8 et 9 janvier 2015


Clifton, en tant que chef et représentant, fut celui qui accueillit les invités. Toutefois, seul l'un d'eux parlait anglais et un anglais assez limité. Janna se dépêcha de se préparer. Alors que d'habitude elle dissimulait ses traits vampiriques avec du maquillage, ses amis furent étonnés de voir qu'elle les avait mis en valeur. Elle avait noué ses cheveux bruns en une queue de cheval haute, rehaussé d'un trait d'eye-liner et d'un rouge à lèvres très rouge. Et c'était tout. Ses iris orange étincelaient et sa peau diaphane ne pouvait être confondue avec celle d'un humain. Clifton invita les Russes à s'installer autour de la table et Janna s'assit en face d'eux, souriante, et ses canines transparaissant légèrement. Clif ne fit toutefois aucun commentaire et rejoignit les autres sur les canapés, non loin de là. Liz murmura un « est-ce normal ? » et leur chef hocha simplement la tête. Il supposa que Janna souhaitait, dès le départ, montrer à leurs invités qu'ils se trouvaient chez elle et qu'ils n'avaient guère intérêt à poser un quelconque problème.

L'un des hommes sortit immédiatement une pochette avec le contrat qu'ils avaient signé avec l'Agence et Janna fit une remarque. Ni Aurae ni les autres membres de l'équipe ne comprenaient un mot de russe, mais, aux tons des différentes voix, la situation semblait déjà très tendue. La vampire poussa alors un soupir exaspéré.

— Hayden, passe-moi ton ordinateur, veux-tu ?

L'Irlandais acquiesça immédiatement, se leva et tendit l'objet à Janna. Cette dernière le remercia d'un hochement de tête, pianota quelque chose en cyrillique dans la barre de recherche et indiqua l'écran à l'équipe russe. Hayden, en passant, reconnu le site regroupant les lois concernant les vampires. Les invités se turent quelques instants, le temps de la lecture. Leur chef se lèva alors, furieux, en tapant du poing sur la table. Hayden et Aurae pensèrent à intervenir, mais Liz et Clif les retinrent. Janna ne prit pas la peine de bouger et se contenta de jeter un regard ennuyé à l'homme. Il tenta de soutenir son regard, mais les iris orangés, de la couleur de la monarchie vampirique, lui donnait des frissons. Et puis il ne savait que trop bien ce qu'il advenait de ceux qui essayaient d'envahir un territoire d'une créature surnaturelle. En plus d'être illégal, c'était incroyablement dangereux. Le chef russe observa Janna de nouveau. Froide. Inflexible. Il avait la terrible impression qu'elle pouvait lui arracher le cœur s'il prononçait encore une mauvaise parole, comme s'il avait abusé de la patience de la reine. D'ailleurs, aurait-il dû mieux se comporter avec elle ? Pris d'une panique soudaine, il s'excusa, déchira le contrat et annonça que, bien évidemment lui et son équipe renonçaient à toutes fouilles en ces lieux. Pour toujours. Sur ces paroles, il s'enfuit avec ses hommes aussi rapidement que possible.

À peine eut-il fermé la porte que les yeux de Janna reprirent leur azur habituel et elle éclata de rire.

— Mais quelle bande d'imbéciles.

Ses amis lui jetèrent un regard ébahi, peu habitué à entendre la vampire s'exprimer ainsi.

— Ils ont tenté de faire prévaloir notre contrat sur la loi. Ils ont essayé de me menacer. Chez moi. Mais leur chef a fini par rassembler son bon sens.

Aurae lui tendit une tasse de café bien méritée.

— La loi sur les territoires vampiriques prime sur tout, si ma mémoire est bonne, n'est-ce pas ?

— En effet. Seul le décès d'un vampire, de ses descendants biologiques et de ce qui constituait son clan peut permettre à un autre individu de le récupérer. Les rares fois où cela arrive, c'est le chef vampire le plus proche au niveau géographique qui récupère le territoire afin d'étendre le sien. En général, les humains n'y voient aucun inconvénient, car la criminalité sur les territoires est toujours très basse.

Liz, qui s'intéressait à ce sujet depuis longtemps, en profita pour poser la question qui la tourmentait depuis des années.

— Pourquoi ?

— Pourquoi quoi ?

— Pourquoi la criminalité humaine est-elle si basse sur vos territoires ? Vous êtes des sortes de justiciers ?

Janna manqua de s'étouffer avec son café.

— Absolument pas. Les vampires sont pacifiques de nature. Nous n'apprécions guère nous battre ni les conflits. La plupart d'entre nous aiment juste vivre notre éternité tranquillement. Or, lorsqu'une ville humaine se trouve sur notre territoire, le calme instauré est dérangé par vos crimes, peu importe leur gravité. Alors, dès le départ, les chefs vampires envoient leurs conseillers pour menacer forces de l'ordre et population locale... Les prévenir que s'ils ne se tiennent pas tranquilles les terrifiants vampires leur feront payer. L'information se répand partout, et se transmet de génération en génération, au niveau de la police, des habitants et des politiques locaux. Et si besoin, un conseiller est envoyé tous les cinquante ou cent ans pour raviver la peur.

Liz fronça les sourcils.

— Tu veux dire qu'en vérité, vous ne faites absolument rien ?

— Rien du tout dans la majorité des cas. Il existe de très rares villes où la police a demandé de l'aide aux vampires locaux pour une affaire. Mais sinon, à moins que l'un des nôtres devienne fou et que l'on doive l'arrêter, on ne se mêle pas de vos problèmes. Je te l'ai dit Liz, les vampires sont pacifiques. Particulièrement moi, en tant que reine. Je suis l'incarnation de ce symbole, du vampire qui ne se bat qu'en dernier recours.

— Ne te vexe pas, mais vous faites bien semblant. Pour paraître méchant, je veux dire.

— Je sais. Le seul fait de grogner sur un humain suffit à le faire partir, alors pourquoi se battre ? Pourquoi verser le sang si l'on peut juste repousser les problèmes ?

— Je vois. Je comprends. Enfin, je conçois ton, ou plutôt votre point de vue. Je suppose qu'à force de vivre longtemps, on a envie d'être tranquille.

— Tout à fait.

Clifton se servit un café et apporta des biscuits.

— Je te remercie d'avoir réglé si rapidement ce problème ma petite Janna.

— Je t'en prie.

— À présent, nous allons pouvoir continuer nos fouilles sans inquiétude aucune, pendant tout le temps qu'il nous reste. Si l'on se débrouille bien, nous aurons même le temps de visiter les vestiges des maisons des habitants avant que nos visas ne se terminent.

Ou du moins, c'était ce qu'ils croyaient. Moins de vingt-quatre heures plus tard, un papier était cloué à la porte du gîte. Janna soupira en traduisant à ses amis.

« Partez, adorateurs du démon. »

— L'altercation à Staraïa Roussa a dû faire plus de bruit que je ne l'imaginais.

Aurae posa la main sur son avant-bras.

— Je suis désolée Janna. Si Liz et moi on avait fait plus attention...

— Tu n'as pas à t'excuser. Et surtout pas pour ça. Leur haine n'a pas de limite, tu n'es pas responsable.

La vampire sourit à l'anthropologue et ils entrèrent tous dans le gîte préparer le repas, oubliant vite l'incident, espérant qu'il ne s'agisse là que d'un cas isolé. Malheureusement, dès le lendemain matin à l'aube, on frappa à leur porte. Ils hésitèrent. Devaient-ils envoyer Janna pour parler en russe, au risque de les énerver, car elle était une vampire ? Leur réflexion fut coupée au bout de quelques minutes.

— Nous parlons anglais ! Ouvrez et éloignez le monstre !

Malgré leur très fort accent, leur interlocuteur était parfaitement compréhensible. Hayden se leva.

— Chef, accompagne-moi. D'après les rumeurs, les femmes ne sont pas tellement respectées par ici.

— Je te suis.

Liz et Aurae soupirèrent, se sentant inutiles dans cette situation. Toutefois, elles savaient que face à une milice locale, leur genre ne ferait que les desservir et potentiellement aggraver la situation.

Hayden ouvrit la porte et fut soudain reconnaissant de son mètre quatre-vingt-quinze. Les deux hommes devant lui, malgré leurs carrures imposantes, semblaient presque fragiles face à l'armoire à glace qu'avait toujours été Hayden. Ce dernier remarqua d'ailleurs que, d'inquiétude, ils posèrent peu discrètement la main sur leurs revolvers.

— Bonjour messieurs. Que pouvons-nous faire pour vous de si bonne heure ?

Le plus gradé leva la tête et toisa Clifton, avant de tenter de fixer Hayden.

— Nous appartenons à la milice anti-vampires de Staraïa Roussa et environ. Il a été porté à notre connaissance que votre groupe comptait l'un de ces monstres.

Le géologue prit une grande inspiration afin de répondre calmement.

— En effet, l'une de nos archéologues est une vampire. Et l'une de vos compatriotes qui plus est.

Cette dernière phrase énerva les miliciens, qui grimacèrent de dégoût.

— Les caméras ont vu le visage de cette femme. Et ses yeux orange. Elle est le démon des livres d'Histoire. La reine meurtrière. Nous demandons réparation pour nos ancêtres massacrés. Et un dédommagement. Les vies des deux femmes qui vous accompagnent par exemple.

Clifton et Hayden, choqués par tant d'ignominie, ne purent répondre immédiatement. Janna, par contre, réagit au quart de tour. Elle se positionna entre ses deux amis et les Russes. Iris luisants et crocs dehors, elle grogna sur eux.

— Faîtes un pas dans cette maison et vous êtes mort. Sortez vos armes et vous êtes morts. Aujourd'hui, nous irons chercher des billets pour rentrer en Angleterre dès que possible. D'ici là, pendant les quelques jours qu'il va rester avant notre départ, vous allez nous laisser tranquilles. Et pour rappel, actuellement, vous êtes chez moi. Puisque l'Histoire vous intéresse tant, allez vérifier de nouveau où s'arrête le territoire humain et où commence le mien.

— Espèce de...

— Vos paroles pourraient être les dernières, puisqu'apparemment j'ai commis un génocide de votre peuple... Je ne suis plus à ça près.

— Allez brûler en Enfers !

Sur ces charmantes paroles, les miliciens s'enfuirent jusqu'à leur van et désertèrent les lieux. Janna reprit une apparence plus humaine et poussa doucement ses amis pour entrer dans le gîte.

— Janna !

Malgré l'appel d'Hayden puis de Clif, la vampire ne se retourna pas. Elle claqua la porte de sa chambre et s'allongea sur le lit en soupirant, les larmes aux yeux. De telles insultes ne lui avaient guère manqué. Des coups discrets à sa porte la tirèrent de ses pensées. Aurae.

— Janna ? Je peux entrer ? S'il te plaît ?

— Vas-y.

— Je peux m'asseoir ?

— Je t'en prie.

Aurae s'installa au bord du lit et enroula l'une de ses mèches rouges autour de son doigt.

— Janna, je...

— Arrête Aurae, s'il te plaît. Je sais que toi et les autres vous ne me percevez pas comme un monstre. Mais vous quatre êtes une magnifique exception. À force de vivre à vos côtés, j'ai oublié que le monde n'est pas si clément.

Aurae baissa la tête, n'ayant pas le courage de soutenir le regard de son amie.

— Ces miliciens, j'ai beau les haïr, je peux les comprendre. On leur a raconté qu'il y a plus de deux siècles la reine vampire avait massacré une partie de leurs hommes. Et c'est tout. Dans leurs livres, ils n'expliquent pas que j'ai tué pour venger Doma, avant de m'enfuir de la Russie. Dans leurs livres, ils ne disent pas que si les leurs ne nous avaient pas attaqués, il n'y aurait jamais eu de massacre... Que si les humains ne nous avaient pas haïs si fort, il n'y aurait eu aucune perte des deux côtés. Mais plusieurs siècles ont passé et il est trop tard. Youri, Artiom et moi sommes les seuls vampires encore vivants de l'attaque de Doma. Les seuls à nous souvenir. Mais du côté des humains, il ne reste bien sûr plus personne de cette époque. Plus personne pour rétablir la vérité de leur côté.

— C'est...

— Injuste. Subjectif. Biaisée. Telle est souvent l'Histoire écrite par vous autres. Alors c'est pour ça que je ne peux en vouloir à ces miliciens. Ils ne font que croire en leur héritage. Un héritage où je suis le Mal incarné. Et même si l'Agence publie ses trouvailles sur Doma, aucun humain, en Russie du moins, ne croira à ma version de la guerre. Mais ça ne fait rien. Ce n'est plus chez moi.

Aurae, dans un élan de courage, saisit la main de Janna qui reposait sur le matelas.

— Malgré tout, on a bien vu que ces insultes non fondées t'avaient fait de la peine. Et ce n'est pas parce qu'ils ont une bonne raison pour être des trous du cul que c'est une excuse !

Surprise par la grossièreté soudaine de l'anthropologue, elle d'habitude si polie, Janna ôta son bras de son visage et posa son regard sur la jeune femme. Se sentant observée, elle rougit, sa timidité reprenant très vite le dessus. Janna s'assit et serra sa main qu'elle n'avait pas lâchée.

— Je te remercie Aurae. Sincèrement. J'étais aussi énervée, car les miliciens vous ont menacé, Liz et toi. Jamais je ne pardonnerai à celui qui blesserait un membre de l'Agence. Jamais je ne permettrai qu'il vous arrive malheur.

— Je sais Janna. Tu es ma chevalière servante.

Janna sourit, amusée.

— Dois-je m'adouber moi-même dans ce cas ? Ou te donner une couronne pour faire de toi une reine ?

Aurae devint aussi rouge que ses cheveux et tenta de dégager sa main, sans grand succès.

— Je... Non ! Je suis désolée, ce n'est pas ce que je voulais dire ! Tu es la reine alors tu...

Janna se posa son autre main sur l'épaule d'Aurae qui écarquilla les yeux de surprise.

— Je te taquine, ne panique pas. Et je te l'ai dit, non ? Quand nous quitterons cet endroit, je compte enfin accepter d'écrire ma nouvelle vie. Et y être ta justicière personnelle me convient.

— Tu...

— Oui ?

— Ce n'est pas contraire à vos lois ?

Aurae avait presque crié la question et était certaine que tout le monde l'avait entendue. Toutefois, là, tout de suite, elle avait besoin de savoir. Janna la lâcha et s'assit contre la tête de lit en soupirant.

— De quoi parles-tu Aurae ? Il m'a toujours semblé clair que les vampires se fichaient pas mal du genre de leur partenaire.

— Je ne parle pas de ça Janna... L'amour de ta vie, c'était ton époux. Et il me semblait avoir lu que vous n'aviez qu'un partenaire. Pour toute votre vie.

La vampire haussa un sourcil, comprenant le problème de la jeune femme.

— Ce n'est pas exact. Ceci est une erreur d'interprétation de notre culture de la part des humains et, je l'avoue, aucun de nous n'a jamais pris la peine de corriger ce fait. Je ne pensais pas que cela aurait de l'importance un jour.

Aurae osa enfin lever la tête vers Janna.

— Nous sommes profondément monogames, c'est vrai. Et la plupart d'entre nous ne fréquentent personne avant de tomber amoureux et de trouver la personne qui partagera notre éternité. Il est vrai aussi que nous ne nous marions qu'à cette personne, celle que certains humains appelleraient l'âme sœur, je suppose. Mais l'éternité c'est très long. Et les drames arrivent.

Aurae demeura silencieuse.

— Quand un vampire ne meurt pas de tristesse et poursuit son éternité sans son partenaire, alors oui, il arrive, qu'un jour, son cœur s'ouvre de nouveau et qu'il parvienne à aimer encore une fois. Bien entendu, ça ne sera jamais pareil que son premier partenaire. Personne ne pourra prendre sa place. Mais les sentiments seront là tout de même.

Aurae baissa les yeux.

— Aurae... Je vais être honnête avec toi. Yakov était mon premier amour et l'homme de ma vie. Celui qui devait être mon partenaire pour l'éternité. Personne ne prendra jamais sa place ; ni dans ma mémoire ni dans mon cœur. Tout comme personne ne comblera le vide laissé par mes enfants. Toutefois, j'ai survécu à sa mort. J'ai survécu à son absence pendant plus de deux siècles et demi. Je n'aurais jamais d'autre homme dans ma vie, hormis ceux que je considère désormais comme ma famille. Aucun homme ne me touchera plus jamais. Par contre, il y a une femme... Une magnifique femme aux cheveux rouges et bouclés avec qui j'ai envie d'avoir ma seconde chance. Avec qui je voudrais écrire l'autre partie de ma vie.

Aurae, dont les joues avaient rougi de nouveau, déglutit.

— Je sais que les humains ne vivent pas longtemps et qu'il est probablement idiot de ma part de parier sur nous, mais je suis tombée amoureuse de toi. Et je ne sais que trop bien, qu'en tant que vampire, ce n'est pas quelque chose contre lequel je peux lutter. C'est toi et puis c'est tout. Mais maintenant que je suis enfin en paix avec moi-même, avec Doma, je peux enfin te le dire. Je sais que ton existence est en théorie plus courte que la mienne. Pourtant, j'ai décidé que l'autre partenaire de mon éternité, ce soit toi. Si tu le veux toujours.

Aurae, les larmes aux yeux se jeta sur Janna qui l'enlaça doucement, prenant garde à ne pas la serrer trop fort.

— J'accepte avec joie, Janna. Depuis ce jour où je suis tombée amoureuse de toi en me disant que j'étais stupide, car une vampire comme toi ne pourrait pas s'intéresser à la petite humaine que je suis, je prie pour ce jour.

La vampire passa une main dans les cheveux d'Aurae, qui se permit encore une question.

— N'y a-t-il vraiment aucun moyen de te suivre dans ton éternité ?

La main de Janna se stoppa net et elle soupira.

— Pas maintenant Aurae. Cette conversation n'a pas sa place ni ici ni maintenant. Plus tard, on pourra toujours discuter de ça. Plus tard, dans quelques années. Pour l'instant, laissons-nous le temps de faire évoluer notre relation, qu'en dis-tu ?

— Avec plaisir Janna. Avec plaisir.

La vampire déposa un baiser sur le front d'Aurae avant de la forcer à se détacher d'elle.

— Il est temps de rejoindre les autres et de les aider à organiser le retour en urgence en Angleterre. Le plus tôt sera le mieux. Je te promets qu'une fois à l'Agence, je t'embrasserai pour de vrai.

Aurae sourit et se remit debout d'un bond.

— Tu as raison, allons-y. Rentrons à la maison.

Clifton parvint à trouver des billets d'avion pour le surlendemain, la destination étant peu demandée et étant hors vacances scolaires. Le groupe emballa avec soin le fruit de leurs fouilles et acheva leurs valises. Hayden verrouilla un dernier coffre et se releva.

— Où est Janna ?

— À Doma, répondit Aurae. Elle a dit qu'elle avait une ultime chose à y faire. Je n'ai pas posé plus de questions.

— Je vois.

À trois minutes de là, devant la pierre annonçant l'entrée de Doma, se tenait la vampire. Elle y avait longtemps réfléchi et avait pris la décision de ne pas remettre le bouclier qui rendait les ruines invisibles. C'était désormais inutile et, de plus, cela demanderait à ce qu'elle revienne ici pour relancer le sort tous les deux cents ans environ. Et puis, à présent que les siens avaient été enterrés et que l'Agence allait publier des articles à propos de Doma... À quoi bon dissimuler totalement la cité ? Malgré tout, elle ne souhaitait pas voir des humains par ici. Sur ce qui resterait à jamais son territoire, même si elle n'y vivait plus. Les habitants de Staraïa Roussa ne méritaient pas un tel honneur. Janna avait alors opté pour un sortilège éternel, qui ne prendrait fin que le jour de sa mort. Une fois lancé, seuls les natifs d'ici et les membres de l'Agence pourraient pénétrer dans le territoire et les ruines de la cité. Les autres se trouveraient simplement confrontés à un mur invisible. La vampire toucha la pierre et y dessina des symboles abstraits, en murmurant une promesse d'éternité en russe.

Une fois le rituel achevé, elle soupira.

— Je laisse la reine Jannochka et ses souvenirs ici. À moi de créer le futur de Janna à présent.

La vampire tourna les talons et rentra au gîte où ses amis l'attendaient. Bien que ce séjour fût douloureux, Janna, cette fois, repartait de Russie avec le sourire. Avec le sourire et le cœur bien plus léger, même si une part de vide y était logée à jamais.

Quand elle monta dans l'avion, le poids de ces deux cent cinquante-sept dernières années semblait s'être considérablement allégé. Les siens reposaient en paix. Elle avait pu être honnête avec ses amis. Avec Aurae.

Quand l'avion décolla, la vampire sourit. Jannochka était la reine d'un monde disparu depuis longtemps, mais Janna avait encore l'éternité devant elle. Et cette éternité s'annonçait belle. Elle en était persuadée.

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