Chapitre 3 | 1

"I don't know why I feel this,

The cycle's starting once again.

It's getting hard not to notice

All the blood that's rushing to my head."

What Are You Finding – Jason Walker. (En média).


Wayne ! Wayne, je t'en prie !

À bout de souffle et malgré la souffrance lancinante qui parcourt mon genou, je continue ma course effrénée. Je m'élance le plus vite que je peux sans m'autoriser une seule seconde de répit alors que mon rythme cardiaque devient incontrôlable.

Non... Non, pas ça... Wayne !

Plus j'avance, plus j'ai l'impression qu'il s'éloigne. Je n'arrive pas à l'approcher, je suis en train de le perdre de vue. Tout ce que je distingue désormais est une silhouette fuyarde qui s'engouffre dans un brouillard épais. Peu à peu, l'ombre de ce garçon fragile disparaît et la panique m'envahit.

Wayne ? Wayne, où tu es, putain ?

Mes poumons se tordent de douleur, m'obligeant à ralentir un peu la cadence. Ma jambe me lance, elle s'embrase. J'y dépose ma main par automatisme et me fige lorsque mes doigts entrent en contact avec un liquide visqueux. Ma poitrine explose alors que la brûlure s'intensifie et que je lutte de toutes mes forces contre le gémissement tentant de passer la barrière de mes dents serrées.

Pourquoi tu m'as fait ça ? résonne une voix tout autour de moi.

Fait quoi ? interrogé-je en essayant de scruter le moindre mouvement à travers la brume.

Ce ton rauque, je pourrais le reconnaître entre mille...

Plus déterminé que jamais à retrouver Wayne, je mets difficilement un pied devant l'autre. Chaque pas est une épreuve considérable, chaque pas m'arrache une complainte sourde que je n'arrive plus à contenir. Pourtant je continue.

Wayne, montre-toi... s'il te plait...

Une décharge électrique puissante traverse ma blessure, et je m'écroule sur quelque chose qui ressemble à du béton. À la minute où mon corps s'éclate sur le sol, un cri me tiraille la gorge et la bruine s'éclipse. Presque à l'agonie, je tente d'observer les alentours pour comprendre où je me trouve, mais la seule chose que je perçois est un bruit d'eau, comme si j'étais sur un pont. Deux prunelles vertes aimantent soudain les miennes, m'empêchant de sonder le reste de l'horizon.

Tu m'as abandonné. Pourquoi tu m'as abandonné ?

De lourdes larmes s'écrasent sur les joues du garçon que j'ai trahi et un vide immense se creuse dans ma cage-thoracique. Le voir craquer, pouvoir ressentir la détresse émanant de chacune de ses respirations m'est insupportable. Je ne peux pas être témoin de sa chute. Je suis incapable de faire face à sa souffrance parce que je sais que j'en suis la cause et que je ne me le pardonne pas. Comme tous ceux qui se sont approchés de moi, il a été touché par mon chaos. Je l'ai détruit, et je donnerais n'importe quoi pour réparer ça.

Pour que tu survives... soufflé-je, la gorge en feu.

Mais je vais mourir.

Je ne me rends compte que j'avais baissé les yeux que lorsque je les relève vers lui d'un geste vif. Un peu perdu, je le dévisage un long moment avant d'apercevoir un canon en ferraille se déposer sur son abdomen. D'un seul coup, mon monde tout entier manque de s'effondrer. Sans prendre en compte la morsure intense qui inhibe le bon fonctionnement de mes membres inférieurs, je me redresse et me rue vers l'arme pour stopper l'explosion qui retentit quand même. La balle transperce l'atmosphère, et Wayne s'écroule. Dévasté, je me précipite dans sa direction en hurlant à l'univers qu'il n'a pas le droit de faire une chose pareille. Il ne peut pas s'en prendre à lui, je le refuse. Agenouillé à ses côtés, je ramène Wayne contre moi en le berçant avec tendresse malgré les violents sanglots qui me secouent. J'ai l'impression de mourir en même temps que lui.

Ne t'en fais pas, je vais bien, m'assure-t-il tandis que je suffoque. C'est toi qui es blessé.

La paume de sa main appuie sur mon tee-shirt qui s'imbibe de sang. Une douleur insoutenable me déchire sans crier gare, et les rôles s'inversent subitement. Wayne se retrouve au-dessus de moi, le visage déformé par le chagrin alors que je gis sur le sol, à me battre contre la mort.

— Gueule d'Ange, réveille-toi, merde !

En nage, je me redresse d'un bond en plaquant mon avant-bras sur mon ventre. Le temps que je reprenne mes esprits, des gouttes de sueur dégoulinent le long de mes tempes et Benton s'extirpe du matelas qui surplombe le mien.

— Ça va, petit ?

Il attrape la serviette blanche pendue au petit lavabo en inox, l'humidifie, puis me la tend. Comme à mon habitude, je lui fais un signe de tête pour le remercier, mais n'ouvre pas la bouche. La fraîcheur du tissu mouillé dans ma nuque me détend un peu, et je trouve enfin la force de me lever en ignorant la morsure fantôme qui taquine mon estomac. Un bruit sourd s'abat alors sur le mur de la cellule, et je roule des yeux en le frappant à mon tour. Benton hausse un sourcil étonné.

— Je croyais que tu avais décidé de ne plus lui répondre quand il t'appelait Gueule d'Ange ?

Je me renfrogne.

— Il a fait ça ?

Mon compagnon lâche un rire sec, dessinant de nombreuses stries sur sa peau noire. Un signal sonore hurle pour nous annoncer l'ouverture des lourdes grilles métalliques, nous obligeant à sortir pour la promenade du matin.

— Alors Gueule d'Ange, c'est qui ce Waine ? se marre Ash en se glissant derrière moi dans la file.

Lorsque son satané rictus étire l'un des coins de ses lèvres, je serre les dents pour tenter de rester impassible et ne pas le corriger sa prononciation désastreuse du prénom de Wayne.

— Je croyais que ton chéri, c'était Gael, moi. Mais si j'en juge par tes jouissements de cette nuit, je me dis que t'as peut-être changé de petit copain, ricane-t-il.

— Ferme ta gueule, Cooper, craché-je.

Nous arrivons dans la cour entourée d'un immense grillage barbelé quelques minutes plus tard, et j'ai beau essayé d'attraper un peu d'oxygène, j'ai toujours l'impression d'étouffer. J'ai essayé, pourtant, de profiter de l'air extérieur, mais rien n'y fait, je ne parviens pas à considérer ce moment comme quelque chose qui s'apparente de près ou de loin à une forme de liberté. Le vent peut caresser mon épiderme tant qu'il veut, ma liberté à moi a toujours brillé au milieu d'un ciel sombre.

— Ne m'appelle pas comme ça.

Le regard noir de Cooper m'arrache à mes pensées et j'oublie bien vite les étoiles qui n'illuminent plus ma vie.

— Alors arrête de m'appeler Gueule d'Ange, répliqué-je, glacial.

— T'as la tête de l'emploi, mec, se défend-il, les bras en l'air. Comment tu veux que je t'appelle d'autre, de toute façon ?

— Oh, j'en sais rien... par mon prénom, peut-être ? Quand on y pense, ça sonne plutôt bien West Hutchins.

***

Deux bruits sourds s'abattent sur le mur de gauche, m'incitant à sortir de mon lit pour le cogner à mon tour. Depuis que j'ai été incarcéré, Ash et moi avons développé une espèce de langage codé : on frappe un coup pour se dire bonjour, un coup pour se dire bonne nuit et dans la journée, si l'un d'entre nous a envie de parler, on tape deux fois et on attend de voir si l'autre répond. En y repensant, je crois que cette communication non-verbale a fait partie des choses qui au début m'ont soulagé, mais qui maintenant me sont devenues vitales ; tout comme mon amitié avec ce mec imbuvable.

D'ailleurs, si on m'avait dit un jour que Ash Cooper deviendrait mon ami le plus proche dans cette prison, je me serais probablement tapé la barre de ma vie. Avec son apparence de gros dur, ses tatouages de gang et son orgueil gonflé à bloc, il était plutôt le genre de type que j'essayais à tout prix d'éviter. Le genre de type qui était censé me haïr et me faire la peau dès mon arrivée entre ces murs. Mais heureusement pour moi, quand il a appris que le « célèbre » West Hutchins était dans la cellule juste à côté de la sienne, il s'est découvert une passion toute particulière pour ma fausse popularité. C'est lui qui m'a dit que mon prénom avait fait le tour de tout le pénitencier avant même que j'y sois enfermé, qu'on avait parlé de mon procès pendant des jours dans le milieu carcéral. Il était obnubilé par moi, par ce que j'avais fait, par mon prénom... Un rictus cynique chatouille mes joues. Plutôt ironique pour un mec qui refuse de l'utiliser quand il m'adresse la parole.

Avec le temps, j'ai compris que derrière son crâne rasé, sa grande gueule et sa morphologie imposante, il cachait un cœur pur et une loyauté sans égale. Une loyauté que je n'ai connue qu'une fois dans ma misérable existence.

— Hey, mon pote, tu sors dans combien de temps ?

Alors que je pose ma tempe contre la surface rêche de la paroi qui nous sépare, un léger sourire traverse mon visage.

— Si tout se passe bien...

— Non mec, tu sors dans combien de temps ?

Un soupir m'échappe, mais mes lèvres ne retombent pas.

Un jour, j'ai craqué. En voyant tous ces barreaux, tous ces grillages, toute cette liberté qu'on venait de m'arracher, je me suis effondré. Je ne supportais plus de ne pas pouvoir reprendre mon souffle auprès des étoiles, j'étais totalement impuissant et ça me bouffait. À la fois piégé et oppressé, j'ai perdu pied. Une panique irrépressible s'était emparée de moi, j'avais l'impression que je sortirais plus jamais de ce cauchemar, que j'avais plus aucun moyen de remonter à la surface pour respirer. J'ai pété les plombs, j'ai fait une crise d'angoisse monstrueuse que j'étais incapable de contrôler, et Ash était là.

Il aurait pu me laisser couler, il avait toutes les raisons du monde de le faire, mais il m'a soutenu. Il est resté avec moi à me parler pendant des heures et, même si je ne me souviens pas des mots qu'il prononçait, je sais que je me suis senti compris, épaulé, apaisé. Une fois dans sa cellule et moi dans la mienne, il a continué. Il débitait une dizaine de phrases à la minute pour que je ne me concentre que sur le son de sa voix et que j'oublie la raison de ma rupture émotionnelle. S'il n'a pas pu faire disparaître ce pénitencier, il pouvait exterminer ma peur de ne jamais en sortir, ma sensation d'être coincé, et il a réussi. Je ne suffoquais plus. Depuis ce soir-là, il me demande chaque jours le temps qu'il me reste à tirer et il me le demande jusqu'à ce que je lui réponde avec assez de conviction à son goût. Comme s'il cherchait à me prouver que chaque lever de soleil était une nouvelle victoire. Je crois que c'est un peu son mantra, sa façon de tenir le coup à lui, d'ailleurs il l'affirme souvent : « Dans cet endroit, le temps joue en notre faveur : il fait que s'écouler. Il peut pas reculer. Donc faut en célébrer tous les instants parce que chaque putain de seconde qui s'envole est une seconde de moins à passer derrière les barreaux ».

— Je sors dans trois jours, affirmé-je sans pouvoir m'empêcher de prier en silence pour que rien n'entache ma liberté conditionnelle.

— Bien.

— Et toi, Ash, tu sors quand ?

— Je sors dans trois semaines, articule-t-il avec une pointe de fatalisme.

Je souffle un long moment puis m'apprête à retourner sur ma couchette, quand je l'entends me retenir.

— Gueule... West ?

— Hum ?

— Tu me diras comme c'est, de se sentir libre de nouveau ?

Les yeux baissés, je serre les dents. Sachant ce qui m'attend dehors, je ne suis pas sûr qu'on puisse parler de liberté...

— Bien sûr, mec. Je te dirai.

Il inspire bruyamment, et je l'imagine passer sa main sur sa mâchoire aiguisée.

— Merci, mon pote, murmure-t-il. 


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Salut tout le monde,

J'étais trooooop pressé de poster ce chapitre pour la nouvelle team West. J'avais trop trop hâte de voir vos réactions, du coup, je blablate pas et...

Alors la team West, soulagée ? Comment on se sent ? 

À votre avis, qu'est-ce que West fait en prison ? Comment il est passé de mourant à incarcéré ? 

Qu'est-ce qui l'attend à sa sortie de prison, selon vous ? Pourquoi il pense que ce sera pas la liberté ? 

Pour la musique, je pensais que j'allais la changer, mais finalement elle me plaisait bien alors je l'ai gardée. Elle vous plait ?

N'hésitez surtout pas à me faire part de vos pensées, de vos hypothèses, de tout ce qui vous passe par la tête, j'ai trop trop attendu vos réactions, je veux touuut savoir. 

Je suis un peu excité à l'idée de poster, alors je vous dis à samedi pour la seconde partie du chapitre. 

En attendant portez-vous bien les potes. 

Et préparez-vous, parce que les choses sérieuses commencent... 

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