Chapitre 6 : trahie
Les paroles de Chuck raisonnaient incessamment dans ma tête. « Tu ne t'en souviens pas, parce qu'on t'a droguée. Demande à Jughead si tu ne me crois pas », avait-il dit. Une vague de chaleur m'envahit et j'avais l'impression d'étouffer. J'avais le sentiment de ne plus pouvoir respirer, je manquais d'air. Je sortis de la maison d'Ethel où il faisait bien trop chaud, mais mon état ne s'améliora pas : c'était comme si l'air refusait d'entrer dans mes poumons. Veronica sortit me voir, puis tout devint noir.
Je me réveillai dans un environnement totalement différent : j'étais allongée sous les draps rêches d'un lit dans une chambre blanche. Ma mère était assise sur le bord du lit, à côté de mon père :
- Tu te sens mieux, Jenna ? Tu nous as fait une sacrée peur ! dit-il.
Je hochai la tête. J'étais un peu fatiguée mais j'allais bien.
- On est à l'hôpital, ma chérie, murmura ma mère. Les médecins pensent que tu as fait une sorte de crise d'asthme, un petit malaise. Rien de grave, mais quand même. Qu'est-ce qui s'est passé ? C'est la fille des Cooper qui nous a prévenus de ton état.
- On est allé dans le jacuzzi d'Ethel Muggs et je crois que la chaleur m'a fait tourner la tête.
Je regardai une horloge accrochée au mur : elle affichait minuit passé.
- On peut rentrer ? demandai-je.
- Les médecins veulent te garder en observation jusqu'à demain, début d'après-midi.
- Pourquoi ? m'exclamai-je.
J'avais besoin de sortir, j'avais besoin d'aller en cours, j'avais besoin... En réalité, j'avais besoin de voir Jughead. Je voulais des explications et je voulais surtout lui hurler dessus.
- Ils veulent être certains que tu n'as rien de grave, m'expliqua mon père.
Mes parents partirent un peu plus tard, et je passai la nuit à l'hôpital. Vers 9h du matin, une infirmière m'annonça une visite. C'était Veronica et Archie, qui m'apportaient un petit bouquet de fleurs.
- Vous n'êtes pas en cours ? m'exclamai-je, vraiment heureuse de les voir.
- On avait maths, alors on a estimé que tu passais avant, rigola Veronica. En tout cas, je suis vraiment désolée pour hier, c'est ma faute ...
- Pas du tout, ne t'excuse pas ! Au moins maintenant, si ce que Chuck a dit est vrai, je sais ce qui m'est arrivé.
- Et il t'es arrivé quoi, du coup ? voulut savoir Archie.
Visiblement, Veronica ne lui avait pas raconté ce que Chuck avait dit, et j'appréciai cela. Je lui expliquai :
- Selon Chuck, j'aurais bel et bien couché avec Jason, parce qu'ils auraient réussi à me droguer.
- En fait, reprit Archie, il s'est vraiment passé quelque chose avec Jason mais tu as tout oublié ?
- C'est ça, répondis-je.
- C'est horrible, murmura Archie. Mais qui t'a fait ça ?
- Et bien à mon avis Jason, Chuck, mais aussi Jughead.
Archie manqua de s'étouffer, et Veronica baissa la tête.
- Attends c'est impossible, s'exclama Archie. Jug ne ferait jamais un truc pareil, surtout qu'il déteste ces gars. En plus il n'était pas à la fête, il est seulement venu me chercher parce que j'avais trop bu.
- Je n'en sais rien, répondis-je. Mais s'il vous plaît, n'en parlez pas à Jughead, je veux lui poser la question moi-même.
Ils acceptèrent, restèrent encore avec moi un quart d'heure, puis partirent. La journée passa lentement : on me fit d'autres examens et les médecins me laissèrent sortir à 14h.
Mes parents refusèrent que je retourne en cours l'après-midi, mais je me rendis au lycée à 16h parce que j'avais donné rendez-vous à Jughead.
- Jenna, ça va ? me demanda-t-il en approchant vers moi. Betty m'a raconté que tu avais passé la nuit à l'hôpital.
- Garde ta politesse pour toi, ordonnai-je. Chuck m'a dit que tu étais au courant pour Jason et moi.
Il se stoppa net et devint livide. Quelle que soit l'attirance que j'avais pu éprouver pour lui, j'avais tout simplement envie de le frapper. Chuck avait donc raison. Depuis tout ce temps, Jughead savait ce qui s'était passé, et il ne m'avait jamais rien dit.
- Non, Jenna... je... bégaya-t-il, ce n'est pas ce que tu crois.
- Tais-toi ! criai-je en le poussant violemment. Tu étais au courant de tout, et c'est pour ça que tu es venu me poser des questions hier, à propos de Jason. Tu voulais savoir si je m'en souvenais, parce que toi oui, tu t'en souvenais puisque tu étais là ! Tu savais qu'on m'avait droguée parce que si j'avais eu toute ma tête, jamais je n'aurais accepté de coucher avec Jason. Et en plus, tu les as aidés !
Je n'arrêtai pas de le pousser, je devenais hystérique, comme Betty hier. Mais tout à coup, il m'attrapa les poignets :
- Je n'aurais jamais participé à un truc pareil ! cria-t-il. Mais j'étais au courant, c'est vrai, et je te dois des explications. Je sais que ça n'excuse en rien le fait que je t'ai caché la vérité, mais visiblement, tu n'avais pas l'air de te souvenir de cette soirée, et je pensais que c'était la meilleure chose qui pouvait t'arriver.
- Pourquoi ? répondis-je en dégageant mes poignets de ses mains.
- Jenna, reprit-il d'une voix calme, ils ne t'ont pas drogué pour que tu acceptes de coucher avec Jason. Ils t'ont drogué pour que tu perdes connaissance et qu'ils puissent faire ce qu'ils voulaient de toi.
Le fait d'en parler me fit apparaître des images troubles. Je me voyais dans la cuisine de Reggie -lieu de la fête-, prête à me servir un verre, lorsque Jason est arrivé et m'en a tendu un que j'ai bu sans réfléchir. Cependant, Jughead avait dit "pour qu'ils puissent faire ce qu'ils voulaient de moi". J'étais doucement en train de comprendre que ce cela signifiait.
- Mais attends, murmurai-je, si son but était que je perde connaissance, ça veut dire que Jason m'a... violée ?
Jughead ne répondit pas, il se contenta de regarder ses pieds et je fondis en larmes. Je me sentais sale, trahie, dégoutée. J'avais honte que ce corps soit le mien. Contre toute attente, Jughead m'encercla de ses bras, et j'enfouis ma tête contre sa poitrine. Je n'avais même pas envie d'être réconfortée par Jughead, j'avais simplement besoin de cacher mes larmes contre quelqu'un. Toutefois, ses révélations n'expliquaient pas son rôle dans l'histoire. Il détacha son étreinte et commença :
- Je déteste les fêtes, donc je n'y étais pas allé. Mais Archie m'a téléphoné parce qu'il avait trop bu, et qu'il ne pouvait pas rentrer seul. Je suis donc allé le chercher, sauf qu'en m'y rendant, j'ai entendu des voix dans une chambre dont la porte était entrouverte. J'ai jeté un coup d'oeil et quand j'ai vu Jason sur une fille complètement endormie, j'ai compris ce qu'il était en train de faire. Mais le pire, c'était que Chuck filmait tout. Je lui ai arraché son téléphone des mains et je l'ai explosé par terre. Il était tellement bourré qu'il n'a même pas bougé. Je leur ai ordonné de dégager, sous prétexte que j'allais appeler les flics. J'ai ensuite vu qu'il s'agissait de toi, j'ai trouvé Cheryl et je lui ai demandé de te ramener parce que tu avais trop bu.
Je n'en revenais pas. Jason et Chuck m'avaient droguée pour que Jason puisse me violer, et Chuck tout filmer. Qu'et-ce que j'avais bien pu faire pour mériter une chose pareille ? Le seul point positif de l'histoire -si on pouvait considérer qu'il y en avait un-, c'était que je ne me souvenais de rien. À mon avis, je ne m'en souviendrais même jamais à cause des effets de la drogue. J'avais l'impression que cette fille dont parlait Jughead n'était pas moi, et c'était peut-être la seule chose qui me permit de ne pas éclater en sanglots à nouveau. Cependant, voyant que je ne répondais rien, Jughead reprit :
- Mais ne t'inquiète pas, il n'y a plus de vidéo, et je n'ai jamais raconté ça à personne. Ensuite, je suis retourné voir Chuck et Jason et je leur ai assuré que si quelqu'un l'apprenait, je balançais tout au père de Kevin et au principal du lycée.
Il était tellement gentil. À l'époque, on ne connaissait même pas, et il avait quand même fait tout ça pour moi.
- C'est gentil, Jughead, murmurai-je. Je ne saurais jamais comment te remercier. Sans toi, ils auraient encore la vidéo et je suis sûre que tout le lycée serait au courant. Je suis vraiment désolée de t'avoir crié dessus, et de t'avoir accusé à tort. Mais pourquoi est-ce que tu m'as aidée ? Après tout, les trois quart des gars de ce lycée auraient fait comme s'ils n'avaient rien vu.
- Premièrement, je ne sais pas si t'as remarqué, mais je ne suis pas comme la plupart d'entre eux. Mais surtout, je n'aurais jamais pu avoir la conscience tranquille si je n'avais rien fait pour t'aider. Ça aurait voulu dire que je cautionnais ce qu'ils faisaient.
OK, alors maintenant j'avais envie de pleurer parce que ses paroles me touchaient beaucoup. Ouais bon, il est vrai que je pleure pour tout et n'importe quoi. Jughead reprit :
- Écoute, je ne suis sûrement pas la première personne vers qui tu as envie de te tourner, mais si tu veux en parler ou quoi que ce soit, je suis là.
- C'est tellement gentil, merci.
Et je partis.
En rentrant chez moi, je trouvai mes parents assis autour de la table à manger, très sérieux. Je me demandais quel était le problème, mais ma mère me donna rapidement la réponse :
- Jenna, tu es au courant que les Blossom pensent que tu as tué leur fils ? On a eu un appel de leur avocat.
Putain, quelle journée de merde.
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