Chapitre 6 | 1

"Though I am breaking down again.

I am aching now to let you in."

Hurricane – Fleurie. (En média).


— C'est West que tu es allé voir hier, n'est-ce pas ?

Les prunelles de Wayne brillent d'une émotion si intense que j'aurais presque peur de lui répondre. Un peu réticent à l'idée qu'on ait cette conversation, je soupire. Je savais bien qu'il finirait par m'en parler ; je crois même qu'au fond, j'espérais qu'il réussisse à se libérer. Pourtant je ne peux pas m'empêcher de douter. Avant-hier, je suis allé dans cette foutue prison pour voir mon frère, et quand je suis revenu, Wayne s'était muré dans le silence. Un silence dur, un silence pesant, un silence qui nous punissait tous les deux. Il ne m'a pas adressé la parole depuis, comme s'il avait besoin de temps pour réfléchir, pour parvenir à mettre des mots sur sa peine. Pour parler de West sans s'effondrer. D'un côté, je voudrais pouvoir échapper à cette discussion parce que je sais qu'elle peut très vite dégénérer, mais de l'autre, je refuse qu'il retienne tout ce qui le ronge. Je ne veux pas qu'il garde sa douleur pour lui jusqu'à ce qu'elle explose par elle-même parce que je ne sais que trop bien ce que ça peut engendrer.

— Ouais, c'était lui, Wayne, lâché-je en tentant de prendre le ton le plus détaché possible.

J'ai beau me la jouer nonchalant à souhait, je suis incapable de quitter mon ami des yeux pour essayer d'anticiper, de décrypter chacune de ses réactions. Les dents serrées, il baisse la tête avant de faire volte-face comme si quelque chose le frappait. Son regard vagabonde alors vers la fenêtre qui donne sur la ruelle sale, et je l'entends souffler une deuxième fois sans arriver à savoir s'il s'efforce de contrôler les sentiments qui le submergent ou si la rue en contrebas lui rappelle autant de souvenirs qu'à moi.

— Est-ce qu'il va bien ? murmure-t-il, la gorge nouée.

Hésitant, je prends une longue inspiration en m'enfonçant dans le fond de ma chaise. Focalisé sur le cendrier transparent que McFarlane a fini par me donner, je cherche des mots qui ne viennent pas. J'observe ma cigarette qui se consume. Je contemple sa fumée qui flotte. Le tabac brûle, j'ai l'impression qu'il me dérobe mes bouffées d'oxygène pour pouvoir s'envoler, s'enfuir de l'atmosphère polluée par toute cette souffrance sourde.

— Je crois. Enfin... il va aussi bien qu'on peut aller quand on a été enfermé pendant plus de deux ans, je suppose...

Les mains à plat sur l'évier en inox, Wayne s'appuie sur celui-ci tandis que son menton s'affaisse en rejoignant son torse. Il me tourne le dos, mais je suis sûr que ses paupières sont tombées. Je sais qu'il est tiraillé par tout ce qui boue dans sa poitrine et qu'il essaie de ne pas se faire emporter.

— Si tu attends de moi que je le plaigne, tu ferais mieux de ne pas trop espérer, crache-t-il.

Ma mâchoire se contracte, mes muscles se crispent, et les battements de mon cœur s'intensifient jusqu'à résonner dans mes tempes. Désirant adoucir la colère pure qui enfle dans ma cage-thoracique en feu, j'attrape vigoureusement tout l'air que mes poumons peuvent contenir, puis fixe le récipient en verre. J'admire la chute du morceau de cendre qui se détache de la braise, épuisé par l'ambiance tranchante, et la pression redescend un peu.

— Écoute... Je comprends que tu lui en veuilles, mais...

— Mais c'est un gentil garçon avec un cœur en or, c'est ça ?

L'amertume cinglante que je perçois dans sa voix me coupe en deux : je ne l'ai jamais entendu parler de West avec autant de mépris. J'aimerais me dire que c'est sa douleur qui hurle à sa place, mais je dois bien avouer que l'incertitude s'installe de plus en plus dans ma tête.

— Tu vas me faire le numéro du pauvre gamin martyrisé du New Jersey, aussi ? ajoute-t-il, acerbe.

Mon agressivité remonte en flèche, je me lève d'un bond et frappe violemment la table de mon poing fermé à m'en faire mal. La chaise grince, le coup détonne, le bois craque, et la clope s'effondre à côté de la cendre fragile. Je ferme les yeux quelques secondes, le temps d'endiguer la brûlure puissante qui flambe à l'intérieur de moi : ma rage ne peut pas se retourner contre Wayne. Je n'ai pas le droit de me laisser noyer. Il faut que je reprenne le contrôle.

— Ne va pas trop loin, Gueule d'Ange.

Ma voix tremble de fureur, mais j'essaie de toutes mes forces de dompter la haine qui pulse dans mes veines.

— Que t'en veuilles à mort à West, c'est une chose. Que tu te sois mis en tête de me faire croire que tu le hais pour que la douleur soit plus supportable, je peux essayer de comprendre. Mais t'as pas intérêt de parler du New Jersey comme ça. West t'a peut-être raconté des trucs, je t'ai peut-être raconté des trucs, mais tu n'y étais pas. Tu n'as pas la moindre idée de ce qu'on a pu vivre là-bas, et tu connais pas la moitié de ce qu'on nous a fait subir. Alors fais semblant de détester West, insulte-le de tous les noms, mets-toi en rogne, mais je t'interdis de faire comme si notre passé avait été une putain de partie de plaisir. Je t'interdis de sous-entendre que West se fait passer pour une victime parce qu'il a beaucoup plus de courage que tu n'en auras jamais.

Le regard sévère, je garde des gestes neutres, presque insensibles alors que Wayne se tourne vers moi, visiblement touché par mon ton froid et cassant. Dans ses yeux, une immense désolation me montre à quel point il a conscience d'avoir franchi la limite, mais ça ne m'arrête pas pour autant.

— Donc vas-y, balance-moi ta hargne au visage si tu veux mais la vérité ne changera pas et West te manquera toujours.

L'éclat de culpabilité qui voilait les traits de mon ami s'estompe, laissant place à une haine explosive que sa détresse ne cesse d'alimenter depuis le départ de son ex-petit-copain. Ses mains tremblent, sa respiration s'emballe, et je comprends qu'il va enfin lâcher prise. Il va enfin me dire ce qu'il a sur le cœur.

— Je ne fais pas semblant de le détester pour me sentir mieux, je te le déteste vraiment !

La rage qui semble crépiter en lui fait bouillir ses larmes, qui s'écroulent sur son visage. Putain, j'ai l'impression de ressentir son sentiment de trahison jusque dans ma poitrine.

— Je le hais d'être parti sans explications ! Je le hais de m'avoir abandonné au moment où je pensais qu'enfin, on pourrait vivre ! Je le hais de s'être insinué en moi et de pas me laisser tranquille !

Ses phalanges blanchissent, sa voix déraille, sa tristesse coule sur ses joues rouges mais son regard, lui, ne flanche pas. Il me perfore de part en part, me noie avec le trop plein d'émotions qui paraît le ravager.

— Je le déteste parce qu'il avait toutes les raisons du monde de s'en sortir, et qu'il a fini en prison ! Il a fini en prison et je sais même pas ce qu'il fout là-bas !

Incapable de faire face à ses accusations implicites, je baisse la tête. Il sait que West m'a parlé. Il sait que je suis au courant de certains détails mais il sait aussi que je ne lui dirai rien. Ce n'est pas à moi de lui en parler, je ne suis pas celui qui a pris la décision de s'en aller et je ne suis pas le mieux placé pour lui expliquer les raisons de ce départ si bouleversant.

— Je le déteste parce qu'il a tout détruit ! hurle-t-il, à deux doigts de s'effondrer.

L'estomac en miettes, j'ai du mal à supporter la chute de Wayne sans réagir. J'aimerais trouver les mots, je voudrais pouvoir le calmer, mais aucun son ne parvient à passer la barrière de mes lèvres. Ses paroles sont trop violentes, elles me déchirent tellement qu'elles me réduisent au silence contre mon gré. Ce qui me touche le plus, je crois, c'est que j'ai l'impression d'entendre mon frère. Ça me pulvérise le cœur d'entendre de la bouche de Wayne ce que West ne cesse de se répéter, parce que c'est complètement faux.

— Il ne détruit pas tout, il... c'est pas aussi simple que ça, putain.

Ma gorge se serre, ma voix s'écorche et les larmes montent. Une angoisse intense envahit ma poitrine, alors qu'un passé que je préfèrerais oublier tente de me submerger pour me rappeler que je ne peux pas me permettre de craquer.

« Qu'est ce que je t'ai dit ? Je ne veux pas te voir chialer comme une fillette, pigé ? Mon fils ne sera pas une tafiole alors t'as intérêt de te comporter comme un homme, un vrai. »

— Bon bah alors vas-y, explique-moi ! Dis-moi ce qui s'est passé, bordel ! J'ai le droit de savoir, Gale !

La colère destructrice de Wayne m'arrache à l'acidité de mon vieux mais encore une fois, je ne suis pas en mesure de lui donner ce qu'il attend. Je ne peux pas lui raconter les déboires de West parce que, même moi, je n'en connais que la moitié.

— Je peux pas, Wayne. Je suis désolé.

— Merde !

De rage, Wayne balance la tasse qui se trouvait en face de lui. Cette dernière s'éclate sur le sol de la cuisine dans un bruit tonitruant alors qu'il envoie sa haine contre le mur juste derrière moi. Comme si j'avais peur que le coup ne me soit destiné, j'ai un mouvement de recul vif. Si on m'avait dit que le gamin perdu et apeuré que j'ai rencontré au bar pourrait m'intimider un jour, je ne l'aurais pas cru. Pourtant, maintenant qu'il maîtrise l'art du combat de rue, je sais qu'il peut avoir le dessus sur moi ; d'ailleurs il l'a déjà eu, et je n'ai pas trop envie de goûter à la puissance de ses attaques encore une fois. Furieux, mon ami me lance un regard sombre, avant de quitter l'appartement dans un claquement de porte brutal.

— Fait chier... soufflé-je en me laissant glisser sur le vieux plancher.

Désabusé, je passe des doigts tremblants dans mes cheveux alors que la détresse qui brillait dans les yeux de mon petit frère revient me hanter.

« Gale... Gale, je t'en prie... promets-le moi. Promets-moi de prendre soin de lui, de le protéger... Aide-le à survivre comme tu m'as appris à reprendre mon souffle... S'il te plait... »

Je ne sais pas si je reste longtemps planté là, les yeux fermés et la tête posée contre le mur à me remémorer les supplications déchirantes de West, mais je crois que ce silence, cette solitude, cette bulle provenant du passé me font du bien. Ils m'autorisent, pendant quelques instants, à oublier. J'oublie cet endroit répugnant, j'oublie les marques violacées sur les poignets de mon frère, j'oublie les plaies ouvertes dans le regard de Wayne, et j'oublie même le timbre rocailleux de mon géniteur qui résonne dans ma vie chaque seconde. J'efface mes douleurs et celles des autres. J'abandonne le temps à sa course contre la montre, et je reprends ma respiration. Je fais le vide, tout simplement.

— Gale ? Gale, est-ce que ça va ?

Toujours dans les abysses de mes souvenirs, je rouvre les yeux avec difficulté. Soudain épuisé, j'ai du mal à prêter attention à la longue chevelure auburn qui tombe en cascade sur de fines épaules à moitié nues et à l'odeur de vanille qui remplit la pièce.

— Tu t'arranges chaque fois pour te ramener quand ton mec est pas là juste pour me faire chier ou comment ça se passe ?

Un léger sourire s'installe sur les lèvres pulpeuses de Liv mais elle ne relève pas ma réflexion.

— Ray m'a appelée. Apparemment Wayne a un problème, j'ai besoin que tu m'aides. 


__________________

Salut tout le monde, 

Comment ça va ? 

Je ne sais pas s'il y a eu un bug, si c'est parce que c'était la période des examens, si c'est parce que je n'ai pas fait assez de pub ou si l'histoire ne plaît simplement plus, mais la partie précédente a eu très très peu de succès, le pire flop du livre, je crois... Du coup dites-moi si vous le voyez, quand même, histoire que je sache si c'est pas un bug. Ça m'a un peu démoralisé, je vais pas vous mentir, j'avais même plus envie de poster la suite, ce matin. Mais bon, je me suis dit "fuck off, let's do that" (ouais je me parle en anglais) et me voilà. Peu importe ce qu'il se passe, je me dis qu'il faut que je continue, que je lâche pas, parce que si je lâche alors j'arriverais jamais jusqu'à mon rêve. Du coup je continue de bosser, je lâche prise et on verra bien ce qui se passe. 

Du coup, j'espère que cette partie vous plaira et que la suite ne vous décevra pas. Et donc pour les gens qui restent, let's talk a bit.

Qu'est-ce que vous pensez de la colère de Wayne ? Et de ce que semble avoir fait West ? Team West ou team Wayne pour le coup ? 

Peu à peu, on commence à avoir des bribes du passé de Gale et surtout de son père, vous pensez quoi de ce qu'on sait de lui ? Vous imaginez le passé de Gale comment ? 

À la fin Wayne a un problème, d'après vous, de quel problème s'agit-il ? Qu'est-ce que vous prévoyez comme genre de catastrophes, cette fois ? 

Voilà, c'est tout pour moi. Je vais essayer de faire un peu plus de pub à cette partie, sait-on jamais. J'espère que vous serez au rendez-vous et j'espère que vos examens se sont bien passés. Pour celleux qui les ont eus, bravo à vous. Pour celleux qui sont au rattrapage, bon courage à vous, vous allez tout déchirer, ayez confiance en vous. Pour celleux qui les ont pas eus, vous laissez pas démoraliser, retentez votre chance si vous le souhaitez, sinon trouvez votre voie autrement. Les diplômes ne nous définissent pas et ne définissent pas nos capacités ou notre intelligence. N'oubliez jamais ça. 

Plein de cœurs sur vous. 

À très vite. 

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