Conscient ?

Valjean pria longtemps. Il revint plusieurs fois au chevet du policier. Javert ne reprit pas conscience. Il s'éteignait doucement. Vaincu par la drogue, il s'affaiblissait.

Valjean pria...pria...pria...

Vidocq vint aussi veiller le policier, ainsi que M. Chabouillet. Cette veille ressemblait de plus en plus à une veillée mortuaire.

Le médecin n'était pas confiant.

Valjean s'approcha de Javert et lui lança, la voix pleine de reproche, tellement désespérée.

« Me sauver de moi-même et me claquer entre les pattes. Tu es vraiment un salopard. »

Et les heures passaient.

Cosette rejoignit aussi son père, surprise de le voir aussi touché. Cosette n'était pas une idiote et elle se souvenait de ce policier toujours à leurs trousses. Elle ne comprenait pas la tristesse de son père.

« Papa, tu devrais te reposer.

- Mais s'il venait à... S'il venait à...et que je ne sois pas là...

- Papa, tu n'aideras personne si tu t'écroules de fatigue ou si tu fais un malaise en plein hôpital. »

Cosette parlait sagement mais Valjean avait du mal à quitter la chambre de l'inspecteur.

Javert était de plus en plus faible. Son pouls s'affaiblissait. Son souffle se raréfiait. Valjean ne savait pas quoi faire pour le ramener à lui.

Valjean était désolé de cette situation.

Vidocq était désolé de cette situation.

Gisquet était désolé de cette situation.

Chabouillet était désolé de cette situation.

Mais la colère commençait à prendre la place du désespoir chez Jean-Le-Cric. Il s'approcha de Javert, égaré dans son coma et l'apostropha violemment :

« Allez-y Javert ! Mourez puisque vous n'êtes bon qu'à cela ! Vous suicider ! Qu'est-ce que j'aurai du faire, moi ? A Toulon ? Dix-neuf ans de haine ! J'ai tout perdu moi aussi ! Une vie de perdue ! Et je suis toujours là, je n'ai jamais abandonné ! »

Puis plus près de l'oreille, Valjean souffla un seul mot « Lâche ! »

Et il quitta la chambre en claquant la porte, inconscient des regards posés sur lui...

Il ne revint plus à l'hôpital.

Voir Javert s'éteindre doucement lui avait suffi.

Et le lendemain, un clair soleil de juin retrouva Valjean dans son jardin de la rue des Filles-du-Calvaire, massacrant un parterre de roses en voulant les nettoyer. Essayant de conserver son calme et de ne pas penser à Javert...mourant...abandonnant le combat...

« Il est réveillé, clama une voix joyeuse derrière lui.

- Quoi ? »

Roussin, un visage lumineux, un sourire éblouissant, Valjean ne comprenait pas.

« Javert est réveillé. Il n'est pas encore sauvé mais il est réveillé. Je suis venu te chercher. Le rabouin veut te voir. »

Cette fois, Valjean avait compris et s'empressa de suivre l'ancien forçat. Il ne changea pas de vêtements et arriva en pantalon boueux dans la chambre de l'hôpital, tout à coup intimidé.

Javert était réveillé, c'était vrai. Un ciel de brouillard à la place des yeux. Les brumes du laudanum l'empêchaient de se concentrer. Dieu ! Il était vivant !

Valjean ne remarqua ni la présence de M. Chabouillet, ni celle de Vidocq, il se précipita sur le blessé. Javert était si pâle, le visage émacié, les cernes violettes sous les yeux. Il était vivant !

« Javert ! Merci mon Dieu !

- Valjean ?, murmura une voix rauque et affaiblie.

- Tu as demandé à me voir ?

- J'ai du mal à penser... Cette fichue drogue... »

Javert tenta de se redresser. Vidocq se leva et vint aussitôt le forcer à se recoucher. Valjean joignit ses efforts à ceux de l'ancien chef de la Sûreté. Javert gémit en sentant les mains se glisser sur son torse. Ses côtes fêlées ! Ses poumons ! Sa fierté !

M. Chabouillet s'était levé à son tour et avait rejoint les deux hommes auprès de l'inspecteur.

« Doucement Javert, lança le secrétaire de la préfecture avec inquiétude.

- Je ne sais pas...combien de temps..., » souffla Javert.

Ses mains cherchaient à s'accrocher à quelque chose, Valjean les saisit, horrifié par leurs bandages, leur force ridicule. Javert serrait les doigts du forçat comme un homme qui se noie s'agrippe à une bouée.

« Javert !, ordonna M. Chabouillet. Reposez-vous !

- Valjean. Tu dois savoir... Tu dois... »

Le cœur s'affolait. On contemplait le policier se battre contre l'oubli avec consternation.

« Qu'est-ce que je dois savoir ?, demanda doucement Valjean.

- Ta sœur... Ta sœur...

- Ma sœur ? Jeanne ?

- Je suis désolé... Valjean... Je ne... »

Et le policier sombra dans l'inconscience avec un timing parfait. Juste ce qu'il fallait pour tourmenter Valjean.

Les heures passèrent. Vidocq et Chabouillet durent partir. La nuit tombait. Valjean n'arrivait pas à quitter le chevet de l'inspecteur.

Sa sœur ? Jeanne était morte ! Jamais M. Madeleine n'avait retrouvé la trace de sa famille. A Montreuil, il avait fait quelques recherches mais la présence toujours menaçante du chef de la police l'avait retenu. Se pourrait-il que Javert ait fait une découverte ?

Valjean s'était levé et faisait les cent pas, alarmé, angoissé, énervé...

« Je t'interdis de mourir, Javert, tant que tu ne m'as pas expliqué ce que tu voulais dire. Tu m'entends, bougre d'imbécile ? »

Et on vint chasser l'ancien forçat de la chambre de l'inspecteur puis de l'hôpital, l'heure des visites était depuis longtemps dépassée.

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