Chapitre 3 | 2
"Without a sense of confidence
I'm convinced that there's too much pressure to take.
I've felt this way before,
So insecure."
Crawling – Linkin Park. (En média).
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ATTENTION : La suite de cet avertissement peut contenir un élément de spoil, donc si vous n'avez pas besoin de trigger warning pour poursuivre votre lecture, ne lisez pas cette suite. Pour les autres, sachez que cette partie de chapitre va contenir une scène de violence physique, morale et sexuelle. Faites bien attention à vous si ce sont des sujets sensibles pour vous.
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— Allez les filles, à la douche ! raille un maton.
Goguenard, il passe sa matraque sur les barreaux de chaque section comme pour se repaître des réponses houleuses des prisonniers. Une fois devant moi, le dénommé Kellerman m'adresse un clin d'œil méprisant, puis reprend sa route avant que le signal d'ouverture des grilles ne retentisse. Indifférent à ses provocations, je ne réagis pas. Je sais qu'il ne faut pas que j'entre dans son jeu. Avec les années, j'ai appris à serrer les dents pour me taire parce que j'ai vite compris que c'était la meilleure chose à faire. Quand on n'évolue pas entre ces murs, on pourrait croire que les personnes les plus dangereuses sont les détenus, mais en réalité, certains geôliers sont encore plus pourris que les criminels incarcérés. Ces enfoirés peuvent nous rendre la vie impossible et ils en profitent pour se remplir les poches. Si on y met le prix, ils sont prêts à fermer les yeux sur n'importe quel trafic, n'importe quelle violence, n'importe quel crime. Je sais aussi qu'ils peuvent nous avoir en ligne de mire sans aucune raison, alors j'ai toujours fait tout mon possible pour voler sous les radars ; j'ai déjà assez à faire avec les alliés de Gambino qui veulent ma peau.
Suivi de près par Ash et Benton, je pénètre dans la salle de douches collectives. Ma serviette de bain nouée autour de la taille, je la maintiens solidement d'une main et tiens mon gel nettoyant de l'autre en scrutant les alentours. En fin de mois, les produits hygiéniques se font rares, et je n'ai pas envie de me faire surprendre par un mec qui aurait décidé de me voler ce qui me reste. Concentré sur l'endroit désert, je remarque à peine le claquement de la porte des vestiaires juste derrière moi. Quelque chose cloche. Mon cœur commence à battre la chamade et un signal d'alarme résonne dans mon esprit lorsque je comprends que mes deux camarades ne sont plus à mes côtés. Je suis seul. Prudent, j'avance vers les cabines, mais tente immédiatement de faire demi-tour quand des bruits de pas se font entendre, en vain.
Une poigne solide m'attrape par le bras, me faisant lâcher la bouteille de savon qui claque sur le sol dans un bruit tonitruant. Deux hommes me plaquent contre le mur carrelé sans ménagement en me maintenant par les épaules, puis s'empressent de bloquer mes poignets. Immobilisé, j'ai beau lutter de toutes mes forces pour essayer de me retourner, je ne parviens pas à les reconnaître. Qui sont ces mecs ? Qu'est-ce qu'ils me veulent ? Un stress incoercible s'insinue dans ma poitrine alors que je prends conscience que je n'ai pas à faire à deux types, mais à trois. Le dernier se tient dans mon dos et rien qu'à cette idée, une sueur froide me parcourt l'échine. Mon imagination cogite beaucoup trop. Des dizaines de scénarios horribles prennent vie dans ma tête. Tellement, que je sursaute quand une voix bien réelle brise le silence qui s'était installé.
— Salut, le Prodige.
En pleine bataille contre mes assaillants, je me fige. Personne ne m'appelle comme ça en dehors d'Eleven Stars. Encore un peu plus tendu, je me maudis de pas avoir réussi à voir le visage de mes bourreaux. Si j'avais pu mettre des noms sur cette attaque, j'aurais peut-être été en mesure d'en appréhender les conséquences... Sans doute ravi de ma réaction, le mec ricane.
— Il y a eu un problème majeur dans les rues de Chicago, Lola n'est pas très contente... se délecte-t-il d'un ton rauque qui semble avoir baigné dans l'alcool pendant des années.
Je déglutis. Si c'est Lola qui a demandé à ces ordures de s'en prendre à moi, je suis un homme mort. Un peu perdu, j'essaie d'analyser la situation pour comprendre ce que cette femme peut bien avoir contre moi, mais le stress m'empêche de réfléchir correctement.
— Pourtant tu lui avais assuré que tout se passerait bien, le Prodige. Est-ce que tu aurais menti ?
Mon cœur s'affole. Il faut que je me calme. Je ferme un instant les yeux, puis prends une profonde inspiration pour avoir le contrôle total de ma voix. Si jamais elle tremble ou que je laisse paraître la moindre faille, ils s'en serviront pour me faire couler. Peu confiant, je lâche un rire qui sonne faux, me laissant quelques secondes supplémentaires pour parfaire mon jeu d'acteur.
— Ah, ouais, je suis démasqué ! J'avoue tout, je me suis échappé de prison dans le seul but d'emmerder Lola, pour ensuite revenir me terrer ici comme le dernier des abrutis, craché-je avec le plus d'insolence possible.
Les deux molosses appliquent une pression douloureuse sur mes omoplates en signe d'avertissement, mais je retiens le moindre petit son qui pourrait m'échapper.
— Fais attention au ton que t'emploies avec moi, gamin, me prévient mon interlocuteur.
— Je peux pas contrôler ce qui se passe quand je suis pas là, Sherlock, rétorqué-je avec un peu moins d'aplomb.
Sans rien dire, il se colle à mon bassin, puis agrippe fermement mes hanches. Plus crispé que jamais, je laisse mes paupières tomber comme une protection contre le monde en priant pour que la situation ne dégénère pas. Pour que quelqu'un débarque dans cette pièce et stoppe toute cette mascarade.
— C'est vrai, tu ne peux pas contrôler ce qui se passe quand tu n'es pas là, je te l'accorde. Mais tu peux demander à quelqu'un de faire le sale boulot à ta place, en revanche.
Mais de quoi il parle ? Les sourcils froncés, je garde le silence, l'incitant à continuer sur sa lancée.
— Qu'est-ce que tu croyais ? Que personne ferait le lien entre ton copain et toi ? Tu penses vraiment Lola si naïve ?
Malgré mes efforts pour reprendre le contrôle sur les spasmes qui me secouent, la frayeur gronde en moi comme le tonnerre au milieu d'un violent ouragan. Plus son corps répugnant se presse contre ma peau, plus ma panique augmente. J'étouffe, je ne suis plus capable de penser. Même les mots qui sortent de sa bouche ne parviennent plus jusqu'à moi. Ressaisis-toi, putain. Concentre-toi.
— Quand j'ai vu à quel point tu manquais de respect à Lola, je me suis proposé pour mettre fin à ta vie pitoyable moi-même. Je suis un gentleman, susurre-t-il. Mais figure-toi qu'elle te veut vivant, le Prodige. T'y crois, toi ? Apparemment, tu aurais un contrat à honorer... Est-ce que le célèbre West Hutchins serait de retour dans les affaires ?
Son sourire dans la voix m'électrise, mais je ne dis rien. Les dents serrées, j'élude sa question puis prends le même ton insolent que lui en espérant que ça me donne un peu de contenance.
— Pourquoi ? T'as peur pour ta place, mon gars ?
Je crois qu'il comprend que ma provocation n'est qu'un vaste mensonge noyé d'angoisse, puisqu'un ricanement lui échappe.
— Oh, je n'ai rien à craindre, ne t'en fais pas, miaule-t-il en approchant ses lèvres de mon oreille avec langueur. Et tu sais pourquoi ?
Son torse contre mon dos nu me donne la nausée, et sa satisfaction semble grandir à mesure qu'il me parle.
— Parce qu'elle m'a chargé de te punir, chuchote-t-il. Tu te rappelles de ce qu'on fait aux traîtres qui finissent en prison, à Eleven Stars, n'est-ce pas West ?
Ma respiration s'intensifie, mon corps tout entier se révulse. Sous la pression insupportable de mon souffle saccadé, j'ai l'impression que ma cage thoracique va bientôt lâcher, qu'elle va éclater. Le sort qu'on réserve aux vendus et aux déserteurs qui finissent en taule, je le connais sur le bout des doigts, et je ne suis plus en mesure de masquer la terreur pure qui suinte de chacun de mes tremblements. La souffrance, les coups, la violence, j'ai l'habitude. Je peux encaisser. Mais ça... ça, j'en suis incapable. C'est au-delà de mes limites. C'est au-dessus de mes forces.
— Attends, attends ! J'ai pas eu de contact avec l'extérieur depuis ma condamnation, je le jure, putain ! Dis à Lola de vérifier !
— Mais pour qui tu la prends ? Évidemment qu'elle a vérifié. Sauf qu'elle n'est pas aussi crédule que certaines autres, tu ne l'auras pas en lui vendant ton cul, celle-là. Elle a appris à ne pas te sous-estimer, et elle sait que tu connais trop bien le système pour te faire avoir par ce genre de détails. C'est pour ça que tu as demandé à quelqu'un d'autre de contacter tes petits copains de l'extérieur pour foutre la merde, le Prodige.
La panique me submerge alors que je cherche à tout prix une explication logique à lui fournir. Plus je me creuse les méninges pour comprendre de quels amis il s'agit, plus mes pensées s'embrouillent. Le stress mélange mes souvenirs à des phrases que je ne prononce pas et que j'ai l'impression de perdre davantage chaque seconde. Mes neurones se font décimer un par un, m'empêchant de me défendre face à ces accusations infondées.
— Mais j'ai pas de contact ici, hurlé-je presque. J'ai aucun lien avec personne dans l'Illinois, je viens de New York !
Ma voix déraille, laissant transparaître un peu de la panique qui me déchire de l'intérieur. Je n'arrive plus à masquer mon agitation, je ne cherche même plus à me cacher.
— Donc si je te donne le nom de Gale Walters, ça ne te dit rien ? me demande-t-il comme s'il connaissait déjà la réponse à sa question.
Paralysé par ses mots, je ne rétorque pas. Gale ? À Chicago ?
— C'est bien ce que je pensais, conclue-t-il, narquois. Donc maintenant, tu vas arrêter de tous nous prendre pour des cons, et je vais te montrer, moi, que la loyauté, c'est primordial.
Hors de contrôle, je me débats avec une hargne désespérée contre la force des deux gorilles qui me maintiennent sans ciller. Je tire sur mes poignets, je pousse sur le dallage blanc, j'essaie de pivoter, de leur donner des coups, mais rien n'y fait. Ils sont bien plus robustes que moi. C'est tout juste s'ils remuent. Soudain, le troisième type fait un ou deux pas en arrière pour tirer d'un coup sec sur la seule barrière en tissu qui nous sépare encore. Un cri de supplication m'érafle la gorge et une tornade redoutable me ravage en un instant. Un froissement retentit, et je comprends qu'il vient de balancer sa propre serviette sur le sol.
— Non... pas ça ! Pas ça !
Ignorant mes implorations déchirantes, l'homme plaque son corps nu contre le mien. Alangui, il se frotte à mon bassin avec un plaisir non-dissimulé. Son souffle qui devient de plus en plus rauque me donne envie d'appeler à l'aide, mais je ne perds vraiment pied que lorsque je le sens durcir contre le haut de ma cuisse. Un nœud brûlant consume l'intérieur de ma trachée alors qu'un paquet de larmes bouillantes commence à m'aveugler. Dans un dernier élan d'espoir, je continue de lutter pour faire disparaître les perles salées qui menacent de s'écrouler sur mes joues, en vain. Plus je me démène, plus la force des deux baraqués paraît s'accentuer sur mes omoplates et mes poignets. C'est terminé, je ne peux plus bouger. Conscient de ma détresse, le vieux porc se délecte un peu plus de sa torture en parcourant mon épiderme de ses mains calleuses. Mon torse, mon ventre, mes hanches, mon entre-jambes... Pitié, faites qu'il s'arrête... Quand il finit par empoigner mon postérieur, mes joues se laissent noyer et je le supplie de toutes mes forces de ne pas aller jusqu'au bout. Je me fous de ma dignité, je me fous de passer pour un faible, tout ce que je veux c'est qu'il me lâche. Je refuse de me résigner à l'idée qu'il finisse ce qu'il a commencé, pourtant, au moment où il se met en place en revisitant ma peau de ses doigts, j'abandonne. Je ferme les yeux et me force à contenir la balafre qui me lacère peu à peu pour me raccrocher à l'unique chose au monde qui a le pouvoir d'engloutir l'univers. Je m'agrippe à la seule image assez puissante pour me faire oublier l'instant présent : lui et ses yeux verts. Lui et son sourire.
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Coucou tout le monde,
J'espère que ça va et que ce chapitre ne vous a pas trop malmené.e.s. Si jamais l'un.e d'entre vous se sent mal et a besoin de parler, n'hésitez pas. Que ce soit à un ami, un membre de la famille ou même un inconnu. D'ailleurs vous pouvez m'envoyer des messages ici ou sur mes réseaux si vous en ressentez la nécessité.
Avant de passer aux petites questions, je voulais vous remercier parce que même si vous n'êtes pas nombreux, vous avez aidé Je N'ai Plus Peur à atteindre les 300 lectures et ça me fait super plaisir. Merci d'être là, merci pour votre temps et vos commentaires, vous me donnez envie de continuer la bataille à chaque fois que vous pointez le bout de votre nez, alors merci pour ça.
La dernière fois, j'étais tellement excité par la publication du chapitre 3 que j'ai oublié de vous demander... Qu'est-ce que vous pensez de Ash et de Benton ?
D'ailleurs, Ash, il a changé de prénom parce qu'à la base il s'appelait Asher, mais que vous aviez tou.te.s décidé de l'appeler Ashton. Du coup maintenant vous pouvez plus vous tromper. x)
L'histoire de l'agresseur de West, vous en pensez quoi ? D'après Lola, c'est West et ses amis qui sont en tort, mais d'après vous, qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce que ça veut dire, tout ça ?
La musique, un grand classique et un gros coup de cœur chez West, elle vous plait ?
Voilà, c'est tout pour moi. Comme d'habitude, n'hésitez pas à vous déchaîner dans les commentaires, à me donner vos hypothèses si vous en avez, et en attendant jeudi, je vous souhaite une belle soirée et une belle semaine.
Prenez bien soin de vous les potes.
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