Je l'aimais bien

    Je m'appelle Axelle. Et ceci est mon histoire. Comparée aux autres histoires que j'ai écrites, celle-ci ne sort pas de mon imagination. Elle ne concerne pas des personnages fictifs, inventés de toutes parts par mes soins ou ceux d'un auteur célèbre, non. Cette histoire est une histoire réelle, c'est une histoire qui se passe dans ma vie, et que j'éprouve le besoin de raconter. Parce que si vous comprenez ce qu'il se passe, vous pourrez peut-être m'aider. Peut-être.


Sixième :

    On était dans la même classe. J'avais débarqué dans cette classe toute seule, séparée de mes amis par le directeur du collège, mais lui, je l'aimais bien. Bien sûr, je n'étais pas amoureuse de lui. J'étais déjà amoureuse de Maël depuis un an, mais lui, il me plaisait. C'était différent, je l'aimais bien. Et j'avais l'impression qu'il m'aimait bien, lui-aussi, contrairement à Maël. On était dans la même classe, et on s'amusait souvent ensemble, même qu'une fois son meilleur pote Rémy me tirait par la capuche. On était un peu turbulents, c'est vrai. Mais comme des gosses de onze ans qui débarquent au collège avec encore une mentalité d'enfants de primaire. On n'avait pas encore grandi, et on s'en fichait. Après tout, on avait le temps de grandir et d'arrêter de jouer à s'attraper au milieu de la cour. On n'avait que onze ans. Et on s'aimait bien.


Cinquième :

    Encore une fois, nous étions dans la même classe. Et je l'aimais toujours bien. Je venais juste de me prendre un râteau de la part de Maël – étonnant, non ? (ironie quand tu nous tiens) –, je venais également d'être trahie par mon amie – oui les deux choses sont en lien, elle m'a trahie et est allée voir Maël pour lui parler, il m'a ensuite mis un râteau. Heureusement, cette année-là, j'ai rencontré ma meilleure amie, Justine. Ok, à l'époque, je ne savais pas qu'elle allait devenir ma meilleure amie. Je ne savais pas qu'Alissia – ma meilleure amie de l'époque – me lâcherait en début de première – beaucoup plus tard, donc.

    Enfin bref... On était en cinquième, et lui et moi, on était encore dans la même classe. On s'aimait bien. On avait peut-être un peu grandi, on ne jouait plus à se courir après dans la cours, ou du moins plus autant. Une fois, je me souviens, nous avons un peu chahuté, et son coude a malencontreusement heurté mes lunettes, dont un bout a sauté. Je me rappelle que je m'inquiétais parce qu'il avait cassé mes lunettes, et je me rappelle également qu'il était en panique. Il s'est mis à pleurer parce qu'il avait peur que ça lui crée des problèmes. Le soir même, ma mère a appelé la sienne pour dire que c'était bon, qu'on en avait pour 20 euros de réparation et que la mutuelle prenait tout en compte.

    Elles se sont aussi rendu compte qu'elles se voyaient tous les jours devant mon ancienne école primaire, parce que ma mère avait mon frère, en CM2, et sa mère avait une fille en CM1. En parlant, ma mère a appris qu'il était dyslexique, et sa mère a demandé si elle pensait que c'était possible que je prenne les cours et que je les lui passe, en cas de besoin. Ma mère a accepté, et quand elle m'en a parlé, je n'ai pas hésité une seconde. Parce que je l'aimais bien.


Quatrième :

    Nous avons été séparés. Parce qu'il faisait espagnol et que je faisais italien. Nous n'étions plus dans la même classe, nous ne nous parlions même plus. C'est dommage, je l'aimais bien. Mais comme j'étais avec ma meilleure amie de l'époque, Alissia, rien n'avait plus d'importance. Alors j'ai fini par ne plus penser à lui.


Troisième :

    Cette année-là, j'ai changé de collège. Et je ne connaissais personne dans mon nouveau collège. Nous étions quatorze élèves dans la classe, dix filles et quatre garçons. Et aucun d'eux ne m'aimait. Alors comment vous dire que l'année a été assez compliquée ? Dans une classe de quatorze élèves où vous êtes rejetée par tout le monde, c'est dur de trouver sa place. Pas comme avec lui. Mais je ne pensais plus à lui depuis bien longtemps déjà, c'était comme s'il avait été effacé de ma mémoire. Bien sûr, si on m'avait dit son prénom, j'aurais su de qui on me parlait. Mais on ne se voyait plus. Nous qui nous étions pourtant bien aimés.


Seconde :

    Je suis rentrée au lycée. Il n'était pas dans le même lycée. Je suppose qu'il a dû partir dans un lycée sportif, parce qu'il faisait du rugby depuis longtemps – il en faisait déjà depuis un bout de temps quand, en EPS, en sixième, on faisait du rugby. Mais mon cerveau l'avait complètement oublié, ou presque. Je savais, dans un coin de ma tête, qu'il avait existé. Il avait fait partie de ma vie pendant deux ans, deux ans où nous nous étions bien aimés.


Première :

    Cette année-là, tout est parti en vrille dans ma vie. Autant dire que je n'avais pas le temps de penser à lui. Ma meilleure amie a changé, beaucoup changé, trop changé. À tel point qu'elle m'a laissée tomber pour rester avec un groupe de filles qui se voulaient populaires. Alissia n'avait jamais aspiré à être quelqu'un de populaire. Elle avait toujours été humble, bien plus que moi. Le fait qu'elle m'ait abandonnée m'a laissée sans réaction. Je l'ai vécu comme une trahison, parce que c'était ma meilleure amie depuis l'enfance. On se connaissait depuis toujours, on avait vécu nos vies ensemble, et cela depuis la petite section de maternelle. Mais non, elle m'a lâchée aussi simplement que si j'étais une vieille chaussette encombrante. Alors je me suis retrouvée seule. Heureusement pour moi, je me suis assez rapidement incrustée dans un groupe, et aujourd'hui, ce sont des amis précieux dont je ne peux plus me passer. Émilie, Kenza, Manon, Claire, Mathilde, Kévin, Nicolas, Hugo, Théo... Ils étaient là pour moi et j'étais là pour eux. On est une équipe, une famille. Si je les perds, c'est ma raison de vivre que je perds. Et, avec tous ces évènements, je ne pensais plus à lui.


Terminale :

    Tout a bien commencé, cette année, même si mes amis se sont disputés et se sont scindés en deux groupes : le groupe qui est maintenant ma team, et un deuxième. Mais tout allait bien. Jusqu'au jour où je l'ai vu.

    J'étais dans le bus pour revenir au lycée après mon cours d'EPS. J'avais mes écouteurs vissés sur les oreilles et là, j'ai levé la tête pour regarder par la vitre. Il était là. Je ne l'avais plus revu depuis la cinquième, et voilà qu'il était là, en train de marcher dans la rue. J'ai collé mon nez contre la vitre, mais il ne m'a pas aperçue. Aussi, j'ai baissé la tête vers mon téléphone.

    L'histoire aurait pu s'arrêter là. J'aurais pu passer à autre chose. Sauf que mon cerveau en a décidé autrement. La nuit même, j'ai rêvé de lui.

    Dans mon rêve, je tombais – totalement par hasard – sur son profil Facebook. Et je lui envoyais une invitation. Là, on commençait à parler. Et puis un jour, alors que je descendais du lycée avec mes amis, il était là. Il m'attendait devant le portail vert du lycée, tout sourire. Ses yeux bruns semblaient me sourire, et quand il m'a aperçue, son regard s'est illuminé. Mes amis se sont reculés prudemment et m'ont poussée vers lui, comme s'ils étaient au courant. Et puis ça a fait tilt. Bien sûr qu'ils étaient au courant ! Ils ne m'auraient jamais autant harcelée pour descendre du lycée s'ils n'avaient pas été au courant.

    Après, s'en est suivi de nombreuses choses dont je ne me souviens pas exactement. Je me rappelle juste que c'était très romantique, et qu'on finissait ensemble. Et quand je dis ensemble, je veux dire ensemble comme un couple. Et là, je me suis réveillée.

    J'ai refait ce rêve plusieurs fois, même qu'une fois, mes amis m'ont dit que je devrais lui parler sur Facebook. Malheureusement, le plan n'a pas marché – longue histoire mélangeant bugs de téléphone ainsi que bugs d'application. J'ai continué à rêver de lui, mais moins souvent – enfin ça dépendait des fois, quand j'étais mal dans ma vie je refaisais ce rêve plus souvent. Je rêvais de ce garçon que j'avais bien aimé.


Post-bac :

    Il y a une semaine, j'ai fait un rêve. Cette fois, le rêve n'était pas le même que celui que je faisais d'habitude.

    Dans ce rêve, on était dans une sorte de restaurant, avec mon frère, mon père et ma mère. Il y avait également un pote à mon frère, plus tous mes petits cousins – neuf en tout. Il y avait également un gars de ma classe – 1ère année de licence Maths-Info, pour ceux qui ne sauraient pas –, Patrick. Pour la petite histoire, Patrick est allemand et est dans mon groupe de physique chimie. Je l'aime bien, il est drôle, et puis il parle dans un français parfait même si ça ne fait que deux mois qu'il est en France.

    Bref, il y avait donc Patrick, qui ne connaissait pas le village où nous nous trouvions. Je lui ai donc proposé de lui faire visiter – oui, dans ce rêve, j'étais à fond sur lui, contrairement à la vraie vie. Ma mère n'était pas très enthousiaste pour que j'y aille avec lui, parce que je me serais retrouvée seule avec un garçon – c'est pas comme si j'avais 18 ans et que j'avais un peu le droit de faire ce que je voulais. Au moment de sortir du restaurant, je le croisais, lui et son pote Rémy. Il faut savoir qu'en gros, dans mon rêve, je ne les avais pas vus depuis très longtemps, parce que j'étais amoureuse de lui avant, et qu'il m'avait mis un râteau.

    Donc je partais avec Patrick, sauf que je n'avais pas mon point de vue. C'est-à-dire que je me suis vue partir avec Patrick, mais après je ne nous voyais plus. Par conséquent, je ne savais pas ce qu'il se passait avec Patrick. Ce qui est sûr, c'est que j'ai vu le matin se lever et mon frère, son pote et tous mes cousins qui se mettaient en tête d'aller nous chercher, Patrick et moi, parce qu'on avait passé la nuit dehors je-ne-sais-où. Ils sont donc tous partis en courant et là, ils nous ont trouvés allongés dans l'herbe. Heureusement, on dormait juste. On était encore habillés, même si je n'avais aucune idée de ce qu'il avait pu se passer – et avec mes rêves, je me méfie, surtout depuis que j'ai rêvé d'Antoine qui me déshabillait avec passion alors que Kenza entrait dans la chambre en criant qu'on était en retard et que tout le monde nous attendait.

    À ce moment-là, on est rentrés au restaurant, et il est venu me voir. Il est venu me voir parce qu'il m'aimait toujours et qu'il voulait savoir si je pensais que ce serait possible entre nous. Sauf que j'étais toujours amoureuse de lui, mais j'étais officiellement avec Patrick, maintenant. Donc je lui ai dit que j'étais déjà avec quelqu'un d'autre, et que par conséquent, lui et moi, c'était mort. Ça lui brisait le cœur, ce qui brisait le mien par la même occasion.

    Un peu plus tard, je suis tombée sur Rémy, qui a commencé à m'engueuler. C'est à ce moment que je me suis réveillée, un peu perturbée. D'abord, pourquoi j'avais rêvé de Patrick ? Lui, ce n'était pas la première fois. Mais Patrick ? Que venait-il faire dans cette histoire ? Deuxièmement, que s'était-il passé entre Patrick et moi pendant tout le temps où je ne pouvais pas nous voir ?

    Je n'ai pas trouvé les réponses à ces questions, et à vrai dire, je ne les ai pas vraiment cherchées. J'ai toujours eu une forte tendance à faire des rêves assez déstabilisants, même quand ils semblaient assez conformes à la réalité.

    Il y a deux jours, j'ai été opérée des dents de sagesse. Comment dire que je stressais à mort, parce que je crains les aiguilles, et que j'allais avoir droit à une anesthésie générale. J'avais peur de délirer au moment du réveil, de sortir des âneries plus grosses que moi, ou encore de me mettre à gémir son prénom, ou tout autre prénom qui pourrait rendre la situation gênante.

    Finalement, tout s'est bien passé. Je tremblais comme une feuille lorsque l'anesthésiste m'a fait l'anesthésie générale. Elle m'a dit que ça allait tourner, mais franchement, je n'ai pas eu le temps de savoir si ça tournait ou pas. J'ai senti mon avant-bras picoter, ainsi que ma tête, et je ne me rappelle même pas m'être endormie.

    Juste avant de me réveiller, j'ai entendu chanter dans ma tête. J'aurais été incapable de dire qui j'étais, où j'étais, ce que je faisais là, mais une chose était sûre, je pouvais dire à qui appartenait la voix. C'était la sienne. C'était sa voix, qui me chantait que tout irait bien, que je n'avais pas à m'en faire, que je devais me réveiller.

    À ce moment-là, j'ai ouvert les yeux. J'étais un peu dans la brume, mais j'ai vu une infirmière qui se tenait face à moi, me regardant avec attendrissement. Après avoir signalé que je me réveillais, elle m'a tendu un mouchoir en me demandant d'essuyer mes larmes. Je me suis alors rendu compte que je pleurais à chaudes larmes. Je pleurais comme je n'avais jamais pleuré de ma vie, à gros sanglots.

    J'ai donc essuyé mes larmes, même si de nouvelles les remplaçaient bien vite. À côté de moi, j'ai entendu une autre infirmière qui chantonnait. Peut-être que c'était elle que j'avais entendue chanter, mais sa voix ne collait pas, de même que les paroles. Cependant, même si à présent j'étais bien réveillée, je savais que quelques minutes auparavant, j'étais trop dans le brouillard pour savoir si c'était elle qui avait bel et bien chanté, si c'était moi qui avais chanté, ou si mon cerveau avait imaginé sa voix chantant pour moi. Mais je restais persuadée que c'était lui.


    Aujourd'hui, je ne sais plus quoi penser. C'est comme si mon cerveau avait décidé de s'attacher à lui. Je pense à lui tout le temps, tellement que ça en devient maladif. Je rêve de le revoir, de lui parler, de le demander en ami Facebook. Il n'habite même plus la même ville, c'est écrit sur son profil. Oui, je l'ai consulté plusieurs fois, le doigt juste au-dessus du bouton ajouter, à me demander ce que je devais faire. Aujourd'hui, j'ai 18 ans, ça fait six ans que je ne l'ai pas vu, que je ne lui ai pas parlé. Je suis toujours célibataire, comme depuis le début de ma vie. Et il me manque. Mais je ne sais même pas pourquoi. Et aujourd'hui, tout ce que je trouve à faire, c'est me poser cette question :


« Erwan, est-ce qu'on ne pourrait pas recommencer ? Est-ce qu'on ne pourrait pas revenir en arrière, reprendre comme on était, rester en contact, rester amis ? Erwan, pourquoi avons-nous perdu le contact ? J'aimerais tant qu'on soit encore amis, qu'on chahute encore comme en sixième. J'aimerais tant que tu fasses encore partie de ma vie. Erwan, regarde ce que je suis devenue. Est-ce que tu penses à moi, parfois, comme moi je pense à toi ? Est-ce que tu regrettes les choses telles qu'elles se sont passées ? Et si tu avais la possibilité de les changer, est-ce que tu le ferais ? »

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