Lily

Après une journée entière devant mon instrument j'avais le bout des doigts écorchés et Jay aussi. On a bien fait quelques répétitions avec Cali et Dex, lui, très enthousiaste à l'idée de cette musique mais elle, ne faisait aucun effort et à force je n'arrivais plus à chanter. Ma voix s'enrouait de plus en plus, j'en toussais, ma gorge me faisait toujours un peu plus mal à chaque toux, ce qui agaçait Jay qui avait déjà ses douleurs au bout des doigts et Cali qui mettaient autant de bonne volonté dans sa musique qu'un paresseux à qui on demanderait d'être rapide.

Au bout d'un moment les râles de Jay, l'impatience de Dex et le mutisme exaspérant de Cali vînt à bout de mes nerfs. A la fin d'une énième bavure je posais mon instrument sur son socle.

Lily : Les garçons ça vous dérangerait de nous laisser 2 minutes.

Dexter ni vu pas d'inconvénient alors qu'il emmena Jay plus loin qui avoua qu'il avait bien besoin d'un café.

Cali : Tu m'veux quoi ?

Lily : Ce que je veux ? C'est que tu te lâches et tu me dises ce que t'as sur le cœur parce que depuis tout à l'heure je te sens carrément passive agressive avec moi. Je te jure que j'ai tout essayé pour me calmer, relativiser, intérioriser mais putain tu me rends dingue alors dis-moi !

Je voulais que ça sorte qu'elle me dise enfin ce qu'elle avait sur le cœur parce que moi là en plus de l'épuisement de jouer sans relâche j'étais à bout mentalement.

Cali : J'aime pas cette chanson. C'est de la merde, les paroles sont à chier et en plus deux guitares électriques c'est trop. T'as aucun talent tout ce que tu sais faire c'est minaudé comme une pimbêche. Tu crois que je les ai pas vu tes petits regards avec Jay. Et cette chanson. Ça me donne la gerbe.

Lily : C'est bon t'as fini ?

Cali : Non. Pourquoi t'essayes de nous changer ? Le métal c'était très bien ça nous convenait à tous !

Cali augmentait de plus en plus son volume sonore alors que j'avais à peine assez de voix pour ne serait-ce que répondre normalement malgré tout elle avait une sorte de super pouvoir pour me faire sortir de mes gongs.

Lily : Cali, j'en suis désolée mais le métal est encore trop marginal dans le milieu de la musique, vous ne percerez jamais ! A ton avis, pourquoi Maxwell a hésité si longtemps avant de vous signer et m'a proposé en condition ? Je n'ai pas une voix pour faire du métal ! Je suis là pour adoucir l'ambiance musical, tu comprends ? C'est votre seule chance ! Moi franchement Cali j'en ai rien a carré de ce que tu penses de moi, ma renommée est faite. La seule question c'est est ce que tu souhaites le meilleur pour ton groupe ou pas ? Parce que c'est pas encore mon groupe, j'ai rien signé moi encore alors c'est toi qui voit mais va falloir être franche avec moi parce que sinon, ouais je vais continuer à faire de la merde comme ça.

Cali : La merde elle date pas d'hier.

Je frottais nerveusement mes mains contre mon visage, on ne m'avait jamais, jamais parlé comme ça sans que je ne réponde alors pourquoi je commençais aujourd'hui ? Je jetais un coup d'œil par la vitre où Jay me regardait attentivement sans le lâcher du regard je donnais tout ce que j'avais. Pourquoi je commençais à changer pour lui ? C'était insensé ! Si sa bassiste ne m'acceptait pas je me voyais mal m'immiscer dans leur groupe, après tout j'avais assez de lucidité pour comprendre que c'était moi la pièce rapporté et que si quelqu'un dans leur bande ne m'acceptait pas je devais tout simplement m'effacer mais pas sans répondre, pas sans me laisser faire. Alors mon regard se décrocha de lui pour aller se planter dans les flammes des yeux de Cali. Cette fille me faisait penser à un dragon. En l'occurrence une dragonne.

Lily : Mais qu'est-ce que tu me fais exactement ? Une crise de jalousie sur Jay, c'est ça ? Il n'y a rien entre Jay et moi et il n'y aura jamais rien alors tu peux te le garder. TU CROIS QUE C'EST AVEC UNE ATTITUDE PAREILLE QUE TU VAS ÉVOLUER DANS LA MUSIQUE ? Je te connais même pas et pourtant j'ai l'impression de parler avec une gamine de 15 ans qui fait sa crise d'adolescence, t'as aucune jugeote ? Aucun bon sens ?

Cali : Va te faire foutre.

Mon regard fût attiré par ses mains qui tremblaient frénétiquement et qu'elle essayait de cacher tant bien que mal dans les petites poches de son short ultra court. Ça sentait pas bon ça, pas bon du tout.

Lily : Ok je vois. J'ai compris. T'en prends depuis combien de temps ?

Cali : Mêle-toi de ton cul.

Lily : CE SONT MES AFFAIRES SI UNE DE MES MUSICIENNES EST HÉROÏNOMANE TU COMPRENDS CA ? Parce que ça veut dire que dans les moments comme ceux là tu ne seras pas fiable et tu joueras moins bien ! Et si on est en concert là ça me pose problème. C'EST MA RÉPUTATION LA QUI EST JEU. Mais tu te rends pas compte, je crois. Vous avez la chance d'être signer et tu vas tout foutre en l'air...

Cali : NON NON je...

Lily : Il n'y a plus de je Cali. C'est vous. Toi, Dex et Jay. Il n'y a pas de je dans un groupe. Encore moins sur une drogue dure parce que si tu crois avoir le contrôle aujourd'hui ce ne sera bientôt plus le cas et tu vas tomber de plus en plus bas... Sans compter que Maxwell n'acceptera jamais de miser sur une droguée si elle ne s'appelle pas au moins Cobain.

Je baissais la tête devant ses yeux qui s'écarquillaient et commencer à s'embuer en observant la tête ahurie de Dex et Jay à travers la vitre. Je lui laissais au moins l'intimité de croire qu'elle pouvait pleurer sans que je ne le remarque.

Lily : Je suis désolée vraiment que tu sois tombée là-dedans. Je ne souhaite à personne ce que tu vas endurer pour t'en sortir mais j'étais déjà pas très chaude à l'idée de cette collaboration, toi non plus. Je vous fais renoncer à votre style de musique tu as raison, alors je crois que c'est mieux que je m'en aille. De toute manière tu n'es pas prête pour le succès et je ne serais pas responsable de la mort d'une personne de mon groupe. Juste deux questions avant, est ce que tu en es au stade où tu as besoin en plus de te diversifier dans les abus ? Est-ce que tu en viens à même être en manque de la sensation de piqûre ?

Elle baissa les yeux et cette fois ces larmes coulèrent à flot.

Lily : T'es pas prête pour la dernière phase du processus de l'héroïne je t'assure. Toute seule t'y arriveras pas. Ta vie ce sera pire que l'enfer.

Je sortis de la pièce en trombe, Dexter se précipita dans la salle de répétitions avec Cali alors que Jay hurla mon prénom dans les couloirs en courant vers moi.

Je me retournais vers lui avant de prendre l'ascenseur et partir. Quand les portes se refermèrent sur sa tête et que j'entendis son poing frappé sur les portes de la cabine mon cœur se serra. J'étais lâche mais déjà je gérais à bout de force mes problèmes existentielles, mes soucis de la vie en général alors devoir prendre en charge encore une personne qui plus est sur un problème de drogue qui me dépassait largement et que j'avais bien trop vu. Non. C'était beaucoup trop pour moi. Sans compter que je voulais m'éloigner le plus loin possible de Jay. Il y avait quelque chose de magnétique chez lui qui faisait qu'à chaque regard j'avais l'impression qu'il brisait chacune de mes barrières et qu'il venait frapper à la porte de mon cœur, ça m'effrayait littéralement.

Pourquoi lui ? Pourquoi on avait une alchimie si parfaite quand on travaillait ensemble ? Pourquoi j'avais tant d'arrières pensées le concernant ? Je n'étais pas prête pour partager ma vie avec quelqu'un et si ça se trouve lui non plus. Non même c'est sûr, il ne voulait que coucher avec moi. Pourquoi un type comme lui qui peut s'envoyer en l'air toutes les nanas qu'il veut viendrait me chercher moi ? A par pour un peu de reconnaissance et une fierté sur le tableau de chasse je vois pas trop. Pourtant ce regard, ses yeux, ce sourire... Il pouvait lire à travers moi, je le sentais mais j'étais terrorisée, j'en tremblais de peur. C'était encore beaucoup trop tôt pour que je refasse pleinement confiance à quelqu'un, que je m'engage dans une relation sérieuse.

Et puis de toute manière je m'emballais beaucoup trop. Je ne l'avais vu que 3 fois en tout et je l'avais embrassé comme ça mais il me prenait quoi au juste ? Je rageais encore sur ma moto en rentrant chez moi. Par contre je me surpris à vouloir composer. Comme un besoin, c'était viscéral. Il fallait que je compose. Voilà un sentiment que je n'avais pas retrouvé depuis longtemps. Je repensais en parallèle à la première fois où je l'avais vu et cette musique me hanta. Sans parler de son regard à ce moment-là... C'est la première fois que je ressentais autant de chose entre moi et une autre personne.

Can you feel my heart ?

Je rentrais chez moi à toute vitesse, ouvrant la porte de mon salon avec fracas. Je m'installais devant mon ordinateur avec une guitare. Je voulais moi aussi faire partager un peu de ma peine parce que oui ça faisait au moins 6 mois que je n'avais pas eu une seconde de répit avec ma douleur et là pour une fois, UNE SEULE elle me semblait plus supportable et je voulais le faire partager.

Je démarrai un live tranquillement sur la page d'un de mes réseaux sociaux, je me concentrais réfléchis un peu avant de me lancer pour la première musique qui parle de LUI mais surtout la première musique que j'arrivais à écrire et composer toute seule depuis trop longtemps. Je passais outre la douleur que je ressentais dans ma gorge, outre la torture que je faisais vivre à mes doigts déjà meurtris. Tout n'était qu'insignifiant et secondaire face à l'envie irrépressible de jouer et d'arracher ses mots qui tournaient en boucle dans ma tête pour les dire, les avouer, les chanter en espérant qu'il les entende. Que l'anesthésie dure seulement encore un petit peu.

Ce matin il n'y a plus rien
Là où hier encore il dormait
Le dessin de ses reins
incrusté dans les draps disparait
Ce matin j'ai fait mine de rien
Je reste à rêvasser dans mon lit
Les histoires ou tout finit bien
C'est moi qui décide aujourd'hui
C'est sûr, cette fois il s'en est allé
Sa voiture a quitté l'allée
Mes affaires ne sont plus ses affaires
C'est dur, je me demande ou il est
Avec qui il veut m'oublier mais
mes affaires ne sont plus ses affaires

Ce matin il n'y a pas le pain
Que devant la fenêtre il posait
Ni son bol dans l'évier renversé
comme quand il partait un peu pressé
Ce matin j'entends bien les oiseaux
Personne n'a allumé la radio
La salle de bain est immaculée
Et les serviettes bien rangées
C'est sûr, cette fois il s'en est allé
Ses chaussures ont quitté l'entrée
Mes affaires ne sont plus ses affaires
C'est dur et je me demande ou il est
Avec qui il va m'oublier mais
ses affaires ne sont plus mes affaires

Ce matin...
Il y a plus rien...
C'est dur...
Cette fois c'est sûr...
Oui c'est sur
cette fois il s'en est allé
Le plus dur est déjà passé
Et la poussière ce n'est plus mon affaire
Bien sur
Je vais l'idéaliser, le rêver, le sublimer

Faire le contraire
De tout ce que je devrais faire
Mais ce matin
Il n'y a plus rien mais
Tout va bien.

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Pour aller plus loin :

La musique que chante Lily:

https://youtu.be/-5QD8BAhh_E