt, puis lâche un rire sec avec plus de cynisme que je ne lui en avais jamais connu.
— Évidemment que c'est ça. Tu ne supportes pas qu'on ait quoi que ce soit à redire sur ton précieux West.
En ébullition, je serre les dents. Mes poings fermés à m'en faire mal tremblent, ma respiration devient difficile à contrôler, mais je puise dans ce qu'il me reste de force pour tenter de retrouver un semblant de calme. Je ne peux pas exploser. Pas sur lui, il est beaucoup trop fragile. C'est sa souffrance qui parle, j'en suis certain. Je ne dois lui faire payer sa douleur, je n'ai pas le droit de lui faire ça.
— Écoute, je comprends que tu lui en veuilles, mais utiliser ses sentiments pour toi contre lui, c'est...
— Ses sentiments pour moi ?!
L'agressivité de Wayne éclate dans la salle, nous maculant tous les trois d'une tristesse fracassante. Je devrais désamorcer la situation, je devrais l'aider à redescendre, mais aucun son ne parvient à sortir de ma bouche. Je sais que ce serait mieux pour tout le monde que je prenne sur moi et que je tente de dissiper son animosité, pourtant la flamme qui m'anime est beaucoup trop puissante. Je ne suis pas assez fort pour lui faire face. J'ai besoin de cette conversation. Il faut que ça sorte d'une façon ou d'une autre, même si ça doit faire saigner mes plaies les plus profondes.
— Mais quels sentiments, Gale ?! Il est parti, bordel ! Il s'est barré, il nous a abandonnés tous les deux ! Comment tu peux encore le défendre ?
Un sanglot déchirant échappe à mon ami alors qu'il plaque son poing contre ses lèvres en fixant le sol comme pour endiguer ses larmes. Ébranlé par sa peine omniprésente, je ferme un instant les yeux. Son chagrin le consume toujours autant, et ça me tue. Liv passe du visage de son copain au mien, sans comprendre. Elle ne s'attendait pas à devoir affronter les fêlures de Wayne aujourd'hui. Est-ce qu'au moins elle se rend compte de ce que peut représenter West pour l'homme qu'elle aime ?
— Je le défends pas, Wayne... Je dis pas qu'il a pris la bonne décision. Je dis pas non plus que t'as pas le droit de lui en vouloir de t'avoir laissé comme ça. Tout ce que je dis, c'est que Liv avait pas à le torturer comme ça...
— Le torturer ? Le torturer ?! s'étrangle-t-il. Mais c'est lui qui me torture ! Son absence me torture ! Son satané regard bleu qui refuse de me lâcher me torture ! Ce qui s'est passé à l'intérieur de moi quand il a débarqué tout à l'heure me torture ! Tout ce que je ressens envers ce mec me détruit, tu comprends, ça ?
Deux ruisseaux humides traversent son visage, et Liv reste pantelante. Elle paraît rongée par la culpabilité. Dans un geste prudent, elle s'approche de son petit ami, pose une main sur son torse, puis lui propose ses bras dans lesquels il s'engouffre la seconde d'après.
— Mon amour... Je suis désolée, je pensais pas que... excuse-moi...
Les traits de Wayne se crispent en même temps que mes muscles, mais il serre tout de même Liv contre lui.
— Ouais, excuse-toi, ouais. C'est la moindre des choses, putain, marmonné-je. Parce qu'en plus d'avoir fait du mal à tout le monde, y'a des chances que tu nous aies foutu dans la merde.
Je revois la mine inquiète de West alors qu'il était au téléphone avec Lola et ses mots me reviennent. Il a dit qu'il s'était fait suivre. Est-ce qu'il parlait de Liv ? Pourquoi l'a-t-elle suivi ? Je n'arrive pas à comprendre. C'était quoi son but ? Pourquoi elle a voulu retrouver West ? Et puis comment elle a pu savoir où il était ? Même moi, je n'en avais aucune idée. Une chevelure auburn passe devant moi, m'arrachant à mes interrogations.
— Peut-être que si ton pote vendait pas de drogue, on aurait pas à s'en faire, crache Liv.
Wayne se fige, et mes muscles se tendent un par un.
— Il... Il quoi ?
Le timbre tremblant de fragilité, Wayne dévisage sa petite copine, une immense déception suintant de chaque pore de sa peau.
— Wayne, non, attends... Ne le juge pas trop vite...
Il me fusille du regard et ma voix s'éteint.
— Parce qu'en plus, tu le savais ?
La rancœur qui émane de lui me noue l'estomac.
— Il vend de la drogue, et toi t'étais au courant ? répète-t-il, à deux doigts de craquer.
Les yeux clos, je prends la plus grande inspiration possible. J'ai envie de hurler. Liv est en train de souffler sur un château de cartes déjà chancelant, et je ne suis pas sûr de pouvoir le protéger de la chute, cette fois.
— Non. Non, je ne le savais pas, Wayne. Je l'ai appris dans l'escalier. Mais... Faut que tu lui fasses confiance. Je suis sûr qu'il a pas eu le choix, y'a forcément une explication...
Wayne secoue la tête avec frénésie, luttant visiblement contre les perles salées qui menacent encore de noyer ses joues esquintées.
— On risque notre vie, on lui donne une chance de quitter ce milieu, et lui... il y court ?
Mon rythme cardiaque s'accélère. Non. Il ne peut pas penser ça de West, pas lui. Je refuse de le laisser croire que mon frère n'est rien d'autre qu'un escroc incapable de s'en sortir.
— Non, c'est pas ça... Je te jure que c'est pas ça, le supplié-je. Il est sous les ordres de quelqu'un de puissant, Wayne. De quelqu'un de très puissant. Plus que Ian, plus qu'Eleanor. Et bien plus intelligent, aussi. On sait pas ce qui se passe, peut-être qu'elle nous a menacés, peut-être que West cherche juste à nous protéger... Peut-être qu'il a pas le choix ! Je t'en prie, laisse-lui le bénéfice du doute... Laisse-lui le temps de nous en parler...
Mon ami me lance un regard perdu, et je comprends que mon discours a réussi à l'atteindre malgré le doute, malgré les paroles de Liv, malgré l'amertume. Le lien qu'il entretenait avec West est trop fort, beaucoup trop profond pour qu'il se fasse détruire aussi facilement. Il ne faut surtout pas qu'il cède maintenant, parce que je crois bien que c'est la dernière branche qui maintient Wayne au-dessus du vide. C'est la dernière lueur qui le sauve de la chute mortelle.
— Écoute, ajouté-je pour tenter de le convaincre encore un peu plus, il m'a donné un téléphone. Ça veut dire que maintenant on a le droit de le joindre. Ça veut dire qu'il reprend contact, Wayne. C'est l'espoir qu'il nous manquait, tu crois pas ? Et puis, il a promis de revenir, tu l'as entendu...
Une boule se forme dans ma gorge déjà douloureuse, et j'essaie d'ignorer l'angoisse pure que j'ai ressentie dans la dernière étreinte que m'a offerte mon petit frère avant de s'en aller.
— Il va nous raconter. Je suis sûr qu'il va nous expliquer tout ce qu'il se passe. Il a une bonne raison de faire ça, j'en suis convaincu.
Septique, mon camarade grimace, mais hoche tout de même la tête comme pour répondre à ma prière silencieuse. Comme si, à ses yeux, j'étais celui qui avait droit au bénéfice du doute. Un léger soulagement me parcourt, alors que Liv me scrute. Elle ne semble pas saisir ma foi aveugle en West, mais je ne relève pas. T'as pas à comprendre ça, c'est pas tes oignons. Dans un soupir, je me tourne vers l'évier puis me passe un peu d'eau dans la nuque pour faire redescendre la pression.
Un bruit sourd éclate soudain dans l'appartement, et je me précipite vers Wayne et sa copine alors que la porte d'entrée s'écrase sur le sol. Six hommes armés pénètrent dans la pièce, les canons de leur attirail pointés vers nous.
— Non, pas ça... putain, pas ça...
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Coucou tout le monde, comment ça va ?
Ici c'est la grande fatigue, mais ça bosse bien. Je devrais pouvoir commencer le chapitre 13 de Je N'ai Plus Peur ce soir ou demain. Et j'ai de plus en plus d'idée qui se bousculent dans ma petite tête. Et des tas de nouveaux projets qui fleurissent, aussi. Du coup c'est pas hyper pertinent, mais ça me fait plaisir de vous l'annoncer.
Je voudrais profiter de cette publication pour remercier tout particulièrement @Crystal-Darkness pour sa présence. Tu m'as laissé un peu plus de 700 notifications et tes commentaires, tes réactions me boost énormément. Merci de prendre le temps de me lire et de commenter, surtout. Les commentaires, comme je vous le dis souvent, c'est ce qui me touche le plus. J'aime voir vos réactions à chaud, comprendre ce qu'il se passe dans vos têtes, lire vos hypothèses... Juste voir que ça vous fait réagir, c'est incroyable pour moi. Alors merci.
À part ça, vous comprenez la colère de Gale ? Elle est justifiée, selon vous, ou il y va un peu trop fort ?
Vous êtes d'accord avec lui sur le fait qu'il faille laisser le bénéfice du doute à West, ou vous pensez qu'il a vraiment fait n'importe quoi ?
Et la réaction de Wayne, alors, vous en pensez quoi ? Vous pensez qu'il a raison de prendre la défense de Liv ? Vous comprenez qu'il en veuille à ce point à West ?
À la fin, qu'est-ce qu'il se passe d'après vous ? Des hypothèses ?
La musique, je l'ai découverte par hasard, c'est Deezer qui me l'a proposée. Je l'aime bien, j'espère qu'elle vous plaît aussi.
Voilà, c'est tout pour moi. Je vous laisse pour aujourd'hui et je vous dis à mardi (vraiment mardi, cette fois, je me trompe pas. Et la partie d'après ce sera samedi, pas de faux espoirs).
Prenez bien soin de vous, en attendant.
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