Chapitre 15 : plan diabolique
Je passai donc l'après-midi avec Cheryl. On s'installa au fond de son jardin sur des fauteuils en rotin, juste à côté de l'endroit où le jardinier cultivait leurs légumes pour éviter que l'odeur de l'herbe que l'on fumait suscite l'attention.
Malgré les semaines qui venaient de passer, ça me faisait du bien d'être avec Cheryl. OK, vous êtes certainement en train de vous dire que je suis folle de penser une chose pareille. Rassurez-vous, je n'oubliais pas le mal qu'elle m'avait fait mais c'était dur d'effacer presque 17 ans d'amitié d'une traite. Malgré tout, elle n'avait pas changé et on s'entendait toujours bien -à condition de mettre l'affaire de Jason de côté. En plus, elle semblait aussi désespérée et triste que moi.
- Alors, qu'est-ce qui ne va pas ? me demanda-t-elle.
Est-ce que je devais lui parler de Jughead ? Elle le détestait et le considérait comme un moins que rien. J'imaginais déjà les remarques que j'allais me prendre par la figure.
- Des... trucs. Laisse tomber, ce n'est pas intéressant, répondis-je.
- Tu rigoles ! s'exclama-t-elle. Je veux tout savoir !
- Ça ne m'étonne pas ! dis-je en rigolant légèrement.
- Alors ? insista-t-elle.
En y repensant, j'avais toujours confié mes secrets à Cheryl et j'avais besoin d'en parler. Je ne pouvais jamais en discuter avec Veronica, Archie ou Kevin parce que j'étais sûre qu'ils balanceraient tout à Betty. Alors je me lançai.
- Je... j'aime beaucoup Jughead, commençai-je, et...
- Non c'est pas vrai ! cria Cheryl en me coupant la parole. Tu en pinces pour ... Jughead Jones ? Attends trois secondes, on parle bien du même Jughead ? Celui avec des cernes jusqu'au nombril et un bonnet étrange ?
- Tu vois, c'est pour ça que je ne voulais pas t'en parler, soupirai-je.
- Non, non, excuse-moi, j'arrête. Plus de commentaires de ma part, je te jure. Continue.
- Donc, comme je le disais, repris-je, j'aime beaucoup Jughead et on a passé pas mal de temps ensemble ces dernières semaines. Mais, comme tu l'as sans douté remarqué, il sort avec Betty.
- Et alors ? dit Cheryl. Ce n'est pas parce qu'il y a un gardien qu'on ne peut pas marquer de but.
Elle me fit un petit clin d'œil. Ses paroles me firent sourire.
- Ce n'est pas vraiment ça le problème, murmurai-je. Enfin bien sûr, c'en est un, mais le truc, c'est que Jughead m'a carrément dit qu'il ressentait quelque chose pour moi. Jusque là, tout va bien, mais par respect envers Betty, il a décrété qu'on ne pouvait plus se voir du tout.
- C'est quoi cette histoire ? s'écria Cheryl. À quel moment il choisit Betty plutôt que toi ? Tu es cent fois mieux ! Je te jure, Betty m'exaspère avec sa petite couette blonde et ses vêtements couleur pastel !
- Oui, je sais que tu ne l'apprécies pas vraiment, rigolai-je. Il préfère rester avec elle parce qu'il pense qu'elle le connait mieux que moi, et donc qu'elle souffrira moins avec lui.
- Pourquoi souffrir ? demanda Cheryl. Je reste sur mes positions : il est franchement bizarre ce mec.
J'ignorai sa dernière remarque et répondis :
- Jughead a une vie assez compliquée. Sa situation familiale est difficle et... bon OK, lui-même, son caractère, sa façon de voir les choses sont un peu bizarres. Et il a peur que tout ça me fasse souffrir, parce qu'il ne serait sans doute pas assez "bon" pour moi. Alors que Betty, elle, est censée être habituée à ce côté de Jughead, comme si elle le connaissait mieux. Pff.
- "Pff" ? répéta Cheryl avec un léger sourire. Serait-ce de la jalousie ?
- Pas du tout, répondis-je objectivement. Il est évident qu'elle le connait mal. Sinon, pourquoi est-ce qu'elle le traînerait à n'importe quelle soirée alors qu'il déteste pertinemment ça ?
- Mouais, t'as peut-être raison.
- Enfin bref, passons. Et toi, alors ? demandai-je.
- Quoi, moi ? dit Cheryl en regardant par terre.
- Balance. Raconte tes problèmes.
- Ce n'est rien de grave, marmonna la rousse.
- Aller, je t'ai raconté les miens ! m'écriai-je en lui donnant une petite tape sur l'épaule.
- OK, soupira-t-elle en replaçant une mèche de ses longs cheveux. Bien sûr tout d'abord, tant que l'assassin de mon frère n'aura pas payé pour son crime, je ne serais pas tranquille. Ensuite, je sais que je te l'ai déjà dit, mais je m'en veux de t'avoir fait souffrir, Jenna. Et aussi... mon père a des problèmes. Des problèmes financiers, ou quelque chose du genre avec son entreprise de sirop d'érable. Ça le met en rogne et ma mère ne le supporte plus, alors ils s'engueulent. Les repas sont horribles, on mange dans la silence, hormis lorsque mes parents s'insultent. J'ai peur qu'ils se séparent. Avant, quand ils se disputaient, j'allais voir Jay-Jay mais maintenant...
Elle ne termina pas sa phrase et pencha la tête en arrière pour ravaler ses larmes. Ses yeux brillaient et je savais qu'elle faisait tout pour ne pas craquer devant moi.
- Cheryl, murmurai-je, je suis désolée...
Par habitude, j'avais envie de la prendre dans mes bras mais je ne pouvais pas. Je m'étais tout de même retrouvée en prison par sa faute : ces quelques semaines qui furent l'horreur pour moi avaient comme installé une barrière entre nous que je ne pouvais pas briser aussi rapidement. Je me trouvai donc incapable de bouger de mon fauteuil, et je ne savais pas quoi dire. Heureusement pour moi, mon téléphone sonna car je venais de recevoir un SMS. Étant donné qu'il était posé sur une petite table devant nous, Cheryl lu ce qu'il y avait d'écrit sur l'écran et s'écria :
- Un message de Betty ? Alors que son mec t'apprécie un peu trop ? C'est drôle, on dirait qu'elle ne se doute de rien !
- C'est surtout étrange, murmurai-je, parce qu'au contraire, elle sait que Jughead et moi sommes proches, puisqu'elle lui en a même fait la remarque. Je pensais qu'elle serait un peu jalouse.
- Lis-le ! s'exclama Cheryl en me tendant mon téléphone.
Je le saisis et lu les quelques lignes, les sourcils froncés.
- Qu'est-ce qu'il y a ? me demanda Cheryl, certainement impatiente de découvrir le contenu du SMS.
- Je... je suis invitée à l'anniversaire surprise de... Jughead. Vendredi soir.
- C'est génial ! s'exclama Cheryl.
- C'est débile, oui ! De un, il déteste les fêtes, et de deux, il déteste son anniversaire -d'après ce que m'a dit Archie.
- Non, non, c'est génial, répéta Cheryl.
- Pourquoi ?
- Tu me demandes réellement pourquoi ? dit Cheryl en ouvrant de grands yeux. Tu comptes vraiment laisser ce Jughead à Betty ? Non pas que j'approuve ton choix, attention, mais si tu veux vraiment te débarrasser de Betty, je peux te donner un léger coup de pouce.
- Tu comptes la tuer ? demandai-je à tout hasard.
Cheryl sourit. Non pas de son sourire amical ou moqueur, mais de son sourire diabolique. Elle avait un plan, et ça s'annonçait explosif.
- Mieux, répondit-elle, une lueur dans les yeux. Crois-moi, cet anniversaire restera gravé dans les mémoires, et particulièrement dans celle de Betty.
Nous continuâmes de discuter un long moment, jusqu'à un appel de mes parent qui m'ordonnèrent de rentrer aussitôt. Je leur informai que j'étais chez Cheryl et ma mère vint me chercher en voiture.
- Ça ne va pas, Jenna ? me demanda ma mère lorsque j'ouvris la portière pour monter dans la voiture. J'ai eu un appel du lycée m'informant que tu n'étais pas en cours cet après-midi, et pourtant tu ne m'as pas l'air mal en point !
Ma mère semblait remontée mais pas autant que ce je pensais. J'avais quand même de la chance d'avoir des parents assez cool et compréhensifs. En fait, puisque j'étais en général sage et que j'avais de bonnes notes, ils me considéraient comme quelqu'une de raisonnable et me laissaient bien souvent faire ce que je voulais. Mais bon, bien sûr ils ne savaient pas tout.
- Je n'étais pas en forme ce matin, murmurai-je, et je suis tombée sur Cheryl qui elle aussi n'était pas dans son meilleur jour. Elle m'a proposé d'aller chez elle et je sais que j'aurais dû te prévenir mais j'avais vraiment envie de passer un moment avec elle, comme avant.
- Je comprends, dit ma mère en gardant un ton un peu sec, mais effectivement, tu aurais dû me téléphoner. Ça va pour cette fois mais ne t'avise pas de recommencer.
Elle marqua un temps de pause et reprit d'une voix plus douce :
- Mais bon, c'est bien que tu reparles à Cheryl.
J'hochai la tête. Nous étions presque arrivées chez nous quand ma mère me demanda :
- Au fait, pourquoi ça n'allait pas ce matin ?
- Rien de bien important, dis-je. Disons que c'est un peu compliqué avec Jughead.
- Je vois, dit ma mère. En tout cas Jenna, ne laisse pas ta relation avec un garçon te déprimer ou te faire faire n'importe quoi. Tu vaux mieux que ça, et tu es surtout plus forte que ça.
Moi aussi, c'est ce que j'aurais pensé avant. Mais aujourd'hui, tout avait changé parce qu'il ne s'agissait pas d'un quelconque "garçon". C'était à Jughead que j'étais attachée, et ça faisait une différence extrême. Et désormais, je n'étais pas sûre de pouvoir vivre normalement sans lui, parce qu'il me manquait déjà alors que paradoxalement, je pouvais le voir tous les jours au lycée. À voix basse, sans que ma mère ne puisse vraiment l'entendre, je répondis :
- J'espère.
Le lendemain, lorsque j'arrivai au lycée, je vis Veronica, Kevin et Betty. Même si je savais que ma relation avec Betty était tendue -bien que nous n'avions jamais mis les choses au clair-, je décidai d'ignorer ce fait et je les rejoignis. Ils parlaient du super anniversaire surprise que mademoiselle Betty organisait pour son cher et tendre. C'était pitoyable et idiot, mais bref. Ils semblaient tous tellement excités que je ne voulais pas les sortir de leur euphorie.
- Tiens, salut ! me dit Veronica en m'apercevant. Ça va ? Je me suis inquiétée, tu n'étais pas en cours hier et je t'ai envoyé plusieurs messages alors j'ai cru que quelque chose de grave t'était arrivé.
- Tout va bien, souris-je. J'ai eu un petit coup de mou hier après-midi et figurez-vous que je me suis retrouvée chez Cheryl.
- Par "chez Cheryl", tu veux dire "avec Cheryl" ? demanda Kevin, des étoiles dans les yeux.
- Exactement, dis-je.
- Wahou, alors ça y est, vous êtes redevenues les meilleures amies du monde ? s'enquit Kevin. Le duo de choc est de retour ?
- Pas vraiment, murmurai-je. Je ne peux pas effacer ce qu'elle m'a fait subir du jour au lendemain mais c'est vrai que l'on s'entend toujours bien.
- Au fait, tu viens à l'anniversaire de Juggy ? me demanda Betty d'un ton neutre. Tu n'as pas répondu à mon message hier.
Bordel, mais comment faisait-elle pour être si impassible ? Soit, elle n'était vraiment pas jalouse -ce qui semblait peu probable puisqu'elle avait clairement dit à Jughead que notre relation la dérangeait-, soit elle jouait vraiment bien la comédie. Étant donné que j'optai pour la deuxième hypothèse, je décidai de m'amuser un peu en répondant :
- Bien sûr. Jughead aimerait que toutes les personnes chères à son cœur soient là, alors compte sur moi.
- Super ! s'écria Betty avec un large sourire, comme si ma réponse ne lui faisait aucun effet.
- Betty, est-ce que ça va ? demanda Veronica en baissant la tête.
Au début, je ne compris pas pourquoi elle lui demandait cela, parce que Betty semblait en pleine forme. Pourtant, Veronica fixait les poings de Betty qu'elle semblait serrer très fort.
- Évidemment ! sourit une nouvelle fois Betty. Je vous laisse, je dois déposer des affaires dans mon casier.
La blonde tourna les talons et s'en alla. Veronica se tourna vers moi :
- Il paraît que Jughead n'aime pas trop les fêtes mais de toute manière, ce ne sera qu'en petit comité. J'espère donc que cet anniversaire sera bien.
- Ne t'inquiète pas, murmurai-je, je suis certaine qu'il sera inoubliable.
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