Prisonnière

Dans la nuit froide, elle marchait. Dans la nuit froide, elle s'ennuyait. Dans la nuit froide, elle voulait s'échapper. Dans la nuit froide, elle était comme emprisonnée. Pourtant libre de tout, elle n'était libre de rien. Elle sentait son corps chaud que l'air froid de la nuit fouettait lorsqu'elle courait le long de la colline. Pour s'échapper. Sauf qu'elle était prisonnière. Prisonnière de son corps, son cœur. Prisonnière mais libre. Etrange contraste qu'elle subissait chaque nuit. Au lieu de dormir sans fatigue, elle courait dans cette froide nuit. Elle courait encore et toujours même une fois son souffle perdu. Parfois, elle s'arrêtait et elle s'allongeait sur la colline pour regarder les étoiles. Elle n'avait plus besoin de chercher sa constellation préférée : la constellation d'Orion. Si particulière et en même temps si simple. Dedans, se trouvait son étoile. Sirius. L'étoile la plus brillante de toutes celles observables à l'œil nu. Elle l'avait décidé, Sirius était son étoile protectrice. Cette étoile qui la guidait, l'aidait à retrouver son chemin. Pourquoi cet astre l'attirait-il plus que les autres ? Elle n'en savait rien. C'était comme ça et ça ne changerait jamais. Elle l'avait désignée comme sienne et par moment elle aimerait être avec. Observer le monde de là-haut.

Elle s'endormit sur l'herbe fraîche pour ne se réveiller qu'à l'aurore, pleine de rosée. Cet horizon magnifique. Ces couleurs. Or, rouge, ocre, jaune, orange, violet, rose, bleu foncé... Ne serait-ce que cette vue lui donnait les larmes aux yeux. Elle donnerait tout pour observer ce phénomène pendant des heures. Le premier chant d'oiseau entendu, elle se leva tranquillement et s'étira. Elle repensa à sa nuit précédente. Elle s'était sentie voler et ce matin, pour la première fois depuis longtemps, elle se sentait libre. Libérée d'un poids monumental sans savoir lequel.

Sur le chemin du retour la menant à chez elle, elle se sentait tellement légère, tellement bien. Elle savait que courir ainsi chaque nuit finirait par la libérer de sa prison. Sirius l'avait aidée, évidemment. Son objectif était enfin atteint et elle n'aurait sans doute plus besoin de risquer d'attraper un rhume chaque nuit.

Elle rentra discrètement dans sa jolie maison. Elle appela ses parents mais n'eût pas de réponse. Elle pensa qu'ils dormaient encore, ce qui était d'ailleurs le cas. Elle rentra dans leur chambre et déposa un baiser froid sur le front de chacun d'eux. Elle retourna se coucher en les attendant.

Elle entendit la porte de sa chambre s'ouvrir. Elle s'était assoupie. Doucement, elle bailla et souhaita le bonjour à sa mère. Elle ne comprit qu'en l'entendant. En entendant sa maman demander à son mari :

- Sais-tu où est Victoire ? Je ne la trouve pas.

Etrange comme question lorsque l'on sait que sa mère se tenait juste devant elle et la regardait même. C'est là que Victoire comprit. Elle était morte, dans la nuit froide.

écrit en janvier 2020