Chapitre 2
Après manger, tout le monde enfila sa tenue de ski et se rejoignit dans le séjour.
— C'est bon, on est tous prêts ? s'enthousiasma Emma.
Le petit groupe hocha la tête, sauf Armand dont les yeux étaient rivés sur son téléphone.
— Euh, les gars... J'ai une mauvaise nouvelle. Une tempête s'annonce, la station de ski est fermée.
Des soupirs de déception se firent entendre.
— Tout le weekend ? demanda Chris.
— Je ne sais pas. Avec un peu de chance, elle sera ouverte demain.
— On peut toujours aller dehors et faire une bataille de boules de neige ! proposa Claudia d'un ton enjoué.
Armand eut un rire moqueur.
— Une bataille de boule de neige ? T'as quel âge, six ans ?
Claudia croisa les bras contre sa poitrine et lui jeta un regard de défi.
— On n'a qu'à faire un vote. Qui ici veut retrouver son âme d'enfant et faire bouffer de la neige à Armand ?
De nombreuses mains se levèrent, ainsi que quelques rires. Peu après, tous étaient dehors, engagés dans une bataille sans foi ni loi. Sofia passait un bon moment et elle se fit la réflexion que le weekend ne s'annonçait pas si mal que ça. Alors qu'elle cherchait à reculer pour éviter un projectile, son talon resta coincé dans la neige et elle s'écroula par terre dans un cri. Elle chercha à se relever mais n'y arriva pas, trop gênée par sa combinaison.
— Attends, je vais t'aider.
Devant elle, Matthieu souriait et lui tendait la main. Elle l'accepta avec soulagement et il la hissa en un rien de temps.
— Merci, je crois que je n'y serais pas arrivée seule.
— C'est rien. Je suis toujours là pour aider les demoiselles en détr...
Un projectile le percuta violemment à la tête, l'empêchant de terminer sa phrase, et lui faisant perdre l'équilibre. Sofia se tourna pour voir qui avait lancé la boule et elle aperçut Chris qui les rejoignait.
— Oups, désolé Binoclette. Je pensais pas avoir lancé si fort.
Son ton sonnait faux et Chris semblait plus lui donner un avertissement qu'autre chose. Matthieu se releva et épousseta sa combinaison, la mâchoire serrée.
— Pas de problème, grinça-t-il avant de faire demi-tour.
Une fois seuls, Sofia se tourna vers son petit ami.
— Pourquoi t'as réagi comme ça ? Il m'aidait juste à me relever !
— Quoi ? C'est bon, je l'ai à peine touché !
Elle avait du mal à le croire sincère. D'un autre côté, il ne s'était jamais montré jaloux jusque-là. Peut-être ne s'agissait-il que d'une impression. Après tout, de quoi est-ce qu'il pouvait avoir peur ?
Elle retourna dans la bataille, laissant de côté le comportement étrange de Chris.
Le temps passa rapidement et, lorsqu'ils rejoignirent le chalet, tous étaient frigorifiés. Quelqu'un suggéra de faire un tour dans le sauna, proposition qui fut chaudement accueillie. Tout le monde se précipita dans sa chambre pour enfiler une tenue plus appropriée. Alors que Chris s'engouffrait dans la sienne, Sofia le retint par le bras.
— Chris, j'ai pas trop envie d'aller dans le sauna avec les autres.
Le visage du garçon se rembrunit.
— Quoi ? Mais pourquoi ? Ça va être bien, tu vas voir !
Elle fit la moue.
— J'ai pas envie d'être à moitié nue devant autant de monde. Je les connais à peine.
— Tu peux garder une serviette.
Sofia battit des cils, faisant son « regard de chiot » comme disait Chris. Il poussa un soupir dépité ; il ne résistait jamais quand elle le regardait ainsi.
— OK, pas de sauna, alors. Tu veux faire quoi, à la place ?
Elle haussa les épaules d'un air innocent.
— Je pensais faire un tour dans le jacuzzi...
Les yeux de Chris s'illuminèrent.
— Tu déconnes ?
Ses lèvres s'étirèrent en un sourire mutin. Elle secoua la tête en signe de négation. Quand il comprit qu'elle était sérieuse, son visage se détendit et il l'attrapa par la taille pour l'attirer contre lui.
— Tu joues vraiment avec mes nerfs. C'est dangereux, tu sais ?
— Mais tellement amusant !
Il l'embrassa avant de la relâcher, la laissant filer dans sa chambre pour se changer.
Lorsqu'elle descendit au premier étage, une serviette autour du corps, Sofia s'assura de ne croiser personne. Elle aimait la perspective de passer un moment au calme avec Chris, et elle ne voulait pas donner à d'autres l'idée de se prélasser dans le jacuzzi. Elle se faufila dans le couloir et, juste au moment où elle s'apprêtait à entrer dans la salle d'eau, elle entendit des éclats de voix. Ils provenaient de la chambre de Claudia – l'unique chambre de l'étage – au fond du couloir. La porte était légèrement entrouverte.
— Tu vas faire la gueule tout le weekend ?
Elle semblait irritée.
— Je sais pas. Peut-être. Ça t'importerait vraiment ?
Il fallut quelques secondes à Sofia pour reconnaître à qui appartenait la voix : c'était celle de Quentin.
— Tu me saoules. Pourquoi tu réagis comme ça ?
— C'est bon, fous-moi la paix. T'es pas tenue que chaque personne s'amuse. Même si certains ont le droit à un traitement de faveur, visiblement.
— Ta gueule, Ken ! Tu vas trop loin !
Sofia ne chercha pas à écouter davantage. Ce n'était pas ses affaires. De plus, elle avait vraiment, vraiment envie de tester le jacuzzi.
À son plus grand bonheur, la salle était vide. Elle se dirigea vers le grand bassin, alluma le jacuzzi, laissa tomber sa serviette et se glissa dans l'eau chaude. Elle ferma les yeux un instant, savourant la chance qu'elle avait de pouvoir se prélasser dans un bain aussi luxueux. Chris ne tarda pas à la rejoindre et elle ouvrit les yeux. Elle était contente d'être arrivée avant lui. Ainsi, elle put admirer son torse musclé, tandis que lui ne pouvait pas apercevoir grand-chose à cause des bulles.
Il entra dans l'eau et s'installa à ses côtés. Il passa un bras autour de sa taille pour la rapprocher de lui. Sofia se sentit rougir ; c'était la première fois qu'ils étaient aussi proches l'un de l'autre, avec si peu de vêtements.
— Je n'arrive toujours pas à croire que tu m'aies proposé de venir, murmura-t-il, comme s'il ne voulait pas rompre le silence qui régnait dans la pièce.
— Moi non plus, avoua-t-elle avec un sourire gêné.
Leurs visages étaient proches, assez pour qu'elle puisse entendre son souffle s'accélérer. Il l'embrassa. Pour une fois, elle laissa les mains de Chris faire leur chemin, caressant doucement sa peau nue, pressant son corps contre le sien. Elle était timide et hésitante ; il était sûr de lui et impatient. Elle voulut lui demander de ralentir, mais se retint, n'étant pas tout à fait sûre que c'était ce qu'elle souhaitait. Elle écarta un peu son visage pour reprendre son souffle alors que Chris embrassait la peau délicate de son cou. Il fit glisser la bretelle de son haut, laissa ses lèvres courir le long de son épaule.
Soudain, des voix se firent entendre derrière la porte, leur indiquant qu'ils ne seraient bientôt plus seuls. Sofia se sentit à la fois soulagée et déçue. Elle rajusta rapidement son maillot et voulut s'écarter un peu, mais Chris la garda fermement contre lui. Elle devina à son regard qu'il n'était pas content d'avoir été interrompu.
La porte s'ouvrit sur Emma et Matthieu.
— Ah, je vois qu'on n'est pas tous seuls ! s'exclama Emma.
— Dommage, fit Matthieu qui ne semblait pas déçu le moins du monde.
— Vous avez dû bien vous réchauffer, rajouta la jeune fille, la voix pleine de sous-entendus.
Sofia devint rouge écrevisse. Et, quand Emma laissa tomber sa serviette, elle se sentit tourner au vert.
Elle ressemblait à ses instagrameuses que Sofia enviait jalousement, avec un ventre plat, des cuisses minces et fermes dénuées de toute cellulite. Elle qui s'était toujours rassurée en se disant que les photos de ce genre étaient forcément retouchées...
Le bikini d'Emma était ridiculement échancré, laissant peu de place à l'imagination. Chris ne détourna pas les yeux, mais il ne la regardait pas différemment que quand elle était habillée. Matthieu, lui, ne lui accorda pas un regard et se glissa dans l'eau en face du couple. Quand elle le rejoignit, Emma se colla à lui. Il s'écarta un peu.
— Alors, commença-t-il pour engager la conversation, Em m'a dit que vous vous connaissiez tous depuis le lycée ?
— Depuis le collège, même, répondit Chris. Enfin, sauf Sofia. Elle est un peu plus jeune que nous, elle a dix-huit ans.
— Tu les aimes innocentes, hein, Chris ? plaisanta sa meilleure amie.
Sa remarque mit Sofia mal à l'aise, mais ce ne fut rien comparé à la réponse de l'intéressé.
— Pas si innocente que ça, crois-moi.
Sofia eut la soudaine envie d'être engloutie par les remous de l'eau et ne jamais réapparaître. C'était tellement gênant ! Elle savait très bien qu'il avait dit ça pour l'embêter. Après tout, il l'avait prévenue : c'était dangereux de jouer avec lui.
Heureusement, Matthieu s'empressa de détourner la conversation.
— Comment est-ce que vous vous êtes rencontrés ?
Sofia se ressaisit, sautant sur l'occasion de parler d'autre chose que de sa présumée innocence (ou de son absence).
— Il venait souvent prendre le café là où je travaille. La première fois, c'était en septembre, non ?
— Juste après la reprise des cours, confirma Chris. J'étais venu par hasard, mais quand je l'ai vue, j'ai su que ça allait devenir mon endroit préféré.
Sofia sourit.
— Elle a mis du temps à accepter de sortir avec moi.
— Au moins deux mois, confirma Sofia. Il m'invitait presque tous les jours à boire un verre avec lui. Jusqu'à ce que je dise oui.
Matthieu haussa les sourcils.
— Donc tu as fait du forcing pendant deux mois ? Technique intéressante.
Chris lui jeta un regard noir.
— Je n'ai pas fait de forcing. J'ai su la persuader, c'est tout.
— Ça sonne pas vraiment mieux.
La tension était montée d'un cran. Matthieu défiait Chris du regard, et une veine battait contre la tempe de ce dernier. Sofia observait les deux garçons, confuse. Qu'est-ce qui leur prenait, tout d'un coup ? Finalement, Chris se tourna vers Emma et aboya :
— Em, c'est qui ce connard que t'as invité ?
— Chris ! s'exclamèrent Emma et Sofia d'une même voix.
Chris se tourna vers sa petite amie et lui lança un regard noir.
— Quoi, tu vas le défendre, maintenant ?
Elle ouvrit la bouche, surprise qu'il s'en prenne à elle.
Emma paraissait irritée, peut-être parce que les deux garçons donnaient l'impression de se battre pour une fille qui n'était pas elle.
— C'est bon, vous avez fini votre combat de coqs ? cingla-t-elle.
Les garçons cessèrent de se défier du regard.
— Tu fais des études ? demanda-t-elle à Sofia, comme si l'atmosphère n'était pas chargée d'électricité.
— Pas encore. J'ai eu un peu de mal à me décider et, à vrai dire, je ne sais pas encore ce que je veux faire plus tard. Pour l'instant, je travaille. Je verrais bien si je m'inscris quelque part à la rentrée prochaine.
La conversation reprit un cours normal. En apparence, la tension était redescendue. Pourtant, sous l'eau, Chris tenait encore Sofia un peu trop fermement, comme pour s'assurer qu'elle ne s'enfuie pas, ou qu'on ne la lui arrache pas.
Plus les minutes passaient, et plus Sofia se sentait irritée. Elle voulait sortir de l'eau et rejoindre sa chambre, se cacher jusqu'au repas et qu'on lui foute la paix. Elle se força à rester un peu, ne participant à la conversation que lorsqu'on s'adressait directement à elle.
— Je pense que je vais remonter, dit-elle enfin.
Elle sentit les regards sur elle lorsqu'elle sortit de l'eau, intensifiant son mal-être. Elle attrapa vivement sa serviette qui gisait toujours sur le sol et l'enfila aussi rapidement que possible. Alors qu'elle refermait la porte de la salle d'eau, elle entendit Chris annoncer son départ. Elle ne l'attendit pas et se dépêcha de remonter à l'étage, mais il la rattrapa par le bras avant qu'elle ne franchisse la porte de sa chambre et l'attira contre lui. Il avait probablement en tête de reprendre les choses là où ils s'en étaient arrêtés, mais Sofia n'était plus d'humeur.
— Il s'est passé quoi en bas, avec Matthieu ? J'ai cru que tu allais lui taper dessus.
— Matthieu est un petit con, c'est tout.
Sofia le regarda avec incompréhension. C'était la première fois qu'il se comportait ainsi, et elle n'était pas certaine de ce qu'elle devait en penser.
— Qu'est-ce que tu as contre lui ? Il ne t'a rien fait !
Chris lui caressa doucement la joue.
— Je n'aime pas que l'on convoite ce qui est à moi.
— De quoi tu parles ? Il est venu avec Emma.
— Oh, s'il te plaît, Sofia ! Il n'en a rien à foutre d'Emma, ça se voit à mille kilomètres. Toi, en revanche, il ne te quitte pas des yeux. Et ça commence réellement à m'énerver.
Il déposa un rapide baiser sur ses lèvres et la libéra enfin, la laissant seule au milieu du couloir.
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