Chapitre sept
Après que nous nous soyons expliquées, Noémie et moi avons décidé d'aller faire les boutiques. En plus, ça nous fait marcher, ce qui n'est pas pour nous déplaire. On fait les boutiques pour le plaisir, mais aussi parce que nous commençons à flotter dans nos pantalons pour notre plus grand bonheur.
-Alors, on commence par quoi ? demandais-je, excitée à l'idée de pouvoir enfin rentrer dans du 36.
-H&M ?
-Ça me va, je réponds, ravie.
Je lui empoigne son bras et m'accroche à elle, un grand sourire au visage. On entre dans le magasin et y trouvons notre bonheur. Nous passons ensuite en cabine et faisons nos essayages. Je commence par un jean bleu foncé et, à mon plus grand étonnement, il est trop grand pour moi ! Je jubile intérieurement en me rendant compte que c'est du 36 ! Mais au fond, une sonnette d'alarme se met à s'enclencher. Ce n'est pas normal. Mais je fais vite taire cette voix et sors de la cabine en même temps que ma meilleure amie. Elle me sourit et élargit son jean noir pour me montrer qu'il est également trop grand. Je suis d'abord un peu étonnée de la couleur de celui-ci, puis me rappelle qu'elle s'est mise au noir depuis un petit moment. Et elle a le même sourire que le mien sur le visage.
-Je crois que je vais devoir prendre la taille en dessous ! rigole-t-elle, pétillante et heureuse.
*
Nous finissons par rentrer en bus, toutes les deux exténuées après cette journée à l'extérieur. Nous parlons jusqu'à ce que j'arrive à mon arrêt et je lui fais la bise pour la saluer, en lui promettant de lui envoyer un SMS.
-Je suis rentrée ! m'écriais-je, une fois dans mon hall de maison, avant d'enlever mes chaussures.
-Comment c'était ? questionne ma mère, dans la cuisine.
-Super ! J'ai acheté des superbes choses !
-Montre-moi ça, et je veux un défilé privé. rit-elle.
Je souris puis ma mère s'installe dans le canapé. J'en profite pour enfiler mon jean et me rends au salon en défilant comme un mannequin, pour rigoler. Je fais donc la gueule et essaye de paraître grande et légère comme une plume.
-Alors, tu en penses quoi ? je demande à ma génitrice.
Elle me regarde de haut en bas. On dirait qu'elle est gênée et je comprends toute de suite la raison. Le jean me grossit et elle ne sait pas comment me le dire. Pour autant, elle tente :
-Il te va bien, ça te fait de jolies jambes.
Et je sens que quelque chose ne va pas, mais je me contente de sourire et de repartir dans le hall enfiler les deux autres robes. Ma mère fait des têtes pires qu'avant et je me sens vraiment mal à l'aise. J'ai l'impression qu'elle a les larmes aux yeux et ça me fait de la peine parce que je comprends sa peine. Ça ne doit pas être facile de voir sa fille grosse et laide. Je laisse mes sacs à ma mère puisqu'elle veut voir les prix pour me rembourser et file dans ma chambre. Mon père finit par rentrer et je l'entends parler avec ma mère jusqu'à que j'entende mon prénom dans la conversation. Je me faufile alors dans le couloir et espionne, telle une petite souris. Je suis sûre qu'il parle de moi et mon poids en trop.
-Tu aurais dû voir ses jambes ! Maigres comme mes avant-bras ! Ça ne peut plus durer, Mathias !
Ma mère explose en larmes dans les bras de mon père et je glisse lentement jusqu'au sol. Mais qu'est-ce qu'ils racontent ?
-Je sais, Marianne. Je ne sais plus quoi faire non plus. Mais qu'est-ce ce qu'on a raté ? Pourquoi elle va dans cette voie destructrice ?
Qu'ils se taisent ! Ils ne comprennent rien ! C'est à croire qu'ils ne me voient pas comme je me vois. Malheureusement, ils n'ont rien raté. Simplement, c'est moi qui rate tout. Je décide de retourner dans ma chambre et je sens un vide douloureux s'emparer de moi. Je m'allonge sur mon lit et caresse doucement mon ventre. J'insiste profondément et touche mes côtés visibles du bout des doigts. Voilà, pour quoi je fais tout ça. Pour être fine, sentir mes os, sentir cette légèreté. Et je sais que je peux y arriver. Je souris puis prends mes écouteurs et mon iPod Shuffle pour mettre de la musique. Je laisse Ed Sheeran m'envahir les oreilles et le cerveau. Je me sens tellement crevée.
Je sens qu'on me touche et j'ouvre les yeux, me réveillant, avant d'enlever mes écouteurs.
-On passe à table, me prévient mon père.
-Je vais rester au lit, je suis fatiguée. je feins, en me glissant sous la couette.
-Descends avec nous, au moins.
-Je te dis que je suis fatiguée, putain ! je m'énerve, sans raison apparente. De toute manière, je ne mangerai pas.
-Ça, je le sais.
Il baisse les yeux et semble perdu dans ces pensées.
-Tu ne peux pas continuer comme ça, Spencer.
-Et pourquoi pas, je vais parfaitement bien.
-Tu me dis ça alors que tu es clouée au lit. Tu crois convaincre qui comme ça ?
Je commence à être largement agacée par cette discussion, alors je me défile :
-Je vais me doucher.
Je ne lui laisse pas le temps de répondre que je me lève. Mais aussitôt, je vois tout bleu et je ne contrôle plus rien. Mon corps et mon esprit me lâchent pendant une seconde. Une seconde qui suffit à me faire perdre l'équilibre et à m'écrouler au sol. Je rouvre les yeux, un peu perdue, et mon père m'aide à me relever pour m'assoir sur mon lit.
-Il faut que tu manges, chérie. Regarde ce qui vient de se passer.
Si seulement il savait, que ça n'est pas la première fois.
-Tu as les mains gelées ! s'étonne-t-il, en frottant mes mains pour les réchauffer.
-Laisse-moi, je lance agressivement.
Je me relève pour la seconde fois et sors de ma chambre en claquant la porte. Je pars directement dans la salle de bains et pose mes serviettes sur la commode puis me déshabille. Je me saisis de la balance et me pèse pour la quatrième fois de la journée ; 46,3kg. Je soupire. Je m'observe ensuite dans le miroir. Mon reflet est dur à regarder et à supporter. C'est comme si une voix de ma tête me disait : "Tu vois comme que tu es encore grosse", "Mais regarde-toi, mais regarde toutes ces graisses", "Tu arrives encore à te regarder ? Tu n'as pas honte". Je baisse la tête et défais mon chignon. Une poignée de cheveux est accrochée à mon élastique, alors je les jette à la poubelle. Je fais ensuite couler l'eau de mon jet et me glisse dans ma baignoire qui me sert aussi de douche. Je suis frigorifiée, alors je mets de l'eau bien chaude. Au moment de me passer le gel douche, je m'assois dans ma baignoire et explose en larmes. C'est trop en une journée. Je ne devrais pas pleurer, je devrais être forte, mais ça fait des semaines que je me retiens de ne pas le faire. Tout sort et je ne fais que pleurer. Je continue, même une fois ma douche finit. Et je continue même jusque m'endormir, vide et épuisée.
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