Chapitre 8 | 2

"Don't ever think that you aren't enough.

I'm sorry that you're paying for my mistakes

But I need you to believe

I wish I could've stayed."

Need You To Believe – Munn. (En média).


— Gale ? C'est qui ?

Dans mes bras, West se fige. Un tremblement le secoue, et je comprends qu'il n'a aucun mal à reconnaître la voix qui s'élève à quelques mètres de nous. Son front se dépose sur mon épaule alors que je sens son souffle chaud s'abattre sur mon torse. Il est complètement tétanisé. Petit à petit, notre étreinte se desserre, mais je ne bouge pas d'un millimètre. Je sais aussi bien que lui que cette fois, il ne pourra pas éviter cette confrontation, pourtant je ressens le besoin de renforcer l'ultime barrière qui sépare encore Wayne et West de leur souffrance mutuelle.

Mon frère recule d'un pas, prend une grande inspiration, mais ne lâche pas mon tee-shirt des yeux. Évitant à tout prix le regard de celui qui a fini par le remplacer, West serre les dents et je me rends compte qu'il est en train de se fermer. Il prépare cette protection imprenable dont je connais toutes les failles, et je dois bien avouer que je n'aurais jamais cru qu'il l'utiliserait un jour face à Wayne. Hermétique à tout sentiment extérieur, ses sourcils sont froncés, son air semble froid, mais ses prunelles, elles, ne mentent pas. Elles ne laissent pas le moindre doute quant à la puissance de la tempête qui le dévore de l'intérieur.

— C'est moi, lâche-t-il, glacial.

Il se décale vers la droite pour entrer dans le champ de vision de son interlocuteur, et je ne peux pas m'empêcher de faire volte-face pour dévisager Wayne. Inquiet à l'idée qu'il se noie ou qu'il fasse couler West, je me tiens prêt à m'interposer, quitte à exploser avec eux. Mais lorsque j'aperçois l'éclat vert scintiller dans le regard de mon ami, toutes mes craintes s'effacent. J'en oublierais presque le cataclysme qui risque d'éclater. Tout ce que je suis capable de voir, c'est cette lumière. Celle qui n'apparaît dans les yeux de Wayne que lorsqu'il se met à chanter, que lorsqu'il s'autorise à redevenir le mec vulnérable que j'ai rencontré il y a quatre ans. Comment j'ai pu passer à côté de ça ? Comment j'ai pu ne pas comprendre que cette lueur pouvait réapparaître aussi facilement ?

— West...

L'émotion qui traverse le ton déchiré de mon camarade me foudroie, elle me transperce. Le cœur au bord des lèvres, je hasarde un œil prudent vers West et remarque que la souffrance pure de son ancien amour le démolit au moins autant que moi. Hors de contrôle, le torse de Wayne se soulève de plus en plus vite alors que sa respiration devient rauque et sifflante. Il fait un pas en avant, et je pourrais jurer qu'il s'apprête à rejoindre West mais Liv ne le laisse pas faire. Elle se plante à ses côtés puis glisse sa paume sur son torse en défiant mon frère du regard. Obnubilé par l'ouragan qui s'agite devant lui, Wayne réagit à peine. Il passe son bras autour de Liv dans un geste automatique, mais semble si fasciné par les vagues qui déferlent dans sa direction que je ne suis pas certain qu'il se rende bien compte de ce qu'il fait. Préoccupé par le petit jeu de Liv, je m'empresse de me reconcentrer sur West. Découvrir leur relation aussi brutalement va l'anéantir. À la seconde où mes prunelles se posent sur lui, mon ventre se tord. Une tristesse intense manque de déborder sur ses joues, mais son regard s'évanouit vers le sol juste à temps pour masquer sa réaction.

— Salut, Wayne.

Le ton dur de mon frère résonne dans l'immeuble silencieux, et je reconnais bien là le son rauque des larmes qu'il retient de toutes ses forces. Je n'ai même pas besoin d'analyser les messages que son corps crispé m'envoie pour comprendre qu'il se barricade. Il s'oblige à faire face sans rien laisser paraître. Il pense que c'est mieux pour Wayne. Que c'est mieux pour tout le monde. Cette simple idée me file la gerbe, pourtant je sais que je ne me trompe pas. Je connais West par cœur. Appuyé contre le mur, les poings serrés, il fuit Wayne, il le rejette. Comme s'il se pensait beaucoup trop instable pour mériter d'être aimé sans condition, comme s'il était persuadé qu'il pouvait détruire Wayne par sa simple présence. Le pire, je crois, c'est lorsqu'il relève la tête vers moi pour trouver un peu de réconfort, mais que la culpabilité continue de brûler dans ses yeux.

Ses prunelles ancrées dans les miennes, j'ai la sensation que nos positions viennent encore de s'interchanger ; il n'est plus mon pilier, et je suis redevenu sa bouée de sauvetage. Je donnerais tout ce que j'ai pour réussir à lui maintenir la tête hors de l'eau, à l'aider à respirer mais cette fois on dirait bien que je ne peux rien pour lui. Cette fois, l'amour de Wayne, ou son pardon, semble être la seule chose qui pourrait vraiment l'empêcher de sombrer. Impuissant devant sa détresse, une rage explosive s'embrase à l'intérieur de ma poitrine et je fusille Liv d'un regard assassin qu'elle fait mine de ne pas remarquer. Mais à quoi elle joue ? Pourquoi elle a entraîné West jusqu'ici ? Pour le faire souffrir ? Pour lui montrer que Wayne est passé à autre chose ? Je ne comprends pas quel intérêt elle aurait à faire un truc pareil. Et puis d'abord, comment est-ce qu'elle a trouvé West ? Comment elle a pu savoir que c'était lui ? Qu'est-ce qu'elle a bien pu lui dire pour le convaincre de se ramener dans ce trou à rats ? Les vibrations d'un téléphone m'extirpent de mes pensées rageuses, et j'observe mon frère soupirer devant son écran allumé. Il me jette un coup d'œil coupable avant de décrocher.

— Lola, articule-t-il, les paupières closes.

Ma colère s'envole, laissant place à un sentiment profond d'insécurité.

— Je sais, je sais... Non, je n'ai pas...

West souffle bruyamment puis passe une main sur sa nuque, tendu. À mon tour de fermer les yeux. S'il a l'air si inquiet, c'est que Lola n'est pas contente. Et si Lola a quelque chose à lui reprocher, alors il va le payer cher.

— Écoute, il y a eu un problème... On était suivis, et on aurait pu se faire griller. J'ai juste fait ce qu'il fallait pour éviter ça.

Sa voix toujours enrouée se veut plus cassante, mais dès que Lola lui répond, il serre les dents et passe une main sur son visage.

— Dans quarante-cinq minutes... Oui... J'ai compris.

Mon frère lève soudain le nez vers le plafond en prenant une inspiration vive. Ses prunelles se mettent dangereusement à briller alors qu'il secoue la tête avec frénésie.

— Non, non, s'agite-t-il. T'as pas besoin de faire ça, fais pas ça, putain. Je serai là, okay ? Je serai au rendez-vous. Tu sais que j'y serai !

Stressé, il fixe un instant son portable et je devine que son interlocutrice a raccroché. Ça sent pas bon. Après quelques secondes de torpeur, West expire en replaçant son bras contre ses côtes.

— Je suis désolé, je dois... Eh merde. Faut que j'y aille, marmonne-t-il sans parvenir à regarder qui que ce soit en face.

Attends. L'angoisse me gagne de nouveau alors que je comprends tout juste le sens de sa conversation avec Lola. Dans quarante-cinq minutes, il doit la rejoindre. Un spasme violent me traverse, et je me précipite vers lui au moment où il s'éloigne. Je le rattrape in extremis, puis le force à faire demi-tour pour pouvoir le prendre dans mes bras. À peine surpris, il me serre contre lui avec une force désespérée et je comprends qu'il partage mon anxiété. Comme si... Comme s'il avait peur de ne pas sortir vivant de cette entrevue avec le diable.

— T'as fait un truc qui a pas plu à Lola, frérot ? chuchoté-je alors que West se raidit contre moi.

— J'ai planté un dealer que je devais aider, lâche-t-il de but en blanc. Elle doit penser que je veux la doubler.

J'accuse le coup sans rien dire, partagé entre déception et effroi.

— Tu... Tu travailles pour elle ?

Il hoche la tête, et je me fige. Non. Il ne peut pas avoir fait ça. Il ne peut pas avoir replongé. C'est pas possible, putain.

— Je suis désolé, Gale. Je suis tellement désolé... me supplie-t-il alors que son étreinte se resserre autour de mes épaules.

Ses doigts s'accrochent à mon tee-shirt dans un bouleversement qui me coupe en deux. Il a peur que je m'en aille. Il est terrorisé à l'idée que son aveu ne me fasse disparaître, et constater qu'il redoute à ce point mon départ me tord les boyaux.

Même pas en rêve, t'entends ? Même pas en rêve.

West a été abandonné toute sa vie, je ne serai pas celui qui répétera son schéma. Quelles que soient ses erreurs, je serai toujours à ses côtés.

— Je te lâche pas, petit frère. Je te lâcherai jamais.

Sa panique se calme un peu, et nous finissons par nous séparer. Il m'envoie un dernier regard baigné de reconnaissance, puis tourne les talons pour de bon.

— Attends, tu viens ici après trois ans d'absence, et tu te barres sans rien dire ?

Le timbre affligé de Wayne stoppe West dans son élan. Il s'arrête net devant la porte, comme paralysé.

— T'as pas le droit de faire ça. T'as pas le droit de t'en aller comme ça encore une fois. T'as pas le droit...

La déchirure qui perce l'atmosphère me vrille le ventre, et les épaules de West s'affaissent.

— Je suis désolé, Wayne. Vraiment désolé. C'est pas ce que je voulais...

Mon frère se racle la gorge quand sa voix déraille, sans parvenir à retrouver son impassibilité.

— J'essaierai de revenir, je te le promets... 


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Coucou tout le monde, 

J'ai vraiment ressenti plein de choses en écrivant et réécrivant ces deux parties de chapitres. (La suivante aussi, mais c'est différent). Donc j'espère que vous en ressentez un peu, vous aussi, et j'espère que ce chapitre vous plait. 

En parlant de chapitre, j'ai presque fini les deux tiers de mon chapitre en cours d'écriture, donc je vais bientôt pouvoir passer au chapitre 13 de Je N'ai Plus Peur. Ça me fait un peu bizarre, d'ailleurs, parce que pour N'aie Pas Peur, le 13, c'était la moitié du roman et pour celui-ci, je n'en ai pas la moindre idée. Si ça se trouve, je suis à la moitié de mon histoire et je ne le sais même pas. En tout cas, j'ai hâte de m'y remettre et hâte que vous lisiez les nouveaux chapitres. 

D'ailleurs Je N'ai Plus Peur vient de dépasser les 1K lectures et c'est un petit palier super important pour moi, alors merci beaucoup les potes. Merci d'être là, merci de prendre le temps de lire et aussi de commenter. Merci pour vos pluies d'étoiles. Merci. 


Alors, on me déteste ? Ou on déteste Liv ? Ou peut-être Lola ? (Vu que la team West déteste jamais West, lol). 

Qu'est-ce que vous pensez de la réaction de Wayne quand il a vu West ? Vous vous attendiez à ce genre de réaction ? 

Quant à celle de West, selon vous, elle est appropriée ? Vous pensez qu'il fait bien de se refermer comme ça ou selon vous il fait une erreur ? 

Et Liv alors, elle joue à quoi ? Gale n'a pas l'air très fan de ce qu'il se passe, et vous ? 

La musique, c'est un petit artiste que j'affectionne tout particulièrement. Il est pas hyper connu, donc si jamais vous avez apprécié cette chanson, n'hésitez pas à passer voir ce qu'il fait !


Voilà, c'est tout pour moi. Encore merci, les potes. 

On se dit à mardi. 

Cœurs sur vous. 

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