Intro: Boy meets evil


*

Qu'est-ce qui conduit à une tragédie? Qu'est-ce qui l'annonce? Arrive-t'elle-d'un coup? Ou fait-elle son chemin petit à petit et silencieusement dans le coeur des gens, jusqu'à prendre possession de toute une existence? Vient-elle durant la journée? Ou profite-t-elle de la noirceur qu'apporte le soleil couchant, pour rôder par ci par là chez ceux qui veulent mener une vie paisible?

Y a-t-il un indice, un événement hors de l'ordinaire pour permettre de la distinguer? Est-ce le froid d'une nuit d'automne où, les gens pressés de rentrer chez eux, ne prêteront pas attention à la silhouette malaisante et malaisée qui sillonnait prestement les rues d'une démarche saccadée? Ou est-ce le léger vent brumeux, annonçant le brouillard épais qui allait sans doute piéger la ville entre ses bras cotonneux?

Beaucoup auront une réponse à donner. Plus d'un auront vrai, quelques uns seront dans le faux. Certains diront que la tragédie est l'objet de la peur. D'autres croiront que c'est l'ambition, l'avarice qui la crée. Une personne effrontée claironnera même qu'elle est le résultat de l'être humain, de la méchanceté et de la rancoeur reflétées par ses imperfections.

La tragédie, pourtant dans l'histoire qui va être contée, n'est autre que le fruit de ce mélange d'émotions et de sentiments que l'humain jusqu'ici, n'a toujours pas réussi à comprendre et dompter: l'amour, dans sa plus pure et innocente forme.

Dans ce conte de diable et de démons, l'amour prit naissance quelque part où l'on aurait voulu qu'il ne vienne jamais et de la façon la plus étrange qui soit. On raconta qu'il se faufila sournoisement parmi les crédules et s'engagea dans une lutte acharnée contre une haine bornée qui tenta même de l'étouffer. Mais amour, têtu comme il est, sortira vainqueur et ira éclore dans un champ de ronces et d'épines, bataillant continuellement et courageusement pour survivre, grandir et fleurir.

On dit qu'il fut présent quelque part, caché, attendant le moment opportun pour se manifester. On dit que l'amour, mère de tragédie, apportera chaos et rédemption sur les terres perdues de Devil Hills...


(Devil Hills, 1er novembre année X, 4:45 a.m.)

C'était un soir d'automne. Il faisait nuit depuis un bout de temps déjà. Dehors, plus rien ne laissait croire que vie habitait le petit quartier qu'on disait hanté la nuit de Devil Hills: L'impasse Seesaw. Pourtant, à l'heure où les chandelles s'éteignaient et que les démons rôdaient dans les ombres silencieuses, une âme courrait sans prendre la peine de s'arrêter ni de reprendre son souffle.

On entendait ses pas agripper faiblement le parterre et sa respiration erratique forcer le silence des alentours. L'âme qu'on distinguait à peine dans les ténèbres, semblait fuir quelque chose que même elle ne paraissait voir ni comprendre. Elle courrait et avec elle, un épais brouillard faisait route tout le long de l'impasse Seesaw.

Une personne curieuse se serait demandée qui, à une heure aussi outrageuse, s'était osé déranger la quiétude presqu'irréelle qui planait sur la sombre ville. Mais, par ici, la curiosité était un vilain défaut qu'on éradiquait tôt chez les petits enfants. En effet, ici à Devil Hills, il valait mieux ne rien savoir, ignorer et tailler sa route en priant dieux et saints, de ne pas laisser son esprit divaguer vers ce qui ne regardait pas les bonnes gens.

Pourtant, pour une raison trouble et qui faisait paniquer ceux qui auraient voulu savoir, une personne, quelqu'un de bien brave, courrait à travers les chemins interdits et déchirait le voile du semblant de paix qu'ils avaient peiné à étendre sur la ville.

La personne dont on aurait voulu connaître le nom, courrait faiblement et pourtant, on sentait que son désir de fuir était plus fort que la peur qui faisait circuler le sang dans ses veines à une allure presque surnaturelle. On avait de la peine pour elle, on sentait son désarroi, son désir d'arriver quelque part loin, quelque part où le danger qui rodait paresseusement autour d'elle, ne pourrait l'atteindre.

On l'entendit trébucher sur ses craintes trop longtemps ignorées, tomber et se fracasser le corps. On sentit avec effroi comment lentement, elle commença à perdre tout espoir d'échapper à quoi que ce soit qui la poursuivait.

On l'entendit ramper, ses sanglots faisant écho au silence de la nuit. On l'entendit gémir, miauler même, murmurer un faible appel à l'aide que l'on préféra ignorer. Valait mieux jouer les sourds, valait mieux se couvrir la tête sous sa couette et faire comme si tout allait bien, comme si le silence bruyant de la mort ne faisait pas son chemin à travers les maisons logées dans l'impasse Seesaw.

Lorsque quelques autres prêtèrent prudemment leurs oreilles à la quiétude de la nuit, on haleta doucement, peureux, inquiet et un peu soulagé du frottement discret qui perça une seconde fois le silence de ceux qui mourraient.

On l'entendit se relever, boitiller et marcher encore un peu, son souffle s'éteignant à petit feu jusqu'à disparaitre à l'heure où les coqs commencèrent à chanter leur hymne. Puis, comme elle était apparue, aussi vague qu'un fantôme, aussi discret qu'un souffle d'air, elle disparut, laissant derrière elle un vent de terreur qui glaça alors chaque frisson de ceux qui ne dormaient plus.

(Devil Hills, 1er novembre année X, 7:30 a.m.)

Ce jour-là, au lendemain d'une soirée où un mystérieux brave avait rodé de la voie ferrée de Devil Hills jusqu'à l'impasse Seesaw où les pas se sont tus vers Dieu sait où, la basse-ville était en ébullition. Chacun voulait partager ses théories.

Certains dirent que cela avait probablement été les murmures du vent, d'autres eurent à dire que le fantôme de la femme aux dents argentées avait finalement laissé le manoir au fond de la forêt de Devil Hills, pour venir hanter les pauvres chrétiens vivants. Plusieurs scandèrent même que c'étaient simplement les ancêtres qui voulaient leur faire savoir qu'ils étaient heureux que finalement, Devil Hills connaissait une ère de paix.

Plus d'un avaient faux, trop parmi eux ignoraient le vrai.

Tous savaient pourtant, qu'une fois que les habitants du mystérieux village remarquaient un événement qui sortait de l'ordinaire, mais dans le cas de Devil Hills de l'extraordinaire, c'était que quelque chose de terrible se tramait et qu'il fallait se mettre sur ses gardes. Rien ne se faisait par hasard à Devil Hills, toute cause avait un pourquoi, toute conséquence avait un comment.

Leur curiosité trop longtemps réprimée avait aujourd'hui pris le dessus, l'envie de savoir et d'imposer son opinion était telle que les faits qui se déroulèrent par la suite, faillirent se perdre dans les méandres de leurs vociférations. Pourtant ce fut soudain, dérangeant, glaçant.

Ce fut un changement dans l'atmosphère, une baisse subite de la température qui avala avec elle, le trop plein de confiance qui faisait presque crier les uns contre les autres et ramena un certain ordre dans le désordre de leur vacarme.

Une personne dans la foule hurla alors, faisant taire le chuchotement presque inaudible des hillies, ils se regardèrent les uns plus choqués que les autres, essayant de savoir qui et pourquoi on hurlait à la mort si tôt ce matin. Un blanc passa, puis deux, ramenant chez beaucoup, une certaine crainte qu'ils avaient alors cru oublier.

Choi Soya, la femme du shérif, fit un bruit de bouche dédaigneux, se demandant depuis quand cette pauvre ville était devenue un endroit de si peu de classe lorsque, elle remarqua l'ombre d'une silhouette planer de façon morbide dans les eaux qui longeaient la forêt et la séparait du reste de la ville. Ses yeux s'agrandirent, son visage se figea d'horreur et sa bouche s'ouvrît lentement en un "oh" silencieux. Elle n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit, qu'elle s'évanouissait mollement par devant la foule.

Une adolescente qui avait suivi son regard avant son indisposition, eut alors presque la même réaction qu'elle. Les parents alors paniqués et apeurés lui demandèrent ce qui lui valait une telle expression sur le visage. Elle ne put même pas répondre, tout ce qu'elle eut la force de faire fut de pointer d'un doigt vacillant, le cadavre qui cheminait silencieusement sur les eaux. Les habitants comme des marionnettes désarticulées, se tournèrent d'un coup vers ce qui semblait être les résidus de quelqu'un qui hier encore fut.

La terreur qui engloutit alors Devil Hills, fut telle que les cris hystériques et le désarroi de l'attroupement de villageois semblèrent alerter tous les êtres vivants des alentours et les faire fuir en panique.

Un jeune homme qui passait par là, ne s'occupant que peu de ce que ces commères de hillies pouvaient bien avoir trouvé comme stupidité pour se divertir dans cette ville bien morne, s'arrêta lorsqu'une voix qu'il aurait voulu être le fruit de son imagination, hurla de la foule, faisant taire d'un coup tout le monde :

- C'est le corps de Park Yoonji!

Halètement collectif. Le jeune homme qui plus tôt était complètement indifférent à ce qui se tramait, s'engouffra parmi les habitants, se frayant un chemin parmi ces bêtes qui n'avaient d'humain que le nom.

Il bousculait, piétinait et se faufilait désespérément, espérant de toutes les fibres de son corps avoir mal entendu.

C'était un malentendu, n'est-ce pas?

Il put enfin sortir par devant l'attroupement, sur les bords de la rivière de Devil Hills où un courageux avait déjà étendu le corps gelé de la personne pour qui il aurait voulu offrir sa vie. Lentement avec une précaution qui étonna tout un chacun, il s'approcha de ce qui était maintenant les reliques de son coeur meurtri.

Il n'y croyait pas.

Ce n'était pas.... ce n'était pas... NON! Cela ne se pouvait... elle n'était pas... pas elle...

Il était en proie à une tristesse tellement amère et immense, qu'il se rendit à peine compte des larmes qui versaient à flots et qui venaient embrouiller sa vue.

Les hillies murmuraient des hypothèses les unes plus saugrenues que les autres sur le comment du pourquoi de ce qui se déroulait sous leurs yeux. Ils étaient apeurés certes, mais leur curiosité malsaine, qu'ils pensaient cachée au plus profond d'eux, s'agrandît lorsque le jeune homme qui attirait l'attention de tous, vint s'agenouiller devant la personne qui hier était.

Il lui prit doucement la main, ses mouvements un peu trop tremblants, son coeur un peu plus cassé, et avec un désarroi qui laissa tout le monde pantois, il hurla une peine terrible que gens et animaux de Devil Hills n'avaient alors jamais entendu.

Alors que le mot de fin d'un être tant chéri venait d'être écrit, les prémices d'une toute autre histoire guidée par la plume perverse de la tragédie venait de commencer, faisant trembler d'anticipation et de peur, les soit disant bonnes gens.

Il était une fois, Devil Hills.

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