Chapitre 23 | 1

"Last night, confidence was shaken,

My wounds and my past was saying

No one should ever love me like you do."

Who Am I – NEEDTOBREATHE. (En média). 


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ATTENTION : La suite de cet avertissement peut contenir un élément de spoil, donc si vous n'avez pas besoin de trigger warning pour poursuivre votre lecture, ne lisez pas cette suite. Pour les autres, sachez que cette partie de chapitre aborder le sujet des agressions/attouchements sexuels. Faites bien attention à vous si ce sont des sujets sensibles pour vous.

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La lune brille ce soir, elle étincelle. Assis contre le mur de l'hôtel, juste à côté de la porte d'entrée que je n'ai pas pris la peine de fermer, je me laisse emporter par sa lumière, et celle des étoiles. La tête contre le mur, je tente de me rappeler de cette sensation unique que me procuraient les vagues quand mon père m'emmenait en mer pour me calmer. Ses histoires sur le ciel m'apaisaient toujours. Allongé à côté de la barre, je me perdais dans les astres, je me laissais bercer par sa voix, alors que les flots nous emmenaient loin de mon enfer, loin du New Jersey, loin de ma mère et sa putain de drogue... Les mots de Beth et du grand-père Hutchins me reviennent en tête et, j'ai beau m'accrocher à l'étendue de diamants qui m'a toujours sauvé, j'ai quand même l'impression de perdre pied. Quand je pense que j'en ai toujours voulu à ma mère alors que la véritable enflure, c'était mon père... Son visage souriant, ses bras puissants, sa bienveillance, tout ce que je connais de lui me mitraille le cerveau, et je déclare forfait. Lola a gagné. Elle a réussi, elle m'a tout pris. Si elle cherchait à m'anéantir, c'est chose faite. J'ai perdu mes repères, mes certitudes, ma dignité. J'ai perdu... j'ai perdu l'amour... La seule chose qu'il me reste maintenant, c'est Gale et lui aussi, je risque de le perdre si je m'enfonce encore dans le piège de Lola. Il va finir par se barrer si ça continue, ou alors elle va m'arracher à lui de force. Elle va trouver le moyen de m'obliger à le sortir de ma vie ou simplement mettre fin à la mienne.

— Qu'est-ce qui t'arrive ?

Je sursaute quand j'entends des pas s'approcher, mais me détend instantanément quand j'aperçois Wayne tirer la porte et s'installer à mes côtés.

— Merde... je suis désolé, soufflé-je. Je voulais pas te laisser en plan... tu devrais profiter de la soirée avec Gale et sa copine, t'en fais pas pour moi.

Le regard toujours rivé vers l'obscurité hypnotisante de la nuit, je crois que Wayne tique, mais je ne suis sûr de rien.

— Cette soirée n'a pas d'intérêt, sans toi.

Surpris, je rue mes prunelles dans les siennes, et il hausse les épaules.

— Je suis désolé, Wayne... mais j'y arrive pas. J'ai trop de trucs dans la tête.

— Quoi comme trucs ?

Je soupire, scrute mes doigts quelques secondes, puis me reconcentre sur mon binôme, qui ne me lâche pas des yeux. Pourquoi est-ce qu'il fait ça ? Pourquoi est-ce qu'il reste là ? On n'est plus ensemble, après tout. Il n'a plus besoin de prêter attention à mes états d'âme.

— Mon père, entre autres.

L'amour de ma vie m'observe avec un peu plus d'insistance, et je comprends qu'il m'incite à développer, comme s'il comprenait que j'étais sur le point d'exploser.

— J'en sais rien, murmuré-je, une boule dans la gorge. J'ai toujours idéalisé ce type. Toujours. C'était mon héros. Quand j'arrivais pas à faire quelque chose, il me prouvait que j'en étais capable. Quand j'avais peur, il me rassurait. Quand ma mère faisait des crises de manque, il m'éloignait. Quand des enfoirés de dealers nous menaçaient, il me protégeait. Quand ma famille me traitait comme un moins que rien, il me faisait me sentir comme un roi... Pour moi, ça a toujours été lui le mec bien et ma mère la fauteuse de trouble. J'ai passé ma vie à penser que si on avait été en danger, c'était à cause d'elle. Que s'ils s'étaient fait tuer, c'était à cause d'elle. À cause de son addiction dégueulasse qui me faisait si peur quand elle était à court de came. Mais en réalité c'était pas elle, le monstre. C'était lui. Putain, c'était lui.

Ma poitrine est en feu. J'étouffe. Ça fait mal, beaucoup trop mal de mettre des mots sur tout ça. Les blessures sont trop à vif ; tout ce que je veux, c'est pouvoir les oublier. Les effacer. Les enfouir pour qu'elles ne saignent jamais plus. Pourtant je ne m'arrête pas, je secoue la tête pour éloigner mes larmes et continue sur ma lancée. Comme s'il n'y avait plus que ça pour m'éviter l'hémorragie.

— C'est sa faute à lui si des mecs armés se sont pointés chez nous. C'est sa faute à lui si ma mère et lui sont morts. C'est sa faute à lui si Eleven Stars existe...

Wayne se raidit et de lourds ruisseaux dégringolent sur mes joues. Ma famille le dégoûte. Je le dégoûte.

— C'est lui qui a foutu nos vies en l'air, Wayne. La mienne, la tienne, celle de Gale et puis celles de toutes les autres personnes qui ont gravité autour de nous. Autour de moi. Je suis tellement désolé, putain. Tellement désolé...

— West, me coupe sévèrement mon binôme. Arrête ça. Tu n'y es pour rien.

— Mais tu comprends pas, c'est ma famille qui a fait ça à la tienne ! C'est à cause de nous que ta vie et celle de tes proches s'écroulent, aujourd'hui ! Et moi qui croyais que je pourrais m'en sortir et devenir quelqu'un de bien... Regarde-moi, je suis le fils d'une toxico et d'un dealer à la con ! À supposer qu'il était que dealer, d'ailleurs... Parce que pour faire affaire avec Gambino, il faut être capable de beaucoup plus que vendre. Je suis le résultat foireux d'un mélange foireux, tu vois pas ? C'est dans mes veines la criminalité, les mauvais choix, la toxicité... C'est dans mon ADN d'emmener tout le monde au fond avec moi...

Mon souffle se coupe, et je plaque mon poing contre mes lèvres pour tenter de ne pas craquer encore plus. Pour garder la tête haute. Si je m'effondre maintenant, je ne pourrai pas me relever tout seul, et je n'ai plus le droit de compter sur Wayne pour m'aider à faire ça. Ce n'est pas son rôle. Il n'est même pas censé être là, à m'écouter chialer, parce que je ne suis plus rien pour lui. On n'est plus rien l'un pour l'autre.

— Qu'est-ce que tu racontes ? Tu ne m'as jamais embarqué avec toi où que ce soit. C'est moi qui ai plongé là-dedans, tu ne te souviens pas ? C'est moi qui ai suivi Savannah. Toi, tout ce que tu as fait, c'est me sauver la vie. Sans toi, je n'aurais pas survécu plus d'un mois face à Ian. Sans toi, je ne me serais jamais sorti de là.

— Et pourtant t'y es encore, craché-je avec amertume.

Wayne fronce les sourcils, et m'attrape la mâchoire avec vigueur. Le visage en coupe entre ses mains, je ne me peux pas m'empêcher de me figer. Le contact de sa peau contre la mienne me fait du bien, trop de bien. Tout ce dont j'ai besoin, c'est de lui. De ses bras. De ses caresses. Mais je ne peux pas lui demander ça. J'ai perdu le droit de bénéficier de ses gestes d'affection à la seconde où on s'est dit au revoir dans les Hampton.

— C'est vrai, admet-il. Et encore une fois, je me suis fichu dans ce pétrin tout seul. Encore une fois, j'ai sauté à pieds joints dans un piège que tu me criais d'éviter. Tu n'es pas la cause de ce qui m'arrive.

— Sans moi, Lola ne t'aurait pas...

— C'est Lola qui nous fait tout ce mal, West. Pas toi. Toi, tu n'aurais jamais fait une chose pareille, ce n'est pas ce que tu voulais.

— Mais je t'ai perdu quand même... gémis-je alors que de nouvelles larmes s'écrasent sur mes pommettes.

Wayne marque un temps d'arrêt, alors qu'une immense tristesse semble le traverser de part en part.

— West...

D'un mouvement brusque, je me détourne de lui. Je ne veux pas voir son expression bouleversée. Je ne veux pas entendre ce qu'il a à me dire. Je ne peux pas.

— Je suis désolé... Je suis désolé... répété-je, alors que ma détresse coule le long de mon visage.

— West, attends...

— Non, non... ça va aller, Wayne. T'inquiète pas. J'ai juste... Faut juste que je m'y fasse.

Ma voix déraille, encore et encore. Cette conversation est une torture. Une putain de torture.

— C'est juste que... j'avais jamais sérieusement envisagé que toi et moi ça pourrait se finir, hoqueté-je. Je savais que c'était une possibilité, que c'était même plus que probable. Mais j'ai jamais voulu affronter ça, je pouvais pas... Et là, c'est en train d'arriver et... et...

Ça y est, c'est trop. Je me noie. Je ne suis plus capable d'aligner deux mots. C'est beaucoup trop dur. Ça brûle, putain, ça me déchire de l'intérieur.

— Hey... West...

Wayne m'attire à lui, et une fois contre son torse, je ne parviens plus à me contenir. J'éclate en sanglots. Des sanglots bruyants, explosifs, destructeurs. Je lâche tout. Mes désillusions sur mon père, mes années de taule, mes pertes infinies... tout. Plus je tremble, plus son étreinte se resserre autour de moi, et j'ai l'impression qu'il ne me reste que ça. Que lui. Que ses bras pour retenir mon corps de céder. De sombrer.

— Écoute-moi... m'intime-t-il à quelques centimètres de mon oreille. Je suis toujours là. Je suis avec toi. Ce n'est pas parce qu'on n'est plus un couple que je vais sortir de ta vie, tu m'entends ? Je ne vais nulle part. Plus jamais je ne te perdrai. Plus jamais.

Ses mots sont rassurants, du moins ils tentent de l'être, pourtant ma douleur ne fait que se propager davantage. Pourquoi est-ce que ça fait si mal ? Pourquoi est-ce que je suis incapable de reprendre le contrôle ? Je ne suis qu'un bon à rien. Un bon à rien qui fait toujours tout foirer.

— J'ai tout gâché, putain... j'ai tout gâché...

— Non, West...

— Même quand on était à l'hôtel, j'ai failli tout foutre en l'air... J'ai failli tout foutre en l'air à cause d'un connard dans une putain de cabine de douche...

Les gestes de Bellick se mêlent à ceux de Wayne, et le dégoût s'empare de moi. Je me déteste. Je me déteste de tout mon être. Comment j'ai pu penser à ça pendant mon dernier moment privilégié avec l'amour de ma vie ? Qu'est-ce qui cloche chez moi ?

— Quoi ?...

Contre moi, Wayne se tend. Ses muscles gonflent, les battements de son cœur s'accélèrent. D'un mouvement vif, il m'oblige à me redresser et agrippe fermement ma nuque à deux mains alors que ses pouces caressent mes joues de plus en plus humides.

— De quoi est-ce que tu parles ? articule-t-il d'une voix vide.

Ses prunelles semblent vouloir s'ancrer dans les miennes, mais je ne les distingue pas. Tout est flou, les larmes me ravagent. Incapable de prononcer le moindre mot, je me contente d'essayer de survivre. Comment j'ai pu réussir à aborder ce sujet ? Rien que d'y penser, ma respiration se coupe. J'ai l'impression qu'on m'ouvre en deux.

— Réponds à la question, résonne un ton au bord de l'implosion.

À peine en mesure de réagir, je lève tout juste le nez alors que Wayne, lui, se retourne d'un bond. Sa peau quitte brusquement la mienne, et j'ai l'impression que la chute me rattrape. Qu'on me lâche en plein vol. L'oxygène n'atteint plus mes poumons, les spasmes qui me secouent arrivent à leur paroxysme, mais au moment où je me pense perdu, un nouveau corps chaud se colle contre le mien comme une branche qui m'éviterait de m'écraser contre les rochers en bas de la falaise. Dans un ralenti que je n'arrive pas à maîtriser, je tourne la tête pour planter mon regard dans l'inquiétude qui gronde dans celui de mon frère. Sa paume vient remplacer celle de Wayne, et ce dernier entrelace ses doigts aux miens.

— Eh, frérot, parle-moi... parle-nous...

Soutenu par les deux personnes les plus importantes de ma vie, je parviens à prendre une courte inspiration. Insuffisante pour éloigner ma sensation d'étouffement, mais assez profonde pour m'apaiser un peu.

— Quelques jours avant ma sortie de taule, des... des gars m'ont chopé dans les douches... articulé-je d'une voix éraillée.

La sensation du carrelage froid contre mon torse refait surface et mes mots s'évaporent. Je sens encore le poids des deux types appuyer contre mes omoplates. Je me revois paniquer quand Bellick tire sèchement sur ma serviette. Je m'entends à nouveau hurler alors qu'il prend son pied. Je ne peux pas dire ça, avouer ça, c'est impossible...

— Prends ton temps, West. On est là, on bouge pas, chuchote Wayne en émettant une légère pression sur ma paume.

Concentré sur les phrases qu'il vient de prononcer, je me les répète en boucle pour me donner du courage. Je me persuade que je ne suis pas seul, qu'ils ne me laisseront pas m'écrouler. Après une nouvelle inspiration, cette fois bien plus longue, je finis par déglutir en fixant un point invisible sur le sol éclairé par un luminaire accroché au mur du bâtiment en effervescence.

— Ils étaient envoyés par Lola pour me soutirer des infos, déclaré-je sans réfléchir. Et ces infos, je les avais pas. Alors ils ont... ils...

Eh merde. Pourquoi je n'y arrive pas ? Ce n'est pas si difficile que ça. J'ai juste à leur expliquer, à leur raconter, et c'est fini. Tout est fini. Je n'aurais plus jamais à aborder le sujet avec qui que ce soit.

— Alors ils m'ont traité comme un traître, finis-je par craché. Comme un traitre en prison.

Ma voix se déchire alors que je sens Gale bouillir contre moi.

— Non, non, non... fulmine-t-il. Ces enfoirés t'ont pas vio...

— Non ! le coupé-je, le cœur battant. Ils ont pas eu le temps. Des amis sont arrivés à temps pour m'aider. Mais le mec, il... il m'a... ses mains sur... Sa putain d'érection contre ma cuisse...

Choqué par mon propre vocabulaire, je me tais. Les souvenirs s'empilent dans mon esprit et j'ai l'impression de sentir ce gros porc contre moi. De percevoir son désir qui monte. De devoir supporter ses caresses appuyées qui m'ont arraché une partie de moi. Je vais gerber.

— Ce fumier t'a touché ?

Désemparé, je ferme les yeux en acquiesçant sans émettre le moindre son. La rage de mon frère est impressionnante. Je n'avais jamais vu Gale aussi en colère de ma vie. Sa respiration se saccade peu à peu et une chaleur suffocante irradie de ses muscles tendus ; si je n'étais pas à ramasser à la petite cuillère, je crois qu'il irait lui-même fracasser ces enflures, quitte à finir enfermé avec elles.

— Oh, West... compatit Wayne dans un souffle.

Je ne sais pas s'il vient de faire le lien avec ma réaction à l'hôtel, mais le contraste entre son empathie et la hargne de Gale me cloue sur place. Qu'est-ce qu'il va se passer maintenant que j'ai réussi à le vomir ce qui me ronge ? Maintenant qu'ils savent ? Est-ce qu'ils vont me voir différemment ? Est-ce que ça va faire moins mal ? Est-ce que je vais pouvoir vivre avec ?

— Mais pourquoi t'as gardé ça pour toi tout ce temps, frérot ? s'enquiert mon meilleur ami d'un ton nettement plus doux.

Son pouce forme des cercles au niveau de mes cervicales et sa question sans jugement me fait du bien. Il ne m'en veut pas, il ne me reproche rien. Il est toujours là. J'ai beau me haïr, me dégoûter, il ne se barre pas en courant. Il reste avec moi. Ils sont tous les deux à mes côtés malgré mes confidences répugnantes, et ça me soulage bien plus que je ne l'imaginais.

— J'en sais rien... déploré-je. Vous m'en vouliez déjà tous les deux. Je voulais pas sortir la carte du mec détruit comme une excuse. Il fallait que je me concentre sur la suite, j'avais... Je voulais pas vous perdre. Je peux pas vous perdre, vous comprenez ? Sans vous, je respire pas. Je respire pas... 


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Coucou tout le monde, 

J'ai cru comprendre que certaines personnes attendaient cette partie avec impatience, parce qu'elles en avaient marre d'attendre pour savoir ce que Gale avait bien pu entendre... ça m'a fait super plaisir de le savoir, et j'espère que cette suite vous a plu, qu'elle valait le coup d'attendre.
D'ailleurs, je dis ça comme ça mais... vous devriez retenir la dernière phrase que prononce West, il est possible qu'elle ait une importance capitale pour la suite... Mais bon, après, vous faites ce que vous voulez, hein...

Qu'est-ce que vous pensez du désarroi de West ? Et de sa culpabilité, aussi ? Vous comprenez qu'on puisse s'en vouloir des actes de nos parents ? Vous comprenez qu'il se sente aussi perdu et qu'il se jette la pierre ? 

Elle vous inspire quoi cette espèce de nouvelle relation avec Wayne ? L'idée qu'ils ne soient plus en couple, mais qu'ils ne se lâchent pas ? Est-ce que pour vois, c'est possible d'être aussi proche de son ex ? Est-ce que pour vous, ça va fonctionner ? 

Même si les confidences sont difficiles à entendre, ça vous fait quoi de revoir nos trois abrutis aussi soudés -voire plus- qu'au début ? Est-ce que vous pensez que maintenant, ils vont rester accrochés les uns aux autres pour se sortir de tout ce bordel ou est-ce qu'il va encore y avoir quelque chose qui va les monter les uns contre les autres ? 

Et la musique, alors ? On aime ? J'avoue que cette chanson, je l'écoute depuis des années, je l'aime d'amour. 

Voilà, voilà, c'est tout pour moi, je repars travailler sur mon nouveau projet et sur LMS, que je vais reprendre dans quelques jours, j'ai hâte ! 

En attendant, prenez bien soin de vous les potes. 

Je vous envoie plein de bonnes ondes. 

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