Chapitre 17 | 2
"A tidal wave of fear and pain carries us away.
Another fight into the night
Until nothing else remains.
How do we fin harbor from the hurricane ?"
Hurricane – Thrice. (En média).
Suivi par Liv, je me précipite hors de la chambre pour rejoindre West devant la nôtre alors qu'il nous regarde accourir en fronçant les sourcils. Lorsque la petite amie de Wayne arrive à sa hauteur, mon frère semble à deux doigts d'exploser.
— File-moi les clés. Magne.
Sa voix tremble de colère, et au moment où je m'apprête à lui demander de se calmer, de ne pas s'en prendre à elle sans raison, un bruit sourd retentit de l'autre côté du mur.
— Liv, laisse-moi sortir, bordel ! enrage Wayne alors qu'il paraît s'acharner contre la porte.
Stupéfait, je dévisage la source de toute la haine qui gronde autour de nous.
— Attends... tu l'as enfermé à l'intérieur ? m'étranglé-je.
— Je... j'avais peur qu'il retourne au gymnase et qu'il se mette en danger...
Le ton peiné de Liv me touche au moins autant que les images qui inondent mon esprit. Je la revois encore, transie de peur et d'inquiétude alors que Wayne sombrait dans la salle de boxe. Jamais elle ne l'avait vu comme ça, aussi obscur, aussi violent... Elle a toutes les raisons du monde de vouloir à tout prix éviter que ce genre de situation ne se reproduise, pourtant je ne suis pas certain que sa manière de gérer la chose soit la meilleure, et la réaction de son petit-ami me le confirme un peu plus chaque seconde. Dans la pièce, des éclats de verre font écho à des cris de frustration impressionnants comme si une tornade était en train de ravager l'intérieur de la salle. West lâche un rire cynique que j'ai du mal à décrypter, avant de fusiller Liv du regard. Tendu, il s'approche de moi pour fouiller dans mes poches. Ses mouvements saccadés débordent d'amertume, mais il ne dit rien. Il ne fait aucune remarque. Il se contente d'attraper ce dont il a besoin et de le fourrer dans la serrure.
— J'ai fait ça pour essayer de le protéger ! s'écrie Liv, sur la défensive. Il se torture quand il va là-bas !
Mon meilleur ami stoppe son geste malgré la violence qui semble s'accroître de plus en plus à l'intérieur de la chambre d'hôtel fermée, puis fait volte-face.
— Parce que là, il se torture pas, peut-être ? crache-t-il, plus mauvais que jamais. Putain, mais t'es sûre que c'est ton copain ? T'es sûre que tu le connais ?
Les prunelles de Liv s'arrondissent de colère.
— Comment t'oses me dire un truc pareil ?! hurle-t-elle. Tu sais quoi de lui, hein ? Tu sais quoi des dernières années qu'il a vécues ? Lequel d'entre nous l'a abandonné, rappelle-moi ? Lequel d'entre nous était pas là pour lui ?
Pas le moins du monde affecté par ses grands brassements d'air, West observe Liv s'énerver avec une froideur terrifiante.
— J'ai pas besoin d'avoir passé mes journées avec lui pendant les trois dernières années pour savoir que quand Wayne essaie de se détruire, le dernier truc à faire c'est de l'enfermer dans une pièce seul face à ses démons.
Le ton de mon meilleur ami est si calme, si dur, que même moi, je ressens l'impact brutal de la déchirure qui s'abat sur Liv. Incapable de rebondir sur cette douloureuse vérité, cette dernière fait un pas en arrière comme si on venait de la frapper, et West s'engouffre dans la chambre sans plus prêter attention à elle. D'abord accablé par l'intensité de la confrontation qui vient de prendre vie sous mes yeux, je reste cloué sur place. L'animosité de Wayne a beau m'éclater les tympans encore et encore, je ne parviens à bouger que lorsqu'une chevelure auburn virevolte devant mon nez. Une fois sur le seuil, je m'occupe à peine des nombreux dégâts que la haine de Wayne traîne derrière elle. Tout ce que je vois, c'est mon meilleur ami qui se poste entre les poings de son ancien amour et le mur déjà maculé de sang. Tout ce que je vois, c'est qu'une boule de rage pure va lui bondir dessus s'il ne s'écarte pas dans les prochaines secondes.
— Dégage de là, éructe Wayne, les dents serrées.
Ce ton impulsif, agressif, à la limite de l'incendie, je le connais bien. Je sais qu'à la première étincelle, l'intégralité de ce qui se trouve ici sera réduit en cendres. Inquiet, je tente une approche prudente, mais West ne me laisse pas atteindre mon but, il rétorque déjà avec la même férocité.
— Ou sinon quoi ? Qu'est-ce que tu vas faire ?
Mais pourquoi est-ce qu'il le provoque ? Il a perdu la tête ou quoi ? Il va se faire massacrer.
Wayne est à deux doigts de perdre pied et, face à son entraînement poussé, même moi je ne peux pas nous protéger du pire. Sa respiration est de plus en plus rauque, ses poings sont secoués de spasmes puissants, pourtant on dirait que, face à West, il puise dans ses dernières ressources pour se contenir. Il ne suffirait que d'une pichenette pour le faire basculer, que d'un mot plus haut que l'autre pour que ses émotions dévastatrices s'écrasent sur mon frère.
— Oh, tu vas me foutre une raclée, peut-être ? rit presque mon meilleur ami. Bah qu'est-ce que t'attends ? Vas-y, cogne !
Insolent, West avance vers son adversaire, puis le pousse brusquement. Surpris, Wayne recule pour ne pas perdre l'équilibre, mais sa rage augmente encore d'un cran.
À quoi tu joues, West, merde ?
Mon rythme cardiaque s'affole ; je ne sais pas comment intervenir pour limiter la casse, je ne sais pas comment préserver l'un sans que l'autre n'en subisse les conséquences.
— C'est à moi que t'en veux, non ? Alors prends-t-en à moi, Wayne. Je suis là, devant toi, t'as plus qu'à lâcher prise.
Paralysé, j'ai l'impression de regarder ma forteresse prendre feu sans réussir à bouger le petit doigt. Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à sortir de ma torpeur ? Pourquoi je ne me jette pas sur Wayne pour mettre mon frère à l'abri ? Pourquoi je laisse le bénéfice du doute à West alors qu'il est clairement en train de foncer tête baissée dans un mur en béton armé ? Bouge, Gale. Bouge !
— Je suis parti. T'as pas envie de me faire payer ça ?
— La ferme.
— Je suis de retour dans les affaires. T'as pas envie de me faire comprendre à quel point ça te ravage ?
— Tais-toi, West.
— T'as pas l'impression que je me suis foutu de ta gueule ? Je suis entré dans ta vie, j'ai tout bousillé, et ensuite je t'ai laissé de démerder avec les dommages. Ça te fait rien ? Ça te fait rien de savoir que j'aurais pu éviter ça, mais que j'ai quand même plongé dedans ?
— Mais tu vas la boucler, bordel ?!
Wayne fonce sur West, et j'ai la sensation que l'angoisse m'ouvre le ventre en deux. Mon frère esquive le premier coup, puis le deuxième, alors qu'il échappe au troisième de justesse. Un high kick dans la tempe aussi rapide que puissant le prend de court, et quand il chancèle, je me dis que c'est terminé. Qu'il est beaucoup trop sonné pour voir arriver l'achèvement final. Pourtant West ne se laisse pas surprendre, il s'écarte de la trajectoire de l'attaque au dernier moment, alors que Wayne change déjà de technique. Dans mon dos, Liv implore son petit-copain de l'écouter, de se calmer, de ralentir, et moi, je reste planté là sans rien faire. Je ne sors toujours pas de ma tétanie. C'est comme si tout mon corps rejetait l'idée que je m'en mêle, comme si au fond de moi je pensais encore que mon meilleur ami pourrait avoir le dessus sur la tempête.
Alors que la panique gagne du terrain dans ma poitrine, j'entrevois l'uppercut de Wayne prendre de la vitesse et l'imagine déjà atterrir dans les côtes de sa victime. Mais West, bien plus réactif que je l'aurais cru, pivote vers la gauche, attrape le poignet de son assaillant d'une main et lui envoie son poing dans la figure de l'autre. La brutalité du crochet fait vaciller Wayne, qui s'écroule sur l'un des deux lits, face contre le matelas. Mon frère profite de cette ouverture pour immobiliser son concurrent avec une clé de bras et met tout son poids sur son dos pour l'obliger à rester sur la couette. Pour l'empêcher de se faire plus de mal.
— Lâche-moi ! Lâche-moi, je te dis !
Wayne hurle, il lutte, il s'agite, mais rien n'y fait. West ne le prend pas en pitié. Il se contente de raffermir sa prise à chacun des mouvements de son prisonnier, tout en lui répétant que s'il veut retrouver sa liberté, il va falloir qu'il redescende en pression. Plus les minutes passent, plus Savannah se glisse dans mes pensées. Je ne l'avais jamais vraiment remarqué, mais en fin de compte, ils sont pareils. Ils réagissent tous les deux avec le même acharnement viscéral. Ils se contiennent, ils se contiennent, et au bout d'un certain temps, ils ne sont plus en mesure de gérer la douleur qui les ronge, alors ils la laissent sortir. Ils la font s'exprimer de la pire des façons possibles parce qu'ils ne savent pas faire autrement. Parce qu'on ne leur a jamais appris que leurs sentiments pouvaient avoir de la valeur, même quand ils se voient moins, même quand ils n'éclatent pas.
— Vas-y, Wayne, crie-moi dessus, énerve-toi. T'as le droit de m'en vouloir, t'as le droit d'avoir mal. Mais je vais pas te laisser te relever tant que je serai pas sûr que tu vas pas continuer à te faire du mal, tu comprends ?
La voix de mon frère est à la fois douce et déterminée. Elle ne laisse place à aucun doute, pourtant elle reste rassurante, bienveillante, comme une main tendue à laquelle Wayne pourrait s'accrocher si jamais il en avait besoin. Malgré mon incertitude quant à l'efficacité de ce genre de méthode sur mon camarade en crise, j'empêche Liv de bondir sur West quand je la vois se précipiter sur lui du coin de d'œil. Désespérée, elle se débat contre ma poigne, et je l'entoure d'une étreinte protectrice.
— Attends, murmuré-je près de son oreille, laisse-le essayer.
Étrangement, Liv se détend. Elle ne tente plus de m'échapper, mais je ne la libère pas pour autant. Je la garde contre mon torse, et nous observons avec attention la scène indescriptible qui se déroule sous notre nez. West déblatère. Il parle, il parle, il parle, et il parle encore. Il assure à Wayne qu'il est en sécurité, qu'il a le droit de souffrir, mais que se mettre en danger ne l'aidera pas. Parfois il baisse un peu le ton, et les mots qu'il emploie se cachent à l'intérieur de la bulle qu'il forme petit à petit autour d'eux. Au bout d'un moment qui me paraît durer une éternité, la fureur de Wayne se transforme en ce qu'elle a toujours été : une détresse déchirante. Mon frère relâche doucement son otage, l'incite à s'asseoir sur le lit, puis place ses deux mains dans sa nuque. Dans mes bras, Liv se raidit et je dépose mon menton sur son cuir chevelu par réflexe, pour lui montrer que je suis là, avec elle ; que même si son petit-ami s'éloigne, elle n'est pas toute seule.
— Raconte-moi, Wayne. N'aie pas peur, souffle West.
Les prunelles vertes de son interlocuteur brillent, puis se remplissent de larmes.
— Mon père a appelé, gémit ce dernier, à deux doigts de s'effondrer.
— Et qu'est-ce qu'il t'a dit, ton père ?
— C'est...
Wayne soupire durement.
— C'est Charlie... chuchote-t-il. Il y a quatre jours... il y a quatre jours, ils l'ont débranché.
Abattu, je me fige. Liv lève la tête vers moi, mais l'univers tout entier paraît s'évaporer, et je ne réponds plus de rien. L'image de Ninnah qui pleure dans mon cou à l'intérieur de la chambre d'un enfant relié à des dizaines de machines me fracasse la poitrine. Ce gamin, je ne l'ai jamais vraiment connu. À vrai dire, je ne l'ai vu qu'à l'hôpital. Mais Savannah m'a tellement parlé de lui, que j'ai l'impression d'avoir passé des heures à l'observer jouer à Superman, que j'étais à ses côtés quand il a vu Big Ben pour la première fois, que je l'ai tenu sur mes genoux quand il avait peur devant un film d'animation au cinéma... Elle m'a raconté tant de souvenirs, tant d'anecdotes, que je pourrais presque croire que ce petit n'a pas de secrets pour moi. Au fond de mon cœur, je sais que c'était un môme vivace, généreux, lumineux. Qu'il avait l'imagination la plus débordante du monde, qu'il détestait la pizza et qu'il voulait devenir astronaute. Mais dans ma tête, j'ai conscience que tout ce que je sais de lui, c'est qu'il a passé des années dans le coma, et que je n'y suis pas pour rien. C'était moi, le dealer de Savannah. C'est à cause de moi qu'elle était stone le jour de l'accident.
À mes côtés, le monde s'agite. Deux ombres passent devant mes yeux au ralenti, Liv quitte mon cocon, mais une voix grave et cassante la coupe dans son élan. Elle semble répliquer quelque chose, mais je ne cherche pas à comprendre quoi. J'ai tué un petit garçon. Les heures que j'ai passées dans le service de soins intensifs de l'hôpital de New York s'enchaînent en accéléré dans mon esprit, et la seule lueur qu'il me reste, c'est Ninnah. Ninnah qui s'en veut et qui se réfugie dans mes bras. Ninnah qui a besoin de tout lâcher et qui me décrit Charlie dans les moindres détails. Ninnah qui coule et qui me rabâche qu'elle ferait mieux de se foutre en l'air parce qu'elle ne peut pas vivre avec la mort de son petit frère sur la conscience. Ninnah, Ninnah, Ninnah...
Il faut que je lui dise.
De nouveau en possession de tous mes moyens, je me dirige vers la sortie de la salle désormais presque vide.
— Gale, attends ! Où est-ce que tu vas ?
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Coucou tout le monde, comment ça va ?
Je suis désolé, je suis un peu en retard, mais mon planning de ces deux derniers jours était bien rempli et je me suis organisé comme une crotte. J'espère cependant que cette partie de chapitre valait le coup d'attendre un peu et que cette histoire vous plait toujours autant.
Moi, j'ai terminé le chapitre 20, et je vois à peu près la fin arriver donc je peux vous dire que ce tome fera entre 26 et 28 chapitres (+ l'épilogue), mais pas de panique, une suite est prévue. Je l'avais déjà annoncé, mais en effet, après ce tome, un autre livre sortira. Un mélange entre un spin off et un tome trois. Une espèce de lien entre ce tome là et l'histoire d'Isaiah. D'ailleurs j'espère que vous serez au rendez-vous, même si en attendant que je commence l'écriture de ce spin off, une autre histoire sera publiée ici, sur Wattpad. (L'histoire de Willow [dont vous pouvez avoir le titre et un extrait dans mon livre Et si l'espoir s'éteint, disponible sur Amazon]).
Bref bref, blablatons un peu maintenant.
Qu'est-ce que vous pensez des agissements de Liv ? Est-ce qu'ils vous insupportent, comme West ou est-ce que vous arrivez à la comprendre ?
La réaction de Wayne, elle vous inspire quoi ? Toute cette violence, vous pensez que ça peut aller plus loin ou c'est juste sa façon à lui de lâcher prise ?
Et la révélation de Gale concernant l'accident de Savannah, vous vous y attendiez ? Vous aviez deviné qu'il n'y était pas pour rien ou c'est une surprise pour vous ? Est-ce qu'il va réussir à trouver Savannah pour lui annoncer le drame selon vous ?
Et la musique alors, on en pense quoi ?
J'ai encore des tas de choses à faire alors je vais devoir vous laisser, mais j'essaie de passer sur vos commentaires dans la semaine, parce que j'en ai vu passer quelques uns dans mes notifications, et ils promettent de me faire beaucoup rire. Laissez-m'en plein ici aussi d'ici là, que je me retrouve noyé de réactions ! J'aime tellement vous voir réagir !
À très vite les potes.
Je vous envoie plein de bonnes ondes.
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