Premier inclassable
Conseil de l'auteur : la musique Time, par Hans Zimmer (inception) va très bien avec ce texte ^^ (et c'est en l'écoutant que je l'ai écrit)
Des ailes d'or
L'hôpital. Oh, oui ! Tu sais à quel point je déteste ces endroits trop blancs, trop lumineux, trop stériles. Tu le sais et pourtant, il est deux heures du matin et je suis là. Pour toi apparemment. Ce sont tes parents qui ont appelé les miens il y a une demi-heure à peine. Ils pleuraient. D'ailleurs ta mère pleure toujours. Ce que je me demande c'est pourquoi. Pourquoi elle pleure ?
Un couloir, deux couloirs, trois couloirs. C'est long. Le médecin s'arrête finalement devant une porte. Un petit trois est simplement dessus. Je souris en me disant que tu adores ce chiffre, le trois. Tu n'arrêtes pas de me répéter que tu l'adores parce que c'est le jour de ma naissance. Soit disant, le meilleur jour qui ait pu exister pour toi. Tous tes compliments que je ne peux pas te rendre parce que ce n'est vraiment pas mon point fort. Tous tes gestes doux qui me font frissonner.
Ton père finit par ouvrir la porte et je remarque que l'on ne m'a toujours pas dit pourquoi est-ce que l'on m'a emmenée là. On m'a juste dit « C'est Ernest... ». Comment ça « C'est Ernest » ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Lorsque je suis partie de chez moi, sans vraiment comprendre pourquoi, mes parents avaient l'air triste. J'aimerais demander ce qui ne va pas mais quelque chose m'en empêche. On a ouvert la porte.
On me fait rentrer devant tes parents. Pourquoi ? Je ne comprends pas pourquoi cette pièce est si peu illuminée par rapport au couloir. Non que ça m'embête, la lumière du reste de l'hôpital est froide et pique les yeux. Ici, une simple lampe de chevet à la lumière chaude, qui réchauffe le cœur, est allumée. Je ne sais pas pourquoi mais ça m'angoisse. Mes yeux ont du mal à s'habituer à l'obscurité ambiante. Je devine un lit avec quelqu'un à l'intérieur et un fauteuil, reculé au fond de la pièce, où j'ai aperçu une infirmière s'asseoir. Tes parents sont silencieux. Même ta mère ne renifle plus. Ils sont restés non loin de l'entrée. Je comprends que je suis seule. Seule face à ce lit terrifiant. Je croyais que je ne pouvais plus bouger mais si. Mes pieds avancent tous seuls et ça m'effraie. En m'approchant, j'entends un souffle. Je me bloque. La personne sur le lit à visiblement de grandes difficultés à inspirer ne serait-ce qu'une bouffée d'air. Je tends l'oreille et sens mes jambes sur le point de flancher.
C'est toi. C'est ta respiration que j'entends là. Même si difficile je la reconnais. Je parcoure les deux derniers mètres en une enjambée. Je suis près de toi et je ne comprends pas. Tout allait si bien pourtant lorsque nous nous sommes séparés hier soir. On avait passé la meilleure soirée que nous n'avions jamais eu je crois. Avant de partir, on s'est embrassés, passionnément, comme je déteste qu'on le fasse en public. Mais on n'était pas en public. Nous étions seuls dans l'ambiance calfeutrée de ta chambre. Etant donné l'heure, je suis partie, te disant un de ces « à demain » qui me serrent le cœur. Sauf que je ne comptais pas te revoir à peine six heures plus tard.
Tu entends ma peur. Je le sais. Ton souffle est difficile et te savoir ainsi me tue à petit feu. Enfin, tu prends ma main. Tu tournes ta tête vers moi, je vois ta souffrance dans tes yeux. Mon dieu, Ernest, arrête de bouger... Tu me regardes comme tu ne l'as jamais fait, passionné et terriblement amoureux. Devinant tes intentions, je m'approche de toi. Tu m'embrasses. Un tout petit baiser de rien, juste tes lèvres rapidement posées sur les miennes. Mais ce baiser voulait tout dire. Je ne voulais pas le comprendre. Essoufflé tu as essayé de respirer. Tu m'as regardé encore une fois et tu m'as murmuré dans un courant à peine audible.
- Blanche... Je t'aime...
Tu as de nouveau tourné ta tête vers le plafond et tu as fermé les yeux. Ces paroles que tu n'aurais jamais dû prononcer, elles t'ont achevé et je le sais. Très rapidement, ton sifflement se faisait beaucoup plus irrégulier et difficile. Une machine que je n'avais pas entendue jusque là s'est mise à biper dans tous les sens. Brusquement, ta main a glissé de la mienne. La légère pression que tu exerçais sur mes doigts n'était plus là.
- Ernest... Ouh, ouh, Ernest... Je suis là, tu sais... Ernest ? Ernest réponds-moi ! ERNEST !
Ensuite tout s'enchaîna très rapidement. Ma vue complètement brouillée par les larmes m'empêche de voir. Je pleure, sanglote. L'infirmière s'est levée et ton père m'a attrapé, il me tire loin de toi. Je crie, je hurle ma douleur. Tu ne peux pas imaginer mon déchirement.
Je m'époumone en appelant ton nom, encore et encore...
- ERNEST ! ERNEST, NON ! REVIENS ! ERNEST !
Je pleure mon chagrin, encore et encore...
- ERNEST ! Ernest !
J'assimile ce qu'il vient de se passer et ma douleur est trop forte. Les larmes coincées dans ma gorge coulent de plus belle. Un long gémissement m'échappe. Mes pleurs redoublent, lacèrent mon corps. Je me débats toujours des bras de ton père et il finit par lâcher prise. Je cours vers toi. J'essaie d'écouter. Rien. C'est fini. Alors, mes sanglots emplissant toute la pièce, je t'embrasse une dernière fois. Je rejoins ta mère qui, je viens seulement de m'en apercevoir, pleure aussi. Elle me prend contre elle et ensemble, on déverse nos larmes. Mes cris ont alerté les médecins qui passaient dans le couloir mais je m'en fiche. Tous arrivent. L'un d'entre eux, m'attrape le bras. C'est une femme. Elle me regarde et, dans mes yeux, elle voit toute ma douleur qui ne partira jamais. Elle voit ces jours de hurlements, de chagrin, de larmes, de colère, de faux espoirs qui m'attendent, seule dans ma chambre. Elle voit tout ça et sais-tu ce qu'elle fait ? Elle me demande ce que je veux. Je réfléchis. Je viens de te perdre à tout jamais, ce que je veux c'est te rejoindre. En pensant que j'aurais beau faire ce que je veux, tu n'es plus là du tout, j'éclate à nouveau en sanglots. Je lui réponds sincèrement, je lui dis que je veux m'en aller, te retrouver. Ma plaie est profonde et ne guérira jamais.
Oui, je suis désormais meurtrie pour toujours. Mais pour toi, oui pour toi Ernest, j'ai décidé de rester. J'ai passé des semaines seule sur mon lit à crier ma peine à la terre entière, à verser des larmes sur des photos, diluer l'encre des mots que j'arrivais à écrire, ne pas manger. Mais pour toi, je suis restée.
Alors, oui, ma plaie est profonde et ne guérira jamais mais je dois rester forte. C'est ce que tu aurais fait pour moi.
Au revoir, Ernest.
écrit le 9 avril 2020
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