Cela dura quelques jours. L'attente rendait fébrile Valjean. Il en venait à oublier son désespoir face à Cosette, entièrement accaparé qu'il était par Javert.
Valjean ne se sentait plus seulement vivant mais aussi impatient.
Impatient de revoir Javert !
Valjean osa se demander si c'était à cause de l'excitation due à l'enquête ou à cause de la chaleur des baisers de l'inspecteur. Il n'eut aucune réponse à se donner. Aucune ne le satisfaisait.
Et enfin cela arriva sous la forme d'un simple message où étaient juste écrits les deux mots accolés : « Ce soir. »
Valjean présuma que c'était toujours la même procédure, donc il s'habilla à nouveau avec recherche, glissant une fleur à sa boutonnière et se dirigea vers le Café Suchet.
On était samedi. Maxime le vit arriver avec un sourire réjoui.
« Il est là. Il est de mauvaise humeur. Je vous ai fait apporter du champagne.
- Du champagne ?
- Pour l'adoucir ! Vous avez du courage de le supporter !
- C'est un vieil ami. Nous nous supportons depuis si longtemps.
- Il devrait en être reconnaissant. »
Un rire amusé et Valjean entra dans le salon privé. Ce qu'il venait à considérer comme « leur » salon privé.
Javert était là, dans le même costume que la dernière fois, juste un peu plus fatigué. Il était assis et travaillait avec ardeur. Il ne sembla pas remarquer l'arrivée de Valjean, ou fit mine de ne pas l'avoir fait.
« Bonsoir Jacques. »
Cela eut le mérite de faire lever la tête au policier et un fin sourire adoucit ses traits renfrognés.
« Bonsoir Jean. »
Ce fut tout mais Valjean le prit comme une invitation. Il s'approcha de Javert et s'assit face à lui. Le dîner était posé sur la table mais Javert l'avait repoussé dans un coin pour avoir la place d'étaler son matériel. Des feuillets, un crayon... Javert se remit au travail sans chercher à mener une conversation. Valjean ne disait rien non plus, il se souvenait de Montreuil, de son chef de la police assis à son bureau, plus petit que cette table, et écrivant des rapports à n'en plus finir. Des arrestations, des admonestations, des problèmes de voisinage, des dépositions... Javert ne s'économisait pas, jamais, et il était voué à son métier, toujours. C'était inconcevable qu'un tel homme se soit laissé tenter par le suicide... Voulait-il mourir aux barricades ? Réellement ?
Enfin, Javert soupira et repoussa la feuille sur laquelle il écrivait, il la plia soigneusement et la glissa dans sa poche. Puis ses yeux clairs se posèrent sur Valjean et devinrent durs.
« Autant faire œuvre utile avec vous. Vos années de fuite ont du vous donner le don d'observation. Seule la ruse a pu vous cacher si longtemps de moi. »
Orgueilleux Javert ! Valjean, sentant la colère gronder en lui, se demanda pourquoi il avait été si impatient de le revoir en fait.
« Peut-être aussi ma stupidité, » admit le policier à contre-cœur.
Honnête Javert ! Valjean se détendit un peu. Javert lui tendit une feuille, un nouveau dessin, Valjean était curieux. Il vit un visage d'homme assez fin, doté d'une petite moustache et de beaux cheveux bouclés.
« Voilà notre oiseau. J'aimerais mettre la patte sur lui.
- C'est Henri Viallet ?
- Oui, mais la dernière fois à la Paimpolaise j'ai aperçu celui-ci. »
Un nouveau dessin montra un visage plus dur, imberbe, avec une mâchoire épaisse et un nez fort.
« Qui est-ce ?
- Chardon. Un pédéraste du nom de Tante Madeleine.
Ce surnom fit tiquer M. Madeleine. Valjean n'avait pas le monopole de la sainte pénitente.
« Chardon est sorti de prison depuis peu, la prison de Poissy. Un homme de ce genre me semble une drôle de coïncidence dans un bastringue où va Viallet. Je voudrais interroger le bonhomme.
- Donc on y retourne ce soir ?
- Oui, cher Jean. On est samedi, il y a foule ce soir à la Paimpolaise. Soyez dans votre rôle ! »
Valjean sourit en regardant Javert, cela fit lever les yeux du policier.
« Ouvrez la bouteille et versez le champagne.
- Très bien, cher Jacques. »
C'était du bon champagne, il fit briller les yeux des deux hommes tandis qu'ils dînaient enfin.
Ceci fait, Javert rangea tout son matériel dans son costume et ils quittèrent le Café. Un fiacre, un silence inconfortable et leur entrée dans la Paimpolaise fut remarquée. Marc, le patron, vint les accueillir avec le sourire.
« Content de vous revoir, messieurs. Même table que la dernière fois ?
- S'il vous plaît. »
Poli Javert, il s'inclina et aida Valjean à s'asseoir. Javert était si prévenant, Valjean se demanda un instant si c'était un rôle, vraiment, ou s'il était ainsi, vraiment. S'il avait déjà été ainsi avec une femme...ou un homme...
« Je vous apporte du vin. »
Un regard entendu. Javert semblait absent, concentré sur la salle, cherchant des yeux ses suspects. Valjean remarquait son air trop vigilant, Javert risquait d'attirer l'attention des autres, à fouiller ainsi avec son visage de policier.
Valjean posa à nouveau ses doigts sur ceux de l'inspecteur, s'attirant un regard tordu et fâché. Valjean sourit, contrit :
« Mon compagnon est plus intéressé par les autres hommes de la salle. Cela me chagrine. »
Il y eut un instant d'incertitude puis Javert comprit et baissa les yeux sur leurs doigts entremêlés.
« Je suis désolé, Jean, je suis un peu fatigué ce soir.
- Veux-tu rentrer à la maison ?
- Non, cher. Je veux te faire plaisir.
- Alors concentre-toi un peu sur moi. »
Le serveur apporta le vin et le pain, Javert hocha la tête avec approbation.
« Il y a foule ce soir, lança Valjean au serveur.
- Oui, monsieur. Toujours le samedi soir.
- C'est une belle soirée. »
Valjean et son sourire doux et gentil, Valjean et ses yeux bleus innocents, Valjean et sa bienveillance attachante. Javert reconnut M. Madeleine et se força à ne pas grincer des dents. Mais le serveur, surpris par cet homme à la chevelure blanche si belle, répondit à la question implicite dans un grand sourire.
« Nous avons des soirées telles que celles-ci tous les samedis soirs. Il y a des habitués qui ne viennent que le samedi. Histoire de profiter de la danse...et du reste...
- De la danse ?
- Vous ne dansez pas, messieurs ?
- Mon compagnon a une jambe affaiblie, c'est difficile pour lui.
- Jean, si tu veux danser, je ne m'y opposerais pas. »
Javert comprenait la manœuvre et accepta la proposition de Valjean. Bien dans son rôle, Valjean rougit, impressionnant le serveur qui ajouta précipitamment :
« On ne vous jugera pas sur la qualité de votre danse, messieurs. Sinon, je peux vous présenter des hommes seuls, prêts à s'offrir pour une danse. »
Valjean se troubla et murmura :
« Si Jacques est d'accord...
- Je suis d'accord. Nous vous remercions pour votre proposition. Peut-être dans une heure ?
- Pas de problème, messieurs. Dans une heure. »
Le serveur partit, il y avait d'autres tables à gérer.
Javert murmura :
« Il va falloir jouer serré Valjean. Ouvrez l'œil !
- J'ai encore dans la tête le visage de vos suspects.
- Bonne mémoire des visages. C'est un bon point à ajouter à votre dossier.
- Je vous ai reconnu immédiatement à Montreuil-sur-Mer.
- Je le sais. « Mon visage n'est pas du genre de ceux qu'on oublie », n'est-ce-pas monsieur le maire ?
- Votre présence à Montreuil a été une terrible épreuve pour moi.
- Et moi je vous ai reconnu aussi, 24601, dés l'instant où je vous ai vu dans votre bureau.
- Essayez de ne pas utiliser ce numéro je vous prie. »
Valjean était fâché et accablé. Javert le comprit et lança simplement, en guise d'excuse :
« Fort bien, Jean.
- Merci Jacques. »
Javert se pencha vers Valjean et souffla tout contre son oreille :
« Dans l'intérêt de cette enquête, ne flirtez pas trop, très cher. Nous sommes toujours ensemble.
- Vous avez peur que je vous trompe ?
- Je suis d'une jalousie maladive. Et cela risque de ruiner notre couverture. »
Valjean se mit à rire, un peu troublé par l'alcool et par la proximité de Javert, un souffle chaud dans le cou. Il ne savait pas à quoi il s'attendait lorsque Javert s'éloigna de lui.
Une heure pouvait être un temps sans fin ou au contraire un instant dans une vie. Ce fut un instant trop court au goût de Valjean. Il but pour se donner du courage, il n'avait aucune envie de danser et surtout pas avec un autre homme.
Valjean se souvenait de bals champêtres dans la lointaine Faverolles. Des rires féminins, des doigts glissés entre les siens, des baisers volés sous la lune...et plus, parfois, lorsque le temps était chaud et les foins odorants... Valjean avait presque trente ans lorsque Toulon avait brisé sa vie. Il aurait pu être marié, père de famille, si les Valjean n'avaient pas été si pauvres.
« Avez-vous déjà dansé Javert ?, souffla-t-il.
- Moi ?, sursauta Javert, revenu à son compagnon.
- Jacques !
- Je ne danse que lorsque j'y suis obligé. »
Une lueur brilla dans les yeux du policier, illuminant ses yeux de glace. Valjean contemplait cela, hypnotisé, ne sachant ce que cela signifiait. Ce fut fugace. Javert se reprit et grogna :
« Ma jambe me l'interdit.
- Nous essayerons quand même.
- Petite Fleur-de-Bagne. »
Javert captura la main de Valjean et déposa un baiser sur la paume. Cela sembla à Valjean plus affectueux que le fait d'être embrassé sur les lèvres. Il déglutit.
« Votre danseur arrive, Jean. Ne m'oublie pas trop !
- Cela me serait impossible ! »
Valjean se leva et accueillit le nouveau venu avec un large sourire. L'homme était bien soigné, plus petit que Javert, plus gros également et très souriant. Il s'inclina et se présenta. Javert n'aima pas le son du rire de Valjean, mais baste ! le forçat jouait son rôle.
Un temps passa. Javert dardait son regard sur les clients attablés, désespéré de revoir Chardon, à la recherche de Viallet. Il connaissait aussi d'autres noms de criminels en fuite l'intéressant dans cette affaire. Peut-être Avril ? Ou Bâton ? Ce n'était pas des enfants de chœur et Valjean semblait si pacifique. Étrange d'être aussi doux pour un ancien forçat qui a connu Toulon ! Un homme classé comme dangereux, passeport jaune à la clé et Javert était toujours d'accord sur ce point. Il avait été si choqué de retrouver Valjean sous les traits de Madeleine, il s'attendait tellement à voir Montreuil disparaître dans les cendres un matin, détruite par la haine de Valjean. Et Valjean avait été un bon maire. La ville était morte depuis le départ de M. Madeleine.
Un des nombreux péchés de l'inspecteur Javert ! Condamner une ville entière à la pauvreté et à la disette pour un éclat d'orgueil ! Le goût de l'eau de la Seine ne quittait plus sa bouche, quelque soit la quantité d'alcool que le policier pouvait boire. Et Dieu soit témoin qu'il en avait bu !
Joignant le geste à l'idée, Javert se saisit de son verre et le vida d'un trait.
Valjean boitait lui aussi, traînant la jambe mais il arrivait à danser, menant l'homme entre ses bras, poursuivant ses sourires et ses rires, charmant comme toujours son auditoire.
« Vous ne dansez pas, monsieur ? »
Marc, le patron le contemplait avec compassion, Javert rêva de fracasser ce visage à coups de matraque. Il abhorrait la pitié.
« Non, ma jambe est un handicap.
- Quel dommage ! Votre ami semble apprécier danser.
- Jean aime s'amuser. Je ne suis pas le plus enjoué des hommes.
- J'ai vu cela. Vous semblez travailler, même ici.
- En effet. »
Javert eut un sourire tordu. Il s'était attendu à l'interrogatoire. Un peu surprenant que cela ait pris tout ce temps.
Il glissa sa main dans la poche intérieure de son costume et sortit son carnet de dessin. Il l'ouvrit et le tendit au patron. Celui-ci, curieux et circonspect, examina les dessins, feuilletant quelques instants, puis il se mit à rire. Et rendit le tout à Javert.
« Si Fernand voit cela, il ne sera pas content. Vous avez été dur avec lui, monsieur.
- C'est tout l'art de la caricature, monsieur, frapper là où cela fait le plus mal. Il était impossible que j'ignore le nez de votre serveur.
- Mais votre dessin de Jules me plaît beaucoup.
- Un beau jeune homme. Difficile à caricaturer.
- Mais votre modèle préféré est sur la piste. Je me trompe ?
- Non.
- Par contre, je n'ai pas vu de dessins de moi. »
Javert songea avec humour à ses croquis dispersés dans son bureau de la rue Petite Sainte-Anne. Vidocq avait lancé ses agents à la recherche d'informations sur les clients de la Paimpolaise, sur son patron... Il avait été félicité par son chef.
« Javert, normalement j'interdis à mes gonzes d'entrer dans des troquets, mais comme c'est pour la bonne cause.
- Merci le Mec.
- Fais juste gaffe à tes miches et à celles de ta Fleur-de-Bagne ! L'est dans le coup, non ?
- Il l'est.
- Tant mieux. Je suis jouasse de savoir que t'es accolé à quelqu'un. Soulagé que je suis.
- Soulagé de me savoir accolé à un forçat évadé ? Et c'est moi qu'on traite de gavé.
- Javert ! »
Il était parti en mission avec le bruit du rire de Vidocq teintant dans ses oreilles.
Il ne fallut que quelques minutes à Javert pour dessiner une caricature valable du cabaretier. Il avait rendu de son mieux le sourire professionnel, car c'était à cela qu'on reconnaissait le patron, un sourire gentil, bienveillant mais qui ne se reflétait pas dans les yeux froids. Javert savait qu'il n'était pas tendre dans son dessin, mais devait-il l'être ? Caricaturiste pour la politique, œuvrant dans un journal à tout petits tirages.
Le patron accusa le coup et glissa la feuille dans son tablier.
« Très bien. Vous savez y faire. Donc c'est ce que vous faites ? Vous dessinez ?
- J'aime les scènes de la vie quotidienne. Les visages, les comportements, c'est ce qui me permet de rendre mes caricatures plus subtiles. Et d'arrondir les fins de mois. »
Et comme s'il offrait un acte compromettant, Javert ressortit son carnet et l'ouvrit soigneusement avant de montrer un nouveau dessin à Marc. Ce dernier rit, mais cela restait jaune.
« Après les barricades, ce n'est pas une bonne idée de publier cela...
- Quoi ? Le roi comptant les morts me semble un beau thème à développer.
- Reviendrez-vous ?
- Jean est quelqu'un de versatile. Lorsqu'il se sera lassé de cet endroit, je trouverais un autre endroit pour lui plaire. »
Javert avait tendu son piège, laissant son carnet, ses feuillets dispersés sur la table, les visages des clients bien visibles, Viallet, Chardon, Avril parmi la foule. Marc semblait honnête, selon les agents de Vidocq. Il ne devait pas savoir qu'il accueillait le loup dans son auberge.
« Voulez-vous vendre des portraits, monsieur ? Je connais des personnes qui seraient intéressées. A des prix raisonnables, bien sûr. Beaucoup de ces malheureux ne peuvent se permettre que quelques heures ensemble dans une vie d'obligation familiale. Vous pourriez proposer des dessins pour des montres à gousset par exemple.
- C'est une excellente idée. Voyez-vous des gens susceptibles d'être en accord avec cette idée parmi ceux-là ? Comme je les ai déjà observés, cela me serait plus facile de les dessiner avec soin. »
Javert, le mouchard. Il était bon, en effet, bon espion, bon policier, bon inspecteur. Il se tendait, espérant que son « témoin » allait lâcher une information majeure. Marc prit les dessins et les observa, le front plissé par la concentration.
Ce fut à ce moment-là que Valjean revint vers Javert, ses joues rougies par la danse. Son partenaire semblait satisfait, il regarda curieusement Javert. Naturellement, il se plaça aux côtés de Marc.
« Du nouveau Marc ?
- Regarde ça Pierre. Nous avons un artiste dans la salle. »
Le vieil homme examinait puis il eut un sourire en voyant quelques caricatures bien enlevées.
« Si jamais Marmont voit cela, monsieur va avoir des mots.
- J'ai prévenu monsieur. Regarde aussi les vrais portraits !
- Il y a une belle main ! Mes félicitations monsieur.
- Je vous remercie. »
Javert s'inclina avec déférence, inconscient de la présence de Valjean à ses côtés, se laissant capturer la main. Valjean fut surpris de sentir le muscle si crispé sous ses doigts. Et le pouls si rapide.
« Reconnaissez-vous des gens, messieurs ? »
Tenter le tout pour le tour. Javert essayait de soutirer des informations avec un sourire et des yeux amusés... Ne pas montrer la tension derrière ce sourire. Les doigts de Valjean le caressèrent, apaisant le cœur affolé.
« Oui, ça c'est Jules, le serveur. En train de se charger de ce vieil Henri. Toujours aussi attentionné, hein Marc ?
- Voici le jeune Beautrelet. Un beau jeune homme, il est toujours avec son Émile. Un joli petit couple, n'est-ce-pas ?
- Dommage que Beautrelet doive se marier dans un mois...
- La Paimpolaise sera toujours là. »
A chaque nom, un feuillet était posé. Un autre et un autre, les deux hommes se piquaient au jeu. Tiens, c'est Léonard ? Et là, Roussel ? Mais je le croyais marié ? Et cela continua lorsque enfin, le vieux Pierre lança :
« Et voilà Victor et François, avec leur ami Jules. Un beau trio ceux-là. Farouches mais François a de beaux yeux. Victor ne le laisse jamais loin de lui.
- Jaloux ?, demanda en souriant Valjean.
- Tout le monde n'est pas si généreux que votre ami, M. Jean. Je le remercie de m'avoir permis de danser avec vous.
- Je veux juste faire plaisir à Jean, rétorqua Javert.
- Merci Jacques. »
Un sourire un peu trop appuyé, Javert voulut arrêter Valjean avant qu'il n'aille trop loin dans son rôle mais ce fut trop tard. Se sentant de trop, les deux sources d'information saluèrent et quittèrent la table. Javert en fut atterré.
« Merde... , souffla Javert.
- Je suis désolé Javert. »
Ne sachant pas quoi faire, Valjean décida de rester crédible. Il glissa une main sur la joue de Javert, laissant ses doigts se perdre dans les favoris, doux et épais. Valjean fut surpris par leur douceur. Javert ne manqua pas son regard étonné et eut un sourire contrit, se méprenant sur ce que pensait Valjean.
« Coup de couteau.
- Pardon ?
- J'ai des favoris parce que j'ai une vilaine cicatrice d'un coup de couteau sur la joue gauche. Cherchez ! »
Les doigts poursuivirent leur exploration et touchèrent en effet une ligne, épaisse, presque droite cachée dans l'épaisseur du poil.
« Que s'est-il passé ?, » demanda Valjean, ne préférant pas s'attarder sur l'image qu'ils devaient offrir tous les deux, si proches l'un de l'autre, sa main caressant la joue du policier, comme on caresse un chien.
Son monde avait vraiment sombré dans l'absurde un jour donné.
« Sans importance. Embrasse-moi ! »
Putain ! L'homme était vraiment un bon acteur. Les lèvres se rejoignirent et Valjean fut celui qui força la bouche à s'ouvrir cette fois et il apprécia de sentir Javert céder sous son pouvoir. Approfondissant le baiser.
« Tu veux monter ce soir ? »
Valjean rougit et se recula, douché. Javert sourit et caressa à son tour la joue de l'ancien forçat, touchant la barbe blanche, si soyeuse. C'était tellement plus intime que la première fois !
« Attention petite Fleur-de-Bagne, tu es en train de surjouer.
- Javert, rit doucement Valjean.
- Rentrons ou tu vas dire des bêtises. »
Javert se recula et se leva. Même scène que la dernière fois, les deux hommes quittèrent la Paimpolaise sur des promesses de retour. Javert ne pressa pas Valjean contre le mur, ils n'étaient pas filés cette fois. Le retour fut plus facile, le froid était vif mais la pluie n'était pas là.
Valjean hésita devant la porte, il se tourna vers Javert et murmura :
« Veux-tu un dernier verre ? »
Chacun put noter le tutoiement. Cela fit naître un sourire sur les lèvres de l'inspecteur.
« Bonne nuit Valjean. Tu as trop bu ce soir. »
Javert acceptait de le tutoyer. Valjean prit cela comme une nouvelle victoire tandis que Javert partait à nouveau dans la nuit.
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