Chapitre 5 | 2
"This is not goodbye,
I know we'll meet again
So let your life begin."
This Is Not Goodbye – Sidewalk Prophets. (En média).
Une marche après l'autre, je grimpe mollement sur les gradins en bois abîmé de la cour du pénitencier, alors que Ash se laisse tomber sur l'une d'entre elles. Il ne dit rien, moi non plus. La conversation de ce midi m'a beaucoup secoué, je préfère que le sujet ne soit plus abordé, et il me semble que mon ami le comprend. Je ne m'attendais pas à ce que cet incident ait autant d'impact, que cette discussion me touche à ce point... Après tout, il ne m'est rien arrivé. Benton et Cooper ont débarqué au bon moment. Alors pourquoi ce truc ne sort pas de ma tête ? Qu'est-ce qui va pas chez moi ? Je peux survivre à des heures de torture, mais pas à un mec qui me... Et puis merde.
Je pousse un profond soupir, puis me perds dans cet espace entouré de grillage que je ne suis plus si sûr de vouloir quitter. Avec ce qui m'attend dehors, je me mets à croire que je serais peut-être plus en sécurité au milieu de tous ces criminels que libre dans les rues de Chicago. Ici, je connais les codes, je sais ce qui peut m'arriver. Je sais que le coin au fond à gauche est réservé aux suprémacistes blancs qui poussent de la fonte, alors que celui de droite appartient aux gangs noirs qui se musclent de la même façon sans jamais lâcher l'ennemi des yeux. Je sais que le milieu de la cour est occupé par un terrain de basket, mais qu'il n'est là que pour la forme parce qu'aucun match n'a jamais lieu ; ils se termineraient en bain de sang. Je sais que chacun des gradins qui trônent sur toute la longueur du grillage incombe à un type de détenus bien précis. C'est facile, c'est comme un contrat tacite : personne ne l'a vraiment dit, mais tout le monde applique les règles. D'ailleurs tout le monde sait tout ça, et tout le monde sait aussi que l'étendue de gravier restante est jonchée de plus petits groupes qui n'ont pas trop d'appartenance à quoi que ce soit : ils ne font pas partie d'un gang, ne sont pas extrémistes ni racistes, ils sont juste là pour purger leur peine sans se faire remarquer, sans se faire embrigader. C'est ceux-là que j'ai toujours enviés, les invisibles. Puisque ce ne sont que de vulgaires anonymes, ils n'ont qu'à respecter les normes pour s'en sortir.
J'aurais donné n'importe quoi pour être comme eux, pour me fondre dans la masse et que mon prénom ne soit pas sur toutes les bouches de cette foutue prison. Pour me fondre dans la masse et me faire oublier une fois que j'en sortirai. Mais que ce soit ici ou hors de ces murs, je ne suis pas un effacé parmi tant d'autres. Au contraire, je suis West Hutchins, le plus jeune dealer de l'entreprise mafieuse la plus dangereuse des États-Unis. Je ne peux pas me cacher. Je ne peux pas fuir mon destin. Pour quelqu'un qui porte mon nom, le monde extérieur n'est qu'un éternel traquenard. Il n'est qu'incertitude parce qu'il n'a pas de règles.
— Bah alors, le Caïd, t'étais où ? On t'a pas vu à la cantine.
Le timbre taquin de Ash m'extirpe de mes pensées, tandis que Benton se dirige vers le banc qui lui appartient. Notre banc. Son visage est fermé, ses traits tirés, mais il esquisse quand même un rictus face à l'insolence de Cooper.
— T'en as pas marre de t'occuper des affaires des autres, morveux ?
Mon ami lui sourit de toutes ses dents, espiègle.
— Non m'sieur !
Un ricanement sincère m'échappe tandis que Benton secoue la tête comme un père exaspéré.
— D'ailleurs en parlant des affaires des autres, ça fait deux ans et demi qu'on se connaît, et tu m'as toujours pas dit pourquoi tu voulais pas que je t'appelle Gueule d'Ange, me provoque Ash en me donnant un coup de coude amical.
Sans un mot, le Caïd s'assoit devant nous alors que je tourne la tête vers Cooper, qui me scrute déjà avec curiosité, mais je n'ouvre pas la bouche.
— Bah quoi ? J'en connais pas beaucoup, moi, des mecs qui préfèrent qu'on les appelle « trou duc » plutôt que Gueule d'Ange.
Son sarcasme manque de m'arracher un léger rire, mais je baisse bien vite les yeux pour me concentrer sur mes doigts et garder mon sérieux.
— Quand j'ai débarqué à New York pour le business, j'ai rencontré un garçon. Ce garçon, je l'aimais...
Mon ton déraille avant que je n'aie le temps de me racler la gorge pour me reprendre. Deux émeraudes s'allument alors dans mon esprit, me faisant oublier le reste de l'univers.
— ... Je l'aime énormément, soufflé-je. Le truc, c'est que la vie que je mène est pas compatible avec l'amour et toutes ces conneries. Il a fallu que je coupe les ponts avec lui, pour sa sécurité, et en faisant ça, je lui ai fait du mal. Beaucoup de mal... Enfin bref, ce type-là, tout le monde l'appelait Gueule d'Ange parce qu'il avait l'air trop innocent pour faire partie de ce milieu dégueulasse. Donc quand tu m'appelles Gueule d'Ange, ça me ramène à lui, et aux erreurs que j'ai pu faire.
La mâchoire plus contractée que jamais, je ne peux pas m'empêcher d'imaginer la douleur que j'ai infligée à Wayne en l'éloignant de ma propre destruction. Gale a essayé de me protéger, mais j'ai vu dans son regard que je n'ai pas réussi à préserver qui que ce soit, que Wayne va bien plus mal que mon frère n'a voulu me l'avouer. Tout ce que je souhaitais en partant, c'était que Wayne parvienne à reprendre une vie normale, même sans moi... Surtout sans moi. Abattu, je prends une longue inspiration. La culpabilité s'infiltre peu à peu dans mes veines, et j'ai envie de hurler. Je m'en veux, putain. Je m'en veux tellement. Je le savais en plus. Je savais que je n'aurais pas dû m'approcher de lui, m'attacher à lui. Je savais que je finirais par l'anéantir comme j'ai anéanti toutes les personnes qui sont entrées dans ma vie. Pourtant quand j'ai vu cette terreur pure réduire son innocence à néant, j'ai été incapable de résister. Il fallait que j'essaie d'exterminer cette angoisse ravageuse, que j'essaie de rallumer son sourire... mais je n'ai fait que l'effacer davantage. J'ai agi de la pire manière qui soit : je l'ai abandonné.
— Parce qu'en plus, t'es pédé ? s'écrie Cooper.
Merde, peut-être que j'aurais dû parler d'une fille. Pendant une fraction de seconde, je me crispe mais quand je tombe nez à nez avec l'air faussement outré de Ash, je me détends.
— Je pensais que tu le saurais, toi, le fan numéro un du célèbre West Hutchins ! exagéré-je en entrant dans son jeu.
Mon camarade se met à rire alors que Benton se retourne, un air amusé incrusté sur le visage.
— Ah... West Hutchins... s'apitoie presque Ash en sautant des gradins. T'es un sale con, mais tu vas me manquer.
Je le rejoins sur les graviers.
— Viens-là, mec, soufflé-je en l'attirant contre moi.
Mal à l'aise, Ash répond à mon étreinte en me donnant une tape dans le dos. Lorsque notre bref contact s'éteint, une lueur inconnue flambe dans ses yeux.
— Toi aussi tu vas me manquer, mon pote, lui lancé-je. Mais on a peut-être une chance de se revoir...
— Vous vous revoyez quand vous voulez, mais il vaut mieux pour vous deux que ce soit en dehors de ces murs.
Surpris de son intervention, Ash et moi nous retournons tous les deux vers le Caïd, qui nous menace de son index. Ce dernier quitte son perchoir pour s'approcher de nous, nous dominant de toute sa hauteur.
— Une fois hors d'ici, je veux plus vous revoir dans le coin. C'est clair ?
Son ton se veut sévère, pourtant je souris, puis lui tends la main.
— C'est noté.
Benton observe mon bras un moment, avant d'attraper ma paume pour me tirer vers lui. Sans la moindre hésitation, je le serre contre moi et lève la tête pour tenter de lui murmurer quelque chose à l'oreille. Il s'affaisse de quelques centimètres pour que je puisse atteindre le haut son cou, et semble attendre que je parle.
— Merci, Caiden. Merci pour tout. Je sais pas ce que j'aurais fait sans toi. Je pourrai jamais assez te remercier, tu m'as sauvé la vie.
Mon interlocuteur se redresse en même temps qu'un coin de ses lèvres se relève. C'était bref, mais c'était là.
— Tu veux me remercier, gamin ? Alors sors d'ici et vis une vie loin de la rue et loin des problèmes.
Tendu, je baisse les yeux, mais acquiesce tout de même. Si je pouvais, ce serait sans doute la première chose que je ferais en sortant de cet enfer.
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Salut tout le monde, comment ça va ?
Désolé pour le retard, hier je n'étais pas là de la journée et je ne suis rentré qu'à 3 heures du matin du coup j'ai pas trop eu le temps de poster.
J'espère en tout cas que ça valait le coup d'attendre et que cette partie vous plaira plus que la précédente, qui n'a pas eu beaucoup de succès... je croise les doigts pour que vous vous accrochiez si jamais la partie précédente ne vous a pas plu pour qu'on puisse quand même continuer l'aventure ensemble.
Bref, je vais essayer de garder le moral et on va passer aux questions blablatages, parce que votre avis, c'est quand même ce que je préfère. Vos commentaires sont vraiment la partie qui me motive le plus pour écrire et poster. Voir vos réactions aux chapitres, vos réponses aux questions, juste comment vous voyez et prenez les choses. C'est vraiment magique de pouvoir avoir ça, alors j'espère que ça va continuer.
West sort de prison, on est content ou on pense que quelque chose va tout faire foirer ? Team optimiste ou pessimiste ?
On dit au revoir à Ash et Benton, apparemment. Belles rencontres ? Qu'est-ce que vous avez préféré chez eux ? Vous pensez qu'on va les recroiser ?
Une fois West dehors, que pensez-vous qu'il va faire ? Où pensez-vous qu'il va aller ? VOus avez des hypothèses ? Des envies ?
La musique, elle vous plait ? Je l'ai découverte tout à fait par hasard en tapant juste "goodbye" sur YouTube (oui, j'ai des façons bizarres de trouver de nouvelles chansons, parfois) et elle m'a beaucoup plu.
Voilà, voilà, c'est tout pour moi. Je vous souhaite une bonne fin de journée et j'espère que vous serez là jeudi, les potes.
Prenez soin de vous.
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