Les Enfers et les Titans
•~~~{Danawhël}~~~•
Ils tombent... ils tombent... dans un trou sans fin... sans fin... Vaëma a hurlé les dix premières minutes. Elle s'est presque cassée la voix. Mais le trou est tellement profond qu'ils ont encore du temps avant d'arriver.
-La dernière fois que je suis venu, j'ai mis une semaine avant d'arriver en bas, dit Orphée.
Il sort un morceau de parchemin et se met à écrire des choses dessus.
Danawhël sort son bracelet, qui contient un Joyaux Jaune, qui produit de la lumière dans ces profonds ténèbres. Elle se met à jouer avec Vaëma. Au bout d'un moment qui leur a semblé interminable, Orphée leur lance :
-Dormez. Vous en aurez besoin. Au fait, est-ce que tu as un caillou comme ça qui chauffe ?
Danawhël lui jette un regard courroucé. Un caillou ? Elle secoue la tête en signe d'affirmation. Elle sort la petite pierre de son sac et la donne à Orphée, qui recule et sursaute au contact du Joyaux brûlant.
-Merci. Je vais essayer de faire cuire quelque chose dans les airs, comme ça on pourra se mettre quelque chose sous la dent.
Danawhël penche sa tête en arrière pour tenter de s'allonger. Elle ferme les yeux et essaye d'ignorer le sifflement de sa chute sans penser à son atterrissage.
-Au fait, dit Orphée comme s'il lisait dans les pensées, il y a une barrière qui protège le pays des morts. Si on ne fait pas d'offrande, on rejoins les sujets, et sinon, on atterrit tout doucement.
Bon. Ils avaient fait une offrande alors tout irait bien. Danawhël ne pouvait quand même pas s'empêcher de penser à la mort imminente qui allait l'accueillir en bas...
C'est alors que, dans une position plus ou moins allongée, Morphée passe chercher les deux nymphes.
Lorsque Danawhël se réveille, elle est toujours en train de tomber. Ça l'énerve, d'ailleurs, car elle n'est pas habituée aux attentes si longues. C'est une nymphe d'action ! Soudain, elle voit de la lumière en bas. Elle secoue Orphée endormi et celui ci sursaute.
-Quoi ? Ah oui, on est presque arrivés...
Et effectivement, quelques instants plus tard, il touchent un matelas moelleux qui stoppe immédiatement leur chute. Vaëma se réveille dans un grognement. Le trio reste quelques instants dans un état de suspension, puis il tombe d'un coup sur le sol dur et froid.
Danawhël se relève et époussette ses vêtements. Elle lève la tête et contemple pour la première fois les Enfers.
Plusieurs terres sont coupées par des fleuves qui se révèlent être le Styx, affluent de la haine, le Phlégéthon, rivière de flammes, l'Achéron, fleuve du chagrin, le Cocyte, torrent des lamentations, et le Léthé, ruisseau de l'oubli. A eux cinq il délimitent quatre champs bien connus :
les Champs Élysées, où reposent les âmes des héros et des bonnes personnes. Ce champs est rempli d'arbres, de fleurs, de tables pour festoyer et de prairies joyeuses.
Le Champs D'Asphodèle, où reposent les âmes des personnes dont l'existence fut apathique : banale, ni bien, ni mauvaise. Ce champs est vide, il est le plus grand des quatre mais aussi le plus rempli. C'est un désert mort où l'on s'ennuie pour l'éternité.
Le Champs des Pleurs, où se retrouvent tous les suicidés et les morts prématurés, tels que les bébés morts à la naissance, Didon (fameuse compagne d'Enée, elle fut la reine de Carthage et se suicida au départ d'Énée.) et les autres, tous condamnés à la tristesse pour l'éternité.
Le Phlégéthon, plus connu sous le nom de Tartare, où souffrent pour l'éternité les pires criminels, châtiés pour toujours. Cette partie des Enfers n'est pas visible car elle se trouve beaucoup plus profondément dans les Enfers. C'est ici que sont enfermés les titans.
Au centre de ce pays sous terrain, se trouve un îlot sur lequel un magnifique château noir se dresse.
-Ah, c'est ici que vit ce bon vieux Hades, dit Orphée avec une pointe d'amertume dans la voix. On devrait aller fouiller son château pour trouver les Rubis.
-Oh, non, s'il te plaît ! S'exclame Vaëma. Je veux aller saluer Anchise ! J'ai besoin de savoir, de connaître son histoire !
-Tu veux dire, celui qui a séduit Aphrodite ? Le père d'Enée ?
-Exactement ! Il parait même qu'il peut nous aider dans notre quête, car il a un savoir impressionnant.
-Et... où crèche t'il ?
-Aux Champs Elysées, évidemment. C'est parti !
Le trio s'avance vers la rive où nagent des centaines d'âmes, attendant de se faire envoyer dans un des champs.
Une barque se trouve là. Dessus, un grand homme mince est habillé d'un voile qui recouvre son visage. Seuls ses yeux brillent dans l'obscurité de son ombre.
-Je suis Charon. Si vous voulez passer, il vous faudra payer, dit-il en frottant ses doits pour mimer du liquide.
-Euh... nous avons de l'or. Nous voulons aller... aux Champs Elysées.
-Ah ! Ça ne marche pas comme ça, mon petit, dit Charon à Orphée. Il faut d'abord que ton âme se fasse juger par les trois rois qui vont t'envoyer dans ton champs, moi, je ne fais que la liaison, si tu veux...
-Nous ne sommes pas morts ! S'écrie Orphée. Nous sommes bien vivants, et nous avons l'autorisation d'Hades de parcourir comme bon nous semble les Enfers !
Charon semble réfléchir un instant, puis marmonne :
-Aaaah, c'est donc eux les petits chercheurs de pierre... oui, maintenant qu'il le dit... ça me revient... mais, ils sont plus que deux, là... on m'a signalé un duo, pas un trio...
-Je... Je suis ici pour les aider, je les ai rejoint dans leur périple, les dieux ne devaient pas être au courant de ma présence ! Dit Orphée.
Charon le toise de haut, puis il finit par dire :
-Aller, montez, c'est bon...
Puis, une fois qu'ils sont installés dans la large barque, Charon donne un coup de rame qui remue à peine le Styx tranquille. Il traverse ainsi en silence le fleuve, en chantant le générique de « la mort est un long fleuve tranquille », puis la barque cogne le rebord des Champs Élysées. Le trio débarque et avance, leurs pieds courbants légèrement l'herbe sous leurs pas. Des hommes et des femmes chantent et dansent, et le trio cherche des yeux le vieux sage.
Orphée arrête un homme en lui demandant où trouver Anchise, mais l'homme répond :
-Vous en avez des questions, vous ! Et sinon, vous me reconnaissez ? Demande-t-il en secouant ses cheveux blonds.
-Oooh ! Vous êtes Achille ! S'exclame Vaëma en voyant la flèche plantée dans le talon du héros.
Celui ci répond d'un hochement de tête frénétique.
Soudain, un vieil homme se lève d'un banc et s'avance vers Danawhël. Il s'arrête et la regarde avant d'ajouter :
-Hum. C'est moi, Anchise. J'ai entendu mon nom. Que me voulez-vous ?
Vaëma secoue sa tête pour reprendre ses esprits et lui demande :
-Comment avez vous séduit Aphrodite ?
La discussion entre alors dans un sujet où il est question de cheveux soyeux, de musculation et de physique. Orphée est plié en deux à côté d'eux.
Soudain, aussi puissant que bref, un tremblement remue le sol.
-Trêve de plaisanterie ! Nous devons expressément retrouver le Rubis Noir avant qu'il ne soit trop tard ! Crie Orphée.
-J'en ai entendu parler plusieurs fois, dit alors Anchise. Vous savez, les morts ont des oreilles ! Les dieux sont apeurés. Zeus est en danger de mort ! Il sera le premier immortel à mourir. Je pense savoir où se trouvent les Rubis.
Avec délicatesse, Anchise touche le sol de sa canne. Il remue quelques instant l'herbe fraîche afin de créer une sorte de flaque miroitante. Il dit alors, ses traits se convulsant sous l'effort :
-Montre moi la pierre de mort, celle du plus fort, celle dont aucun sort ne peut causer la mort.
Après cette tirade, une image floue apparaît sous l'eau. De plus en plus nette, on remarque alors une petite pierre d'un noir luisant, toute lisse. L'image recule et cette fois, Danawhël ne peut se résoudre à masquer sa surprise. La pierre est accrochée en collier au cou de Charon !
Le trio sursaute, se dévisage et, tout en remerciant Anchise, ils se précipitent vers la rive. Malheureusement pour eux, Charon est déjà loin. Vaëma se précipite au sol et saisit dans son sac un morceau de verre, qu'elle taille rapidement à l'aide d'un couteau. Elle finit par créer une longue vue. Regardant à travers, elle remarque que Charon se trouve à deux rives des Champs Élysées, soit au Champs des Pleurs.
-Il est là bas ! On y va ?
Les deux autres acceptent immédiatement.
Nouveau tremblement.
Ils se mettent à courir, le plus vite possible, en évitant les âmes qui se traînent par ci par là. Arrivés au bord du fleuve, ils font un dernier sprint avant d'arriver devant le maître de la barque.
-Tiens ! Vous êtes de retour, s'exclame Charon.
Vous avez trouvé ?
-Oui ! Votre collier ! La pierre est attachée autour de votre cou !
Soudain, Charon grimace. Son visage se tord en un sourire crispé.
-Ah, d'accord... eh bien, eh bien, maintenant que vous savez où elle est, vous pouvez partir !
Elle est en sûreté avec moi !
-Ça, je ne pense pas, répond Orphée. Vous êtes un personnage mesquin. Je parie que vous allez donner la pierre à Chronos dès que celui-ci sera libre !
Charon agrippe son collier.
-Vous ne savez rien ! Qui êtes vous pour affirmer cela ?
-Je vous ai vu ! La dernière fois que je suis allé mander ma retrouvaille avec ma nymphe, vous étiez proche du Tartare ! Je croyais que c'était uniquement pour votre travail que vous vous trouviez là bas !
Tremblement.
-C'est vrai. Mais moi, contrairement à tous ceux qui sont ici, je ne suis pas mort. J'ai reçu l'immortalité de la part d'Hades, et je ne dépend que de lui ! Je suis esclavagé !
Nouveau tremblement.
-Et alors ? Vous préférez peut être être esclave de Chronos plutôt que d'Hades ? On peut implorer la pitié d'un dieu, mais pas d'un Titan !
Troisième tremblement, extrêmement puissant cette fois.
Charon, pris au dépourvu par les propos d'Orphée, semble hésiter un instant.
Danawhël profite de ce moment de faiblesse pour tendre la main et la poser délicatement sur celle de Charon. Au contact d'une peau chaleureuse, Charon baisse les yeux et une petite larme coule le long de sa joue. Ses doigts se détendent doucement.
Soudain, un immense bruit de casse survient, comme une chaîne qui se brise. Le sol des Enfers se met à trembler très fort. Le trio se retourne et voit un œil. Un œil immense sort de l'entrée du Tartare. Les yeux, puis la tête, puis la main. Un Titan sort du Tartare. Son haut crâne touche presque le plafond de pierre de la grotte.
Il éclate de rire. Ça y est, il est enfin sorti ! Depuis le temps qu'il attend ce moment !
-CHARON ! Crie Chronos. MONTRE TOI ET REMETS LA MOI !
Charon sursaute. Sa main se referme de nouveau sur la pierre et il tourne le dos au trio. Il se met à trembler et crie :
-Je suis ici !
Tremblant, Charon regarde le titan se tourner lentement vers lui. Chronos sourit et tend la main.
Vaëma saute, mord Chronos, et attrape la main toujours fermée de Charon. Le Titan commence à s'agiter. La douleur s'installe sur son doigt.
« Une nymphe des eaux... » pense t'il. « Son poison peut être très dangereux, mais je suis un Titan, donc j'aurais mal, mais je ne vais pas mourir »
Vaëma mord aussi Charon, qui pleure sans lâcher le bijou.
-Il m'a promis... Il m'a promis de me libérer ! Sanglote Charon. Je ne vais pas lâcher.
C'est alors qu'un deuxième Titan sort du Tartare. En même temps, une âme s'approche du combat. Orphée se retourne et reste bouche bée.
-...Eurydice...? Murmure Orphée.
-Oui, c'est moi, dit la nymphe en souriant.
Sa peau translucide est recouverte par des tissus fantomatiques. Ses cheveux blonds sont argentés et ses yeux ont gardé leur éclat d'émeraude.
Elle s'approche de son bien aimé. Elle lui attrape tendrement le bras et lui embrasse la joue.
Après quoi, elle fronce les sourcils et dit, d'une voix posée, aux Titans :
-Vous allez être bien sages et vous allez retourner vous coucher.
Chronos, déstabilisé par cette apparition, rigole à gorge déployée. Lui, retourner se coucher comme un vulgaire chien ?
Mais ce moment d'inattention est utilisé par Anchise, qui arrive derrière eux a pas de loups et, d'un coup de canne sur le coude, fait lâcher la pierre à Charon. Danawhël la récupère et commence à courir vers la sortie. Eurydice pousse son amant vers la nymphe en lui murmurant un dernier « au revoir » et elle fonce vers le Titan, qui se rend compte de son erreur. Vaëma rejoint ses amis et ils courent ensemble vers la sortie.
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