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La semaine sembla passer à une lenteur exaspérante pour Louis. Il n'avait cessé de penser à Harry. Il avait eu beau tenter de se changer les idées, de se jeter à corps perdu dans le travail, rien n'y avait fait. Les yeux verts émeraude du jeune homme n'avaient pas quitté ses rêves, éveillés comme inconscients et ça l'énervait particulièrement. Il savait que ce n'était pas judicieux, il savait que le mieux à faire était d'appeler sa mère pour annuler pour mercredi. Mais il ne le fit pas. Parce que c'était plus fort que lui, il voulait le revoir.

Et peut-être qu'il arriverait à se convaincre, en l'ayant sous les yeux, que ce bel homme était tout à fait hétéro et donc pas pour lui.

Ce mercredi-matin-là eut donc une saveur toute particulière pour Louis. Il se prépara peut-être avec un peu plus d'attention qu'il ne le faisait habituellement et passa sûrement un peu trop de temps à se coiffer par rapport à l'accoutumée, par rapport à un jour normal où il devait simplement aller voir sa mère et emmener les jumeaux au jardin. Il fut aussi bien plus enthousiaste à prendre sa voiture et à rouler jusqu'à la maison familiale.

En fait, pour tout dire, il était même parti bien plus tôt que d'habitude, pris par son enthousiasme tout en se convainquant tout le long du chemin que ce n'était pas si grave vu qu'ils ne s'étaient pas donnés d'horaire avec Harry et que ce dernier pouvait tout à fait se trouver au jardin très tôt.

Ce fut donc avec un étonnement non dissimulé que Johannah vit arriver son fils juste avant le déjeuner. Il était habituel que ce dernier vienne lui rendre visite le mercredi et parfois le week-end vu qu'il était instituteur et donc libre ces jours-là, mais si tôt, c'était inédit. Lui à qui il fallait habituellement des coups de pied aux fesses pour sortir du lit.

- Lou ! S'exclama-t-elle en le serrant contre elle. On te manque tant que ça que tu viennes avec plusieurs heures d'avance ? S'enquit-elle en le faisant entrer, l'air de ne pas être totalement dupe.

- Salut m'man ! Moi aussi je suis content de te voir ! Se moqua gentiment le mécheux. Ne me dit pas que tu vas te plaindre en plus ? En général, tu râles parce que je ne viens jamais assez longtemps ! Constata-t-il sur le ton de la plaisanterie.

- Mouais... disons que je te connais un peu Lou, peut-être parce que c'est moi qui t'ai fait... et même si je sais à quel point tu aimes ta famille et quel plaisir tu prends à emmener les jumeaux au jardin, je m'étonne quand même de ta soudaine passion pour cet endroit.

Louis soupira, comprenant que Doris et Ernest avaient dû vendre la mèche sur sa rencontre avec le beau bouclé à leur mère. Il aurait dû s'en douter, les enfants n'étant généralement pas très doués pour tenir leurs langues. Il était donc inutile pour lui de nier ou de tenter d'esquiver la question. Louis connaissait trop bien sa mère pour savoir que c'était inutile. Elle ne lâcherait pas l'affaire de si tôt, quoi qu'il fasse. Et puis, s'il devait encore se servir des jumeaux comme alibi pour revoir Harry, autant se montrer honnête avec elle et gagner ainsi une complice.

Après s'être installé sur une des chaises de bar de la table de la cuisine et s'être fait servir un thé aux fruits rouges, Louis se lança.

- Qu'est-ce qu'ils t'ont dit ? Demanda-t-il, une pointe d'ironie au fond de la voix.

Il perçut dans l'éclat des yeux de sa mère qu'elle était ravie qu'il aborde le sujet de lui-même, sans même qu'elle n'ait à le torturer pour obtenir ce qu'elle voulait.

- Oh... pas grand-chose... juste que tu avais passé pas mal de temps avec un jeune homme aux cheveux bouclés et que vous étiez copains. Ernest a même ajouté que vous alliez peut-être vous faire des bisous...

Nouveau soupir.... blasé celui-là. Louis eut pour son petit frère à cet instant très précis des pensées peut-être attendries, mais pas très sympathiques pour lui.

Petit traître !

Ce petit chenapan ne retenait que ce qui l'arrangeait... ou alors avait-il juste su lire dans le cœur de son grand frère ? Quoi qu'il en soit, Louis n'avait plus qu'à avouer et supporter l'enthousiasme un peu trop... débordant (?) de sa génitrice. Il aimait sa mère, là n'était pas la question, il l'adorait même, mais quelque fois son côté empressé de le voir se caser lui pesait. Mais il n'y avait rien de méchant dans la démarche, juste la préoccupation normale d'une mère quant au bonheur de son fils. Et Louis ne pouvait s'en plaindre.

- J'ai effectivement fait la connaissance d'Harry au jardin. Expliqua-t-il en jouant avec sa petite cuillère pour éviter le regard qu'il devinait à la fois curieux et excité de sa mère. Il est grand, beau, avec des yeux verts magnifiques et un sourire timide qui fait ressortir ses fossettes...

- Mais ? Je sens qu'il y a un mais... insista Johannah qui connaissait bien son fils.

- Il est papa, maman. Il a une petite fille de 15 mois... tu sais ce que ça veut dire... soupira-t-il, résigné.

- Non, pas vraiment. Répondit-elle avec un naturel déconcertant. Mais devant le sourcil relevé de son fils, elle se sentit obligée d'expliquer que ce qu'elle trouvait pourtant tellement évident. Chéri, de nos jours tout le monde peut être parent... homosexuels, hétérosexuels, célibataires... ça n'a plus vraiment d'importance... tu devrais le savoir.

- Je sais, mais...

- Mais quoi ?

Nouveau soupir, exaspéré cette fois.

- Ok, admettons qu'il soit gay... souffla Louis, combattant du mieux qu'il pouvait l'infime espoir que les mots de Jay venaient d'éveiller en lui. Admettons, même si je n'y crois pas deux secondes, tu conviendras tout de même qu'il est sans doute en couple pour avoir eu un bébé. Il passa une main nerveuse dans ses cheveux avant de reprendre d'une voix douce. Et ce n'est pas parce qu'il a passé un peu de temps avec moi qu'il est forcément intéressé. Il est peut-être juste poli ou bien il n'avait juste personne d'autre avec qui parler ce jour-là.

- Et c'est donc pour cette raison, d'après toi, que vous devez vous revoir aujourd'hui...? Parce qu'il n'avait personne d'autre avec qui passer son mercredi après-midi. Remarqua Jay en riant légèrement. Mon chéri, tu devrais avoir un peu plus confiance en toi et en ton charme naturel.

- Mon charme naturel ? Tu veux rire ? Grinça le jeune homme en sentant ses joues se colorer. Si j'avais un tant soit peu de charme, je serais en couple avec une tripoté de prétendants attendant que la place se libère. Je ne serais pas seul aujourd'hui à espérer après quelqu'un qui ne me regardera sans doute jamais.

- Tu es juste tombé sur les mauvais... une bande d'idiots bien trop aveugles pour voir la perle qu'ils avaient entre leurs mains. Peut-être que cet Harry sera un peu plus intelligent... et arrête de l'imaginer inaccessible. Doris m'a dit que c'est lui qui t'avais proposé de vous revoir.

Les pensées peu charitables de Louis s'envolèrent cette fois vers sa sœur. Il n'avait même pas remarqué qu'elle avait entendu leur échange. Ces gamins étaient décidément impitoyables.

- Chéri, celui qui partagera ta vie sera un vrai chanceux... arrête de t'imaginer tel que tu n'es pas. Commenta Jay d'une voix douce en caressant gentiment le bras du mécheux.

Louis rougit légèrement en l'entendant parler ainsi. Même s'il savait qu'il s'agissait là de mots bien trop maternels pour être réels, ça le touchait. Sa mère avait au moins une haute opinion de lui, et c'était déjà énorme.

Plutôt que de répondre et risquer de débuter un débat houleux et sans fin, il préféra prendre une gorgée de son thé. Il tentait de mettre en ordre ses idées sans pour autant succomber aux affres de l'espérance qui bataillaient en lui pour gagner son cœur. Il ne devait pas se laisser aller et tomber dans ce piège, il le savait. La chute serait bien trop douloureuse en cas de désillusion et cette désillusion ne pourrait qu'arriver. Ça aussi il le savait.

Il avait la sensation qu'Harry n'était absolument pas gay ou, en tout cas, absolument pas pour lui. Il était bien trop gentil et sexy, bien trop parfait et adorable pour qu'il en soit autrement. Oui, il s'était déjà fait son opinion même s'il ne l'avait vu qu'une seule fois et ce Dieu vivant ne se rabaisserait jamais jusqu'à lui, il le savait. Sinon, Louis aurait eu une chance insolente. Or ça faisait bien longtemps qu'elle l'avait fui, la chance, n'est-ce pas ?

En tout cas, en ce qui concernait ses relations amoureuses qui n'avaient été que déception et souffrance. Non, il devait y avoir forcément quelque chose qui irait de travers et Louis ne voulait pas devoir encore ramasser son cœur brisé en même temps que sa dignité à la petite cuillère. Le jeune homme décida donc de ne pas se monter la tête et d'y aller pas à pas. Oui, il allait apprendre à connaître le bouclé et s'il s'en faisait un ami, ce serait déjà ça.

Oui, ce serait déjà pas mal.

*

Voilà une demi-heure que Louis était assis sur le même banc que la dernière fois. Les jumeaux jouaient dans la cabane et lui ne faisait que scruter le portillon à l'entrée. Il se sentait ridicule, mais c'était plus fort que lui. Déjà en arrivant, il n'avait pu s'empêcher, malgré toutes les promesses mentales qu'il s'était faites sur le chemin, de scanner l'endroit du regard dans l'espoir de trouver un grand bouclé accompagné d'une petite princesse brune. Et comme à chaque fois qu'il venait ici, il n'avait vu que des mamans et des nounous. Certaines donnant le biberon aux plus petits, d'autres surveillant le tourniquet et organisant les tours pour que tout le monde puisse en faire. Certaines pianotaient sur leurs portables, d'autres lisaient, bref la vie normale d'un jardin d'enfants quoi.

Mais nulle part trace d'Harry...

Son attention fut vite captée par Doris qui avait envie d'aller aux toilettes. Et tout en accompagnant la petite fille, ses pensées ne cessaient de le torturer. Peut-être que le bouclé ne lui avait proposé de le revoir que par pure politesse et ne comptait pas venir. Peut-être même qu'il l'avait totalement oublié, bien trop occupé avec sa femme ou son petit-ami...

Lorsqu'il sentit son cœur se serrer fort à ces pensées, Louis comprit que malgré toute sa bonne volonté, l'espoir que sa mère lui avait insufflé était bel et bien présent en lui et l'avait bel et bien empoisonné. Il tenta de chasser toutes ces pensées négatives en se concentrant sur sa sœur, en veillant à ce qu'elle se rhabille comme il faut et qu'elle n'oublie pas de se laver les mains. Il paya d'une pièce la femme d'entretien en la remerciant et retrouva son frère qui l'attendait sagement devant la porte, comme il le lui avait demandé.

Lorsqu'il retourna sur le terrain de jeu, il ne leva pas la tête cette fois. Il se contenta de s'asseoir sur le même banc et de jouer sur son téléphone pour passer le temps et surtout tenir occupé son esprit. Après tout, il ne connaissait rien d'Harry. Ils avaient passé un bon moment ensemble, mais il n'y avait aucune raison pour qu'il se sente si désespéré de ne pas le revoir. C'était même ridicule, n'est-ce pas ? Tout en rageant contre lui-même intérieurement et en s'acharnant sur son jeu, il ne fit pas attention qu'il n'était plus assis seul.

Ce furent les cris de joie de Doris et Ernest qui lui firent lever la tête. Il vit les jumeaux se jeter littéralement sur Harry qui les serra contre lui en riant. Erine se trouvait à ses pieds et riait de le voir ainsi enseveli sous les deux autres enfants. Il fallut quelques secondes à Louis pour qu'il réalise qu'il était enfin là, qu'il était réellement là et qu'il s'était assis auprès de lui tout seul, sans que rien ne l'y oblige. Son cœur s'emballa un peu et lorsque son regard croisa celui d'Harry, il sentit ses joues chauffer un peu. Un sourire radieux naquit sur ses lèvres, que le bouclé lui rendit en faisant ressortir ses si jolies fossettes.

Louis tenta bien d'ignorer son cœur qui avait loupé un battement avant de s'emballer comme un fou. Il tenta bien d'ignorer le doux frisson qui lui avait traversé l'échine. Il tenta, mais sans grand résultat, car le mécheux se trouvait totalement déstabilisé par ses réactions qu'il ne reconnaissait pas. Il ne les avait jamais eues avant, pour personne, et ça l'inquiétait qu'il puisse les éprouver pour quelqu'un qui lui était presque inconnu.

- Salut ! Souffla Harry, son teint prenant doucement une jolie teinte carmin.

- Salut ! Sourit timidement Louis ne pouvant détacher son regard du bel homme qui lui faisait face.

L'instant aurait pu être gênant, sans doute, mais ce ne fut pas le cas. Leurs orbes restèrent accrochés un long moment que ni l'un ni l'autre n'auraient su quantifier tant ils se perdaient dans la couleur unique de leurs regards. L'instant aurait pu être parfait, si d'aventure, cette communion silencieuse avait eu lieu dans un endroit où ils n'auraient été qu'à deux, libres de s'admirer en silence...

Mais ils étaient bel et bien dans un jardin d'enfants, accompagnés de trois petits monstres adorables, mais ô combien turbulents qui les firent revenir à la réalité. Doris avait soif, Ernest un peu trop chaud et la petite Erine, et bien ma foi, elle voulait un câlin du beau châtain aux yeux bleus qui semblaient si doux et si gentil.

Louis, sans se départir de son calme et de son éternelle patience, réussit en quelques secondes et sous le regard admirateur d'Harry à retirer le gilet d'Ernest, donner sa gourde à Doris et prendre Erine sur ses genoux pour lui faire un gros bisou et la serrer contre lui. Des années d'expérience de frère aîné ça aide dans ces cas-là. Peut-être même bien plus que son expérience d'instituteur. Une fois que chacun eut sa petite attention, ils partirent tous les trois s'amuser dans le bac à sable, les grands prenant bien soin de la plus petite qui marchait encore avec hésitation.

- Tu n'es pas croyable, commenta Harry, les yeux brillants.

- Pourquoi ?

- Tu as réussi à les gérer tous les trois sans cris et sans crises et tout le monde est content... je ne sais pas comment tu fais. Expliqua le bouclé en passant une main dans ses boucles brunes pour tenter de les remettre en place.

- Question d'habitude ? Proposa Louis en riant. Je suis certain que tu aurais fait aussi bien.

Harry fit une petite moue dubitative peu convaincue, mais laissa tomber. Louis ne renchérit pas non plus, bien trop occupé à admirer la beauté, les traits fins et les fossettes du bouclé face à lui. L'après-midi passa malheureusement très vite, voire trop vite. Les discussions sans fin des deux nouveaux amis les empêchèrent de voir le temps filer et il était déjà malheureusement temps de partir. Les deux jeunes hommes se serrèrent la main, tous deux déçus que l'instant ne puisse pas durer plus longtemps et un long frisson les parcourut au même instant. Troublés, ils se détournèrent rapidement l'un de l'autre pour s'occuper des enfants tout en se promettant de se revoir la semaine d'après, même jour et même endroit.

Ce fut donc à la fois déçu et euphorique que Louis rentra chez sa mère. Déçu de ne pas avoir trouvé le courage de demander à Harry son numéro de téléphone pour l'enregistrer précieusement dans son répertoire et pourquoi pas le graver également dans sa mémoire. Euphorique à l'idée du rendez-vous pris, même s'il ne s'agissait là que de simples retrouvailles entre amis. S'il devait être tout à fait honnête avec lui-même, à cet instant précis, il avait les idées en vrac et le cœur en déroute, totalement perdu par tous les sentiments qui l'assaillaient. La seule certitude qu'il avait était que ses rêves seraient sans doute désormais peuplés de vert émeraude et de fossettes joliment dessinées.

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Voilà la deuxième partie. 👍👍Toujours aussi légère malgré les doutes de Louis... 🤗 une Johannah complice et plutôt adorable et deux personnages assez timides, le décor est posé! ^^😊

J'attends vos réactions, comme toujours. 👏👏👏

La suite demain. 👍Bisous mes anges. 😘😘

💚💙

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