Chapitre 16 | 3
"So stay away from me, the beast Is ugly.
I feel the rage and I just can't control it.
It's scratching on the walls, in the closet, in the halls,
It comes awake and I can't control it."
Monster – Skillet. (En média).
J'entre dans l'hôtel comme une furie, toujours aussi bouillant. Derrière le bar, Alaska stoppe l'application de son maquillage en me lançant un regard dédaigneux alors que Sky lève un sourcil. Devant leur air curieux, j'accélère le pas pour bien faire comprendre à tout le monde que ce n'est pas le moment de venir me demander ce que j'ai. Après tout, même si je n'ai encore vu aucun autre client ici, je suppose qu'elles peuvent toutes les deux trouver une autre occupation que venir me faire chier parce que je viens de faire claquer une porte devant leurs yeux ébahis. Je monte les escaliers quatre à quatre sans parvenir à redescendre en pression, sans réussir à penser à autre chose qu'à la colère qui boue dans mes veines et qui se bat férocement avec l'angoisse de savoir Wayne en pleine séance de torture.
Arrivé devant ma chambre, les mains encore tremblantes, je dois m'y prendre à deux fois pour réussir à la déverrouiller et enfin me retrouver seul. Je balance les clés sur le lit, puis mon débardeur, avant de me diriger vers la salle de bain avec humeur, prêt à fracasser le premier objet qui se mettrait en travers de ma route. En ouvrant la cabine de douche, j'aperçois l'hémoglobine qui recouvre les articulations de mes mains alors que la violence de la scène que j'ai provoquée il y a quelques minutes m'explose à la figure. Je me revois m'acharner sur ce pauvre mec et soudain, je ne supporte plus la vue de son sang sur ma peau. Les coups s'enchaînent dans mon esprit et je me précipite vers le lavabo pour laver ma culpabilité. Les gémissements du toxico résonnent dans ma tête et je frotte mes doigts avec frénésie. Les craquements de ses os éclatent de nouveau dans mon cerveau et je m'entends jurer de frustration, de douleur, de dégoût de moi-même. J'aurais pu le tuer, putain. J'aurais pu le tuer...
— West, est-ce que ça va ? Est-ce que je peux entrer ?
La voix de Gale respire l'inquiétude alors qu'il tape sur la porte, mais je ne lui réponds pas. Je me contente de récurer chaque millimètre de mon épiderme avec ma serviette mouillée, sans parvenir à faire disparaître tout ce rouge qui s'écoule pourtant dans l'évier blanc. Si Blondie ne m'avait pas dégagé de force du corps de ce type, je n'aurais jamais arrêté de le frapper. J'aurais continué jusqu'à épuisement, jusqu'à ce que ma rage se calme et j'aurais pu ajouter le meurtre de sang-froid à mon palmarès déjà bien chargé. Peut-être que finalement, ce que mon avocat a dit au juge n'était pas qu'une stratégie de défense. Peut-être que je ne suis rien d'autre qu'un criminel, que ça coule dans mes veines, que je ne sais rien faire d'autre que détruire et sombrer.
— West, mais qu'est-ce que tu... oh merde...
Malgré leur puissance et leur fermeté, les bras de mon frère se déposent autour de moi avec plus de bienveillance que je n'en mérite. Recouvert de tissu, son torse tiède se colle à mon dos nu et je me sens protégé, en sécurité. Il ne devrait pas essayer de me rassurer, il devrait me faire payer pour tout le mal que j'ai fait. Que je fais tous les jours.
— Arrête ça, petit frère, arrête... chuchote Gale contre ma tempe.
— Non, non, je peux pas... il faut que je l'enlève, je veux pas... j'encaisse pas.... son sang... son sang sur moi...
— West, stop.
Il attrape mes poignets et m'oblige à lâcher ma serviette toute tachée alors que je me rends compte que je suis à bout de souffle. Qu'est-ce qui m'arrive, putain ? Pourquoi est-ce que mon cœur bat si vite ? Pourquoi est-ce que j'ai l'impression que ma poitrine va s'ouvrir en deux ?
— C'est le tien, frérot. T'es en train de t'arracher la peau, plus tu vas frotter, plus ça va saigner.
Les murmures de Gale se fraient difficilement un chemin jusqu'à moi. Il n'est qu'à quelques centimètres de mon oreille, pourtant je pourrais jurer que ses mots doivent parcourir des kilomètres avant de parvenir à m'atteindre.
— Le... le mien ?
— Oui, West. Le tien. Ton sang.
J'observe mes phalanges sans comprendre et constate que plusieurs plaies suintent à l'endroit où mes os sont entrés en collision avec ceux du camé.
Le camé.
Lola.
Mon estomac se retourne alors que tout se mélange dans ma tête. Je m'extirpe de l'étau protecteur de mon frère, et le pousse par petits à-coups frénétiques.
— Il faut que tu t'éloignes de moi.
— Quoi ?
Gale fronce les sourcils tandis que je lutte contre mes sentiments en vrac. Je n'ai pas envie qu'il s'en aille, j'ai besoin de lui. J'ai besoin qu'il reste avec moi et qu'il me serre contre lui encore des heures, mais je sais qu'il ne peut pas rester. Il doit s'en aller.
— Je suis un monstre Gale, un monstre ! Il faut que tu partes, va-t'en.
— De quoi tu parles ? Qu'est-ce qui s'est passé ?
— S'il te plait...
Ma gorge se serre, ma vision se trouble pourtant je puise dans mes dernières ressources pour ne pas me laisser submerger.
— S'il te plait, retourne dans ta chambre. Au moins jusqu'à ce que Lola passe. Je veux pas qu'elle s'en prenne à toi pour me punir, Gale. Je peux plus vous mettre en danger constamment...
Mon ton déraille, et Gale tique. Il vire mes mains de son corps et pose les siennes sur mes épaules. Ce simple geste me détend, il m'aide à retrouver un peu d'oxygène pour ne pas m'étouffer avec cette panique sourde que je ne suis pas en mesure de maîtriser.
— Ralentis, petit frère. Explique-moi, murmure la seule personne au monde qui ne m'a jamais abandonné.
— Les larbins de Lola ont embarqué Wayne... Ils m'ont pas autorisé à venir avec lui et maintenant il est face à Lola pour la résistance... Elle... elle est en train de le torturer et je peux rien y faire... je peux rien y faire...
Gale serre les dents, mais ne dit rien. Il attend simplement que je lâche tout ce que j'ai, que je me libère.
— J'ai essayé de prendre sur moi, de penser à autre chose, de juste faire mon taf mais c'était trop, j'ai... j'ai pété les plombs sur un client. J'ai... putain, Gale, j'ai failli le butter ! J'ai failli le butter et maintenant Lola va me démolir. Je veux pas que tu sois là quand elle va arriver, je refuse qu'elle s'en prenne à toi pour m'atteindre, pour me faire obéir.
Même si ça me ravage, je retire ses paumes de mes épaules et fais un pas en arrière. Je me déteste d'avoir à en arriver là. Je me hais du plus profond de mon être. Le voir passer cette porte est la dernière chose que je veux. Ce lien entre lui et moi m'est nécessaire ; j'ai besoin de ses doigts sur ma peau, j'ai besoin de cet abri qu'il m'offre quand il est là, pourtant je suis en train de tout pulvériser.
— Va-t'en, Gale.
— West...
— Sors d'ici ! craché-je durement. Retourne dans ta chambre. Barre-toi.
La boule de feu qui obstrue ma gorge est atroce mais la réaction de mon frère l'est encore plus. Face à mes ordres, il baisse la tête, puis opine. Il se soumet.
— Je la laisserai pas te tuer, West. Même si je dois faire barrière avec ma propre vie, lâche-t-il sans me regarder.
Sur ces mots, il quitte la pièce, et mes genoux finissent par céder. Sur le sol, je me fais submerger. Mes émotions se déploient, les images dans mon esprit aussi. Je revois le visage ensanglanté du toxico. J'entends Wayne hurler une douleur qui n'existe pour l'instant que dans ma tête. J'observe l'ombre de Lola débarquer ici et poser son flingue sur ma tempe. Je l'imagine me sourire, puis appuyer sur la détente. Mon ventre se tord, ma respiration s'interrompt, mes larmes coulent. Plus ça va, moins je parviens à me contrôler. Plus ça va, plus je me fais ensevelir par ce qui s'est passé dans la ruelle, par ce qui se passe maintenant dans une salle de torture, par ce qui pourrait se passer ce soir dans cet hôtel. Incapable d'affronter tout ce qui explose en moi, je capitule. Je m'écroule sur la moquette, et me laisse noyer.
Je me laisse achever.
***
Une poigne violente m'attrape par les cheveux, me tirant de force de mon sommeil agité. Expulsé de mon lit, je pousse un cri de stupeur mais un uppercut puissant dans l'estomac me réduit au silence. Il me coupe le souffle. Deux molosses bien plus grands et baraqués que moi m'attrapent par les bras alors qu'une silhouette fine, tout juste éclairée par la lueur de la lune qui traverse la fenêtre de ma chambre, fait quelques pas dans ma direction.
— Je tourne le dos cinq minutes pour m'occuper de quelqu'un d'autre, et j'apprends que tu as failli tuer l'un de nos clients, West ?
Lola fait claquer sa langue trois fois contre son palais en secouant la tête comme une mère qui gronderait un petit garçon désobéissant, et un frisson me parcourt. Je n'aime pas ça. Ce ton condescendant, je le connais bien. C'est toujours celui qu'elle utilisait pour me punir quand j'étais petit, pour me rappeler qu'enfreindre les règles n'était pas sans conséquences.
— Ce n'est pourtant pas ton genre de perdre ton sang-froid, petit Prodige. Qu'est-ce que tu cherchais à faire ?
— Rien du tout, lâché-je un peu trop sur la défensive.
Ma patronne s'approche, son regard déterminé s'ancre dans le mien, et elle me flanque une gifle. Une gifle brutale. La légère chaleur qui s'empare de ma joue ne me fait pas mal, pourtant elle m'empêche de relever les yeux vers qui que ce soit. En un seul geste, en une seule petite humiliation, Lola vient de me propulser dix ans en arrière. De me renvoyer à cette époque où j'aurais fondu en larmes après ce qu'elle vient de faire, à cette époque où elle se serait servie de mes faiblesses pour me faire regretter mon erreur. Il ne lui suffisait que d'un rien pour me détruire, que d'une pichenette pour que je tombe, et je crois que sa méthode m'intimidait bien plus que le passage à tabac que les gorilles de Gambino me faisaient subir après ça.
— Ne me mens pas, m'avertit-elle.
L'index sur une joue et le pouce sur l'autre, Lola m'agrippe le visage pour me forcer à planter mes prunelles sans les siennes. Venant de n'importe qui d'autre, cette posture de pure domination m'aurait mis hors de moi mais face à elle, je n'ose pas riposter. Je n'ose pas m'indigner. Elle m'a dompté pendant des années entières, elle me connaît par cœur, et ça me terrorise. Ça me tétanise. Je suis incapable de lui tenir tête sans craindre sa réaction, sans craindre qu'elle se faufile encore dans mes fêlures pour les retourner contre moi.
— Qu'est-ce que tu cherchais à faire ?
Je la scrute sans un mot, et après plusieurs secondes interminables à me dévisager en haussant un sourcil, ma patronne libère mon menton. Qu'est-ce que je dois répondre ? Qu'est-ce que je peux lui dire ?
— Je t'écoute, West, insiste-t-elle.
Dans ma poitrine, mon cœur s'emballe. Il bat la chamade. Il est au bord de l'explosion. Pourquoi est-ce que je panique ? Pourquoi est-ce que je laisse cette femme m'atteindre à ce point-là ?
— J'ai pété les plombs, avoué-je d'un ton faible. Et quand j'ai vrillé, je me suis dit que ça t'obligerait à te déplacer, à venir me punir toi-même.
Un rictus cynique s'échappe de sa gorge.
— Tu voulais écourter l'épreuve de Singer, affirme-t-elle plus qu'elle ne me le demande.
— Je voulais te voir, éludé-je. Tu m'as promis des réponses, des pistes si je sortais de taule en un seul morceau.
Cette fois, Lola ricane franchement.
— Donc tu t'es dit que si tu me provoquais, je serais disposée à te donner ce que tu veux ?
Je serre les dents, elle a tout de suite cerné les failles de mon mensonge. Elle sait pertinemment que je n'aurais jamais pris un tel risque pour obtenir quelque chose d'elle. Le pouvoir qu'elle a sur moi ne lui échappe pas, elle a conscience qu'elle me fait toujours aussi peur que quand elle me formait.
— Comment tu t'y es pris, hein ?
Elle s'écarte de mon corps de plus en plus chancelant, et fait un signe de tête à un troisième larbin que je n'avais pas remarqué jusque-là. Celui-ci prend la place de sa maîtresse, et je me surprends à me demander si Avon ne se cacherait pas derrière le masque noir qui dissimule les traits de l'inconnu. Est-ce que c'est lui ? Est-ce qu'il est dans la pièce ? Je n'ai pas le temps de tenter d'analyser sa carrure ou la couleur de ses yeux que je vois à peine dans l'obscurité de la salle, que le type m'envoie son poing dans la mâchoire. Son attaque est si précise, si puissante que les deux cerbères qui me maintiennent se voient obligés de me repositionner correctement pour que je ne m'effondre pas sur la moquette.
— Comme ça ? reprend Lola. Et ensuite t'as tapé au même endroit jusqu'à ce qu'il s'évanouisse ?
Mon assaillant me frappe de nouveau, et cette fois il ne se contente pas que d'un crochet du droit. Il cogne, encore et encore. Il m'en fait baver comme j'en ai fait baver au toxico.
— Ou alors t'as été un peu inventif et t'as visé des parties de son corps plus ambitieuses, comme je te l'ai appris ?
Essoufflé et dégoulinant de sang, je ne perçois presque pas les mots qui sortent de la bouche de ma patronne. Ma mâchoire, mon nez, mon arcade et mes pommettes me lancent, mais je ne dis rien. J'absorbe ce qu'on me balance à la figure sans émettre le moindre son. Lola lève deux doigts, puis son chien de garde opine. Son poing se referme, mais cette fois il s'écrase contre mes côtes et je ne suis plus en mesure de garder le silence. Une morsure bouillante me déchire le flanc une fois, deux fois, trois fois, puis je perds le compte. Je m'égosille à chaque coup, j'essaie de me dégager de ma prison à chaque brûlure, mais rien n'y fait. Je suis condamné à subir ma punition jusqu'à ce que Lola en décide autrement.
— On dirait bien que ton petit bobo n'était pas tout à fait guéri... s'étonne-t-elle avec une exagération évidente.
Gémissant à chacune de mes inspirations, je ne parviens pas à lui répondre quoi que ce soit. À vrai dire, je tiens à peine debout, je me laisse porté par la force inébranlable des armoires à glace qui ne m'ont toujours pas lâché. Lola esquisse le début d'un mouvement, mais un tambourinement agressif s'éclate sur la porte.
— West ! West qu'est-ce qui se passe ? Ouvre-moi !
Je reconnais la voix préoccupée de mon frère, et la douleur insupportable qui me coupait en deux n'est plus qu'un lointain souvenir. Les joues encore humides de larmes, je relève vivement la tête vers ma formatrice pour l'implorer du regard.
— Non. Non, Lola, s'il te plaît. Je t'en supplie, laisse-le en dehors de tout ça. Il a rien à voir là-dedans, rien du tout !
Mon rythme cardiaque s'affole, ma respiration est incontrôlable, et le sourire satisfait de ma patronne ne fait qu'accroître l'angoisse qui pulse dans mes veines.
— On dirait bien qu'au contraire, il a l'air plutôt décidé à s'en mêler. Tu ne trouves pas ?
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Coucou tout le monde,
Comment ça va ?
Ça y est, mon livre est disponible ! il est enfin sorti alors j'ai de nouveau un peu de temps pour moi. Je suis toujours plongé dans un travail de bêta et je bosse toujours sur des gros projets qui vont arriver dans l'année 2022, mais je vais enfin pouvoir me poser pour lire et surtout pour me plonger dans vos commentaires, vos réactions et vos hypothèses, et ça, ça me fait trop trop plaisir !
Du coup, si jamais mon livre vous intéresse, sachez qu'il est disponible aux formats broché et numérique sur Amazon, et que si vous avez un abonnement Kindle, il est également disponible à l'emprunt ! Tous les liens sont dans ma bio si jamais vous voulez jeter un coup d'œil. Et vous pouvez évidemment me contacter si vous avez des questions.
Bon, revenons à nos moutons, et passons au blablatage.
On parle souvent de la fragilité de Wayne, de ses capacités à encaisser ou non, mais est-ce que vous pensez que West va tenir le coup, dans l'état où il est ? Est-ce que vous pensez que c'est ça que Lola cherche, à lui faire péter les plombs ?
À votre avis, Gale fait bien de s'en mêler ? Vous croyez que Lola va se venger sur lui, ou elle va encore étonner tout le monde ?
Vous imaginez quoi pour la suite ? Une punition pour West ? La mise à mort de quelqu'un ? Quelque chose qui arriverait à Gale pour son audace ?
Et la musique alors, un classique un peu, mais vous en pensez quoi ?
Voilà, c'est tout pour moi. Là je dois y aller, et demain je suis pas là, mais d'ici ce week-end je DÉVORE vos commentaires, alors laissez-en moi tout plein !
Je voudrais finir en remerciant toutes les personnes qui m'ont soutenu dans la sortie de mon livre, toutes celles qui ont partagé l'information, toutes celles qui ont acheté le livre peu importe le format. Merci, vraiment à tout le monde.
Je vous laisse pour ce soir, et vous dit à jeudi pour la suite.
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