Obstination

Jean Valjean dut s'endormir tout de même car il sursauta lorsqu'un bruit étrange retentit. Puis on refrappa à la porte et il comprit.

L'aube était là. Le jour entrait par la fenêtre, un jour gris et sale. C'était l'hiver. Il faisait froid dans l'appartement de Javert, le poêle devait s'être éteint.

Valjean se redressa et se secoua tandis que la porte s'ouvrait doucement. Il s'attendait à Vidocq, voire Montparnasse mais certainement pas à la jeune fille qui entrait lentement, un panier accroché à son bras. Une fille d'une quinzaine d'années au plus, avec de longs cheveux noirs. Elle fut aussi surprise de le voir, lui, que Valjean le fut de la voir, elle.

« Qui êtes-vous ?, demanda-t-elle, abasourdie.

- Un ami de M. Javert, M. Fauchelevent. Et vous ?

- Je suis Sarah. La fille de Mme Levi. Nous sommes les voisines. On nous a dit que M. Javert était malade.

- Qui vous l'a dit ?

- Un des amis de M. Javert. Il nous a laissé une note pour nous demander de prendre soin de ses repas. Nous venons de la trouver.

- M. Vidocq ? »

La fille eut un beau sourire.

« Vous le connaissez aussi ?

- En effet. »

Le sourire de M. Fauchelevent, le sourire du père de Cosette amadoua la jeune Sarah. Elle posa le panier sur la table, repoussant les papiers et les journaux disposés en tas. Elle en sortit une soupière couverte de chiffons, du pain, un broc et d'autres choses bien emballées. Puis elle s'approcha du lit sur lequel se reposait Javert. Sans peur, elle toucha le front du policier, fronçant les sourcils, à la recherche de la fièvre.

« Qu'est-ce qu'il a ?

- Il a été blessé à la tête. »

La jeune fille ne dit rien, elle examina le visage de Javert et découvrit le bel hématome fleurissant sur sa tempe.

« Je reviens. Je vais voir Mam [maman].

- Comment cela ?

- Changer un bandage, je sais, mais je ne connais pas les blessures à la tête. Peut-être Rabbi Moshe saura quoi faire... »

Et avant de pouvoir discuter davantage avec la jeune Sarah, Valjean la vit disparaître, légère comme un oiseau. Valjean se leva et se chargea des victuailles. Pain, eau, fromage, soupe bien épaisse, un peu de viande d'agneau... Il en fut reconnaissant.

Valjean ranima ensuite le feu dans le poêle, choqué de voir la si petite quantité de charbon que possédait Javert. Le policier devait se passer de chauffage la plupart du temps. Valjean se promit de réparer cela le jour-même.

Enfin, il cherchait des bols dans la seule armoire que possédait le policier lorsque la fille revint, accompagné d'un vieil homme à l'aspect vénérable et d'une femme assez ronde de corps mais dont les longs cheveux noirs étaient magnifiques.

« Monsieur, lança le vieil homme en voyant Valjean.

- Fauchelevent. Je suis un ami de M. Javert.

- Je suis content de voir un ami auprès de l'inspecteur. M. Javert est un homme très seul. Sarah a parlé d'une blessure à la tête ?

- Il a été frappé cette nuit.

- Mariam, amène-moi de l'eau, je te prie. »

La femme était restée silencieuse, elle obéit et chercha le broc de sa fille. L'homme se lava consciencieusement les mains, puis il examina Javert.

« Il a vomi ?

- Non, mais je ne sais pas s'il avait mangé.

- Le connaissant comme je le connais, il n'a pas du manger. »

Ce fut dit avec un petit rire, un peu désespéré.

« Cela n'a pas l'air méchant. Mais nous n'allons pas le laisser dormir ainsi. Depuis combien de temps est-il inconscient ?

- Quatre heures, peut-être davantage. »

Valjean regardait sa montre, incertain de l'heure qu'il était. Il était sept heures, déjà !

« Mauvais. Nous allons le réveiller et lui faire boire une tisane de saule. Mariam !

- Oui Rabbi ?

- Il t'en reste ?

- J'en ai mis dans le panier de Sarah.

- Tu es une brave femme, Mariam. Nous allons pouvoir réveiller le bon inspecteur. »

Valjean n'était pas médecin, Vidocq n'était pas médecin et le docteur était plus fâché qu'intéressé par le sort du policier. Comme un point à faire valoir. Donc Valjean ne dit rien, laissant agir le rabbin.

Le vieil homme sortit une petite bouteille de sels de sa poche et la plaça sous le nez de Javert, tout en se penchant et en lui parlant doucement mais fermement.

« Il faut vous réveiller, inspecteur. Vous avez assez dormi. Ce n'est pas bon dans votre état. Réveillez-vous ! INSPECTEUR ! »

L'autorité fit plier Javert, comme toujours, comme une clé dans un cadenas et le déverrouillant aussitôt.

« Dieu..., » murmura Javert.

Le policier porta une main à son front.

« Dieu... »

Il voulut se lever mais un vertige le prit et le rabbin le rattrapa, les mains posées sous les coudes. Il le recoucha doucement. La femme, Mariam, vint placer des oreillers dans le dos de Javert pour le redresser. Elle avait du les amener de chez elle car Valjean n'en avait pas remarqués en arrivant.

« Doucement, inspecteur. C'est un beau coup que vous avez reçu là.

- Rabbi Mosche ?

- Du calme, inspecteur. Vous avez besoin de rester allongé pendant quelques temps. Vous allez boire un peu de tisane et vous allez manger.

- Qui vous a fait venir ?

- Vous n'allez vraiment pas bien si vous posez cette question. »

Le rabbin s'éloigna, lâchant les bras de l'inspecteur. Gardant un œil sur lui. Le vertige était toujours là mais cette fois, Javert se contenta de fermer les yeux. A la dérive.

« C'est douloureux ?

- Je suis déjà dans votre dette. Je n'ai pas besoin d'autant d'attention.

- Bon homme, obstiné. Buvez ! »

Mariam avait profité du feu dans le poêle pour faire la tisane et réchauffer la soupe. Une bonne odeur de viande et de légume embauma l'appartement, rappelant à Valjean qu'il avait faim. Le rabbin donna la tisane à Javert. L'homme plia devant le regard appuyé du vieillard. Il but la décoction, en essayant de ne pas trop grimacer de dégoût. Le rabbin acquiesça avec un sourire réjoui et récupéra la tasse. Sarah la prit et fila la laver aussitôt. Puis Javert tourna la tête avec précaution autour de lui et aperçut Valjean, glissé dans un angle, attentif et discret.

« Vous êtes encore là ? »

Ils ne savaient pas encore se parler, oscillant entre le tutoiement et le vouvoiement, la cordialité et la froideur, la sympathie et la haine.

« Je suis encore là.

- Rabbi Mosche, voici mon...

- Ami, ajouta précipitamment Valjean.

- Mon ami, monsieur...

- Fauchelevent.

- Fauchelevent. »

Ces hésitations, inhabituelles chez un homme sûr de lui comme l'était Javert, amusèrent le vieil homme.

« Votre ami a passé la nuit à votre chevet. Il a bien mérité un bol de soupe. S'il le souhaite.

- J'en serais reconnaissant.

- Sarah ! »

Cette fois, la jeune fille servit la soupe dans deux bols, généreusement remplis. Elle apporta ensuite du pain et un peu de viande d'agneau. Valjean retourna s'asseoir à sa place, au chevet de Javert, seulement car le vieillard le lui ordonna. Javert était faible mais obstiné. Il tenait le bol entre ses mains, le plus fermement possible, ignorant les tremblements de ses doigts. Valjean le voyait lutter, consterné, puis n'y tenant plus, il posa son propre bol et vint à son aide. Plaçant ses doigts sur ceux du policier, il le soutint.

« Que..., commença Javert, grondant.

- Taisez-vous et mangez ! »

La voix de M. Madeleine ! Si l'autorité était la seule chose permettant de faire plier cet homme impossible, Valjean n'allait avoir aucun scrupule à en user. Javert le contempla, les yeux enflammés de colère.

« Nous ne sommes plus à Montreuil !

- Mangez inspecteur ou je vous colle la cuillère de force dans la bouche ! »

Javert ne dit rien, semblant analyser la véracité des paroles de l'ancien maire. Il préféra abdiquer. M. Madeleine non seulement était charitable mais il était fort. Javert n'était pas de taille à lutter. Surtout dans son état de faiblesse. Il prit son parti et mangea sa soupe avec soin, acceptant le soutien des mains de Valjean, ignorant le sourire réjoui des occupants de la pièce.

La soupe mangée, Mariam donna ensuite le pain et la viande. Javert secoua la tête, amusé et désolé.

« Mme Levi. Je ne peux rien avaler de plus.

- Un homme comme vous doit manger plus que de la soupe.

- Madame...

- Mangez !

- On dirait que vous pensez tous qu'un simple ordre me soumet...

- N'est-ce-pas le cas ?, demanda doucement le vieux rabbin.

- Dans une autre vie... Peut-être...

- Mangez !, » répéta obstinément la femme.

Et Javert se soumit.

La soupe était excellente. Mariam, satisfaite d'avoir nourri les deux hommes, était repartie avec le panier, assénant qu'elle reviendrait le midi avec d'autres victuailles. Sa fille l'avait suivie. Elles laissaient la soupière, le pain, le fromage. Valjean et le rabbin avaient terminé la viande d'agneau, plongés dans une conversation amicale, en observant le combat de l'inspecteur contre le sommeil. Un combat vite perdu.

« Quel homme têtu, murmura le rabbin. Vous le connaissez depuis longtemps ? »

Qu'est-ce que Javert avait raconté de sa vie à ses voisins ? C'était déjà étrange qu'il ait laissé ces gens pénétrer ainsi dans sa vie privée. Valjean se montra prudent.

« Des années. »

Cela fit sourire le vieil homme.

« Nous le connaissons depuis un an. Lorsqu'il était encore l'inspecteur Javert et non M. Javert.

- Comment l'avez-vous connu ?

- Il a sauvé Sarah d'un sort pire que la mort. Nous autres Juifs ne sommes pas très appréciés. Il a été le seul policier à nous défendre, malgré ce que nous sommes.

- Il vous a défendu ? Comment cela ?

- La police ne voulait pas se charger d'une petite Juive victime d'une tentative de viol. L'inspecteur a enquêté et a découvert les coupables. Nous lui en sommes reconnaissants. Il a exigé que la police fasse des rondes dans notre quartier. Il a eu gain de cause. Il nous a protégés.

- Il était encore l'inspecteur Javert ?

- Nous avons appris sa mort avec une grande tristesse, puis il est venu nous demander de lui louer un logement. Il a causé la peur de sa vie à Mariam. Il ressemblait à un fantôme.

- Comment a-t-il survécu ?

- Nous ne savons pas. Mais il n'avait pas d'autre endroit où aller et nous étions heureux de le garder avec nous. Je ne sais pas pourquoi il doit se cacher. Depuis nous bénéficions de sa protection. Et en retour, nous gardons un œil sur lui. Sa santé n'est pas bonne. »

Valjean ne dit rien, lui-même l'avait remarqué, dés le départ.

« Il lui faudrait une femme pour s'occuper de lui. »

Cela les fit rire.

Une femme pour l'inspecteur Javert ? L'idée semblait tellement saugrenue.

Le rabbin quitta enfin le logement de l'inspecteur, non sans avoir expliqué à Valjean qu'il devait réveiller toutes les heures l'inspecteur pour voir s'il allait bien et lui faire boire de la tisane de saule. Ensuite, il fallait qu'il reste prudent pendant quelques jours et qu'il évite les comportements violents.

Cela fit sourire Valjean, désespérément. Faire éviter les comportements violents à l'inspecteur Javert ? Une gageure !

La journée fut étrange. Valjean pensait la passer seul en compagnie de l'irascible Javert mais à peine le rabbin disparu, la jeune Sarah apparut. Elle vint naturellement se placer au côté de Valjean pour veiller l'inspecteur.

« Mam m'a dit de venir vous aider avec la tisane.

- Mais je peux le faire ! »

La fille le regarda, un air de profond scepticisme dans le regard mais elle ne dit rien.

« Vous êtes qui en fait ?

- Un ami de l'inspecteur.

- Alors parlez-moi de lui ! »

Et Valjean parla de Javert. Il se rendit compte très vite qu'il ne savait rien de Javert. Juste quelques rencontres ici et là, une peur omniprésente, un regard attaché à son dos. Bien sûr, il y avait Toulon et Montreuil où les rencontres furent plus régulières et plus douloureuses, mais Valjean ne voulait pas ressusciter le passé. Il décida donc de raconter l'affaire de la Maison Gorbeau. Les malfrats, les Thénardier, Javert et ses hommes... Il omit la brûlure, laissant la jeune fille imaginer qu'il n'était qu'un témoin parmi les autres.

« Il a vraiment dit cela ? « Voulez-vous mon chapeau ? »

- Oui. Et si l'instant n'avait pas été si... j'aurai ri... car la tête de ces bandits était indescriptible...

- Et il a laissé ce type lui tirer dessus ?

- Et l'arme n'a pas marché.

- Danker ir got ! [Merci mon Dieu!] »

Valjean contemplait la jeune fille. Sérieuse, les cheveux noirs rassemblés en natte, elle avait emmené de l'ouvrage et cousait tranquillement à ses côtés. On aurait pu croire une simple réunion familiale si toute la scène n'était pas si absurde.

« Il vous a sauvée, m'a raconté Rabbi Mosche.

- Oui. Des types voulaient me violer. »

C'était dit abruptement, sans volonté de choquer mais Valjean capta le regard. La fille avait toujours peur. Il lui fallait du courage pour venir dans l'appartement d'un homme sachant qu'elle était seule. Elle avait donc confiance en lui ? Ou plutôt en Javert...

« Et il vous a sauvée ?

- Ils étaient trois. Ma robe était déchirée. Un me tordait les bras, les deux autres me tenaient. Ils hurlaient des injures. Je crois qu'ils étaient saouls... Puis, il est arrivé. L'inspecteur. Il leur a demandé de me lâcher. Ils se sont jetés à deux sur lui, j'ai eu peur. Mais il s'est battu comme un lion. Seulement, ils étaient deux. Ils ont réussi à le blesser. Il est tombé à genoux et il a sorti son sifflet. Cela les a fait fuir.

- Il les a ratés ? »

Cette question fâcha la fille qui jeta un regard noir à Jean Valjean.

« Je l'ai supplié de ne pas leur courir après. Il a accepté de se charger de moi. Quand la police est arrivée, l'inspecteur a expliqué ce qu'il s'est passé, puis il m'a ramenée à la maison. Mam et Rabbi Mosche l'ont remercié. Mais il est juste reparti en patrouille. « Ce n'était que son devoir », a-t-il dit.

- C'est bien digne de lui. Il avait été blessé ?

- Il a reçu un coup de bâton au ventre et un autre dans la poitrine. Heureusement qu'il avait son sifflet.

- Et son pistolet ?

- Il a un pistolet ?

- Bien sûr qu'il a un pistolet. Il ne l'a pas utilisé ?

- Je ne pense pas qu'il ait un pistolet...ou alors il ne voulait pas l'utiliser... Je ne sais pas. »

Javert avait une drôle de façon de gérer ses affaires... Pourquoi avoir un pistolet et ne pas l'utiliser ?

Valjean fut content de laisser Javert à la garde de la jeune fille. Cela l'arrangea en fait. Il put rentrer chez lui, se changer et acheter du charbon pour Javert. Il le fit livrer à son domicile. Il ramena aussi du thé et du café. Du pain, du lard, des œufs... Tout ce qu'il put trouver. Les réserves de l'inspecteur étaient vraiment minimes. Enfin, il revint à son poste.

La jeune Sarah n'avait pas bougé mais elle avait maintenant sa mère avec elle.

Le jour se couchait. Le feu avait été entretenu et l'appartement était bien chaud. Javert avait mangé à midi avec réticence. Le malaise s'éloignait et le policier commençait à se sentir mieux. Le mal de crâne s'estompait et la nourriture le revigorait.

Valjean trouva l'inspecteur en grande discussion avec les deux femmes.

« Rabbi Mosche a dit que vous deviez encore vous reposer !

- Madame Levi, je vais mieux. Je serais prudent.

- Vous ne l'êtes jamais ! Restez encore au lit !

- Je ne peux pas rester couché. Je dois partir travailler. Je...

- Rabbi a été clair !

- Madame, je vous prierais de... »

Et Valjean contemplait, amusé, ce grand policier, si terrifiant et autoritaire dans sa vie professionnelle, courber l'échine et discuter calmement avec une femme qui avait l'âge d'être sa mère. Javert avait du perdre sa mère assez jeune ? En tout cas, Valjean ne se souvenait d'aucune information concernant la famille du policier. Sauf qu'ils étaient des gitans, des rabouins, d'où le surnom de Javert à Toulon... Le rabouin... Plus tard le Pharaon...

Valjean s'approcha, tout sourire et son arrivée interrompit la conversation. Javert lui lança un regard soulagé.

« Comment vous portez-vous ?

- Fauchelevent ! Encore présent ?

- Je viens voir si vous êtes toujours en vie.

- Précaution inutile. Je ne vous arrêterai plus.

- J'en suis bien conscient. »

Les deux femmes se levèrent et quittèrent l'appartement, laissant les hommes seuls. Javert attendit leur départ pour soupirer :

« Une gentille famille mais un peu trop intrusive.

- Javert, fit Valjean sur un ton moqueur. Ils s'inquiètent pour vous. »

Le reniflement de dédain de l'inspecteur fut particulièrement inesthétique.

« Je n'en vaux pas la peine. Je serais sur pied ce soir. J'ai rendez-vous avec un mouchard.

- Javert !

- Je vais bien. J'ai eu pire qu'une simple bosse.

- Ce n'est pas une simple bosse et vous le savez ! »

Le rire sans joie glaça Valjean.

« J'ai eu tellement pire à Montreuil-sur-Mer, monsieur le maire. Allez laissez-moi gérer la situation ! Rentrez chez vous !

- Javert, j'ai promis à Vidocq de vous surveiller.

- Vous obéissez à un ordre, vous maintenant ? »

Valjean se mit à sourire, amusé.

Javert l'amusait maintenant. Ses réparties, ses regards exaspérés, le tigre s'était assagi. On lui avait rogné les crocs.

« Pourquoi n'utilisez-vous jamais votre pistolet Javert ?

- J'ai tiré sur ce malfrat chez le Comte de Sans-Fond. Et sur d'autres avant lui.

- Vous comprenez ce que je veux dire !

- Je n'aime pas les armes à feu. Donnez-moi un fouet et je vous montrerais ma dextérité !

- Javert ! »

Un même sourire chez les deux hommes. Oui, Javert allait mieux et il n'allait plus se laisser mener sans rien dire.

« Je peux vous poser une question indiscrète ?

- Dieu du Ciel ! Une question indiscrète ? Jean ? Comment oses-tu ?

- Que vous est-il arrivé ?

- Il me semble que vous étiez présent hier soir. Voulez-vous que je vous relate cette affaire ?

- D'où viennent ces hématomes ? »

L'amusement disparut, laissant la place à la colère.

« Ceci, très cher Jean, ne te concerne en rien.

- Et votre coude ?

- Bonne journée, Valjean. Prenez juste la peine de me donner la facture pour le charbon qui m'a été livré aujourd'hui.

- Javert ! Je ne voulais pas vous fâcher. Mais avouez que...

- Je suis encore faible, Valjean, mais je te jure que je vais me lever et te jeter dehors si tu ne décarres pas en vitesse. »

Joignant le geste à la parole, Javert se redressa lourdement sur son lit et se tint assis. Valjean préféra abdiquer et se retirer. Avant de partir, il claqua l'argent du salaire de Javert sur la table. Puis la dernière chose qu'il entendit fut le cri fâché de l'inspecteur : « Et la facture ? Valjean ! » 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top