Chapitre 1 | 3

"I lose myself infused in something more than what they've seen.

I'm not a slave to greed,

I don't embrace your make believe,

I've never been for sale no matter what they think I need."

The Way – Zack Hemsey. (En média).


— Gale.

Une main derrière son dos, je force Liv à suivre mon rythme effréné. En alerte, je lance des regards dans chaque recoin de chaque rue, je scrute toutes les voitures qui croisent notre route, toutes les personnes qui ont le malheur de croiser notre chemin...

— Gale !

L'empressement qui suinte de la voix de la fille la plus têtue que je connais me coupe dans mon observation frénétique, et je soupire.

— Quoi ? craché-je, excédé.

— Les mecs derrière... On dirait qu'ils nous suivent.

Mon exaspération disparaît, mon cœur se fige, mais mon corps, lui, réagit au quart de tour. Plus concentré que jamais, j'accélère le pas en resserrant mon étreinte autour de Liv.

— Écoute-moi, écoute-moi bien. On va tourner dans la prochaine avenue pour faire demi-tour et revenir ici. Quand on y sera, je veux que tu regardes encore derrière nous, et que tu me dises s'ils sont toujours là ou si on est juste paranos, okay ?

Elle acquiesce sans mot dire et se soumet au moindre de mes mouvements avec une docilité impressionnante. Malgré ma haine profonde envers cette fille, je dois bien avouer que sa capacité à garder son sang-froid et me croire sur parole me plaît assez. Quand elle a commencé à sorti... Baiser avec Wayne, je l'ai informée que je la raccompagnerai à son domicile tous les jours et qu'elle devait me dire si elle voyait quelque chose de louche ; elle l'a fait. Elle l'a fait et elle n'a jamais cherché à me cuisiner pour comprendre le pourquoi du comment.

— Gale...

La tête tournée vers son visage, je n'ai pas besoin d'attendre la fin de sa phrase pour comprendre qu'on est toujours suivis : l'angoisse sèche que je perçois dans ses yeux marron parle à sa place.

— Ils sont toujours là...

Le ton de sa voix tremblote, mais elle ne flanche pas. Même si elle se colle un peu plus à mon bras, elle continue de suivre ma cadence.

— Ne panique pas, Liv, l'intimé-je plus en douceur.

La situation est peut-être dangereuse, pourtant je fais tout mon possible pour paraître confiant, catégorique, sûr de moi. Il faut qu'elle puisse se fier à moi, je ne tolérerai pas qu'il lui arrive quoi que ce soit.

— Au moment où on arrivera dans la ruelle de tout à l'heure, je veux que tu te mettes à courir jusque chez toi sans te retourner, c'est vu ? ajouté-je en prenant sur moi pour ne pas jeter un œil par-dessus mon épaule.

— Mais...

— Arrête de réfléchir, et écoute-moi.

Hésitante, elle me dévisage quelques secondes, avant de finir par acquiescer d'un air entendu.

— Fais attention, me somme-t-elle.

— Tu t'inquiètes pour moi, Poupée ?

Un léger sourire exaspéré traverse ses lèvres alors qu'elle lève les yeux au ciel. Bien vite, l'intersection apparaît et Liv me lance un regard anxieux. Hochant la tête, je la pousse avec mon bras pour l'encourager.

— Maintenant !

Ses bruits de pas rapides résonnent derrière moi alors que je fais volte-face. Nez à nez avec trois hommes en costume noir, chemise blanche et cravate accordée à un blazer sombre, je me prépare à l'impact. L'air décidé, le plus âgé des trois fait le premier pas mais je ne lui laisse pas le temps d'anticiper mon geste que je tire sur sa cravate pour lui envoyer un coup de genou puissant dans l'estomac. Coupé en deux par la douleur, aucun son ne lui échappe, il ne parvient même pas à répondre à mon attaque. Profitant de son moment de faiblesse, j'attrape l'arme qui dépasse de sa ceinture, puis la pointe vers ses deux acolytes. Je tire de nouveau sur le tissu que je n'ai pas lâché et oblige le sale type à se redresser pour passer mon bras libre autour de sa gorge. Habitué à ce genre de situation foireuse, je le maîtrise bien plus vite que je ne l'aurais cru. C'est presque trop facile.

— On vous a jamais dit de mettre un nœud papillon, les men in black ? C'est plus classe, et c'est moins dangereux, susurré-je, provocateur.

Alors que les deux jeunes lèvent les mains en l'air, je leur fais signe de s'engouffrer dans une allée étroite avec le canon du Colt. Malgré les grognements réprobateurs de celui que je suppose être leur supérieur, ils s'exécutent sans opposer de résistance, puis se collent sagement contre le mur devant moi.

— Pourquoi vous nous suiviez ?

— Vous suivre ? Je crois que t'as regardé un peu trop de séries, mon gars.

En dépit de sa paralysie évidente face à l'arme que je pointe vers lui, le garçon d'à peine vingt ans tente la carte de l'insolence. À la fois surpris et agacé par son élan de courage, je le dévisage quelques secondes avant de resserrer ma poigne autour de la gorge du vieux con qui se débat contre mon torse. Les deux gamins ont du cran, mais ils n'ont aucune expérience et ça se voit. Je me demande même s'ils n'ont pas eu la brillante idée de s'attaquer à moi sans être armés. Tous deux hésitants, ils paraissent tétanisés, comme s'ils n'avaient pas envisagé le moins du monde que la situation puisse tourner à leur désavantage. L'homme qui s'étouffe toujours à moitié, en revanche, c'est une autre histoire. Il paraît carrément présomptueux, sûr de son coup. Pourquoi est-il aussi confiant ? A-t-il un moyen de pression contre moi que j'ignore encore ? Sans me laisser submerger par l'angoisse qui se diffuse progressivement dans mes veines, je me munis de mon sourire le plus provocateur.

— Oh, on joue aux innocents qui étaient au mauvais endroit au mauvais moment ? C'en serait presque touchant !

— Mais c'est ça ! On était au mauvais endroit au mauvais moment, s'exclame le deuxième lascar alors que son regard passe du canon que je pointe vers son pote à mon visage.

La terreur qui suinte de chacun des pores de sa peau à l'idée que je n'appuie sur la gâchette me ferait presque pitié. Ce mec n'a pas envie d'être là, c'est une certitude. À vrai dire, il me rappelle même un peu Wayne lorsque je l'ai rencontré : il semble lutter contre sa nature à chaque seconde qu'il passe ici, mais il a tout de même le courage de rester. Comme si quelque chose le retenait... ou quelqu'un. Envahi par la puissance des prunelles aguicheuses de Ninnah qui s'insinuent dans mes pensées, je ferme les yeux, puis prends une profonde inspiration. Il faut que je reste concentré. Les dents serrées, je reporte mon attention sur Wayne numéro deux et son acolyte, tentant de faire abstraction de la boule de souvenirs douloureux qui s'est formée dans ma poitrine. Comment oublier ? Comment ne plus y penser ? Mon propre corps me trahit quand sa longue chevelure noire de jet et son rictus alliciant réapparaissent sous mes paupières épuisées. Le cœur qui s'emballe, la respiration qui s'accélère, la brûlure qui explose dans ma cage-thoracique dès que Savannah Singer s'empare de ma mémoire pour la réduire en cendres restent des réactions que je n'arrive pas à contrôler. Les nerfs à vif, je souffle, puis baisse le pistolet vers le genou du gamin qui ne doit pas être tellement plus jeune que moi.

— Ah ouais, t'es sûr de ça, mon grand ? miaulé-je, infantilisant.

J'arme le calibre, et le blondinet n'est plus en mesure de le lâcher des yeux. Paniqué, son pote a un mouvement de recul violent qui l'oblige à se cogner contre les briques rouges derrière lui. Les mains devant lui comme si ça pouvait le protéger, il paraît hyperventiler lorsqu'il cherche des réponses sur les traits de l'homme qui a cessé d'affronter ma poigne. Ce dernier lâche un ricanement amer alors qu'il tire sur mon bras pour piéger un peu d'oxygène dans ses poumons.

— N'ayez pas peur, les enfants. Il ne tirera pas. Il n'a pas assez de cran pour ça, n'est-ce pas, Gueule d'Ange ?

À mon tour de me taper une barre.

— Hey, papy, laisse-moi t'apprendre un truc, l'intimé-je en approchant mes lèvres de son oreille gauche.

Te ramener ici avec deux novices est la plus grosse erreur de ta misérable carrière de criminel raté.

— Si jamais tu veux intimider une cible, assure-toi de savoir à quoi elle ressemble, craché-je avant d'appuyer sur la détente.

Un bruit sourd explose, le blondinet sursaute et son pote s'écroule sur le béton. Tendu, j'observe un instant le jeune qui retient ses hurlements de douleur avec difficulté pour ne pas attirer l'attention vers nous. La culpabilité m'envahit, elle me submerge, elle me noie mais je l'endigue en fermant les yeux. Je ne peux pas faire face au visage crispé de ce gamin. Je ne peux pas penser à ce que je viens de faire. Je n'ai pas le temps de m'en vouloir, pas maintenant. Il faut avant tout que je m'occupe du problème actuel pour découvrir s'il ne cache pas des problèmes futurs. Sans me laisser apitoyer par les gémissements étouffés qui parviennent jusqu'à mes oreilles, je lance un dernier regard à la jambe ensanglanté que le brun serre contre son torse, puis me focalise sur mon prisonnier. Complètement figé, j'ai l'impression qu'il vient tout juste de comprendre sa connerie.

— Eh ouais mon vieux, tu t'es trompé de mec. Je ne suis pas Gueule d'Ange, et malheureusement pour toi et tes petits copains, je suis pas aussi compréhensif que lui.

Plus je deviens agressif, plus le type se raidit.

— Donc maintenant, on arrête de jouer et tu me dis pourquoi tu nous suivais, sinon je t'envoie au septième ciel dans le sens littéral du terme, tu piges ? ajouté-je en posant le canon brûlant du révolver sur sa tempe.

De légers tremblements semblent parcourir son corps alors qu'il inspire violemment. Sa peur est si palpable que j'en viens à me demander si ce mec a déjà eu affaire à ce genre de situation auparavant. Si quelqu'un l'envoie, il ne peut pas en être à son coup d'essai, c'est impossible.

— On m'a payé, okay ? On m'a payé ! se justifie-t-il à toute vitesse.

— On t'a payé pour faire quoi ?

Les dents serrées, j'essaie de prendre le ton le plus menaçant que j'ai en stock pour que personne ne remarque l'angoisse dévorante qui me tord l'estomac.

— D'abord, pour faire du repérage. Je devais me faire passer pour un bureaucrate et observer un gars qui vit dans le même appartement que toi pour pouvoir le choper dans une ruelle. Lui faire peur. On m'a dit que le jeune serait trop craintif pour se défendre et c'était un prix plus qu'avantageux, alors j'ai accepté sans poser plus de questions. On se mêle pas des affaires de ceux qui ajoutent des zéros au prix de départ.

Une colère sourde se mêle au stress qui pulse dans mes veines et je dois prendre sur moi pour réussir à me contenir. D'un coup, je desserre mon étreinte autour du cou de ce vieux connard avant de l'éclater contre le mur de l'immeuble. Mon bras gauche contre sa gorge, le flingue sous son menton, je l'avertis en silence de ne pas tenter le moindre geste.

— Qui t'a payé ? sifflé-je en enfonçant un peu plus le bout de métal dans sa peau.

Il me défie quelques secondes, mais abandonne bien vite son élan de courage lorsque j'arme de nouveau son pistolet.

— J'en sais rien, je la connais pas !

La ? Oh non, c'est pas vrai...

— C'était une grognasse brune. Pas très grande, cheveux courts. Elle était avec un gars à capuche, j'ai pas pu voir son visage...

Comme le dernier des lâches, l'homme déblatère toutes les infos qu'il détient, mais je ne l'écoute plus. Mon cœur a déjà raté un battement. Le passé a déjà rattrapé le présent, et j'ai bien peur qu'il n'entache notre avenir à tous. Incapable de sortir de ma torpeur, je prends un uppercut inattendu. Vacillant face au vieux qui reprend le dessus, je m'effondre sur le sol lorsqu'il enchaîne de nouveaux coups que je n'arrive toujours pas à éviter. Je devrais me défendre, lui rendre ses attaques, lui montrer qu'il ne fait pas le poids contre moi, mais mes muscles ne répondent pas. Paralysé par ses révélations qui me font l'effet d'un douloureux retour en arrière, je me laisse malmener.

Comme pour retrouver un peu de fierté après s'être fait humilier par un mec de vingt-trois ans, cette enflure me cogne alors que je suis à terre. Il frappe sur quelqu'un qui ne se défend pas. Comme mon père. Et comme avec mon paternel, je ne dis rien, je ne ressens rien, je me contente de le regarder faire. Après de longues minutes de bassesse, il attrape le bras Wayne numéro deux en laissant le brun à son agonie sur le trottoir, puis se barre. Encore sous le choc, je trouve à peine la force de me battre contre les multitudes d'images qui se rallument dans mon esprit. À ces multitudes de souvenirs qui me hurlent que le danger n'a jamais été aussi proche depuis trois ans. Comment est-ce que je vais pouvoir gérer ça tout seul ? Comment est-ce que je vais faire pour protéger Wayne de la pire tornade qu'il a jamais connue ? Mes nerfs tressautent. Wayne. Je me relève d'un mouvement vif, mais déchante quand la morsure de mon agression se fait sentir. Le souffle coupé, j'ai la sensation que tous les coups que j'ai reçus s'abattent sur moi en même temps.

La mâchoire contractée, j'avance vers la flaque de sang dans une lenteur intenable, une main douloureusement accrochée à mes côtes. Le regard pétrifié du jeune sur lequel j'ai tiré croise le mien. Sa peur irradie jusqu'à moi alors que sa douleur paraît déferler jusque sous ma peau dans une vague aussi puissante que destructrice. Terrorisé, il lève ses mains ensanglantées vers le ciel, l'air suppliant.

— Me tuez pas ! S'il vous plait, je dirai rien à personne !

Le ton de sa voix s'écorche, et je détourne les yeux vers mon flingue. Aussi calme que possible, je le désarme, enlève le chargeur et essuie chaque morceau avec le bas de mon tee-shirt pour effacer mes empreintes. Une fois cette merde désossée, je la balance vers le novice qui me dévisage sans comprendre. D'un coup de poignet las, j'éponge le sang qui coule de ma lèvre, puis m'approche encore un peu plus de lui.

— Appuie sur la plaie. Ça va pas faire du bien, mais ça va arrêter l'hémorragie. Ensuite tu te démerdes, t'appelles un médecin, un pote, n'importe qui et tu trouves un moyen de te faire soigner.

Il acquiesce avec frénésie alors que je fais mine de m'en aller pour finalement m'arrêter en plein milieu de la rue sans parvenir à faire volte-face. J'ai pas le cran de revoir son air tétanisé.

— Et tant qu'on y est, je veux que tu dégages d'ici. Je veux plus te voir à Chicago, ni même dans l'Illinois parce que si je te recroise, je t'assure que c'est pas dans ta jambe que je vais tirer. Donc tu quittes cet endroit, et tu te trouves une vie ailleurs. Une vraie vie. Tu chopes un job réglo, tu rencontres l'amour, tu fais des conneries de gosses de ton âge... Tu vis vraiment. Tu verras, tu me remercieras, un jour.


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Salut tout le monde, comment ça va ? 

Désolé de pas avoir posté plus tôt, je n'étais pas là aujourd'hui. Normalement il ne devait y avoir qu'un chapitre de posté cette semaine, mais finalement, pour vous remercier des 12K sur N'aie Pas Peur et les 100 lectures sur Je N'ai Plus Peur, je vous ai posté un petit bonus sur N'aie Pas Peur, qui j'espère vous plaira. 

Concernant cette partie du chapitre... 

À votre avis, pourquoi Gale veut-il raccompagner Liv chez elle ? 

Les hommes ont parlé d'une femme que Gale a l'air de ne pas forcément apprécier, vous pensez à qui ? Qu'est-ce que ça vous inspire ? 

Selon vous, est-ce que c'est réellement Wayne qui est visé ? Si oui, pourquoi quelqu'un voudrait-il s'en prendre à lui ou lui faire peur ? 

La musique, un grand classique pour moi, j'adore Zack Hemsey pour lire et écrire. Et vous, qu'en pensez vous ? 

Et voilà, c'est tout pour moi. On se retrouve mardi pour le chapitre deux du coup et sachez que vous pouvez me retrouver sur Instagram pour découvrir mes reviews de livres si jamais vous aimez la lecture parce que je reprends doucement la lecture et dés que j'aurais fini ma bêta pour la ME, je retourne lire sur Wattpad. Je fais par étape, mais ça me fait plaisir de reprendre un peu la lecture. 

Je vous souhaite une bonne nuit les potes. 

Prenez soin de vous. 

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