Chapitre 14 | 1
"Oh, oh, do you shiver ?
Shiver now skies ablaze I'm gonna bring you down.
I said where, where you gonna run ?
On the other side, overloaded gun."
Can You Feel The Heat Now – Fleurie ft Tommee Profitt. (En média).
À sec, je laisse la porte claquer derrière moi puis m'y appuie avec difficulté. Tout ce que j'ai envie de faire, là, maintenant, tout de suite, c'est expirer un grand coup, et m'écrouler. Me laisser glisser contre le mur en lâchant toute ma frustration, toute mon amertume, toute ma douleur. Mes larmes me brûlent, mes émotions me submergent, ma poitrine est à deux doigts d'exploser, pourtant je ne craque pas. Je reste là, debout, une main sur le papier peint rose, à retenir mon souffle. Si je m'effondre maintenant, tout est fichu. Si je m'effondre maintenant, je ne suis pas sûr de parvenir à me relever un jour. Je dois prendre sur moi, être impassible. Il faut que je me concentre sur les événements à venir sans penser à rien d'autre. Sans penser à la souffrance de Wayne, sans penser aux mots qu'il m'a envoyés à la figure, sans penser à mes putains de parents sur cette putain de photo. Demain, Wayne va passer les tests d'admission de Lola, et même si ça me terrorise, c'est la seule chose que je dois avoir en tête pour le moment.
Les poings serrés, je me dirige mécaniquement vers la petite salle de bain, envoie valser mes vêtements et laisse l'eau bouillante me laver des sentiments que je ne laisse pas s'exprimer. Je ne sais pas combien de temps je reste sous la douche, accoudé contre la paroi transparente à espérer que tout ça ne soit qu'un mauvais rêve, mais quand je me sens enfin suffisamment vide pour affronter la réalité, je décide de me savonner. Après encore de longues minutes à essayer de forcer mes muscles à se détendre, je finis par sortir des sanitaires, une serviette autour de la taille. Un jogging et un caleçon volent à travers la pièce et je les rattrape de justesse en scrutant le fond de la chambre pour comprendre d'où ils proviennent.
— T'en a mis, du temps, se marre Gale.
Avachi sur mon lit, il me sourit et j'ai un temps d'arrêt. Bien qu'un peu triste, son sourire est sincère, il brille jusque dans ses yeux. Malgré sa colère, malgré ce qu'il vient d'entendre, il arrive encore à me sourire. Il arrive encore à être là. Il ne me déteste pas. Étonné, touché, de nouveau au bord des larmes, je dévisage mon frère qui m'offre un regard compatissant. Un regard qui me soulage. Je hoche la tête dans un remerciement muet puis retourne d'où je viens pour enfiler mes vêtements. Quand je suis de retour, Gale a les prunelles rivées vers le plafond et les mains croisées sous son oreiller mais il est toujours présent. Sans un mot, je m'assois au bout du lit, prends une petite inspiration et me laisse tomber sur la couette à ses côtés. Le haut du bras contre ses côtes recouvertes d'un tee-shirt bleu clair, je me sens un peu mieux. Un peu plus serein. Je nous revois encore dans mon lit, dans celui du foyer et même dans des tas d'autres montrer au monde entier que peu importe les embûches qu'il mettait sur notre route, on les surmonterait ensemble.
— West...
— Non, s'il te plait...
À peine audibles, nos voix s'étranglent. Je sais qu'il a besoin de parler, je sais qu'il a besoin d'explications plus précises, mais aujourd'hui je ne peux pas. Je ne peux plus. J'ai donné tout ce que j'avais, tout ce qui me restait, je n'ai plus assez de forces.
— Je te raconterai, je te le jure, promets-je d'un ton éraillé, mais pas maintenant. Si j'en parle encore, si... Je vais craquer, Gale. Et je peux pas craquer, pas comme ça, pas juste avant les tests de Lola...
Deux perles humides dégoulinent le long de mes tempes alors que je retiens un hoquet douloureux de toutes mes forces. Je suis fatigué de tout ça, tellement fatigué...
— T'en fais pas, frérot. Prends ton temps.
Même si ses mots sont doux et bienveillants, j'ai l'impression qu'ils m'enfoncent, qu'ils libèrent la boule acide qui me déchire la gorge. Incapable de me contenir vraiment, je presse mon poing contre mes lèvres pour tenter d'étouffer les quelques sanglots que je n'arrive pas à ravaler. Je ne mérite pas sa patience. Je ne mérite pas sa sollicitude. Je ne mérite rien. Rien du tout. Même pas l'importance que me donne Wayne en s'énervant contre moi, en souffrant à cause de moi. À mes côtés, Gale remue et je sens la chaleur de sa paume se déposer sur mon épaule nue. Ce simple geste m'apaise. Cette minuscule pression sur ma peau pulvérise la brûlure qui menaçait de me réduire en cendres, et je suis de nouveau en mesure de respirer.
— West ? murmure mon frère après un court silence réparateur.
L'appréhension dans sa voix me frappe, pourtant je ne bouge pas. Je n'ai pas envie de bouger. Cette sensation de sécurité que je ressens quand il est avec moi m'avait trop manqué pour que je prenne le risque qu'elle puisse m'échapper. Quand même intrigué, je lâche une demi-réponse inintelligible, et il retire ses doigts de mon épaule en soupirant. Je l'imagine passer sa main sur son menton ou dans ses cheveux alors qu'il cherche ses mots mais puisqu'il ne dit toujours rien, je suppose qu'il serre les dents en pesant le pour et le contre. Est-ce qu'il a des ennuis ?
— Si... Si je te disais que j'ai besoin de thunes mais que je préférerais ne pas te dire pourquoi, tu accepterais de me dépanner ?
Le manque d'assurance qui émane de lui me perturbe. Il sait que mon argent est le sien, peu importe pourquoi il compte l'utiliser, alors pourquoi est-ce qu'il semble douter de ma réponse ? Pourquoi est-ce qu'il a l'air aussi nerveux ? C'est pas normal.
— Prends ce qu'il te faut dans le sac, et si t'as besoin de plus, tu me le dis, je m'arrangerais.
— Merci, West, souffle-t-il dans un soulagement évident.
— Gale, est-ce que t'as des problèmes ?
Mon meilleur ami hésite.
— En dehors de mes conneries à moi, je veux dire, ajouté-je.
— Non, c'est pour une amie, se contente-t-il de répondre.
J'acquiesce sans pouvoir m'empêcher m'inquiéter. S'il refuse de m'en parler, c'est que c'est quelque chose de grave. Ou alors quelque chose que je ne supporterais pas. Les sourcils froncés, j'efface les scénarios improbables qui commencent à germer dans mon esprit et m'efforce de faire confiance à mon frère. Si quelque chose se passe mal, il sait qu'il peut compter sur moi. Si quelque chose lui arrive, il sait que je ferai tout ce que je peux pour le sortir de la merde. S'il y a quoi que ce soit, il viendra m'en parler. Je suis sûr qu'il viendra m'en parler. Je n'ai pas à m'en faire, tout va bien. Il faut que tout aille bien.
— J'ai revu Avon, lancé-je à brûle-pourpoint plus pour oublier mon angoisse qu'autre chose.
Gale se redresse dans un mouvement brusque et baisse les yeux vers moi.
— Avon... notre Avon ? Le Ian du New Jersey ?
Toujours allongé, je pouffe. Avon et Ian... bizarre comme comparaison. Bien qu'ils eussent tous les deux le même poste et le même rôle de supérieur sévère à remplir, Avon n'a jamais rien eu en commun avec Ian. Il lui arrivait d'être con, de me détester, d'essayer de m'en faire voir de toutes les couleurs mais il n'a jamais eu aucune raison de m'en vouloir. Aucune raison de se délecter de ma souffrance. Il faisait le job qu'on lui demandait, il me réprimandait quand je n'étais pas assez obéissant, mais il ne cherchait jamais à abuser de son pouvoir pour me briser.
— Ouais, celui-là.
— Mais qu'est-ce qu'il fout ici ? s'enquiert mon meilleur ami, ahuri.
— J'imagine qu'il pouvait plus bosser au New Jersey, alors il s'est pointé chez Lola, je sais pas trop. Il s'occupe de préparer la came et de nous la refiler pour qu'on la vende.
Gale fait la moue, mais ne fait aucune réflexion. Il n'a pas besoin d'en faire, je comprends à son expression que m'entendre le dire est difficile pour lui. Comme s'il ne parvenait pas encore à réaliser que je suis bel et bien de nouveau dans le business, comme s'il refusait d'y croire.
— Il s'en est pris à toi ?
— Non, au contraire. Il m'a évité le pire.
Mon frère me fixe alors qu'un violent éclair de stress traverse ses prunelles.
— Un mec m'a reconnu, m'expliqué-je. Il a voulu me faire payer pour ma trahison et Avon l'a stoppé.
— Tu crois qu'il pourrait devenir un allié ?
— Ouais, je pense. Il m'est redevable. Sans moi il serait mort le même jour que Tom et puis... c'est un mec réglo, il me plantera pas un couteau dans le dos après ce que j'ai fait pour lui.
Gale paraît songeur mais je suis sûr de ce que j'avance. J'ai sauvé la vie de Avon, je suis directement passé par Gambino pour limiter les dégâts et en prime, je me suis arrangé pour que sa mère, qu'on avait prise en otage, soit relâchée. Je lui ai filé du blé pour qu'il aide sa famille à disparaître et, même si j'ai jamais plus entendu parler de lui après, je suis convaincu qu'il ne me la fera pas à l'envers. Il a trop de valeurs pour ça. Il est trop loyal. Peu importe ce qui a pu se passer entre nous, j'ai sauvé les personnes les plus importantes de sa vie et pour cette raison, il m'en doit encore une ou deux.
— Il sera là pour les tests, il pourra vous aider ?
Je soupire. Les tests...
— Non, c'est pas son taf. Pour les tests, on sera seuls avec Lola. À supposer qu'elle ne nous sépare pas...
À cette simple idée, mon estomac se noue. Je sais que je ne pourrai pas faire grand-chose pour guider Wayne mais j'espère quand même que je serai autorisé à rester pendant son initiation. Ce serait beaucoup trop dur de devoir poireauter dehors sans savoir ce qui l'attend à l'intérieur. Sans savoir ce que Lola lui a préparé pour l'habituer à la cruauté du monde du business quand il est dirigé par une main de fer. Des flashs de terreur, de douleur et de toutes les mises en situation que j'ai pu subir quand j'ai recontacté Lola me reviennent par dizaines et une puissante nausée m'étreint. Pourvu qu'elle soit plus clémente avec Wayne...
— Tu crois qu'il va être assez solide ?
Un peu perdu, je dévisage mon frère sans réussir à saisir sa question. Je revois l'arme dans ma main. Je ressens de nouveau l'eau gelée sur mon corps. Je réentends le cliquetis du flingue contre ma tempe...
— Wayne, tu crois qu'il est assez solide pour passer les tests ? précise mon meilleur ami.
— Il a pas le choix, Gale. Tu sais comme moi qu'il n'y a qu'une seule façon de ressortir vivant de l'initiation de Lola, et je te garantis que je laisserai pas Wayne mourir là-dedans.
***
Contre ma jambe, le genou de Wayne s'agite dans la voiture. Le stress est à son comble, pourtant il n'a pas l'air de s'affoler comme il le faisait quand il devait affronter Ian. Je me demande même si je ne suis pas le plus angoissé de nous deux tellement mon cœur bat fort à l'intérieur de ma poitrine. L'oxygène se fait de plus en plus rare, la chaleur sous le nylon noir m'étouffe et j'ai envie de tirer sur les liens en plastique qui emprisonnent mes poignets derrière mon dos pour m'en libérer. Ça fait bien une heure que les deux mecs masqués sont venus nous chercher, une heure qu'on est dans leur satanée Berline noire, et on roule encore. Ils tournent en rond pour me perdre, j'en suis sûr. Ils font des détours pour éviter que je ne sois en mesure de retenir la route, de compter les virages, de calculer quoi que ce soit. Ou alors ils essaient juste de jouer avec nos nerfs, de faire monter la pression en jouant avec ce suspense abominable. Je ne sais pas. Je ne sais plus. Je ne parviens plus à réfléchir. Si le but de Lola était de me faire perdre pied, elle a réussi, je suis en train de me noyer.
Après trente minutes supplémentaires, deux portières claquent puis deux autres s'ouvrent. Sans un mot, on m'empoigne par les cheveux et on m'expulse de l'habitacle. Le choc est rude et il résonne dans mes côtes avec cruauté. Submergé par la douleur encore bien trop présente, je trébuche et m'éclate sur le sol en gémissant alors qu'on me relève sans me ménager. Une arme se dépose sur ma nuque et s'y enfonce durement pour m'inciter à avancer. Docile, je me laisse faire en tendant l'oreille pour tenter de repérer les pas de Wayne qui semblent se trouver juste devant moi. J'espère que ça va aller, pour lui.
L'environnement change d'un seul coup. Le vent frais ne souffle plus dans mon dos, les graviers sous mes chaussures ont disparu et le moindre petit bruit paraît nous revenir en écho à mesure que nous avançons. Une porte se referme violemment derrière nous. Est-ce qu'on est dans un entrepôt ? Dans un garage ? Soudain, comme pour répondre à mes questions inutiles, quelqu'un me retire le sac qui commençait à m'asphyxier et tout mon corps se tend. J'entends la respiration lourde de Wayne à mes côtés, mais je n'arrive pas à jeter un coup d'œil vers lui. Je suis incapable de lâcher du regard l'horreur qui l'attend. À quelques mètres, sous le seul halo de lumière de la pièce, une chaise en bois me nargue et j'ai de plus en plus de mal à réfréner les souvenirs qui se bousculent dans ma tête. Sur la droite, une table remplie d'ustensiles coupants ou électriques m'envoie de douloureux frissons mais je tente de me convaincre que personne ne va se servir de ça aujourd'hui. Ce ne sont que des artifices, de la poudre aux yeux, Lola les a mis là pour nous faire paniquer. Sur la gauche, une bassine pleine d'eau et de glaçons a raison de moi. Je me retrouve propulsé contre mon gré quelques années en arrière. Je me revois nu sur cette chaise, la douleur affluant dans chacun de mes membres, alors que Lola renversait une énième fois le liquide glacé sur ma peau. J'avais froid, si froid que mes épaules, mon torse et mes cuisses me brûlaient. Même épuisé, même à deux doigts de craquer, même en m'égosillant de douleur, il fallait que je tienne bon. Il fallait que je la ferme.
— West, qu'est-ce qui va se passer ?
Le murmure de Wayne m'arrache à mon calvaire et je me focalise enfin sur lui. Ses traits marqués me laissent entrevoir une partie de la peur qui l'habite, pourtant je ne peux pas m'empêcher de suivre le chemin que ses prunelles entreprennent. En face de lui, dans un bac gris, plusieurs armes à feu nous font face. Tous identiques, les flingues me rappellent une autre épreuve que m'a fait subir Lola, mais cette fois, je me force à me ressaisir pour observer Wayne. Pour le soutenir.
— Tu vas le découvrir bien assez vite, ne t'en fais pas, retentit une voix au fond de la salle sombre.
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Coucou tout le monde, comment ça va ?
Moi je suis toujours dans le rush, mais j'arrive à trouver un peu de temps pour écrire, et ça c'est cool. J'ai terminé les deux tiers du chapitre 17, et on arrive tout doucement à une scène que j'ai dans la tête depuis au moins deux ans et c'est incroyable pour moi, genre vraiment. J'ai aussi l'impression un peu étrange que j'approche de la fin du roman, alors qu'en vrai pas vraiment et ça me fait un peu bizarre. Genre, quand je vais finir ce tome, je pense que ça va me faire un vide, un peu. Mais bon, je me console en me disant qu'on va retrouver certains personnages dans le livre d'après, d'ailleurs j'ai hâte, hâte, hâte de vous présenter l'un des personnages principaux du livre en question !
Sinon, juste quelques infos avant de passer aux questions : déjà, si jamais vous n'avez pas Instagram ou Facebook, sachez que le 18 novembre, j'aurais une annonce importante à vous faire. J'en parlerais sur Instagram, donc si vous voulez me suivre, hésitez pas (le lien est dans ma bio) mais sinon, j'en parlerais ici début décembre, et j'aurais probablement un peu besoin de vous !
Deuxième information : je viens de poster une nouvelle qui s'appelle Démasque-moi. C'est une nouvelle que j'ai écrite pour un concours, qui s'éloigne beaucoup de ma zone de confort, donc si vous n'êtes pas trop exigeant.e.s et qu'elle vous intéresse, n'hésitez pas à aller y jeter un petit coup d'oeil. Je poste un chapitre par jour pendant jours !
Voilà, maintenant j'arrête de parler, et je vous laisse la parole !
À votre avis, pourquoi Gale ne veut pas parler de ce qu'il va faire de l'argent avec West ? Est-ce que vous pensez qu'il est en train de faire une bêtise ?
Avon, on le sent comment ? On est plutôt méfiant, comme Gale ou on a confiance, comme West ?
Le test de Lola, à votre avis, il va se passer comment ? En quoi va-t-il consister ?
Pour la musique, je suis resté sur Tommee Profitt, on change pas une équipe qui gagne. Elle vous plait ?
Voilà, voilà, c'est tout pour moi. J'espère que cette partie vous a plu, et je vous retrouve samedi pour la suite. En attendant, je vais retourner bosser pour pouvoir vous proposer des choses quali et une annonce explosive.
Je vous envoie plein de bonnes ondes, les potes.
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