Chapitre 13 | 1

"Lost in the rain again,

When will it ever end ?

The arms of relief seem so out of reach,

But I, I am here."

Not Alone – Red. (En média).


West m'inquiète. La dernière fois qu'il est resté aussi mystérieux, aussi muré dans son silence, c'était à la mort de Hannah. Il était tellement détruit, il se sentait tellement coupable qu'il lui a fallu un temps considérable avant de réussir à me parler, à me raconter, à fondre en larmes dans mes bras en dénigrant tout ce qui faisait de lui ce qu'il était. Ce n'est pas son genre de laisser les mots de côté, surtout pas avec moi, donc ça veut dire que Lola a tapé fort. Très fort. Elle a trouvé le talon d'Achilles de mon frère et elle s'amuse avec. J'ai beau chercher, fouiller dans mes souvenirs, je n'arrive pas mettre la main sur ce qu'elle pourrait avoir contre lui, ce qu'elle pourrait lui avoir promis. Est-ce qu'elle sait quelque chose que je ne sais pas à propos de son passé et qu'elle le fait chanter ? Est-ce qu'elle sait quelque chose que lui ne sait pas et qu'il a besoin de savoir pour vivre en paix avec lui-même ? Je n'en ai pas la moindre idée. Je n'ai aucune hypothèse et ça me donne envie de tout fracasser, de hurler, d'aller chercher moi-même les réponses auprès de cette femme méprisable. Je suis censé être la personne qui sait tout de lui, alors pourquoi je ne parviens pas à comprendre ce qui le touche au point d'être prêt à renoncer à sa liberté, à son bonheur, à tout ce qu'il venait de retrouver grâce à Wayne ? Pourquoi je ne suis pas foutu d'au moins avoir une piste, un début de quelque chose ?

Alors que je monte les escaliers de l'immeuble, une image macabre de Lola retenant West prisonnier m'effleure l'esprit, et j'accélère le pas comme si ça pouvait l'effacer. Comme si j'avais le pouvoir de fuir cette réalité. Pourtant où que j'aille, quoi que je fasse, l'ombre de la criminelle ne lâchera pas mon frère. Je déteste cette femme, putain. Je la hais du plus profond de mon âme. Je la maudis d'être aussi intelligente, aussi réfléchie... aussi imprévisible. Son piège est si bien ficelé que même en le voyant arriver à des kilomètres, aucun d'entre nous n'est en mesure d'y échapper, et ça me ravage. Si je devais découvrir le fin mot de l'histoire devant la tombe de West, jamais je ne me le pardonnerais, jamais je n'y survivrais.

— C'est pas ce que tu crois...

— C'est pas ce que je crois ? Je sais reconnaître les effets de la drogue, Liv ! Tu comptais me le dire un jour, que t'étais ce genre de personne ? Tu comptais être honnête avec moi ? Loyale ?

Les éclats de voix m'extirpent de mes angoisses d'un coup sec alors qu'un rire cynique résonne dans l'appartement. Je me stoppe net, sans oser entrer. Peut-être que je devrais repartir et leur laisser un peu d'intimité, après tout, ça pourrait leur faire du bien de prendre le temps de s'expliquer.

— C'est toi qui parles de loyauté, Wayne, vraiment ? Je te rappelle que t'as passé ta nuit dans les bras de ton ex !

Un bruit sourd éclate, puis de lourds pas s'approchent. Furieux, Wayne sort de la pièce, puis me dévisage.

— T'écoutes aux portes, toi, maintenant ?

Je serre les dents. Bah ouais, j'ai que ça à foutre.

Après quelques secondes à rester planté devant moi en m'assassinant du regard, la boule de colère qui risque d'exploser finit par lâcher l'affaire pour dévaler les escaliers à toute vitesse. Sur son chemin, son épaule cogne la mienne dans une violence calculée, mais je ne réagis pas. Il ne faut pas que je réagisse. C'est tout ce qu'il cherche : que je sorte de mes gonds et que je m'en prenne à lui. Il voudrait que quelqu'un le remette à sa place, que quelqu'un lui mette son poing dans la figure, sauf que je refuse d'être cette personne. Je ne serai pas celui qui l'aidera à se punir, peu importe la virulence des mots qu'il m'enverra à la figure.

— Où est-ce que tu vas ? lâché-je alors qu'il s'éloigne de plus en plus.

— Je reviens, crache-t-il.

Excédé, je soupire mais ne prends pas la peine de le suivre. Si je lui colle aux bask' maintenant, on va tous les deux le regretter et ça ne servira qu'à le faire partir plus longtemps. Pour l'instant, il a besoin d'un moment à lui, de quelques heures pour se calmer et reprendre du poil de la bête. Exactement comme sa sœur. De longs cheveux bruns semblent passer devant moi alors que je revois Savannah s'en aller, et ma gorge se noue. À force de trop la laisser fuir, je l'ai perdue... Mes sentiments pour cette illusion du passé menacent de m'ensevelir mais quelques bruissements parvenant du salon m'obligent à les faire déguerpir. Discret, je pénètre dans la grande salle et tombe nez à nez avec une Liv déconfite qui paraît prête à s'en aller.

— Tu vas quelque part ? lui demandé-je avec plus de reproches dans la voix que prévu.

Liv baisse les yeux, et souffle. Longtemps. Comme si elle atteignait petit à petit ses limites, qu'elle cherchait un moyen de tenir bon.

— Je sais pas ce que je fais. Je peux pas rester là, Gale. Wayne me pardonnera jamais et... j'ai pas vraiment la force de l'affronter, murmure-t-elle d'un ton las.

— Pourtant il va falloir que tu la trouves, rétorqué-je, parce qu'on va tous à l'hôtel.

Ses prunelles se précipitent dans les miennes, l'incompréhension les gagnent, mais je ne daigne pas lâcher la moindre information supplémentaire.

— Vous devriez survivre sans moi, ironise-t-elle, amère.

— Nous oui, toi non.

Liv se fige, puis déglutit. Elle blêmit et je me rends compte que cette vérité n'était peut-être pas bonne à dire. Je ne sais pas pourquoi je suis si dur avec elle, pourquoi je ne tente pas de la ménager comme je le fais avec Wayne ou avec West. Même si elle a fait de mauvais choix, même si elle m'a souvent insupporté, elle ne mérite pas ça. Elle ne mérite pas que je passe mes nerfs sur elle. Après tout, elle et moi, on est dans le même bateau. Que je le veuille ou non, elle fait partie du groupe et si elle trébuche, on risque tous de tomber.

— Écoute, reprends-je, plus doux. On est tous en danger et Lola sait où trouver chacun d'entre nous. Alors le mieux pour l'instant, c'est qu'on reste tous ensemble. Pour la sécurité de tout le monde.

Mon interlocutrice secoue la tête mais je ne lui laisse pas l'opportunité de protester.

— Je te promets pas que ce sera facile, ce sera même sûrement un enfer. Mais je te laisserai pas te tirer d'ici toute seule, je te laisserai pas livrée à toi-même. Pas en sachant que Lola s'intéresse à toi. Par contre, je peux te promettre d'être là si t'as besoin de moi, si t'as besoin d'un ami, okay ?

Je tends une main vers elle, et Liv la considère avec hésitation. Ses prunelles brillent, elle paraît touchée, pourtant on dirait qu'elle doute. Qu'elle a peur.

— Pourquoi tu ferais ça, tu ne me supportes pas, chuchote-t-elle, toujours focalisée sur mes doigts.

— Qu'est-ce qu'on ferait pas pour une jolie princesse ?

Liv pince les lèvres puis scrute mon visage. Insolent, je lui offre mon rictus le plus provocateur et elle se détend à vue d'œil. Un sourire dans les yeux, elle dépose sa paume dans la mienne avant de pouffer doucement.

— Okay, me confirme-t-elle. J'ai juste besoin d'aller prendre quelques affaires chez moi, et je vous rejoins là-bas.

— Hors de question, je viens avec toi.

***

Je me gare dans une petite allée, descends de la moto et observe Liv se débattre pour tenter de rejoindre la terre ferme. Amusé, je lui propose mon bras, sur lequel elle s'appuie en râlant. Je n'y avais jamais prêté attention, mais en fait, elle n'est vraiment pas très grande ; elle doit arriver à l'épaule de West, tout au plus, et mon frère fait bien une tête de moins que moi. Face à mon mètre quatre-vingt-onze, elle me parait soudain minuscule, toute fine, presque fragile. Cette simple pensée me déstabilise. Pourquoi est-ce que je ne le remarque que maintenant ?

— Bah alors, t'as vu un fantôme ? me taquine Liv en se dirigeant vers une entrée vert sapin.

Un peu perturbé, je la rejoins en trottinant. Elle déverrouille la porte, me fait signe de la suivre puis referme derrière moi. Cette maison fatiguée, ça fait des années que je la côtoie quotidiennement, pourtant c'est la première fois que je me retrouve à l'intérieur. À l'image de la façade abîmée, la pièce principale semble vieille et usée. Un papier peint fleuri recouvre chacun des murs, un fin manteau de poussière enrobe chaque vieux meuble en bois et à part une télévision, une armoire, une table basse et un canapé en tissu taché, cet endroit ne contient que très peu de mobilier.

— Alors comme ça, t'as une grande maison et tu nous as jamais invités ? lancé-je à Liv qui s'apprête à monter les escaliers.

Elle s'arrête sur la première marche grinçante et fait volte-face. D'abord mal à l'aise, elle me dévisage, puis hausse un sourcil dédaigneux quand elle comprend que je plaisante.

— Alors comme ça, je suis jolie ? élude-t-elle avec fierté.

Surpris, j'écarquille les yeux sans savoir quoi répondre. J'ai dit ça, moi ?

— Eh, ça va, t'emballe pas... marmonné-je, focalisé sur la rampe foncée sur laquelle elle a posé sa main.

Son rire résonne soudain dans toute la baraque et je me sens stupide. Depuis quand cette fille a le pouvoir de me désarçonner ? Reprends-toi, bordel. Un crissement retentit dans mon dos au moment même où la bonne humeur de Liv s'évapore. Elle perd ses couleurs, fixe quelque chose avec angoisse et semble à deux doigts du malaise. Intrigué, je jette un œil par-dessus mon épaule et constate qu'un homme maigrelet nous scrute un à un. Les avant-bras sur les accoudoirs de son vieux fauteuil roulant un peu rouillé, il paraît mécontent. Il prend une profonde inspiration, puis deux, puis trois, et je profite de son silence pour le détailler des pieds à la tête. Son visage blafard est très carré, sa peau un peu grise et pleine de rides. Ses cheveux auburn sont presque tous tombés, pourtant ceux encore présents sur les côtés de sa tête lui donnent un air sévère, froid, presque effrayant. Sous la manche courte de son tee-shirt kaki, je distingue un tatouage d'assez mauvaise qualité qui ressemble à une lettre majuscule. Un L ou bien un S, je ne sais pas trop. Il esquisse un mouvement, m'obligeant à me concentrer sur les doigts osseux qui passent sur sa barbe grisonnante alors qu'il fusille Liv d'un regard noir sans plus prêter attention à moi.

— Tu m'as ramené ce que je t'ai demandé ? crache-t-il d'une voix rauque.

Liv fait un bond et une colère sourde enfle dans ma poitrine.

— Non, je n'en ai pas encore mais...

— Alors qu'est-ce que tu fous là ? la coupe le mec avec humeur.

Son interlocutrice se décompose et je dois lutter contre ma rage pour ne pas réagir. J'ai l'impression d'entendre mon vieux, putain.

— Papa...

Papa ?

— Quoi, papa ? Tu te rends compte à quel point je me sens mal, Olive ? Je ne fais pas semblant, cette douleur me tue !

Liv sursaute de nouveau lorsque le ton de son père monte et je me revois un instant à sa place. Je me revois trembler de peur alors que mon paternel me hurle dessus, alors qu'il me crache sa haine à la figure. Alors qu'il m'explique à quel point je lui gâche la vie.

— J'ai besoin de ces médicaments ! s'égosille-t-il. Si tu refuses de me les apporter, autant que je me flingue tout de suite !

— Je te les ramène dès que je peux, je te le promets...

Occupé à essayer de contrôler l'incendie qui ravage l'intérieur de mes veines, je ne prends conscience que mon accompagnatrice n'est plus à mes côtés que lorsque j'entends ses pas rapides rejoindre l'étage. Je lance un dernier regard écœuré à l'homme qui se trouve toujours devant moi, puis me lance à la poursuite de Liv. Une fois en haut, je tends l'oreille pour éviter de fouiller toutes les pièces que j'aperçois et me précipite dans le couloir de gauche quand le bruit d'un souffle saccadé parvient jusqu'à moi. Un peu hésitant, je m'arrête devant une porte entrouverte alors que les sanglots de mon hôte semblent redoubler de violence.

— Liv... murmuré-je en toquant contre le bois peint en blanc dans un geste doux. Est-ce que ça va ? Est-ce que je peux entrer ?

Ma voix se veut rassurante, pourtant j'ai l'estomac en miettes. Plus ses pleurs résonnent dans mon esprit, plus je perds contact avec la réalité. Je déteste l'idée que quelqu'un vive ce que j'ai vécu, je déteste l'idée de comprendre parfaitement ce qu'elle ressent. Je me déteste même de ne pas l'avoir épaulée, de n'avoir rien dit, de ne pas avoir fait quelque chose pour clouer le bec à son enfoiré de père. Alors que j'ai soudain l'impression de me retrouver sous mon lit, à entendre mon vieux hurler mon prénom pour que je sorte de ma cachette et qu'il me donne une bonne raison de pleurer, la petite-amie de Wayne apparaît devant moi, livide. Ses larmes ne coulent plus, mais ses prunelles sont écarlate et ses joues toujours humides.

— Gale... gémit-elle.

Le déchirement qui s'échappe de ses lèvres me transperce de part en part. Je ne l'ai jamais vue si vulnérable, si proche de la chute. Ma poitrine se serre, mon ventre se tord encore un peu plus et j'essaie de toutes mes forces de virer de ma tête l'image de ma mère détruite par les mots acerbes de son mari. Il ne l'a jamais touchée, elle, pourtant il l'a anéantie bien plus vite, avec bien plus d'efficacité. Il ne l'a jamais touchée, pourtant c'est lui qui l'a tuée.

— Est-ce que... Est-ce que tu peux me prendre dans tes bras ?

Ma mère disparaît, et la plaie ouverte qui suinte de la voix de Liv m'arrache le cœur. Ni une, ni deux, je la serre contre moi alors qu'elle s'autorise de nouveau à craquer. Elle ouvre les vannes, elle lâche prise. Elle fait tout ce que je suis incapable de faire. Même si les caresses que je dépose sur ses cheveux me paraissent inutiles, cette fille désormais si fragile s'accroche à mon tee-shirt comme si elle était perdue au milieu d'un ouragan et que j'étais en train de devenir sa bouée de sauvetage.

— Je sais, Liv. Je sais... chuchoté-je. T'as le droit de pleurer, ça va aller mieux après, ça va te faire du bien.

Plus j'articule les seuls mots qui me viennent à l'esprit, plus ses tremblements diminuent. Ça marche, elle se calme. Après de longues minutes à lui répéter tout le contraire de ce que j'ai pu entendre quand j'étais gosse, Liv finit par relever le nez en essuyant ses pommettes larmoyantes.

— Je suis désolée... souffle-t-elle contre mon torse.

— T'excuse pas, tout va bien, okay ? Attends, viens.

Sans la lâcher, je l'entraîne à l'intérieur de la pièce dans laquelle elle s'était réfugiée et l'incite à s'asseoir sur le lit une place qui git contre un mur orange pale. Maintenant face à moi, mon amie fixe mes mains avec insistance avant d'y glisser timidement les siennes. Nos doigts s'entrelacent et j'émets une légère pression sur sa peau pour qu'elle comprenne que je suis là, que ce contact ne me dérange pas, que je peux rester comme ça des heures s'il le faut. Elle prend plusieurs grandes inspirations, puis finit par plonger ses yeux dans les miens. Sa détresse est de plus en plus difficile à supporter, pourtant je soutiens son regard. Je le soutiens avec toute l'énergie qu'il me reste. Fort. Solide. Inébranlable. Je ne flancherai pas.

— T'as envie d'en parler ? 


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Coucou tout le monde, 

Comment ça va ? 

Moi, je suis à la bourre dans mon écriture. Je suis toujours sur le chapitre 16 alors que je viens de partager le début du 13, je commence à perdre mes chapitres d'avance et ça ne me plait pas trop, alors je vais essayer de trouver un moyen, une organisation pour écrire un peu plus ou un peu plus vite pour rattraper mon retard et ne pas me retrouver sans rien à vous proposer. 

Encore une fois, je poste une partie en vous remerciant pour les 1.6K et quand je reviens pour poster une autre partie, je me rends compte qu'on a déjà dépassé les 1.7 ??? Mais je sais plus quoi dire, là. Merci, merci beaucoup pour votre soutien, votre bienveillance et tout ce temps que vous m'accordez et que vous accordez à mes trois abrutis. C'est vraiment pour ça que je vis, que je me lève le matin, alors merci beaucoup, de tout cœur. Vous êtes incroyables. 

Du coup on va pas perdre nos bonnes habitudes, et on va blablater un peu, qu'est-ce que vous en dites ?

Gale s'inquiète pour West, et vous ? Vous pensez qu'il est sur une mauvaise pente et qu'il va faire quelque chose de stupide ou vous lui faites confiance et vous croyez qu'il a la situation en mains ? 

Entre Liv et Wayne, ça sent mauvais, non ? Vous pensez que leur couple va tenir ? 

Et Liv, alors, on a une nouvelle facette de sa vie, un peu. Est-ce que ça change quelque chose à votre perception d'elle ? 

Et la musique, un grand classique, mais je le trouve toujours aussi efficace, ça vous plait ? 

Voilà, c'est tout pour moi, je vais essayer de retourner bosser un peu. D'autant que je vais bientôt vous poster une nouvelle que j'avais promis de poster sur mon compte Instagram. Mais je vous expliquerai tout ça en temps voulu. En tout cas restez connecté.e.s si jamais ma plume vous plait. 

Je vous souhaite une belle fin de journée et je vous dis à samedi, les potes. 

Prenez bien soin de vous. 

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