Enfant.
Lettre 3
Toi,
A la base je ne voulais pas t'écrire cette dernière lettre, un peu comme pour la précédente en réalité, mais je me suis dis qu'il manquait la conclusion. Aussi, je refusais que celle-ci parle uniquement de moi, ça sonnerait bien trop égocentrique.
Le problème est, qu'à part mes deux parents, je ne peux pas te raconter grand-chose. Alors je vais essayer d'opter pour un juste milieu, parler des liens avec eux, sans doute, de ma place dans tout ça, peut-être.
En fait on verra, ça me fait bien trop peur de t'annoncer des choses que je veux développer, ça sonne trop analyse phycologique, comme si au fond nous n'étions que des cas d'étude. Je suis Enfant moi, pas un spécimen dont on scrute le comportement en société et avec les autres.
Excuse-moi, au final je vais laisser tomber ce dont je voulais parler. Oui, ça doit être insupportable de me lire alors que tu n'as rien demandé, surtout quand je change d'avis, mais l'improvisation ça vaut sans doute beaucoup mieux. Au moins ça ne te range pas dans une case que tu es obligé de ne pas dépasser pour ne pas risquer le hors sujet.
Sache que mes parents aiment les cases, ils disent qu'elles nous protègent et que c'est un cadeau.
Mon père s'exclame souvent quand je pleure que je ne veux pas être rangé, que « tous les gens classés sont heureux ». Après quoi, il me demande si je préfère rester triste toute ma vie, bien évidemment, je réponds que non. Et à chaque fois c'est la même chose, on me recolle une étiquette et c'est reparti juste qu'à la crise suivante.
J'ai fini par comprendre qu'une fois seul, je pouvais refuser d'être dans une cage, aussi bien pour ce que je suis que ce que je dis. Alors, dès que mes parents partaient et que je restais avec mes amis, je la brisais, la mienne et puis toutes les autres aussi. Je portais donc toutes les étiquettes, je faisais ce que voulais. J'étais (et je suis toujours pour le coup) Enfant, le « It », roi de mon monde. Pour de vrai, pas uniquement dans ma tête.
Je n'aime pas cet emploi de l'imparfait tu sais, d'autant que ça aurait pu continuer longtemps comme ça. Ça aurait dû se poursuivre ainsi, avec l'utilisation du présent.
Sauf que je suis incapable de tenir longtemps avec deux visages aussi opposés.
Ma maman a découvert mon petit jeu. Je ne sais même pas comment, elle qui ne voit d'habitude rien. Peut-être que je me suis attardé trop longtemps dans mon moi favori. Et puis, « Les parents sont au courant de tout », c'est ce qu'a dit Luca, l'ami qui est apparu à la seconde où ils tentaient de m'expliquer une nouvelle fois que jamais je ne m'intègrerais si je continuais à me comporter ainsi.
Le prénom de la personne venue avec lui n'a aucune importance, mais elle répétait la même chose en boucle, que je devais assurer mon bonheur, celui que mes géniteurs essayaient de m'aider à obtenir. Elle me disait que sinon c'était être injuste envers eux, que leurs cases avaient explosées à ma naissance, qu'ils continuaient à faire tout pour moi et qu'en échange je n'effectuais pas le moindre effort.
J'ai appris quelque chose ce jour-là tu sais, faire semblant. Non, ce n'est pas mentir, c'est juste montrer aux autres ce qu'ils veulent voir de toi. Faire semblant pour essayer de rendre leurs sourires à mes parents, parce qu'au fond c'est tout ce qui m'importe.
Après plusieurs mois, je peux dire que leur problème est sans doute bien plus profond que ça.
Mais serait ce pire,
Si j'arrêtais de faire des efforts,
Et qu'ils découvraient enfin,
Que mes petits cris aigus,
Ne symbolisent,
Qu'une joie de façade ?
Bonne vie à toi,
Sans formule de remerciement,
A quoi bon ?
~Enfant
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