Chapitre 12 | 2
"I didn't mean to hurt you when I hurt myself,
It's just an empty lie screaming out for help.
No, I didn't mean to scare you
But I couldn't see that when I went to hell,
I was taking you with me."
Take You Down – Illenium. (En média).
— Comment est-ce que tu vas la payer ? m'interpelle mon frère alors que nous déambulons dans l'hôtel.
— T'inquiète pas pour ça, lancé-je en m'arrêtant devant la chambre numéro dix-neuf.
À côté de moi, Gale bout. Ses muscles semblent se tendre un par un mais je fais comme si je ne voyais rien et enfonce ma clé dans la serrure de la porte blanche.
— Si je m'inquiète pour ça, West, putain !
Sa colère résonne dans ma poitrine comme un coup de poignard, pourtant je ne réplique pas. Je me contente de fixer mes doigts en silence pour essayer d'endiguer la peur et le dégoût qui gronde depuis mon estomac. Plus je m'éloigne de Gale, plus je me hais et plus je crains son départ. À force, il va en avoir marre, et il va lâcher l'affaire. Au bout d'un moment, j'aurais foutu toutes mes chances en l'air et je le perdrai, lui aussi. À cette simple pensée, ma gorge se noue et je cesse tout mouvement.
— Tu sors de taule, tu peux pas utiliser ton compte en banque comme tu veux, c'est sûr qu'il est surveillé ! Je me demande même comment t'as pu arriver jusque-là sans bracelet à la cheville ou sans flic collé à tes bask' !
Je soupire.
Pourquoi est-ce que tu refuses de rester en dehors de ça, Gale, bordel ?
— Lincoln m'a aidé, finis-je par avouer, sans faire face au regard de mon frère. Quand j'ai su ce que je risquais, j'ai utilisé mon droit à appeler un avocat pour l'appeler lui. Il a fait jouer ses connaissances pour que je sois jugé en priorité, que ma peine soit minime et que je sorte de là sans bracelet électronique. Le juge était un ami à lui, alors ils se sont arrangés pour que mon agent de probation ce soit lui, et que les autres flics me lâchent. C'est sa façon de me remercier d'avoir sauvé Spencer.
La mâchoire serrée, j'entre dans la pièce, suivi de près par mon meilleur ami. La salle n'est pas très grande, mais au moins, elle a l'air propre. Sobres, les murs sont recouverts d'un papier peint rose pâle alors que le sol, lui, est enveloppé par une épaisse moquette bleu nuit. À bout de nerf, je me laisse tomber sur la couverture claire et me rends compte avec stupéfaction que le lit est plutôt confortable.
— Et tu vas finir par m'expliquer comment tu t'es retrouvé dans cette merde ? Pourquoi t'as fini au trou ?
Adossé contre la porte par laquelle nous sommes entrés, Gale m'observe avec plus de détermination que je ne peux en affronter. Il va pas me lâcher. Tendu, je passe une main moite dans mes cheveux, et balance la clé de la chambre sur la petite table de nuit en bois foncé, à quelques centimètres du lit. Un tintement se fait entendre, avant de se faire engloutir par l'ambiance pesante qui règne entre nous.
— Pour gagner la confiance de Lola.
Le choc qui se lit sur les traits de mon frère me tord le ventre. Et s'il me voyait différemment après ça ? Et s'il finissait par me détester, détester ce que je suis ?
— Quand je... enfin, quand on a de nouveau été mis en contact, Lola m'a fait comprendre qu'elle n'avait aucune confiance en moi. Même après avoir passé les tests d'admission. Un jour, ses sources l'ont prévenue que les stup' avaient trouvé l'un des labos d'amphèt' et qu'ils allaient y faire un raid dans les heures qui suivaient. Ce labo pouvait les mener à Eleven Stars et donc leur faire comprendre que la branche de New York n'était pas unique, que l'entreprise s'étendait beaucoup plus qu'ils ne pouvaient l'imaginer. C'était dangereux. Dangereux pour le business mais aussi pour la réputation de Lola, alors elle m'a mis à l'épreuve. Puisqu'elle avait pas le temps de faire disparaître le labo, elle m'a demandé d'être présent quand les flics débarqueraient, et de me faire prendre en flagrant délit.
Gale écarquille les yeux, mais je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour l'ignorer. Si je me focalise sur ses réactions, sur la déception que je dois représenter pour lui, je ne serai plus en mesure de continuer.
— Elle m'a promis que je ferais pas beaucoup de prison, qu'elle se chargeait de me trouver un avocat qui m'éviterait une peine trop violente, reprends-je. J'avais besoin d'un truc pour lui prouver que j'étais pas là pour l'entuber, alors j'ai accepté. Je me suis précipité dans l'entrepôt, j'ai aidé à virer les plus grosses preuves et un max de marchandises. Il restait plus grand-chose quand les stup' ont débarqué, mais il en restait assez pour que je me fasse inculper. Quand j'ai été interrogé, j'ai suivi les ordres de Lola à la lettre et je leur ai raconté l'histoire qu'elle avait concoctée pour moi. Il n'y avait plus que mes empreintes dans le labo, donc c'était facile de mentir. De leur dire que je m'étais barré de New York pour essayer de commencer un business ici, à Chicago, parce que je savais rien faire d'autre que de vendre de la came. Lola m'avait filé assez de détails pour que mon témoignage soit béton et... c'est passé. On m'a cru.
— Comment t'as pu sortir après presque trois ans ? J'y connais rien en droit, mais même avec l'aide de Lola, je sais qu'on prend pas que deux ans et demi quand on fabrique de la drogue pour ensuite aller la vendre, lâche Gale, septique.
— Comme promis, Lola m'a fourni l'un des meilleurs avocats de Chicago. Un avocat pourri jusqu'à la moelle qui bosse pour elle. Il a joué sur le manque de réelles preuves et a insisté sur le fait que la plupart d'entre elles étaient circonstancielles. Les flics pouvaient prouver que je fabriquais la drogue, mais rien n'indiquait que je l'avais déjà vendue. On dirait pas comme ça, mais apparemment ça pèse dans la balance. Après, il a joué la carte de la victimisation. Il a parlé de mon passé de pauvre petit orphelin maltraité. Lola l'avait bien briefé. Il est même allé jusqu'à ressortir l'enregistrement de mon témoignage où je racontais à Lincoln comment Eleven Stars m'avait engagé et comment j'avais accepté parce que le foyer c'était l'enfer après la mort de mes parents. L'avocat a même essayé d'apitoyer le juge en lui expliquant à quel point c'était difficile pour moi de me réinsérer dans une vie normale quand on sait que je n'ai connu que la violence et la drogue. Il a limite fait chialer tout le monde en racontant l'histoire du pauvre petit garçon qui, sans figure parentale, a dû survivre dans un milieu criminel violent à tout juste onze ans pour ensuite se retrouver sans rien du jour au lendemain avec comme seule compétence faire de l'argent dans les produits illicites. Il était plutôt doué, je dois bien l'avouer. Et à la fin, il a lâché sa carte maîtresse en rappelant que j'avais été d'une aide indispensable à la police pour le démantèlement d'Eleven Stars à New York. Je savais qu'il ne disait pas juste ça pour le juge et que c'était un avertissement de Lola pour s'assurer que je suivais bien le plan, mais ça a fonctionné. Sa petite mascarade a plaidé en ma faveur et les affinités entre Lincoln et le juge ont terminé de me sauver sans alerter Lola, qui a cru que son avocat avait suffi à m'éviter le pire. J'ai pris pour cinq ans avec possibilité de sortie pour bonne conduite et remise de peine exceptionnelle, au lieu de vingt fermes.
Gale pâlit, il est complètement livide, et j'ai envie de m'enfuir en courant. De me barrer de là pour avoir une chance d'échapper au ressentiment qui va bientôt noyer son visage.
— T'aurais... T'aurais pu prendre 20 ans ? souffle-t-il, les yeux dans le vague.
— La fabrication et la production de produits illicites, c'est 20 ans de réclusion criminelle et si on fait ça en bande organisée avec des importations ou des exportations, on peut prendre pour 30 ans, récité-je, répétant presque mot pour mot ce que l'homme véreux m'avait expliqué.
— Je... je crois que je vais gerber.
Mon frère titube jusqu'à une porte que je n'avais pas remarquée, l'ouvre et pénètre dans ce que je pense être la salle de bain. Inquiet, je me lève et me plante à l'entrée de la petite pièce munie d'un cabinet de toilette, d'une douche et d'un minuscule lavabo. Appuyé sur ce dernier, Gale paraît vraiment mal en point. Blanc comme un linge, il inspire puis expire plusieurs fois avant d'enfin se passer de l'eau sur le visage et se calmer.
— Si t'avais pris 20 ans, je t'assure que je serais venu te faire la peau moi-même... marmonne-t-il en se retournant.
Ses prunelles grises brillent d'une émotion qui m'attrape directement à la gorge alors qu'elles plongent dans le bleu des miennes. Sans prévenir, il s'avance vers moi et me serre dans ses bras avec une force désespérée.
— T'avise pas de disparaître aussi longtemps. Je te l'interdis, putain.
Sa voix déraille et je lui rends son étreinte avec la même intensité. Il ne m'en veut pas, il prend juste conscience qu'il aurait pu me perdre. Mon cœur s'arrête. On aurait pu se perdre. Avec mes conneries, on aurait pu être séparés pour le restant de nos jours. La gorge en feu, je m'accroche aux épaules de mon frère comme si ma vie en dépendait. Je n'arrive pas à croire que j'ai pris un tel risque. Je n'arrive pas à croire que j'ai failli offrir ma liberté à Lola sans me soucier une seule seconde de ce que ça aurait pu signifier. La porte de la chambre s'ouvre en grand, m'arrachant à mes pensées et aux bras de mon frère, qui sursaute en même temps que moi.
— Oh, pardon, j'interromps un truc, peut-être ?
Le sourire dépravé qui traîne sur le visage de Sky m'arrache un rictus exaspéré, et Gale se met à rire. Un petit silence s'installe entre nous, alors que mon ancienne coéquipière baisse le nez vers le sol. Elle semble soudain perdue entre timidité et nostalgie, comme si elle ne savait plus où se mettre. Comme si elle n'osait plus faire le moindre geste.
— Tu voulais quelque chose ? tenté-je pour lui tendre une perche.
Hésitante, elle me lance un coup d'œil rapide avant de se concentrer sur Gale qui soutient son regard avec bienveillance.
— Non... enfin si... Je...
Sky prend une profonde inspiration.
— Gale... souffle-t-elle simplement.
Une ombre passe sur le visage de mon frère, mais il lui offre quand même un sourire triste. En douceur, il fait un pas vers Sky, qui fond contre lui à l'instant même où elle comprend l'invitation silencieuse qui lui est lancée.
— Salut, ma belle...
L'oreille contre le torse de mon frère, Sky éclate en sanglots, et j'ai l'impression d'être de trop. Gale et Hope ont toujours été très proches, tellement proches que j'ai souvent pensé qu'ils finiraient par m'annoncer leur couple. Mais leur relation n'a jamais dépassé cette espèce de mélange entre amitié, amour et fraternité qui les a toujours rapprochés. Gale avait avec Sky ce que j'ai toujours eu avec Hannah, le sexe en moins. Alors quand Hannah est morte et que Sky ne supportait plus d'être en ma présence, Gale a dû choisir entre elle et moi. Ils ont été obligés de couper les ponts. À cause de moi. Même ça, putain. Même leur lien indestructible, j'ai réussi à le foutre en l'air.
— Je suis désolée... articule Sky entre deux hoquets larmoyants. J'aurais dû t'appeler, j'aurais dû... j'aurais dû...
— Toi aussi tu m'as manqué, Sky, murmure Gale.
Cette dernière hoche la tête comme pour le remercier et s'enfouit encore un peu plus dans le creux de ses bras. Au bout de quelques minutes, elle finit par se calmer, et s'écarte de mon frère avec un petit sourire soulagé. Elle renifle, s'essuie les yeux, puis se tourne vers moi.
— À la base, mon excuse pour venir ici, c'était de savoir si tu voulais que je te file une chambre avec un deuxième lit, pour Gale.
— Non, ça va, j'ai un endroit où crécher, répond-il à ma place.
— Un endroit miteux, marmonné-je sans réfléchir.
Mon meilleur ami fronce les sourcils.
— On avait utilisé quasiment toute la thune que tu nous avais donnée, West. J'ai pas pu trouver mieux.
— Alors venez ici, s'interpose Sky, les yeux brillants d'espoir. C'est pas le grand luxe, mais c'est confort.
— Je crois pas que ce soit une bonne idée, ma belle, lâche Gale, l'air désolé.
— Et pourquoi pas ?
Gale me dévisage et je suis certain que si Sky n'avait pas été là, il m'aurait rappelé qu'ici, c'est l'un des repères de Lola et que c'est tout sauf une bonne idée de nous terrer dans cet endroit tous ensemble.
— Même si elle finit par apprendre que vous avez une chambre ici, qu'est-ce que ça va changer ? ajouté-je. Lola sait comment vous trouver, elle connaît votre appart'. Et puis, vous avez même plus de porte pour vous protéger. Vous êtes complètement à découvert.
— Donc quoi, t'es en train de dire que si jamais y'a un problème tu vas tous nous sauver ?
— Non, je suis en train de dire que si jamais y'a un problème, Lola aura pas l'avantage de pouvoir nous séparer. On pourra réfléchir à une solution ensemble.
Peu convaincu par mon propre discours, je fixe un point invisible sur le tee-shirt blanc de mon frère. Le mieux serait que Wayne et lui soient le plus loin de moi possible. Mais maintenant que je suis revenu, je sais que Gale ne me laissera pas m'enfoncer dans mes problèmes sans essayer de m'aider. Il ne va plus accepter que je le tienne à l'écart encore bien longtemps, alors autant mettre toutes les chances de mon côté pour le mettre à l'abri. En vivant à un pas de chez lui, je vais pouvoir garder un œil sur cette Olive, mais surtout être en mesure faire barrière si jamais Lola tente quoi que ce soit.
— On a pas l'argent pour payer la chambre, West.
— Mais moi, je l'ai.
— Tu sais très bien que tu peux pas faire ça. Je te l'ai dit, ton compte en banque, c'est même pas la peine d'y penser, me sermonne mon grand frère.
— Je sais, Gale. Mais j'ai ce qu'il faut.
— Comment ça, t'as ce qu'il faut ?
— Écoute... fais-moi confiance, osé-je, affrontant de nouveau son regard. Tu me fais toujours confiance, pas vrai ?
Gale souffle. Longtemps. Bruyamment. Mon silence lui pèse, mon silence le frustre, je le sais, je le vois. Pourtant il ne dit rien. Il se contente de hocher la tête, plus loyal que jamais.
— Okay, je m'occupe de convaincre Alaska, alors, ajoute Sky en essayant de masquer sa satisfaction.
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Coucou tout le monde, comment ça va ?
Moi, ça va mieux, j'ai pu débloquer ce qui n'allait pas au niveau de l'écriture et du coup j'ai fini mon chapitre de LMS qui me donnait du file à retordre. Ce qui veut dire que je vais pouvoir m'attaquer au chapitre 16 de Je N'ai Plus Peur, et ça c'est cool.
Du coup, qu'est-ce qu'on pense des explications de West ? On lui en veut toujours pas ?
À votre avis, comment il va faire pour payer Alaska ? Il demande à Gale de lui faire confiance, mais est-ce qu'il faut vraiment lui faire confiance ou est-ce que vous sentez pas trop sa solution ?
Et rassembler tout le monde au même endroit, à l'hôtel, bonne ou mauvaise idée ? Pourquoi ?
Quant à la musique, je suis tombé en amour dès la première écoute et, dès la première écoute, j'ai vu West dans les paroles. Elle vous plait ?
Voilà, c'est tout pour moi, les potes. On se retrouve jeudi pour la dernière partie du chapitre 12 en espérant que celle-ci vous a plu.
Je vous souhaite une belle journée/soirée. Je vous envoie plein de force et de positivité.
À très vite.
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