Chapitre 17 | 1

"As I reach through the distance (All I hear is you callin' me).

Underneath empty skies (Darkness chasin' the days down).

Tryin' to keep you from driftin' (Like I'm losin' a part of me).

Will I make it in time ? (All I have is my faith now).

Edge Of The Earth – UNSECRET, Vo Williams, Sam Tinnesz. (En média). 


Mon cœur explose à chacune de ses pulsations, et je ne sais plus si les battements sourds que je perçois proviennent de ma poitrine ou des coups que je balance sur la paroi qui me sépare de mon frère.

— West, ouvre cette putain de porte !

Ma voix est à peine reconnaissable. Perdue entre colère et terreur, elle semble lointaine, différente. Je sais qu'il faut que je me reprenne, que je réfléchisse à ce que je suis en train de faire, mais je suis incapable de me raisonner. Tout ce qui me traverse l'esprit, c'est la panique de West quand il m'a forcé à partir. Elle était trop puissante, trop profonde, trop viscérale pour que je parvienne à me contrôler maintenant que je le sais en danger. Pourtant au moment où il m'a viré de sa chambre, je l'avais compris. Je l'avais vu dans ses yeux, que cette fois, c'était grave. Que cette fois, il ne pensait pas pouvoir s'en sortir avec une simple punition. Mais je suis quand même parti. Je l'ai quand même laissé s'éloigner de moi, de cette bulle protectrice qui nous a toujours rapprochés. Je l'ai laissé faire parce que je sais jusqu'où il est capable d'aller pour me protéger de lui-même, parce que je sais qu'il ne m'écarte de sa vie que dans les situations les plus critiques. J'ai voulu lui accorder un peu de temps pour se calmer en me disant que Lola était trop occupée avec Wayne pour se pointer à l'hôtel aujourd'hui, mais j'avais tort. Les hurlements atroces qui m'ont réveillé viennent de me le prouver, ils m'ont prouvé à quel point j'étais naïf, à quel point j'ai sous-estimé cette femme qui intimide tant West, à quel point j'ai minimisé l'intérêt qu'elle peut bien lui porter. Je me hais, putain. Je me déteste de ne pas être resté, de ne pas l'avoir vu venir, de ne pas avoir pigé qu'avec Lola, la moindre seconde compte.

Je te jure que si tu me laisses pas entrer, je la défonce ! l'avertis-je, à bout de nerfs.

Le silence qui règne dans la pièce me pétrifie. Il y a quelques minutes, j'entendais des dizaines de bruits mats, des gémissements, des cris, et maintenant plus rien. Pourvu qu'il ne soit pas trop tard. Un scénario intolérable se glisse dans mes pensées, mon estomac se retourne, mais au moment où je m'apprête à mettre mes menaces à exécution pour le faire disparaître, la barrière sur laquelle je me déchaîne tombe enfin. Ni une ni deux, je me précipite à l'intérieur de la salle et me retrouve face à mon petit frère quasiment nu, maintenu par deux mecs bien charpentés. Il est vivant, putain. Il est vivant... West me dévisage un instant, puis se focalise sur une ombre que je remarque tout juste. Cachée dans l'obscurité de la pièce à peine éclairée par la lumière de la lune, la silhouette reste immobile.

— Non, Lola, s'il te plaît, fais-le sortir d'ici... la supplie West d'un ton déchiré. Il a rien à voir dans tout ça, rien !

Les larmes de mon frère font briller ses joues, et ma gorge se serre. Bouleversé, je détourne le regard ; cet état-là, je ne le connais que très peu. Je le connais mal, et je le hais. Je serais prêt à tout pour le voir s'éteindre, pourtant si c'était à refaire, je n'hésiterais pas une seule seconde à m'imposer dans cette chambre encore une fois. Je choisirai toujours de le sauver lui, même si je dois prendre les plus gros risques du monde pour savoir qu'il respire. Sur ma droite, un mouvement presque imperceptible attire mon attention alors qu'un canon glacé se dépose sur ma tempe. Je me fige. Mon petit frère s'agite. J'imagine mon assaillante sourire.

— Non, non ! Lola ! S'il te plaît, s'il te plaît ! s'écrie West, soudain incontrôlable.

Malgré la douleur évidente qui l'envahit à chacun de ses gestes, il tente d'attaquer ses bourreaux, de se dégager de leur poigne, de se jeter sur Lola, mais rien n'y fait. Les armoires à glace ne bougent pas d'un millimètre et mon frère finit par lâcher prise. Essoufflé, tout tremblant et sanglotant à moitié, il se laisse sombrer ; je crois que si les deux baraqués ne le retenaient pas, il s'écraserait sur le sol.

— Ne tire pas, murmure-t-il, éreinté. Je t'en prie...

Plus impressionné par la réaction de West que par le flingue qui menace de me souffler comme une bougie, je me tourne vers Lola et affronte l'arme sans sourciller.

— Faites-moi ce que vous voulez, mais laissez West sortir de là vivant, lancé-je froidement.

— Gale, putain de merde, arrête tes conneries ! fulmine mon meilleur ami. T'es pas en face d'Eleanor, là !

La détresse qui suinte de ses mots me touche, pourtant je ne flanche pas. Je reste focalisé sur l'ombre qui n'a toujours pas réagi.

— Fais attention à ce que tu souhaites, Walters. Tu pourrais facilement le regretter, me prévient cette dernière, moralisatrice.

— Lola... Lola, l'écoute pas, vire-le d'ici !

Pas le moins du monde attendrie par les supplications de son subalterne, la silhouette arme le flingue. Mon cœur tressaute, l'angoisse de West me pèse, mais je ne montre rien, je garde tout à l'intérieur. Si elle comprend que son petit jeu a un impact quelconque sur moi, elle va reprendre la main.

— Contrairement à West, je n'ai pas peur de vous, la provoqué-je.

J'entends un ricanement alors que Lola semble replacer quelque chose sur son visage. Elle sort de la pénombre puis avance vers moi jusqu'à ce que je la chaleur émanant de son corps s'empare de mon espace vital. Le canon de l'arme change de cible pour s'enfoncer dans ma gorge. Elle peut tirer à n'importe quel moment.

— Mais tu vois, la différence entre le Prodige et toi, c'est que lui, il me connaît.

Son sous-entendu me glace le sang mais je ne dis rien, je ne cille pas. Si j'en savais plus sur elle, je me douterais sûrement de ce qu'il faudrait craindre.

— Laissez West s'en aller, réitéré-je avec un peu moins d'assurance.

— Mais arrête... arrête... arrête...

La vulnérabilité de mon frère me déstabilise, son souffle court me crispe, son ton éraillé me donne envie de tout abandonner pour suivre ses implorations. Tout à coup, les paroles de Storm me reviennent en tête, et je commets l'erreur de les laisser me submerger.

« Gambino se serait servi de lui pour faire plaisir à sa fille »

Et si c'était vrai ?

« Pendant leurs premières relations, Gambino les aurait observés avec quelques-uns de ses hommes »

Et si Lola était présente quand ça s'est produit ? Et si elle avait participé ? Et si c'était la raison pour laquelle West devient si fragile quand elle est dans les parages ? Mes tripes se contractent, un haut-le-cœur remonte le long de mon œsophage et je m'efforce de retenir tout ce que j'ai envie de cracher, de gerber à la figure de cette femme répugnante. Si jamais les allégations de Storm se vérifient, si jamais j'ai raison concernant Lola, je crois que je serais capable du pire. Mes poings se serrent d'eux-mêmes, ma respiration s'intensifie, une haine bouillante déferle dans ma poitrine, mais je concentre toutes les forces qu'il me reste à éviter qu'elle explose.

— Dommage que j'aie encore besoin de toi, je me serais fait un plaisir d'effacer ton surplus de confiance.

La patronne de mon frère m'extirpe de mes pensées fumantes, et je fronce les sourcils. Comment ça, elle a besoin de moi ? Le flingue quitte ma peau alors que la femme masquée se tourne vers West. Elle sort quelque chose de sa poche, une enveloppe pliée en deux avec un cachet étrange, puis la tend à sa victime dont les yeux s'écarquillent.

— Tu veux des débuts de réponses, le Prodige ? Va les chercher.

West la fixe, incrédule. Il paraît perdu, choqué, incapable de reprendre contenance. Devant sa paralysie, Lola se met à rire et glisse l'enveloppe sous l'élastique de son boxer, ce qui le fait tressaillir. Ma rage s'enflamme. Si cette salope l'a déjà touché, je jure sur ma vie que je trouverai un moyen de le lui faire payer.

— C'est pas possible... si je vais là-bas, je pourrai pas travailler pendant plusieurs jours, hésite mon meilleur ami.

Qu'est-ce qui lui arrive ? Aller où ? Qu'est-ce que c'est que cette enveloppe ? Pourquoi est-ce qu'il semble aussi désorienté ? Aussi craintif ? Je ne comprends pas. Je n'arrive pas à saisir quel détail j'ai loupé.

— Dis-toi que je t'offre des jours de congé, alors.

Je ne peux pas voir l'expression de Lola, mais je pourrais jurer que ses traits baignent dans une fierté à vomir. L'air de mon frère change, et j'ai l'impression qu'il reprend du poil de la bête.

— Je ne laisserai pas Wayne seul face à ton petit toutou bien dressé, crache-t-il.

— Emmène-le avec toi, réplique Lola avec un sourire dans la voix que j'ai envie de lui faire bouffer. Je suis sûr qu'il appréciera le voyage.

Le peu de force que West venait de retrouver s'évanouit en même temps que ma méfiance atteint son apogée. Ça pue le piège à plein nez.

— Je te laisse une semaine. Si tu ne reviens pas, je fais disparaître Gale, et la petite Emerson. Ils souffriront tellement que tu pourras les entendre te supplier de revenir mourir à leur place.

Sur cette bombe finale, la femme masquée quitte la pièce, suivie de près par les types baraqués qui jettent West sur la moquette comme un vulgaire déchet. Sidéré, mon frère prend de longues secondes avant de se redresser pour se munir de ce que Lola a coincé dans son caleçon. Je scrute l'enveloppe blanche avec curiosité, mais abandonne bien vite mes interrogations sourdes quand je remarque à quel point ses mains tremblent.

— Eh, frérot... chuchoté-je en déposant des doigts prudents sur son épaule nue. Parle-moi, qu'est-ce qui se passe ?

Mon meilleur ami relève les yeux dans ma direction, l'air désabusé.

— T'es un sale con, voilà ce qui se passe, lâche-t-il avec un soulagement non-dissimulé.

Je l'observe quelques secondes, puis finis par pouffer de rire. Je pouffe de rire, et je l'attire dans mes bras alors qu'un faible sourire se dessine sur son visage.

— Refais plus jamais un truc pareil, putain.

— Je te promets rien, rétorqué-je, un peu plus serein.

West souffle du nez en secouant la tête, mais ne brise pas notre étreinte. Contre mon torse, sa respiration est plus calme, ses spasmes diminuent et mon frère paraît s'apaiser petit à petit. Au bout d'un moment de silence réparateur, il ressort la fameuse enveloppe, mais ne se décolle pas de moi. Comme s'il avait besoin d'un lien, de quelque chose qui le connecterait à sa bulle de sécurité. Comme si ce simple morceau de papier pouvait lui coûter son équilibre bancal. Après un profond soupir, West retourne ce qu'il tripote depuis de longues minutes, fixe le grand « H » qui orne l'arrière de l'enveloppe et l'ouvre enfin. Il en sort une carte blanche toute simple sur laquelle figure son nom, son prénom et une adresse dans les Hamptons. Je serre les dents de frustration alors que mon meilleur ami semble de nouveau bouleversé. Mais pourquoi je suis incapable de comprendre ce qui lui arrive ? Mon frère regarde au dos de la carte, et tout se met enfin en place dans mon esprit.


« La famille Hutchins vous invite à son 15ème Gala de charité consécutif »


Putain de merde.

L'écriture est soignée, appliquée, presque trop parfaite pour être réelle. Même si cette invitation ne me concerne pas, mon cœur bat la chamade ; j'ose à peine imaginer ce qui se passe à l'intérieur de la poitrine de West. Immobile, ce dernier fixe la petite carte sans réagir. Il semble livide, complètement vidé.

— C'est le truc qui a lieu tous les ans auquel t'as jamais voulu assister ? osé-je dans un murmure.

— Non, c'est le truc auquel on m'invite tous les ans mais auquel personne ne veut que j'assiste, rectifie-t-il d'une voix blanche.

— Mais... qu'est-ce que ça veut dire ?

Mon interrogation n'est que rhétorique, pourtant une partie de moi aimerait qu'il y réponde. Qu'il m'explique. Que le plan de Lola s'allume devant nos yeux pour lever ce foutu mystère une bonne fois pour toutes.

— Ça veut dire que je connais encore moins bien ma famille que je ne le pensais.

Je dévisage mon frère avec désolation, mais il ne quitte pas le bout de papier des yeux. Il y a un truc qui m'échappe. Les parents de West sont morts il y a dix ans, et quand bien même ils auraient un rapport quelconque avec Gambino, Lola et Eleanor, quel lien toute cette mascarade pourrait-elle bien avoir avec un gala de charité ? Qu'est-ce que Lola sait que West ignore ? Pourquoi s'en sert-elle contre lui ? Et surtout, pourquoi prend-elle le risque de l'envoyer à plus de 1400 kilomètres de Chicago pendant une semaine entière ? Qu'est-ce qu'elle y gagne ? Des dizaines et des dizaines de questions se bousculent dans ma tête et au moment où j'en viens à me demander si elle n'a pas prévu de faire tuer mon meilleur ami sans que je ne puisse intervenir, la porte de la chambre s'ouvre en grand.

— Gale !

Liv se stoppe quand ses prunelles se posent sur West, qui s'empresse d'enfiler un pantalon. Après un instant de réticence, elle se concentre sur moi.

— Wayne a un problème.

— Quel genre de problème ? lance mon frère sans me laisser l'opportunité d'articuler quoi que ce soit.

La petite amie de Wayne hausse un sourcil, visiblement contrariée de devoir s'adresser à West, mais prend tout de même sur elle pour ne pas l'envoyer sur les roses.

— Je ne sais pas, lâche-t-elle froidement avant de planter son regard dans le mien. Il a reçu un appel, ça a dégénéré, et il s'est effondré. J'ai essayé de lui parler, mais...

Elle n'a pas le temps de finir sa phrase que son interlocuteur quitte déjà la pièce pour se rendre dans celle d'à côté. 

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Coucou tout le monde, comment ça va ? 

Moi, je suis toujours à la bourre, hein, comme d'habitude. Mais j'avance doucement sur le chapitre 20. Je crois que c'est l'un des chapitres les plus longs que j'ai pu écrire. Quoi que celui d'avant n'était pas mal non plus... Mais bon, j'adore l'écrire, alors ça va. 

Je l'ai dit sur Instagram, mais si jamais vous n'avez pas eu l'info, sachez que les commandes d'Etsy (pour les personnes qui ont commandé mon livre dédicacé) sont parties hier. Vous devriez donc avoir reçu un mail de confirmation avec les délais de réception à l'intérieur. Et si jamais vous n'avez pas commandé mon livre et qu'une dédicace vous intéresse, sachez qu'il n'en reste plus que 3 en stock. J'en remettrais mi-janvier avec un marque-page en plus, mais d'ici là, c'est vos 3 dernières chances d'en avoir un !

Bref bref, blablatons, maintenant :

Vous pensez quoi de la théorie de Gale en ce qui concerne Lola ? Est-ce que vous pensez que c'est pour ça que West a tellement peur d'elle ? Mais dans ce cas, pourquoi ne craint-il pas autant Eleanor ?

Et cette invitation alors, qu'est-ce qu'elle vous inspire ? Qu'est-ce qui va se passer là-bas, selon vous ? Est-ce que c'est un piège ? 

Et Wayne alors, que lui arrive-t-il, cette fois ? 

Pour la musique, celle-ci est un peu particulière. J'en ai parlé plus en détails sur mon Instagram alors je ne vais pas m'épancher, mais je l'aime beaucoup. Et vous, vous l'aimez bien ?

Voilà, c'est tout pour moi, j'espère que ce chapitre vous a plu et qu'il vous donne envie d'avancer dans l'histoire aux côtés de mes trois abrutis. D'ailleurs j'espère que la fin de ce tome vous donnera envie de lire la suite aussi. 

Bref, je vous envoie plein de forces et plein de courage. 

À samedi, les potes. 

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