Chapitre 11 | 2

"And even if I plead,

Don't waste your time

'Cause I'm a broken home."

Flames – R3HAB ft ZAYN. (En média).


Le cœur battant, j'attrape Liv par le bras, laisse quelques dollars sur le comptoir et me précipite vers la sortie en vérifiant bien que le mec ne nous suit pas.

— Mais... Gale !

Qu'est-ce que cet enfoiré foutait encore là ? Qu'est-ce qu'il me veut ? Incapable de gérer la méfiance qui me tiraille, j'accélère le pas.

— Gale ?

Ça ne peut pas être une coïncidence, c'est impossible, je n'y crois pas. Croiser un type qui semble en savoir long sur mon compte deux fois de suite alors que je côtoie ce bar quotidiennement depuis presque trois ans, c'est tout ce qu'on veut, sauf un simple concours de circonstances. Sans compter que Savannah était avec lui la première fois que je l'ai vu.

— Gale, je te parle ! s'écrie Liv en s'arrêtant au beau milieu du trottoir.

— Avance, ordonné-je en jetant un œil anxieux derrière nous.

— Non, pas tant que tu m'expliqueras pas ce qui se passe.

— Putain, Liv, s'il te plait, la supplié-je presque, scrutant toujours les alentours.

— Gale, regarde-moi.

Ses mains fraîches se déposent sur mes joues et je stoppe mon inspection frénétique. Concentré sur son air inquiet, je parviens petit à petit à retrouver mes esprits et à sortir de ma paranoïa. Le blond ne nous a pas suivis, il n'a même pas eu l'air de prêter attention à nous. Peut-être qu'il ne nous voulait aucun mal finalement... ou peut-être que c'est Lola qui l'a envoyé pour nous surveiller et que c'est pour cette raison qu'il ne nous a pas encore attaqués.

— Est-ce que c'est Lola ? Est-ce qu'on est en danger ?

La voix soudain moins confiante de Liv me coupe une nouvelle fois dans mes réflexions, et je reviens à la réalité. J'attrape ses mains dans les miennes pour qu'elles quittent mon visage, inspire un grand coup puis m'oblige à reprendre contenance. Se maîtriser, rester solide.

— Non, c'est pas Lola. C'est rien. T'en fais pas, marmonné-je en lâchant ses doigts.

— Arrête de me prendre pour une conne ! s'énerve-t-elle avec de grands gestes. La seule fois où je t'ai vu réagir comme ça, deux mecs nous suivaient et j'ai été obligée de me barrer en courant !

Je serre les dents, mais ne prononce pas le moindre mot. Le pouce et l'index sur l'arête de son nez, on dirait que Liv prend sur elle pour se calmer et ne pas m'exploser à la figure.

— Ce n'est pas en me cachant la vérité que tu me protégeras de quoi que ce soit, articule-t-elle en croisant les bras sur son buste.

L'image de Wayne qui se détruit à petit feu à la suite du silence de West s'impose à moi et mon estomac se noue. Elle a raison, ce genre de silence peut tout anéantir.

— Un soir, j'étais au bar et un mec est venu me taper la discute. Au début je pensais que c'était juste un connard qui aimait se mêler des affaires des autres, mais il m'a vite fait comprendre qu'il savait qui j'étais. Il connaissait des trucs sur moi que personne n'est censé savoir. Je l'avais jamais vu avant ce jour-là, et aujourd'hui juste après ton retour et celui de West de votre rendez-vous avec Lola, il se repointe ici en même temps que moi ? Je suis peut-être parano, mais j'arrive pas à croire que ce soit juste un hasard. J'ai pas envie de prendre de risque, Liv.

Cette dernière hoche la tête.

— Alors on fait quoi ?

Surpris, je la dévisage. Alors c'est aussi simple que ça ? Je lui parle et elle est prête à s'en remettre à moi sans plus de questions ? Sans douter une seule seconde de ma parole ?

— On rentre. Je sais que c'est pas l'idéal, mais on sera plus en sécurité tous ensemble, loin des regards indiscrets.

On sera plus en sécurité avec West. En espérant qu'il daigne nous expliquer ce qui se passe vraiment...

***

Alors que nous arrivons devant la porte de l'appartement, les voix faibles de Wayne et West se fanent, puis disparaissent. Liv passe le seuil à mes côtés avec nonchalance, avant de s'affaler dans le canapé sans le moindre regard pour qui que ce soit. Assis à la table de la cuisine, mon frère fixe ses doigts qui dansent nerveusement les uns avec les autres alors que Wayne, appuyé contre un mur à l'autre bout de la pièce, scrute le sol comme s'il cherchait à le traverser. Sympa l'ambiance.

Plongé dans le calme le plus total, cet endroit morose semble perdre le peu de couleurs qui lui restait. J'ai l'impression qu'il va nous engloutir, nous avaler et qu'il ne recrachera de nous que nos peines, nos blessures et tout ce qu'on refuse d'aborder maintenant qu'on est réunis. Trois vibrations retentissent mais West est le seul de nous quatre à y réagir. Mal à l'aise, il sort son téléphone avec précaution, en observe un instant l'écran puis ferme les yeux, les dents serrées. Personne n'a l'air de remarquer la probable catastrophe qui menace de s'abattre sur nous, alors je tente de rester le plus naturel possible lorsque je fais quelques pas pour me planter juste derrière la chaise de mon frère. Pensif, je dépose une légère pression sur ses épaules tandis qu'il prend une profonde inspiration. Comprenant ce que je cherche à faire, West clique sur le message du numéro inconnu qu'il vient de recevoir et décale son portable de quelques centimètres pour qu'on puisse le lire tous les deux.

La nouvelle recrue a trois jours devant elle pour se préparer. Ce délai passé, tu recevras un appel de Lola. En attendant, sors de cet appartement et retourne à l'hôtel. Tu seras contacté en temps voulu.

Je me fige à l'instant même où West se raidit. Il sait aussi bien que moi que ce n'est pas normal, que quelque chose se prépare ; Lola ne laisse jamais de temps de préparation aux petits nouveaux, en particulier quand ils ne sont pas là de leur propre chef. C'est beaucoup trop dangereux. En trois jours, n'importe qui aurait le temps de fuir ou de prévenir les flics, alors pourquoi Lola prend-elle autant de risques ? Rien de tout ça ne lui ressemble. Ces derniers temps, elle enchaîne les erreurs de débutant et même si ça devrait me soulager, me montrer qu'il est possible que cette femme intouchable ait finalement des failles, ça me pétrifie. Je sais comment elle fonctionne, je sais qu'elle n'a jamais pris aucune décision à la légère, il n'y a donc pas de raison qu'elle le fasse maintenant. Elle a un plan, c'est évident, mais comme toujours quand il s'agit de Lola, on ne comprendra ce qu'elle cherche à faire qu'au moment où son piège se refermera sur sa proie.

— Je ferais peut-être mieux d'y aller, lâche West en verrouillant son smartphone.

Wayne relève la tête d'un geste brusque, le visage marqué par le stress, pourtant il ne proteste pas. Préoccupé à l'idée de laisser partir West, mais aussi à ce que son départ pourrait provoquer chez Wayne, je presse les épaules de mon frère et essaie de garder un ton neutre pour que mon angoisse naissante reste imperceptible.

— Tu veux pas rester manger avec nous ? demandé-je alors que mon meilleur ami se retourne en fronçant les sourcils.

S'il y a quelqu'un qui peut percer mon mauvais jeu d'acteur à jour, c'est bien lui.

— Il est quoi huit heures trente ? Bientôt neuf heures ? Prends un petit déj' avec nous, et après je te raccompagne, si tu veux, argué-je.

West baisse les yeux, comme s'il comprenait la supplication silencieuse que je lui envoie, puis jette un coup d'œil à Wayne qui le dévisage, pendu à ses lèvres.

— Je... je sais pas si c'est une bonne idée, Gale...

Wayne détourne le regard et West se tend encore un peu plus.

— Il remonte à quand, ton dernier repas ?

Mon frère se focalise de nouveau sur moi alors qu'une immense nostalgie paraît imbiber ses traits. Cette question-là, je la lui posais chaque fois qu'on se retrouvait après avoir été séparés plusieurs jours. À l'époque du New Jersey, juste avant qu'on nous envoie pour de bon sur Manhattan, West faisait régulièrement des allers-retours à New York pour le business. Il partait sans jamais apprendre à s'alimenter correctement et loupait la plupart de ses repas, alors quand il rentrait, je lui préparais toujours un truc. Il râlait souvent, mais au moment où je lui demandais à quand remontait son dernier déjeuner, il ne savait jamais quoi me répondre et finissait par accepter d'avaler quelque chose avec moi.

— J'en sais rien, hier matin, je suppose. À ma sortie de taule.

À l'évocation de sa libération, Liv lance un regard curieux vers nous, mais personne n'a le temps d'exprimer quoi que ce soit, que Wayne fonce vers le frigo.

— Alors c'est réglé, crache-t-il tandis qu'une soudaine colère irradie de chacun de ses mouvements.

Il sort une poêle, des œufs, puis allume le gaz. Ses gestes sont brusques, à peine contrôlés, pourtant Wayne n'explose pas. Concentré sur sa tâche, il se contente de préparer à manger pour tout le monde et je dois avouer que je suis impressionné. Il y a encore quelque temps, mon ami aurait été incapable de prendre sur lui et de rester dans la même pièce que nous sans péter les plombs. Au bout d'une poignée de minutes, il lâche son ustensile de cuisine, ouvre les placards et se débrouille pour sortir un récipient pour chacun d'entre nous. N'ayant pas assez de vaisselle pour tout le monde, Wayne et moi nous retrouvons avec un bol pour laisser les assiettes à West et Liv. Il partage les œufs équitablement puis s'attable face à West, devant lequel il a déposé son plat. Mon frère jette un œil à sa nourriture, puis relève le nez lorsqu'il remarque que je ne m'installe pas tout de suite avec eux. Une assiette en main, je me dirige vers Liv, la lui tends et retourne m'asseoir entre West et Wayne, en bout de table. Je sens le regard étonné de Liv me brûler la nuque, mais je ne relève pas. Je n'ai pas envie de relever, je ne veux pas penser à ce que je viens de faire. Avant notre petite escapade de ce matin, je n'aurais jamais pris la peine de me déplacer pour lui faciliter la vie. Même si je n'ai pas aimé son petit jeu avec West, je crois que ce qu'elle est en train de vivre me touche, je crois que j'ai envie de lui montrer qu'elle a un ami si un jour elle en a besoin.

Les coudes de chaque côté de son assiette, mon frère mange à toute vitesse et mon cœur se serre ; je ne l'ai jamais vu protéger son repas comme il est en train de le faire. Est-ce qu'en prison, les détenus se servent dans les plateaux des autres ? L'estomac soudain en vrac, j'ai un mal fou à ingurgiter quoi que ce soit et joue avec ma fourchette pendant de longues minutes. Profitant de voir que West a terminé, je me lève et lui propose de le raccompagner. Mon meilleur ami remercie timidement Wayne, puis traverse le salon avant de se planter devant Liv.

— Toi et moi, on se revoit dans trois jours, lâche-t-il, glacial. Si t'as des questions, Gale a mon numéro. En attendant, tu quittes pas la ville, et tu fais pas de conneries.

Sans attendre la moindre réponse de la part de son interlocutrice, West sort de l'appartement et je me précipite presque derrière lui pour ne surtout pas faire face à la réaction de Wayne. Quoi qu'il ait bien pu se passer entre sa petite-amie et lui, je doute qu'elle ait eu l'occasion de lui annoncer qu'elle allait travailler pour Lola, et je n'ai pas la force d'affronter ça maintenant.

***

Les yeux fixés sur la route depuis un long moment, West m'esquive. Il fuit mon regard et toutes les questions qu'il a sans doute peur d'y lire. Pourquoi refuse-t-il de me parler ? Est-ce qu'il a honte ? Est-ce qu'il craint à ce point ce que je pourrais penser ? Même si Lola nous a menacés à cause de lui, il sait que je ne lui en voudrais jamais d'essayer de nous protéger, alors qu'est-ce qui le bloque ? Le cerveau en ébullition, je fais à peine attention au chemin que nous empruntons pour nous retrouver sur le grand parking qui nous fait face. D'abord un peu perdu, j'observe les alentours puis me rends compte que nous nous dirigeons vers un hôtel assez discret. Sur la devanture indigo, les initiales A&D me laissent un peu perplexe, mais je ne dis rien. Cet endroit est peu vieillot, pourtant c'est bien plus chic que ce que j'avais imaginé venant de Lola.

— C'est ici que tu crèches ? demandé-je, étonné.

— Je suis censé me pointer avant deux heures tous les jours. Lola paye la patronne 500 dollars pour surveiller mes faits et gestes.

Je fronce les sourcils. Rien de tout ce que Lola ne met en place avec West ne lui ressemble. À quoi elle joue, putain ?

— Qu'est-ce qui se passe West ?

Mon frère me jette un coup d'œil interrogateur.

— C'est pas normal. Rien de tout ça n'est normal. Tu vas pas me faire croire que tu vois rien, quand même ? C'est pas son genre de payer des gens sans expérience pour nous attaquer, de prendre si peu de précautions avec Liv, de... de te faire surveiller dans un hôtel de bourges. C'est pas elle. Elle prépare un truc, West. C'est un piège.

— Parce que tu crois que je le sais pas ? soupire mon frère. Je l'ai compris à la seconde où je suis sorti de taule. Mais maintenant que je suis pris dans le filet, j'ai aucune chance de pas me faire attraper.

Ma gorge se serre. Je déteste l'entendre si défaitiste et je déteste encore plus savoir qu'il a raison. Une fois dans la ligne de mire de Lola, personne ne peut éviter l'impact. Personne ne peut lui échapper et c'est précisément ce qui me terrorise. West est une cible ambulante et si jamais quelqu'un frappe dans le mille, je ne suis pas sûr de pouvoir le supporter.

— Le seul truc que je voulais surtout pas, c'était vous entraîner là-dedans avec moi, ajoute West, la main sur la poignée de la porte de l'hôtel. Mais je suis comme une ancre, j'emporte tout le monde au fond avec moi...

— Dis pas de conneries ! maugréé-je. Si Lola t'a menacé, t'avais pas le choix, West.

— C'est là que tu me surestimes, Gale. Elle ne m'a pas menacé.

Mon meilleur ami ponctue sa phrase par l'abaissement de la poignée, mais je le tire vers moi et la porte de l'hôtel se referme aussi vite qu'elle n'avait été ouverte. Un claquement violent retentit, mais je ne le perçois qu'à moitié. Si Lola ne l'a pas menacé, alors pourquoi bosse-t-il de nouveau pour elle ? Je ne comprends pas. Il ne peut pas être retourné vers elle sans raison, je n'y crois pas. Je ne veux pas y croire.

— Qu'est-ce que tu veux dire ? articulé-je avec difficulté.

L'air désolé, West baisse la tête vers le sol.

— West, putain, parle-moi, le supplié-je.

Ma voix déraille et les prunelles de mon frère se remplissent de larmes.

— Qu'est-ce qu'elle a contre toi ? renchéris-je, à deux doigts de le secouer pour l'obliger à ouvrir la bouche.

— Rien, souffle-t-il dans un murmure. Elle a rien contre moi. Elle... et merde !

Frustré, West envoie un léger coup de poing dans la porte en bois avant de plonger son regard dans le mien.

— Elle m'a fait une proposition, et j'ai accepté. J'ai choisi de revenir. J'ai tout foutu en l'air par choix.

— Une proposition ? m'étranglé-je. Quel genre de proposition, putain ?

Je n'arrive pas à y croire. Dites-moi que c'est un cauchemar, par pitié.

— Elle m'a dit qu'elle avait des...

Soudain, la porte s'ouvre et quelqu'un agrippe le bras de West pour le faire entrer de force dans le bâtiment. En alerte, je me précipite à l'intérieur et tombe nez à nez avec une femme perchée sur de hauts talons aiguilles. Dans sa robe à paillettes bleue, on pourrait croire qu'elle est prête pour un défilé de mode, pourtant elle se contente de pointer ce qui ressemble à un calibre neuf millimètres droit sur mon frère.   


___________________

Coucou tout le monde, comment ça va ? 

Je suis désolé, j'avais oublié qu'hier c'était la Pride, du coup j'étais pas là de la journée et aujourd'hui, j'ai été hyper occupé... Mais la semaine prochaine, j'ai rien de prévu, promis !

On se retrouve pour la suite et fin du chapitre 11, j'espère qu'il vous a plu. Que ce premier chapitre inédit était à la hauteur de vos attentes, à la hauteur de cette histoire et j'espère que vous êtes prêt.e.s pour le chapitre 12, parce qu'il se peut que vous obteniez ce que vous demandez depuis que le roman à commencer... 

Ce blond, là, à votre avis, il était là pour Gale ou c'était une simple coïncidence ? Vous pensez qu'il lui veut quoi si vous croyez pas au hasard ? 

Qu'est-ce que vous pensez de l'ambiance entre West et Wayne ? Ils ont eu une conversation, à votre avis ou alors ils sont juste gênés ? 

Alors, cette proposition, des hypothèses ? Et à la fin, qu'est-ce qu'il se passe ? 

Pour la musique, j'ai un peu galéré, mais j'ai trouvé que cette chanson allait plutôt bien avec l'ambiance générale de cette partie, vous aimez ? 

Voilà, voilà, c'est tout pour moi. Je m'en vais de ce pas promener mon petit toutou et je vous dis à mardi prochain les potes !

Prenez bien soin de vous. 

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