Chapitre 14 : temps de crise
- Le problème, c'est que je ressens aussi quelque chose pour toi, avait finalement avoué Jughead.
Je n'en croyais pas mes oreilles. Est-ce que je rêvais ? Est-ce que c'était une blague ? J'aurais tant de fois aimé qu'il me dise ces choses là, mais pas dans ces conditions. Pas en sachant qu'il sortait avec Betty.
- Le truc, reprit Jughead, c'est que je ne peux pas m'autoriser à ressentir ça pour toi. J'aime Betty, c'est une relation stable et sûre. Jenna, avec toi c'est différent. Quand on est ensemble, c'est comme si le monde autour de nous arrêtait de vivre. Tu m'absorbes complètement et je suis incapable de penser à autre chose. Tu... enfin non, laisse tomber. Je ne dois pas te dire ces choses là, et je ne veux même pas de réponse de ta part. Je suis juste là pour te dire qu'il faut qu'on arrête de se voir, qu'on arrête tout.
Mon cœur fit un bon dans ma poitrine. Tout allait trop vite, je ne comprenais plus rien. D'abord, Jughead me disait qu'il ressentait quelque chose pour moi, mais la seconde d'après, il m'annonçait qu'on ne pouvait plus se parler. J'allais ouvrir la bouche pour protester quand il ordonna à voix basse :
- Ne dis rien. Je n'ai aucune idée de ce que tu ressens pour moi, et je ne veux pas le savoir, mais je suis obligé de choisir Betty. Je suis mauvais pour toi, Jenna. Betty, elle, me connait depuis toujours. Elle sait que mes histoires de famille sont compliquées et que mon tempérament n'est pas toujours facile à gérer. Mais toi, je veux te protéger de moi. Tu vois hier, la façon dont j'ai réagi chez Pop's et ce que je te dis ? Bah ça fait partie de moi, et tu n'avais encore jamais vu cet aspect de ma personnalité. Et crois-moi, ce n'était rien. Ma vie est un beau merdier.
- Mais Jughead, ce qui s'est passé hier n'affecte en rien l'amitié que j'ai pour toi ! protestai-je. On ne peut pas arrêter de se voir, c'est impossible et tu le sais.
- Ce sera dur, murmura Jughead, mais je dois au moins essayer. Pour Betty. Elle a compris que j'étais trop attaché à toi et elle me l'a fait remarquer. On s'est engueulé à la soirée de Dan à cause de ça d'ailleurs, et je ne veux pas que ça se reproduise. Ça va être dur de s'éviter, parce qu'on a des amis en commun et qu'on s'entend bien, mais il faut essayer.
- Je ne veux pas ! m'exclamai-je. Jughead, j'aime passer du temps avec toi, tu me comprends, tu me fais rire, tu es intéressant et tu ne dis jamais non à un petit tour chez Pop's. Jug, s'il te plait...
J'étais carrément en train de le supplier. Bordel, comment pouvait-il vraiment vouloir qu'on arrête de se parler ? C'était n'importe quoi et pourtant, je me sentais totalement impuissante. J'avais envie de hurler, de m'arracher les cheveux, de secouer Jughead ou de faire quoi que ce soit pour arrêter cela. Malheureusement, c'était perdu d'avance.
- Je suis désolé... murmura simplement Jughead en baissant la tête. Je vais partir.
Il commença à se diriger vers la porte de ma chambre, mais je dis :
- Jug, je n'y arriverai pas sans toi. J'ai besoin de toi.
Alors il fit demi-tour brutalement et s'avança vers moi. Il resta planté devant moi pendant quelques secondes qui me parurent durer une éternité, puis, contre toute attente, il me serra fort dans ses bras. Il posa ses mains sur le haut de mes cheveux et m'attira contre son torse. Ses mains étaient crispées et je sentais qu'il gardait la mâchoire serrée. J'enroulai mes bras autour de sa taille. Je voulais rester comme cela jusqu'à la fin de mes jours.
- Je suis désolé, murmura simplement Jughead entre ses dents, sans desserrer la mâchoire.
Et là, il déposa un baiser sur le haut de mon crâne. Juste après, il se détacha aussi vite qu'il avait enroulé ses bras autour de ma tête, et fuit rapidement vers la porte de ma chambre. Je l'entendis descendre les escaliers d'un pas pressé, ouvrir la porte d'entrée puis la fermer. Et moi, j'étais plantée comme un piquet au milieu de ma chambre, les bras ballants, complètement incapable de bouger. Il était parti si vite. Et pourtant, pas assez vite pour me cacher une larme qui avait coulé le long de sa joue droite.
Après ma discussion avec Jughead, autant vous dire que mon moral était au plus bas. En fait, je n'étais même pas vraiment énervée ou triste, j'étais simplement vidée de toute énergie. À table, voyant que je ne touchais pas à mes pâtes à la carbonara -alors que je suis une vraie fan-, mes parent commencèrent à me poser d'innombrables questions comme ils aimaient le faire. Alors, pour éviter d'y répondre, je lançai :
- Cheryl est passée hier, quand vous vous baladiez. Elle est venue s'excuser.
- Et alors ? me demanda ma mère. Vous vous êtes réconciliées ?
- Je ne sais pas, murmurai-je. Je crois que je ne la déteste plus mais je ne suis pas prête non plus à lui reparler comme avant.
-C'est normal, dit mon père après avoir bu une gorgée d'eau, mais tout de même, sois un peu indulgente avec Cheryl. Elle a perdu son frère -son frère jumeau qui plus est- et vous êtes jeunes, elle a seulement fait une erreur de jugement.
Je comprenais ce que mon père voulait dire. Cheryl avait été aveuglée par son désir de retrouver l'assassin de son frère -ce qui pouvait se comprendre- et elle avait tiré des conclusions trop hâtives. Cependant, quelque chose m'embêtait.
- D'accord, mais pourquoi vous ne parlez plus aux Blossom alors ? demandai-je.
- Déja, ils ne sont pas venus s'excuser, eux, lança mon père d'un ton un peu sec.
- Mais surtout, intervint ma mère d'une voix glaciale, ils t'ont envoyé en prison. Cheryl a 17 ans et elle s'est trompée, ce qui arrive, mais Penelope et Cliff sont adultes. Ce sont eux qui ont engagé l'avocat. Ils sont censés être matures et prendre les bonnes décisions, et à la place ils se sont légués contre nous ! Et sans nous en parler d'abord !
Je voyais que cela affectait vraiment beaucoup ma mère. C'était normal, puisque Penelope était son amie depuis le lycée. Ma mère ne s'attendait certainement pas à un coup bas de la part de sa plus vieille amie. J'étais sûre que jamais elles ne se reparleraient, car ma mère était quelqu'un d'extrêmement rancunier.
Heureusement, mon père décida de changer de sujet et le repas se termina sur une note un peu plus légère. Alors que je remplissais le lave-vaisselle avec les assiettes sales, ma mère vint dans la cuisine et me dit :
- Très agréable, ce Jughead Jones.
J'acquiesçai simplement.
- J'ignorai que vous étiez aussi proches, reprit ma mère.
Alors ça, c'était ma mère qui essayait d'avoir des informations auprès de moi. Elle était tout sauf discrète et naturelle.
- Oui, on se parle pas mal, avouai-je. Mais ça risque de changer un peu.
- Comment ça ? voulut savoir ma mère.
- On s'est plus ou moins disputé.
- Oh, murmura ma mère. Tu sais, j'espère que tu ne vas pas le prendre mal mais... ce n'est peut-être pas plus mal.
Qu'est-ce qu'elle entendait par là ? J'adorais ma mère mais je détestais quand elle commençait à s'intéresser d'un peu trop près à mes relations.
- Pourquoi ? demandai-je en fronçant les sourcils.
- Son père, FP Jones, est l'un des premiers suspects concernant le meurtre de Jason. Dans l'après-midi, la police a découvert la voiture que Jason conduisait avant d'être enlevé. C'était avec cette voiture qu'il comptait fuir avec Polly.
- Et alors ? dis-je.
- Dans cette voiture, ils ont retrouvé de la drogue en quantité énorme, m'expliqua ma mère. La police suppose que Jason voulait la vendre juste avant de partir, pour avoir de quoi vivre une fois en dehors de Riverdale. Et devine qui serait prêt à acheter un tel stock ?
- Les Southside Serpents ? demandai-je à tout hasard.
- Exactement ! s'exclama ma mère.
- Mais pourquoi FP Jones seulement ? Ce n'est pas le seul Serpent.
- C'est vrai, dit ma mère, mais ils sont plusieurs à être suspectés. On sait seulement que FP avait cruellement besoin d'argent.
- Et tu crois toutes ces conneries ? demandai-je. Et puis d'abord, comment tu es au courant ?
Je savais que ma mère n'avait pas vraiment d'affinités FP. Ils s'étaient connus au lycée et n'avaient pas les mêmes centres d'intérêt, mais jamais elle n'avait parlé en mal de lui.
- Et bien, c'est Esther qui me l'a dit, me dit ma mère.
Esther était ma tante, la sœur de ma mère. Quand elle était jeune, elle faisait partie des Serpents mais depuis qu'elle possède son restaurant et qu'elle s'est mariée, elle a décidé de prendre ses distances. Toutefois, elle s'entend toujours bien avec les Serpents même s'ils ont des modes de vie radicalement différents. Ma tante avait donc sans doute discuté avec un Serpent qui lui avait fait part des accusations envers FP et ses camarades.
Ma mère reprit :
- Je ne dis pas que FP est coupable, mais quand même, il faut se méfier.
- "Quand même, il faut se méfier" ? répétai-je de manière agacée. C'est n'importe quoi ! Alors maintenant, tu crois la police et ce que les gens racontent ? Tu ne penses pas qu'ils peuvent se tromper ? Je te rappelle que j'étais accusée de meurtre il n'y a pas moins de dix jours !
- Jenna, parle-moi correctement, m'ordonna ma mère. Il y a quand même une différence entre FP et toi. Disons que je serai moins étonnée d'apprendre que FP est le coupable plutôt que ma fille de 17 ans.
- Certes, mais ce n'est pas pour ça que j'arrêterai de voir Jughead. Je vais me coucher, bonne nuit.
Je quittai précipitamment la cuisine et me réfugiai dans ma chambre parce que j'en avais tout simplement marre de cette conversation. Je savais que ma mère ne disait pas cela méchamment et qu'elle voulait juste me protéger, mais je trouvais assez mal vu d'écouter les ragots de Riverdale.
Le soir, je mis beaucoup de temps à m'endormir. Je n'arrêtais pas de penser à Jughead m'avouant qu'il ressentait quelque chose pour moi, mais qu'il ne pouvait plus me parler. C'était franchement débile et ça me brisait le cœur parce que je préférais passer du temps avec lui même s'il sortait avec Betty plutôt que de ne plus jamais le voir. Le plus dur allait certainement de le voir chaque jour au lycée mais de ne pas pouvoir l'approcher.
Le lendemain, je me réveillai avec des cernes de six mètres de long et une forte envie de rester chez moi en pyjama. La journée s'annonçait pourrie. Je jetai un coup d'œil dans le miroir : je ressemblais littéralement à un zombie. Pour la première fois de l'année, je décidai de ne pas me maquiller -ce qui est normalement pour moi un rite sacré- puisque qu'aucun artifice ne pourrait améliorer la tête de déterrée que j'affichais. Et surtout, je n'avais nullement envie de faire des efforts pour paraître en forme. Je me brossai les dents mais ne pris même pas la peine de me brosser les cheveux que j'attachais seulement en queue de cheval. J'enfilai un t-shirt blanc un peu ample et un jean, et je partis.
Pendant le cours de maths qui durait deux heures, je dus lutter chaque seconde contre le sommeil. Heureusement pour moi, le cours d'italien me réveilla un peu parce que j'aimais bien cette matière.
Le midi, je rejoignis Veronica, Archie et Kevin, tandis que Betty et Jughead s'isolèrent sur une autre table.
- Qu'est-ce qu'ils font ? demanda Archie. Pourquoi ils ne viennent pas avec nous ?
- Sûrement une conversation de couple, supposa Veronica en mangeant sa salade.
Archie haussa les épaules, mais Kevin se tourna vers moi :
- Ça ne va pas, Jenna ?
- Si, si, tranquille, répondis-je d'un ton un peu sec.
- Mais non, on ne dirait pas, insista Archie.
- Oh, mais puisque je vous dis que ça va ! m'exclamai-je en me levant. Foutez-moi la paix !
Merde, ils ne pouvaient pas s'occuper de leurs fesses pour une fois ? Je débarrassai mon plateau alors que je n'y avais presque pas touché et partis du self à toute vitesse. En sortant, je fonçai dans un lycéen et mes affaires ne manquèrent pas de se renverser de mon sac.
- Et merde ! jurai-je.
Certains me regardèrent bizarrement puis passèrent leur chemin. Je me baissai pour ramasser mes cours éparpillés sur le sol, lorsque des mains aux longs ongles rouges vinrent m'aider. C'était Cheryl.
- Mauvaise journée ? me demanda-t-elle en me rendant mon dernier cahier.
J'hochai la tête.
- Bienvenue au club, dit-elle. T'as quoi comme cours cet après-midi ?
- Histoire et philo, annonçai-je.
- Pff, inutile ! Je sais que tu m'en veux mais puisqu'on en a toutes les deux marre de ce lycée et des gens qui s'y trouvent, j'ai une proposition.
- Développe, dis-je.
- En rangeant les affaires de mon frère, j'ai trouvé de quoi fumer. De l'herbe. Partante ?
- Sérieusement, Cheryl ? demandai-je, étonnée. Je croyais que tu détestais toucher à ça.
- C'est vrai, avoua-t-elle. Mais je sais faire une exception en temps de crise, comme maintenant. Alors ?
- OK, mais on va chez toi, déclarai-je.
- Allons-y.
Ce n'était peut-être pas une mauvaise idée. Peut-être que je pourrais oublier Jughead, au moins pour un après-midi.
Au fait, merci pour les 1K ! Ça me fait extrêmement plaisir ! Bien sûr, n'hésitez pas à me donner votre avis (en bien ou en mal) !
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